Point de presse de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, notamment sur la situation au Proche-Orient, la question du Kosovo, le dossier nucléaire iranien, le Darfour et les négociations commerciales internationales, à Bruxelles le 18 juillet 2006.

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Circonstance : Conseil affaires générales et relations extérieures, à Bruxelles (Belgique) le 18 juillet 2006

Texte intégral

Si vous me le permettez, je commencerai par la session "relations extérieures", puisque, comme vous l'imaginez, nos discussions ont très largement porté sur l'actualité, en particulier sur la situation au Proche-Orient. Nous avons, bien sûr, évoqué d'autres sujets : ce matin l'OMC et la Conférence de Rabat pour les Affaires générales, j'y reviendrai, puis, sur le sujet "relations extérieures", d'autres situations d'actualité, le Kosovo et la Serbie, la situation au Darfour, la République démocratique du Congo et bien sûr, l'Iran. Je vous dirai quelques mots sur chacun de ces sujets avant de répondre à vos questions.
Sur le Proche-Orient, vous savez que Javier Solana s'est rendu, à la demande de l'Union européenne, à Beyrouth hier. Il vient de nous rendre compte de son évaluation de la situation. L'escalade en cours dans la région est extrêmement préoccupante. Elle menace la stabilité de la région et tout l'avenir du processus de paix. Nous considérons que nous ne pouvons pas laisser la situation s'aggraver, au risque de devenir presque incontrôlable. Ce n'est l'intérêt de personne, d'aucune des parties et d'aucun de nos pays.
La première demande des Européens est de mettre un terme à la violence, tant au Liban qu'à Gaza. Il y a déjà eu trop de pertes inacceptables en vies humaines et des destructions d'infrastructures et d'équipements lourds. La priorité des priorités, aujourd'hui, est donc l'arrêt de la violence, l'arrêt des hostilités, le plus rapidement possible, immédiatement, et un cessez-le-feu qui puisse être durable, j'insiste sur ce point.
Par ailleurs, mais vous le savez aussi, compte-tenu de la gravité de la situation, le Premier ministre, accompagné de Philippe Douste-Blazy est, en ce moment-même, à Beyrouth pour exprimer le soutien et la solidarité de la France avec le peuple libanais et pour évaluer le dispositif que nous sommes en train de finaliser. Il s'agit de permettre à ceux de nos compatriotes ou à d'autres ressortissants européens qui souhaiteraient le faire de partir du Liban. Il s'agit également, dans la mesure du possible, de regarder comment répondre aux besoins humanitaires de la population libanaise. Un communiqué a été rendu public ce matin par l'Hôtel de Matignon, je vous y renvoie.
Afin de créer les conditions d'une cessation des hostilités, nous avons exprimé notre soutien, bien évidemment, à la mission menée dans la région en ce moment par le représentant du Sécrétaire général des Nations unies, M. Nambiar. Nous avons aussi adopté une déclaration qui a fait l'objet de longs débats au moment de notre déjeuner de travail, déclaration qui précise le point de vue des Européens et que vous aurez dans quelques instants.
La fin des violences au Liban requiert que les deux soldats israéliens, dont l'enlèvement est à l'origine de la crise actuelle, soient libérés immédiatement, sans conditions et sains et saufs. Cela requiert aussi que les tirs de roquettes sur le territoire d'Israël cessent immédiatement, que le gouvernement libanais étende son autorité à la totalité de son territoire, conformément à la résolution 1559 du Conseil de sécurité. Nous avons d'ailleurs apporté notre soutien au gouvernement de M. Siniora dans ce sens. Il faut appliquer intégralement la résolution 1559. La fin des violences requiert également que les bombardements qui touchent les populations civiles et détruisent des infrastructures cessent, car ils affectent durablement la viabilité du Liban.
La déclaration des 25 reconnaît, bien sûr, le droit légitime pour Israël de se défendre et de défendre la vie des ses citoyens. On considère que ce droit doit s'exercer de manière proportionnée, nous l'avons rappelé. Ceci n'a pas toujours été le cas, le Président de la République l'avait indiqué dès le 14 juillet, et ce qui se passe depuis cette date renforce notre préoccupation.
Cette exigence d'une fin des hostilités, du retour à une situation normale, acceptable vaut, bien évidemment, pour Gaza également et là, vous le verrez, nous considérons qu'il est essentiel d'obtenir la libération, sain et sauf, du soldat israélien enlevé et aussi que soient libérés les ministres et parlementaires du Hamas qui ont été arrêtés par Israël. Nous l'avons affirmé clairement. Il est également essentiel que l'Autorité palestinienne agisse contre les groupes armés et prenne des mesures effectives contre les tirs de roquettes. Il faut que ceux-ci cessent. Enfin, nous rappelons le souhait de l'Union européenne que les populations civiles soient respectées et qu'elles n'aient pas à pâtir d'actions disproportionnées de la part d'Israël.
Pour ce qui concerne Gaza, en outre, il est bien sûr fondamental, le texte le rappelle, de reprendre le dialogue, en particulier avec le président de l'autorité palestinienne afin de pouvoir revenir au principe même d'un processus de paix. C'est cela seulement qui permettra de mener à la solution contenue dans la feuille de route, c'est-à-dire, la solution de deux Etats.
Nous avons salué le travail effectué par la Commission dans ces conditions particulièrement difficiles - nous leur rendons hommage - pour mettre en place le mécanisme international d'aide à la population palestinienne, une population qui en a plus que jamais besoin.
Sur l'Iran, Javier Solana a rendu compte de ses conversations avec la partie iranienne et des décisions prises dans les différentes réunions, notamment celle de Paris. Je rappelle que les 6 ont présenté le 6 juin dernier à l'Iran une offre au nom de la communauté internationale, une offre extrêmement généreuse et qui respecte les droits de ce pays à disposer de l'énergie nucléaire civile, à condition, bien sûr, que l'Iran tienne ses engagements en matière de non-prolifération.
Nous avons adopté, aujourd'hui, une déclaration à 25, pour appuyer la démarche des 6, des trois Européens et de leurs trois partenaires, avec le soutien de l'ensemble des pays européens. Nous avons également soutenu la démarche décidée à Paris la semaine dernière, le 12 juillet, conduisant à retourner devant le Conseil de sécurité compte tenu de l'absence de réponse ou d'intérêt de la part de l'Iran pour l'offre internationale qui lui a été faite. Nous espérons que l'Iran saura saisir la main tendue et prendra les mesures nécessaires pour revenir rapidement à la table des négociations. Nous avons enfin, et à nouveau, évoqué la situation des droits de l'homme, qui demeure extrêmement préoccupante.
Sur la Serbie et sur le Kosovo, nous avons entendu M. Martti Ahtisaari, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour les négociations sur le statut final du Kosovo. Je l'avais moi-même rencontré, ce matin, à titre bilatéral. Nous lui avons exprimé notre soutien, nous appuyons son approche pour la poursuite des négociations entre Belgrade et Pristina avec, dans quelques jours, des discussions au niveau politique, après les discussions techniques. Cette réunion est prévue prochainement, puisque la date du 24 juillet a été citée par M. Ahtissari. Nous espérons, bien sûr, que les autorités de Belgrade participeront bien à cette réunion, sans condition préalable, dans un esprit de coopération et, d'autre part - je parle pour la France - nous les encourageons vivement à le faire.
La troïka rencontrera ce soir le Premier ministre serbe, M. Kostunica. La coopération de la Serbie avec le TPIY sera évoquée, puisque les autorités serbes préparent en ce moment, en liaison avec le Tribunal, un plan d'action à ce sujet. Je rappelle que la coopération pleine et entière de la Serbie avec le TPIY qui est pour nous essentielle et lorsque je dis pour nous, je parle pour l'ensemble des Européens, depuis que les choses ont été clairement fixées en 2000, au moment du sommet de Zagreb. La conditionnalité existe depuis l'origine.
Le dialogue qui s'est engagé avec le TPIY est une bonne chose, du moins il peut l'être si cela conduit à mettre Belgrade devant ses responsabilités. J'ai rappelé que c'était aux autorités serbes, et à elles seules, qu'il revient de se fixer pour objectif d'arrêter et de transférer Mladic et ceci, de notre point de vue, doit être clairement mentionné dans le plan d'action. Je fais à cet égard mienne la réflexion faite par le commissaire Olli Rehn ce matin : dans "plan d'action", il y a "action". Il faut agir. La coopération est pour nous une condition pour la reprise des négociations pour un Accord de stabilisation et d'association.
Pour conclure sur cette partie "relations extérieures", quelques mots sur le Soudan, le Darfour, le Tchad et la République Démocratique du Congo. Sur le premier volet, mes collègues et moi-même avons réitéré notre soutien à la mission de l'Union africaine au Darfour, en particulier à la veille de la conférence des donateurs qui se tiendra à Bruxelles demain.
J'ai marqué notre inquiétude devant l'extension de l'insécurité au Darfour vers les pays voisins et notamment vers le Tchad. J'ai marqué également notre très grande préoccupation devant la situation sécuritaire et humanitaire dans les camps de réfugiés, au Soudan et au Tchad où il y a 200.000 personnes réfugiées ou déplacées. Il est nécessaire que nous réfléchissions avec nos partenaires européens à la façon dont nous pourrions soutenir les pays africains pour les aider à mieux répondre à ces difficiles problèmes et apporter notre contribution à la baisse de l'insécurité.
Enfin, sur la République démocratique du Congo, vous savez que les élections présidentielles et législatives doivent se tenir le 30 juillet. Cette date sera très importante, elle marquera la fin du processus de transition, engagé en 2002. L'Union européenne s'est engagée résolument, en appui de ce processus avec une opération de Politique étrangère et Sécurité commune, en appui des Nations unies, et avec une mission d'observation électorale. Ces opérations et ces missions seront opérationnelles à la date prévue, donc avant la tenue effective des élections.
Ce matin, nous avons eu la partie "affaires générales". Je ne parlerai que des négociations commerciales internationales et de la conférence de Rabat.
Sur la question des négociations commerciales internationales, nous avons entendu le commissaire Mandelson faire le point sur les négociations. Je suis intervenue pour faire un certain nombre de rappels. D'abord, celui qu'à chaque étape des négociations, il est important de réaffirmer notre objectif, celui d'un accord ambitieux, équilibré, global et réellement conforme au mandat donné par le Conseil. La PAC réformée détermine la limite des marges de négociation de l'Union sur les questions agricoles. L'Union attend donc de ses partenaires commerciaux des contreparties réelles, tangibles et proportionnées aux offres importantes qu'elle-même a déjà faites aussi bien en matière agricole que dans les autres domaines.
Autre rappel qui me semblait utile, celui de l'offre du 28 octobre 2005. C'est une offre substantielle, qui se situe aux limites du mandat de négociation et elle est conditionnelle. J'ai insisté plus particulièrement sur le caractère conditionnel de cette offre dans la mesure où elle n'a pas été suivie, à ce stade, de mouvements comparables de la part des autres partenaires des négociations, que ce soit pour l'agriculture ou pour les autres sujets.
J'ai enfin remercié la Présidence en prévision des prochaines étapes de cet été, de prévoir, dès à présent, et jusqu'à la prochaine session du Conseil en septembre, de convoquer spécialement le Conseil. Il doit pouvoir se réunir à tout moment si besoin est, pour permettre une véritable concertation avant chaque étape importante de la négociation, conformément à l'usage que nous voulons voir respecté. Vous verrez que le texte de conclusions correspond à nos objectifs, à la fois sur le rappel du mandat et sur les dispositions qui sont prises pour que le Conseil puisse se réunir à Genève à tout moment.
Un dernier mot sur la conférence de Rabat qui a été, du point de vue général, un grand succès. Je vous renvoie au texte adopté, qui nous engage, en ajoutant que la mobilisation doit se poursuivre pour que la mise en oeuvre soit à la hauteur des enjeux. Nous avons maintenant une déclaration politique et un plan d'action. L'essentiel est donc de passer à la mise en oeuvre pour que non seulement Rabat soit une première, avec les pays européens, les pays de transit et les pays d'origine, non seulement que nous nous retrouvions sur une approche commune à la fois globale et équilibrée, mais pour que nous fassions maintenant de cette conférence un point de départ et non un point d'arrivée.
Voilà ce que je voulais vous dire en introduction, vous avez sans nul doute des questions, donc je suis à votre disposition.
Q - Quel est au-delà des mots la suite des événements sur le Proche-Orient à partir d'aujourd'hui ? Et sur la Serbie et le TPIY ?
R - Sur le premier point, les mots comptent et il y aura ensuite des actions représentatives de la position des pays européens. Nous avons, aujourd'hui, exprimé notre position, fait des demandes précises et claires, aussi bien aux parties qu'à ceux qui se livrent à des tirs de roquettes de façon déstabilisatrice et préoccupante. Cela a été dit en des termes tout à fait nets il y a quelques jours par le président de la République. Je vous renvoie à ses propos.
Nous avons une position de l'Union européenne et des demandes de l'Union européenne, auxquelles les parties seraient bien inspirées de réfléchir. Pour le reste, le Haut Représentant est notre Représentant sur ces questions et il le demeure. Il a fait un premier déplacement à dans la région où il a rencontré notamment le Premier ministre M. Siniora. Il sera très certainement appelé à y retourner dans de très brefs délais. Nous lui avons demandé de continuer à être notre représentant et y compris en menant des contacts sur place, dans la région avec l'ensemble des parties prenantes.
D'autre part, nous agissons dans le cadre du Conseil de sécurité. La France et quelques-uns de ses partenaires n'avaient pas ménagé leurs efforts, il y a quelques jours, à l'occasion des débats qui se sont déroulés à New York, samedi, de façon à faire en sorte que le Conseil de sécurité puisse se prononcer. Cela n'a pas été possible, mais pour autant nous considérons que les Nations unies constituent le cadre approprié pour prendre des décisions si nécessaire, des décisions sur la situation au Proche-Orient. Vous avez vu, à la fois dans le texte du G8, et dans la déclaration d'aujourd'hui que les réflexions ont notamment porté sur un mécanisme international, une présence internationale. A ce sujet beaucoup de questions restent ouvertes auxquelles il appartiendra de répondre par le canal du Conseil de sécurité.
Sur le deuxième volet de votre question, et sur ce qui concerne le degré nécessaire de coopération de la Serbie avec le TPIY, dans ce cas, il est évident que l'avis de la Procureure du TPIY sera tout à fait déterminant pour que les Etats membres apprécient le degré de coopération de la Serbie ; c'est ainsi que les choses vont fonctionner.
Q - (inaudible)
R - Nous sommes 25 avec un sujet extraordinairement préoccupant, une situation qui est toujours dans une phase d'escalade avec un fort risque d'engrenage. Nous ne voulons pas voir les choses se poursuivre au point qu'elles deviendraient tout à fait incontrôlables. La façon dont nous exprimons notre position et nos demandes a été soigneusement choisie, de même, n'en doutez pas, que celle du G8 qui s'est exprimé hier, a aussi fait l'objet d'un échange tout à fait précis, comme c'est nécessaire d'ailleurs.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2006