Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les députés/sénateurs,
Comme le Premier ministre s'y est engagé, nous voici aujourd'hui réunis pour un débat sur l'un des enjeux essentiels pour la France et pour l'Europe : notre politique de l'énergie.
Face à la croissance de nos besoins en énergie, et surtout de ceux des pays d'Asie en fort développement, le caractère limité de nos ressources apparaît avec force : la fin de l'ère du tout pétrole est une réalité, les approvisionnements en gaz naturel deviennent un enjeu géostratégique essentiel, et une politique ambitieuse d'investissements dans des installations de production électrique est nécessaire pour accompagner l'augmentation de la consommation.
Notre débat d'aujourd'hui est un moment décisif. Je le dis avec calme, avec sérénité mais aussi avec une véritable solennité. Après nos échanges d'aujourd'hui chacun devra prendre en conscience ses responsabilités. Ce mot de « responsabilité » sur le sujet de l'énergie, est moins que jamais un mot en l'air.
La France, dans les cinquante dernières années, n'a raté aucun des grands rendez-vous, même les plus difficiles politiquement, dans le domaine de l'Energie. Qu'il s'agisse de l'hydraulique ou du nucléaire, pour n'en citer que deux qui sont dans tous les esprits, les dirigeants d'hier ont su apprécier à leur vraie mesure les défis d'alors. Malgré l'immense effort de pédagogie et de conviction qu'ils devraient déployer, ils ont su prendre les décisions les plus courageuses et les plus visionnaires. Grâce à eux, la France dispose aujourd'hui de substantiels atouts dont chacun se félicite au quotidien.
Nous sommes aujourd'hui face à des questions aussi décisives. Car face à la crise de l'énergie, le statu quo est moins que jamais une option. En fonction des décisions qui seront prises à l'issue de nos discussions, nous nous serons donnés, ou non, la possibilité de prendre en main l'avenir de Gaz de France, de peser davantage sur les rapports de force industriels et commerciaux en Europe et dans le Monde et de mieux maîtriser notre futur.
Chacun devra pondérer ce qui est réellement décisif et stratégique pour notre pays, pour l'entreprise GDF, ses salariés et ses consommateurs, de ce qui l'est moins.
Chacun devra juger sur pièces la réalité des défis et des menaces du monde qui et le nôtre, la qualité des réponses que les entreprises proposent d'y apporter et le sérieux des garanties dont le Gouvernement a décidé d'entourer ce grand projet.
Je sais que chacun ici est pleinement conscient de ces enjeux, convaincu de l'importance des échanges qui vont avoir lieu entre nous et surtout, que chacun et chacune d'entre vous apprécie pleinement le poids de notre responsabilité sur ce dossier.
1/ Les évolutions géostratégiques et économiques dans le domaine de l'énergie sont en effet extrêmement profondes et se sont encore accélérées depuis 2004.
Depuis 2000 et encore plus depuis 2004, le monde de l'énergie a profondément changé. Le monde a pris conscience de la réalité de l'épuisement désormais prévisible des ressources fossiles. Simultanément, la demande a explosé avec le dynamisme des nouvelles économies asiatiques alors même que l'instabilité géo-stratégique des zones de production ne cessait de croître.
Nous devons donc faire face à la quasi-disparition durable des surcapacités de production en matière d'hydrocarbures, qui a conduit à une forte hausse des prix, d'un pétrole à 28 $ le baril à 73 $ le baril, au renforcement des enjeux liés à la sécurité d'approvisionnement en gaz de l'Europe, et au mouvement considérable de consolidation des acteurs européens de l'énergie.
Au-delà de cette donnée, le caractère stratégique de la ressource gazière ou pétrolière en fait, de manière de plus en plus visible, une arme assumée sans états d'âme dans les rapports de force internationaux. C'était une évidence ancienne pour le pétrole ; ça l'est devenu également pour le gaz naturel.
C'est pourquoi à cette « dureté » croissante du rapport de force économique dans le secteur de l'énergie, répond une puissante vague de consolidation et de concentration dans les pays consommateurs.
C'est aujourd'hui que se constituent les acteurs majeurs de l'énergie de demain. Cette évolution est beaucoup plus rapide que ce qui pouvait être envisagé il y a encore quelques mois, et les décisions importantes ne peuvent attendre si nous voulons conforter notre indépendance énergétique. En effet, la politique énergétique dont je vais vous rappeler les grandes lignes n'a pleinement son sens que si elle peut s'appuyer sur des entreprises puissantes et dont la taille leur permet de faire face aux enjeux de ce nouveau monde. C'est le cas pour EDF. La question est plus délicate pour Gaz de France et pour Suez.
Car les énergéticiens européens cherchent tous à :
-disposer d'une taille critique, pour investir et pour renforcer leur pouvoir de négociation avec les producteurs (Russie, Algérie...) ;
-présenter une offre duale (gaz / électricité) pour répondreà la demande de leurs clients.
Les acteurs de l'énergie sont donc engagés dans une course à la taille, qui est un élément déterminant pour s'assurer l'indispensable capacité d'investissement en amont, pour l'approvisionnement ou la production. Les montants en jeu sur chaque investissement ou chaque contrat d'approvisionnement à long terme se chiffrent en milliards d'euros et laissent peu ou pas de place pour les acteurs de second rang. Il faut disposer à la fois d'une capacité financière de premier rang et d'une capacité de distribution très forte. Cette course se déroule aujourd'hui. Personne ne peut dire comment elle se terminera. Elle peut prendre la caractéristique d'une bulle, comme nous avons pu en connaître dans d'autres secteurs.
La dimension de ces enjeux est désormais planétaire. Je vous invite à vous reporter à la lecture du « Monde » de ce soir, qui décrit très justement ces enjeux.
2/ Pour répondre à ces enjeux stratégiques de l'énergie, nous menons de longue date une politique ambitieuse et volontaire. Je voudrais en rappeler les grandes lignes.
-Pour répondre aux défis des prix du pétrole, nous avons engagé un dialogue constructif avec les principaux pays producteurs, afin de favoriser les investissements dans les installations de production et de raffinage et d'améliorer la transparence des marchés pour lutter contre les phénomènes spéculatifs.
-Pour favoriser les investissements dans les outils de production d'électricité, nous réalisons une démarche prospective à moyen terme, la programmation pluriannuelle des investissements dont nous venons de vous transmettre le dernier rapport pour 2005-2015. Elle permet à toutes les parties prenantes de disposer d'une information fiable sur l'évolution des besoins et des ressources en électricité, et ainsi susciter les investissements nécessaires. Par ailleurs, l'augmentation de capital d'EDF rendue possible par son introduction en bourse, lui a donné les moyens de réaliser un programme de 40 Mdeuros d'investissements d'ici 5 ans, à la fois dans la production et les réseaux.
Répondre aux enjeux des hydrocarbures chers, c'est aussi trouver des sources d'énergie alternatives, et limiter la croissance de nos besoins.
En matière de transport, l'action du gouvernement en faveur des biocarburants est également d'une ampleur sans précédent.
Un plan biocarburants très ambitieux a été engagé par le Gouvernement afin de porter nos objectifs d'incorporation à 7% en valeur énergétique en 2010 et 10% en 2015, soit au-delà des obligations communautaires. Deux appels d'offre ont ainsi été lancés sur 2005 et 2006 afin d'agréer les quantités nécessaires et permettre les investissements : ce sont ainsi 16 nouvelles usines qui seront construites représentant 2 Mdeuros d'investissements. Un nouvel appel d'offre sera lancé à l'été pour 1,1 million de tonnes d'agréments supplémentaires.
Au-delà de ces mesures et pour préparer ce qui sera, je pense, une des évolutions majeures de nos modes de consommation de l'après pétrole, j'ai mis en place un groupe de travail associant les industries des secteurs pétrolier, automobile et agricole ainsi que les consommateurs afin de développer le « flex fuel » à l'horizon 2010. J'ai demandé à Alain Prost de prendre la tête de ces travaux. Il devra élaborer un plan d'action afin de permettre à nos concitoyens à l'horizon 2010 d'acheter et d'utiliser sans contrainte un véhicule roulant indifféremment soit à l'essence comme aujourd'hui soit au bioéthanol (E85), grâce à un réseau de pompes vertes sur l'ensemble du territoire.
En matière d'électricité et de chaleur le soutien aux énergies renouvelables n'a jamais été aussi fort. Dès à présent la France occupe la place de premier producteur européen d'énergie renouvelable, devant la Suède et l'Allemagne. Nous nous sommes pourtant fixé des objectifs encore plus ambitieux d'ici à 2010 : +50% pour la chaleur renouvelable, 21% de l'électricité d'origine renouvelable contre 14% en 2004. Pour les atteindre nous avons mis en place des tarifs de rachat garantis pour l'électricité renouvelable, des crédits d'impôt ainsi que des subventions.
Dans le même temps, nous encourageons la maîtrise de la consommation d'énergie, en fixant des objectifs nationaux ambitieux et en mettant en place les outils pour les atteindre. Ainsi afin de réduire l'intensité énergétique de 2%/an d'ici 2015 nous avons augmenté les crédits d'impôt pour les équipements économes et préparé un marché de certificats d'économie d'énergie qui sera opérationnel au 1er juillet prochain. Par ailleurs nous avons demandé à l'Ademe d'intensifier ses campagnes de communication pour sensibiliser nos concitoyens et nous avons généralisé l'étiquetage des produits concernant la consommation en énergie, et notamment les véhicules.
3/ L'action des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin dans le domaine énergétique a donc été et continue d'être exemplaire. Elle s'est concrétisée par deux lois essentielles déjà adoptées par votre assemblée :
-Avec la loi du 9 août 2004, nous avons permis à EDF et Gaz de France d'être en mesure de saisir les opportunités stratégiques liées à l'évolution des marchés de l'Europe de l'énergie :
- En les dotant d'un statut adapté ;
- En réaffirmant leurs missions de service public ;
- En assurant la pérennité de leur régime de retraites.
Cette loi a permis de doter EDF et Gaz de France des capitaux nécessaires à leur développement, avec les ouvertures du capital de 2005. Ces évolutions ont été accompagnées d'engagements très clairs sur les investissements nécessaires au développement de ces entreprises et à la sécurité d'approvisionnement national. Les contrats de service public signés la même année par l'Etat avec ces deux entreprises ont permis de conforter leurs missions en matière de sécurité, de qualité de service rendu aux usagers et de présence territoriale, ainsi que de modération tarifaire.
Avec la loi du 13 juillet 2005, qui a établi la feuille de route de notre politique énergétique, centrée sur la maîtrise de l'énergie et sur le développement de capacités de production d'énergie nouvelles, renouvelables comme nous l'avons vu, mais aussi nucléaire, avec la décision de construire en France une 3e nouvelle centrale nucléaire de génération, l'EPR. Nous reprenons ainsi le flambeau de nos prédécesseurs qui, dans les années 70 ont su faire les choix stratégiques judicieux et doter notre pays d'un outil de production électrique unique au monde.
Enfin la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire en cours de promulgation ainsi que le projet de loi sur les déchets radioactifs débattu en seconde lecture cette semaine permettront de renforcer le cadre règlementaire applicable à ce secteur. Assurer la sécurité des installations, renforcer la transparence de l'information, gérer tous les déchets radioactifs de façon responsable et durable, telles sont les conditions que nous posons pour le maintien et le développement de la filière nucléaire.
4/ Nous conduisons ainsi que je viens de le rappeler une action volontariste, à grande échelle, et qui ne laisse de coté aucun des grands leviers de la politique énergétique. Dans ce contexte ainsi adapté et renforcé par un cadre législatif profondément modernisé, la responsabilité de chaque entreprise est de proposer les évolutions qui lui permettront de renforcer sa position à l'avenir, dans l'intérêt de ses clients, de ses salariés et de ses actionnaires.
C'est la responsabilité de la direction de Gaz de France, comme de celle de Suez et des autres groupes énergéticiens de choisir et proposer les meilleurs projets.
Cette analyse stratégique sur la situation de Gaz de France, l'entreprise l'a effectuée, et nous l'avons examinée au cours de la longue concertation que nous avons menée.
Elle conduit à un constat simple : face au mouvement de consolidation des acteurs de l'énergie en Europe, Gaz de France n'est qu'un acteur de taille moyenne par rapport aux géants comme EDF, EON et Enel.
Certes Gaz de France dispose de 7 millions de clients particuliers et de 11 millions de clients au total.
Certes Gaz de France a, avec ses 30 000 salariés, une capacité humaine et des savoirs faire unanimement reconnus.
Certes Gaz de France dispose de contrats d'approvisionnement à long terme négociés avant la hausse récente du prix du pétrole, qui lui assurent la sécurité d'approvisionnement à ce stade.
Certes, Gaz de France dispose d'un réseau de transport, d'un savoir faire reconnu auprès des collectivités locales françaises, d'une image extrêment forte auprès des Français.
Certes, Gaz de France a tout cela, Mais :
Gaz de France n'est un acteur décisif dans le gaz qu'en France, et ne représente que 14 % des ventes de gaz en Europe. Dans un marché ouvert à l'échelle de l'Europe, il ne sera qu'un acteur de petite taille.
Gaz de France n'est que le distributeur d'un gaz qu'il achète. Son activité de production est encore très faible. Dans un contexte où le rapport de force est favorable aux producteurs, Gaz de France sera soumis, comme les autres distributeurs, à une forte pression lors de la renégociation de ses contrats.
Gaz de France n'est pratiquement pas présent dans l'électricité. Or, dans un marché de l'énergie qui se consolide, il est indispensable de pouvoir offrir le choix à ses clients entre plusieurs sources.
Face à ce constat, on ne peut que tirer la conclusion que Gaz de France doit pouvoir s'adapter et trouver les alliances qui seront les meilleures pour l'entreprise. Ces alliances ne seront possible que si Gaz de France dispose d'une liberté suffisante sur son capital.
Ce constat, Gaz de France l'a partagé à l'automne dernier avec le groupe SUEZ, qui parvenait aux mêmes conclusions pour sa propre situation.
Conscients de ces défis stratégiques, Gaz de France et Suez ont amorcé des discussions dès l'automne 2005 en vue d'une coopération industrielle, qui ont déjà débouché sur un premier accord dans la production électrique dans le sud de la France.
Mais il est rapidement apparu qu'un rapprochement plus étroit avec Suez permettrait à Gaz de France de compenser ses faiblesses stratégiques tout en conservant la maîtrise de son développement au travers d'un mariage entre égaux. Du point de vue de Gaz de France, l'alliance avec Suez est la meilleure perspective stratégique, comme cela a été relevé par la totalité des analystes du secteur, avec une complémentarité géographique et technique parfaite. Sans destruction d'emplois, au contraire, les synergies sont supérieures à celles d'une alliance avec un opérateur Britannique ou Espagnol, avec lesquels l'intégration des équipes aurait par ailleurs été plus complexe.
En devenant le 1er fournisseur de gaz en Europe, le nouveau groupe serait incontournable pour les producteurs, ce qui lui offrira les meilleures perspectives pour acheter du gaz dans les conditions les plus compétitives et ainsi mieux servir ses clients. Il sera également en mesure de mener une politique encore plus volontaire d'investissement dans l'amont gazier. Il en aura les moyens financiers. Il aurait une capacité équilibrée en électricité et en gaz, qui est un atout considérable pour ses clients.
Suez et Gaz de France se connaissent bien, et ont des cultures d'entreprises proches et partagent déjà un grand nombre de valeurs, notamment les valeurs de service public fondées sur une activité reposant largement sur des délégations de service public. A ce titre, toutes les missions de service public de Gaz de France dans l'énergie et de Suez dans l'eau seraient naturellement maintenues et tous les engagements pris dans ce cadre seront tenus.
Compte tenu des complémentarités exceptionnelles que présentent ces deux entreprises, elles ont rapidement été convaincues que leur fusion était le meilleur projet stratégique pour Gaz de France et pour Suez.
5/ Compte tenu de ces éléments, vous l'avez compris, la démarche du gouvernement a été dictée par l'esprit de responsabilité : notre objectif est de préparer le meilleur avenir industriel possible pour Gaz de France, pour qu'il continue à contribuer à notre sécurité énergétique.
Nous avons dressé un premier constat : il est vital pour Gaz de France de disposer de flexibilité sur son capital pour se renforcer par le biais d'alliance ou de fusion.
Nous avons dressé un deuxième constat : cette question se pose dès aujourd'hui. La différer, c'est prendre le risque que Gaz de France soit isolé et n'ait plus d'allié possible à l'avenir.
Enfin un projet industriel de rapprochement avec Suez nous a été proposé par Gaz de France avec le soutien de Suez. Ce projet a été reconnu par tous les experts du secteur comme le plus porteur pour l'entreprise. Après l'avoir expertisé pendant trois mois, je vous confirme également ma conviction de ministre de l'industrie que c'est le meilleur projet industriel envisageable pour l'entreprise et le plus complémentaire.
Pour agir en toute responsabilité, le Gouvernement devait réunir tous les éléments d'appréciation. C'est pourquoi nous avons engagé une démarche en trois temps :
Le premier temps : celui de la concertation
- D'un point de vue social : après plus de 30 réunions, des réponses écrites ont été apportées à 71 questions des syndicats. La concertation sociale a été d'une ampleur et d'une qualité sans doute sans précédent, tant sur la forme que sur le fond.
- D'un point de vue juridique : nous avons saisi le Conseil d'État pour examiner les conséquences du projet de fusion sur les missions de Gaz de France. Le Conseil d'État a confirmé que la privatisation de Gaz de France était possible sans impact sur le périmètre et les activités actuelles de l'entreprise.
- D'un point de vue sectoriel : le Conseil Supérieur de l'Électricité et du Gaz a été saisi d'une concertation sur l'adaptation nécessaire du marché de l'énergie en France à nos engagements européens. Au terme d'un travail d'un grand sérieux, il a pu orienter nos travaux afin de préserver les intérêts des consommateurs, j'y reviendrai tout à l'heure ;
- Avec les parlementaires : nous avons voulu ce débat, dans le temps de la concertation, pour permettre à chacun de peser l'ensemble des enjeux liés à ce projet et au secteur de l'énergie.
Viendra ensuite le deuxième temps : celui du débat législatif, si vous partagez l'opinion du Gouvernement de la nécessité de donner à Gaz de France la souplesse nécessaire à la réalisation de ses projets et alliances industrielles, pour faire face aux nouveaux défis de l'énergie tout en sécurisant les aspects stratégiques pour la nation et les consommateurs. Le gouvernement a engagé la préparation d'un projet de loi qui est en cours d'examen au Conseil d'Etat. Je souhaite que le débat que nous avons aujourd'hui nous permette d'avancer dans la définition du contenu éventuel de ce texte.
6/ D'ores et déjà, nous avons entendu les questions qui émergeaient, de votre part, de la part des partenaires sociaux, et de l'ensemble des acteurs.
-Quel est le niveau adéquat de contrôle du capital Gaz de France par l'Etat ?
Il faut trouver un équilibre entre la flexibilité nécessaire à Gaz de France pour nouer des alliances et le contrôle d'une part suffisante du capital de l'entreprise par l'Etat.
Comprenons nous bien : il ne s'agit en aucun cas de vendre des actions. Le seul objectif est de permettre la réalisation d'un projet industriel en donnant des marges de manoeuvre à l'entreprise pour lui permettre de faire face à un enjeu vital.
Pour cela, il nous semble qu'il est souhaitable de ramener l'obligation de détention du capital de Gaz de France par l'Etat à un tiers. Avec cela, l'Etat conserve des pouvoirs d'actionnaire très significatifs. Par la minorité de blocage, il a la possibilité de s'opposer à toute décision qu'il jugerait contraire à ses intérêts d'actionnaire. Il conserve naturellement tous les pouvoirs de régulation.
Pour compléter ces pouvoirs d'actionnaire, il nous parait indispensable que le projet de loi prévoie les mesures permettant d'assurer le contrôle public sur le nouveau groupe, afin que les intérêts nationaux soient protégés, en particulier en ce qui concerne la sécurité d'approvisionnement. C'est dans ce but que la mise en place d'une action spécifique (golden share) sera proposée.
Elle permettra à l'Etat de s'opposer à toute décision de l'entreprise qui remettrait en cause les intérêts nationaux, dans le respect de nos engagements européens. Le seuil de détention minimal d'un tiers du capital sera prévu dans la loi. Enfin, des commissaires du gouvernement seront placés dans les filiales régulées du nouveau groupe.
-Quelle sera la prochaine étape, le nouveau groupe sera-t-il Opéable ?
Avec plus d'un tiers du capital détenu par l'Etat, les évolutions industrielles ou capitalistiques futures du groupe supposeront nécessairement le soutien de l'Etat.
Y a-t-il un impact sur les missions de service public et sur les tarifs ?
Je veux le dire de la façon la plus claire : il n'y a aucun lien entre la détention du capital et les tarifs ou la définition des missions de service public.
L'un comme l'autre sont et resteront définis par l'Etat sous le contrôle de la Commission de régulation de l'énergie.
J'ajoute que tous les engagements envers les partenaires sociaux seront respectés : le statut du personnel des industries électriques et gazières sera maintenu, l'existence d'un service commun entre EDF et Gaz de France pour la distribution réaffirmée dans la loi. Pour les salariés de Suez et de Gaz de France, c'est la chance de participer à l'essor d'un nouveau géant industriel tout en conservant un statut auquel ils sont très attachés.
Comment assurer la protection du consommateur sur le marché de l'énergie ?
Cette question est essentielle et je veux m'y arrêter un instant. La protection du consommateur est une préoccupation première du Gouvernement, même si vous m'accorderez sans doute le fait qu'elle se pose de toutes façons, indépendamment du capital de Gaz de France. Nous devons faire des choix importants pour l'organisation du marché de l'électricité et du gaz en France.
Je veux tout d'abord faire le point précisément sur la fourniture de gaz et d'électricité aux particuliers :
Nous devons éviter une situation de vide juridique au 1 er juillet 2007 pour nos concitoyens vis-à-vis de leurs fournisseurs de gaz et d'électricité. Pour cela, des mesures législatives sont nécessaires pour transposer les directives européennes sur le marché de l'énergie, dans des conditions permettant la protection des consommateurs.
En effet, les directives européennes de 2003 prévoient l'ouverture complète à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz. Ces directives sont d'application directe sur certains points. Ainsi même sans transposition législative, les consommateurs pourraient se faire démarcher dès le 1 er juillet 2007 par des concurrents d'EDF et de Gaz de France, en dehors de tout cadre.
Pire, c'est tout notre édifice juridique définissant les tarifs réglementés qui risquerait de devenir obsolète dès le 2 juillet 2007, et qui pourrait être annulé en cas de contentieux.
Notre responsabilité collective est donc de proposer un cadre cohérent afin de protéger les consommateurs. La date du 1 er juillet 2007 doit se traduire par des possibilités supplémentaires pour eux, non par la fin des tarifs réglementés qui constituent une légitime protection. Pour cela, il convient de transposer la directive tout en fixant des règles prémunissant les consommateurs contre toute dérive et en dotant l'existence de ces tarifs d'une base juridique adaptée.
Il serait inenvisageable de traiter le projet Suez - Gaz de France sans répondre simultanément aux nombreuses questions, des partenaires sociaux, des acteurs du secteur et de la représentation nationale sur l'évolution du secteur de l'énergie et en particulier sur les questions de coexistence entre prix et tarifs.
Comme je l'évoquais tout à l'heure, nous avons saisi le Conseil Supérieur de l'Électricité et du Gaz, [présidé par J-C Lenoir et auquel d'autres parlementaires comme les députés De Gaulle et Nicolas et les Sénateurs Revol et César participent,] sur ces sujets. Au terme d'un travail d'un grand sérieux, au cours duquel toutes les parties prenantes ont pu s'exprimer (syndicats, entreprises, consommateurs, collectivités locales, CRE...), il nous a rendu un rapport qui a orienté nos travaux.
Malgré les points de vue naturellement divers qui s'expriment au sein du CSEG, plusieurs constats ont émergé :
-la France a su mettre en oeuvre les directives européennes tout en conservant un modèle propre original et efficace. Cette plus-value doit être conservée,
-le développement des investissements associé à une politique de maîtrise de l'énergie constituent des fondamentaux indispensables,
-le maintien de l'existence de tarifs réglementés.
Nous privilégierons donc une approche favorisant systématiquement la protection des consommateurs
Le Gouvernement souhaite proposer à tous les consommateurs particuliers qui le souhaitent de pouvoir rester au tarif réglementé. Dans les propositions que nous pourrions vous faire dans un projet de loi, nous veillerions par exemple à ce qu'à chaque déménagement, une personne puisse à nouveau avoir accès à ce tarif.
Enfin, nous proposerions la mise en place d'un tarif social pour le gaz, similaire à celui existant pour l'électricité : les personnes en situation de précarité pourront avoir accès à une certaine quantité de gaz naturel dans des conditions préférentielles.
En second lieu, je souhaite aborder la question sensible des prix de marché pour les entreprises, notamment pour les PME et PMI.
L'évolution récente des prix de l'électricité fournie aux entreprises par les opérateurs sur le marché concurrentiel est une préoccupation majeure pour le Gouvernement.
Mais là aussi, il faut être clair. Ce sujet est totalement indépendant de celui des tarifs du gaz ou de l'électricité, comme il est indépendant de la question du capital de Gaz de France.
Confrontée à la forte hausse du prix des hydrocarbures et à la disparition des surcapacités de production en électricité, l'Europe voit les prix de l'électricité augmenter de façon importante et continue depuis 2004. Les entreprises qui ont choisi entre 2000 et 2003 de faire jouer la concurrence et de bénéficier de prix inférieurs aux tarifs se trouvent aujourd'hui parfois confrontées à des hausses trop importantes.
J'entends le mécontentement de certains industriels, qui voient les prix de leurs contrats augmenter d'une façon parfois inacceptable, et je les partage. Ce mécontentement est compréhensible et appelle une réponse forte
Nous allons y répondre de manière claire et concrète :
-par une réponse structurelle permettant d'assurer une capacité de production suffisante à long terme. C'est tout le sens de l'action gouvernementale en matière d'investissement en France et en Europe.
-en apportant une réponse coordonnée avec d'autres pays européens. Nous avons mis en place un groupe de travail avec 4 autres pays européens, et notamment l'Allemagne, pour proposer des actions visant à limiter l'impact excessif du marché du CO2 sur la formation des prix de l'électricité, et en particulier demander une révision de la directive quotas
-par des réponses directes à court terme. Pour aider à améliorer la situation des entreprises consommatrices d'électricité qui subissent des hausses importantes, le Gouvernement prend des mesures significatives :
o pour les entreprises électrointensives un dispositif de consortium, mis en place par la LFR2005, a permis à ces industriels de se regrouper pour investir indirectement, à travers les producteurs d'électricité, dans des moyens de production, et bénéficier en contrepartie, sur de longues périodes, de prix stables fondés le plus possible sur les coûts de production. Ce sont plus de 60 entreprises qui sont concernées (PME comme grands groupes) représentant 20% du marché de l'électricité ouvert à la concurrence ;
o pour les PME et PMI, les entreprises concernées par une hausse brutale des prix de l'électricité sont en nombre modéré, mais elles se trouvent parfois confrontées à des situations très difficiles. Pour faire face à cette difficulté réelle, François Loos a organisé une table ronde le 15 mai dernier avec les producteurs d'électricité. Elle a permis d'obtenir plusieurs engagements concrets de modération des prix en faveur des entreprises :
-les producteurs se sont engagés sur des offres commerciales non indexées à la hausse sur les prix de marché et permettant aux clients de bénéficier des baisses ;
-ils se sont également engagés à proposer des contrats de plus long terme pour apporter une meilleure visibilité aux clients ;
-ils ont accepté également de renégocier certains contrats.
Je mesure pleinement l'importance de ce sujet. Vous êtes nombreux à vous inquiéter à juste titre de la compétitivité de nos industries dans ce nouveau contexte. François Loos, a été auditionné le 6 juin dernier sur ce sujet par les commissions des finances et des affaires économiques de l'assemblée, et il a pu vous décrire les mesures que nous avons mises en oeuvre, et notre appréciation du sujet.
Nous allons suivre la mise en oeuvre des engagements des opérateurs. Si ces actions semblaient sans effet suffisant, nous serions prêts à envisager avec vous les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires, dans le respect des règles communautaires, pour répondre à cet enjeu essentiel : la compétitivité de notre industrie.
Conclusion
Au terme d'un processus approfondi de préparation, nous entrons dans une phase où chacun devra se déterminer sur ce projet : il s'agit d'un grand projet industriel, instruit avec soin et dans le souci de la concertation. Nous en mesurons pleinement l'enjeu ; il est à la mesure des défis qui se posent à notre pays et à nos entreprises.
La France se doit de défendre son excellence industrielle dans le domaine de l'énergie. L'action du gouvernement, sur la scène nationale, européenne et internationale nous prépare à l'ère du pétrole cher. Cette action doit pouvoir s'appuyer sur des groupes industriels puissants :
-avec EDF, elle a le premier électricien nucléaire mondial
-avec Areva, elle a le n°1 mondial du nucléaire
-avec Total, elle a l'un des premiers groupes pétroliers
Aujourd'hui soyons lucide sur la réalité de GDF. GDF ne joue pas dans la même catégorie qu'EDF, AREVA ou Total.
C'est précisément pourquoi, la capacité de GDF de nouer des alliances stratégiques est un enjeu vital Aujourd'hui, nous pouvons créer un quatrième leader mondial de l'énergie, basé en France. Devons nous saisir cette chance ? Gaz de France a-t-il un autre partenaire potentiel ? La question nous est posée ici et maintenant car ce qui est possible maintenant ne le sera plus forcément dans quelques mois, ou dans quelques années.
Alors ne nous trompons pas de débat.
Nous aurions pu les uns ou les autres souhaiter un autre calendrier pour faire évoluer la loi de 2004. Mais la réalité du monde économique qui nous entoure en a décidé autrement. C'est un fait. La consolidation du secteur de l'énergie est déjà en route en Europe, sans aucune considération pour les échéances électorales ici ou là.
Nous aurions pu souhaiter une étape intermédiaire avant la fusion. J'ai moi-même très sérieusement examiné cette option. Ceci était bien sûr envisageable. Je rappelle toutefois que ceci n'était pas la proposition des deux entreprises. C'est un fait. Elles ont estimé de leur devoir, face aux défis qui sont les leurs, de proposer une fusion totale immédiatement.
Ces éventuels regrets mis de coté face à la simple réalité des faits, le débat ne doit porter que sur trois vraies questions :
-Faut il ou non autoriser Gaz de France à faire évoluer la structure de son capital pour préserver son avenir en pouvant jouer son rôle à armes égale dans la consolidation européenne ?
-Le projet présenté par Gaz de France et soutenu par Suez est il le meilleur qui puisse être envisagé pour Gaz de France ?
-L'Etat conservera-t-il dans cette hypothèse tous les moyens de garantir un véritable contrôle sur les missions de service publics et les actifs stratégiques de Gaz de France ?
-Enfin, mais ceci est un sujet différent, les intérêts des consommateurs seront-ils protégés dans le contexte des évolutions à venir des marchés de l'énergie.?
Sur ces quatre questions décisives je vous répond oui sans aucune hésitation.
OUI, Gaz de France a besoin aujourd'hui et maintenant de pouvoir faire évoluer son capital à la seule condition que ce soit pour nouer une alliance décisive dans le cadre d'un projet industriel stratégique.
OUI, nous sommes en situation de créer un leader mondial et européen de l'énergie de plus, enraciné en France, tout spécialement fort dans le domaine ultrasensible du Gaz où nous sommes vulnérables face à la concentration de la ressource mondiale dans quelques pays.
OUI, nous conserverons plus de 33% du capital du futur groupe, des actions spécifiques sur tous les actifs importants de GDF et une vraie régulation publique inchangée des missions de service public et de GDF, ...
OUI, enfin, les modalités d'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie pour les particuliers est particulièrement protectice des intérêts de nos consommateurs : possibilité de pouvoir rester au tarif réglementé, d'y retourner à l'occasion de chaque déménagement et mise en place d'un tarif social pour le gaz.
Nous le savons, notre monde est en profond changement qu'il s'agisse des équilibres économiques internationaux, des tensions sur les matières premières ou de la compétition croissante pour l'accès à l'énergie. C'est pourquoi notre devoir, à tous, est de conduire dans le dialogue et la concertation, toutes les adaptations utiles pour préserver l'intérêt et la sécurité de nos concitoyens.
Nos compatriotes sont conscients des défis et attendent légitimement que nous prenions nos responsabilités..
Je vous remercie
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 26 juin 2006
Mesdames, Messieurs les députés/sénateurs,
Comme le Premier ministre s'y est engagé, nous voici aujourd'hui réunis pour un débat sur l'un des enjeux essentiels pour la France et pour l'Europe : notre politique de l'énergie.
Face à la croissance de nos besoins en énergie, et surtout de ceux des pays d'Asie en fort développement, le caractère limité de nos ressources apparaît avec force : la fin de l'ère du tout pétrole est une réalité, les approvisionnements en gaz naturel deviennent un enjeu géostratégique essentiel, et une politique ambitieuse d'investissements dans des installations de production électrique est nécessaire pour accompagner l'augmentation de la consommation.
Notre débat d'aujourd'hui est un moment décisif. Je le dis avec calme, avec sérénité mais aussi avec une véritable solennité. Après nos échanges d'aujourd'hui chacun devra prendre en conscience ses responsabilités. Ce mot de « responsabilité » sur le sujet de l'énergie, est moins que jamais un mot en l'air.
La France, dans les cinquante dernières années, n'a raté aucun des grands rendez-vous, même les plus difficiles politiquement, dans le domaine de l'Energie. Qu'il s'agisse de l'hydraulique ou du nucléaire, pour n'en citer que deux qui sont dans tous les esprits, les dirigeants d'hier ont su apprécier à leur vraie mesure les défis d'alors. Malgré l'immense effort de pédagogie et de conviction qu'ils devraient déployer, ils ont su prendre les décisions les plus courageuses et les plus visionnaires. Grâce à eux, la France dispose aujourd'hui de substantiels atouts dont chacun se félicite au quotidien.
Nous sommes aujourd'hui face à des questions aussi décisives. Car face à la crise de l'énergie, le statu quo est moins que jamais une option. En fonction des décisions qui seront prises à l'issue de nos discussions, nous nous serons donnés, ou non, la possibilité de prendre en main l'avenir de Gaz de France, de peser davantage sur les rapports de force industriels et commerciaux en Europe et dans le Monde et de mieux maîtriser notre futur.
Chacun devra pondérer ce qui est réellement décisif et stratégique pour notre pays, pour l'entreprise GDF, ses salariés et ses consommateurs, de ce qui l'est moins.
Chacun devra juger sur pièces la réalité des défis et des menaces du monde qui et le nôtre, la qualité des réponses que les entreprises proposent d'y apporter et le sérieux des garanties dont le Gouvernement a décidé d'entourer ce grand projet.
Je sais que chacun ici est pleinement conscient de ces enjeux, convaincu de l'importance des échanges qui vont avoir lieu entre nous et surtout, que chacun et chacune d'entre vous apprécie pleinement le poids de notre responsabilité sur ce dossier.
1/ Les évolutions géostratégiques et économiques dans le domaine de l'énergie sont en effet extrêmement profondes et se sont encore accélérées depuis 2004.
Depuis 2000 et encore plus depuis 2004, le monde de l'énergie a profondément changé. Le monde a pris conscience de la réalité de l'épuisement désormais prévisible des ressources fossiles. Simultanément, la demande a explosé avec le dynamisme des nouvelles économies asiatiques alors même que l'instabilité géo-stratégique des zones de production ne cessait de croître.
Nous devons donc faire face à la quasi-disparition durable des surcapacités de production en matière d'hydrocarbures, qui a conduit à une forte hausse des prix, d'un pétrole à 28 $ le baril à 73 $ le baril, au renforcement des enjeux liés à la sécurité d'approvisionnement en gaz de l'Europe, et au mouvement considérable de consolidation des acteurs européens de l'énergie.
Au-delà de cette donnée, le caractère stratégique de la ressource gazière ou pétrolière en fait, de manière de plus en plus visible, une arme assumée sans états d'âme dans les rapports de force internationaux. C'était une évidence ancienne pour le pétrole ; ça l'est devenu également pour le gaz naturel.
C'est pourquoi à cette « dureté » croissante du rapport de force économique dans le secteur de l'énergie, répond une puissante vague de consolidation et de concentration dans les pays consommateurs.
C'est aujourd'hui que se constituent les acteurs majeurs de l'énergie de demain. Cette évolution est beaucoup plus rapide que ce qui pouvait être envisagé il y a encore quelques mois, et les décisions importantes ne peuvent attendre si nous voulons conforter notre indépendance énergétique. En effet, la politique énergétique dont je vais vous rappeler les grandes lignes n'a pleinement son sens que si elle peut s'appuyer sur des entreprises puissantes et dont la taille leur permet de faire face aux enjeux de ce nouveau monde. C'est le cas pour EDF. La question est plus délicate pour Gaz de France et pour Suez.
Car les énergéticiens européens cherchent tous à :
-disposer d'une taille critique, pour investir et pour renforcer leur pouvoir de négociation avec les producteurs (Russie, Algérie...) ;
-présenter une offre duale (gaz / électricité) pour répondreà la demande de leurs clients.
Les acteurs de l'énergie sont donc engagés dans une course à la taille, qui est un élément déterminant pour s'assurer l'indispensable capacité d'investissement en amont, pour l'approvisionnement ou la production. Les montants en jeu sur chaque investissement ou chaque contrat d'approvisionnement à long terme se chiffrent en milliards d'euros et laissent peu ou pas de place pour les acteurs de second rang. Il faut disposer à la fois d'une capacité financière de premier rang et d'une capacité de distribution très forte. Cette course se déroule aujourd'hui. Personne ne peut dire comment elle se terminera. Elle peut prendre la caractéristique d'une bulle, comme nous avons pu en connaître dans d'autres secteurs.
La dimension de ces enjeux est désormais planétaire. Je vous invite à vous reporter à la lecture du « Monde » de ce soir, qui décrit très justement ces enjeux.
2/ Pour répondre à ces enjeux stratégiques de l'énergie, nous menons de longue date une politique ambitieuse et volontaire. Je voudrais en rappeler les grandes lignes.
-Pour répondre aux défis des prix du pétrole, nous avons engagé un dialogue constructif avec les principaux pays producteurs, afin de favoriser les investissements dans les installations de production et de raffinage et d'améliorer la transparence des marchés pour lutter contre les phénomènes spéculatifs.
-Pour favoriser les investissements dans les outils de production d'électricité, nous réalisons une démarche prospective à moyen terme, la programmation pluriannuelle des investissements dont nous venons de vous transmettre le dernier rapport pour 2005-2015. Elle permet à toutes les parties prenantes de disposer d'une information fiable sur l'évolution des besoins et des ressources en électricité, et ainsi susciter les investissements nécessaires. Par ailleurs, l'augmentation de capital d'EDF rendue possible par son introduction en bourse, lui a donné les moyens de réaliser un programme de 40 Mdeuros d'investissements d'ici 5 ans, à la fois dans la production et les réseaux.
Répondre aux enjeux des hydrocarbures chers, c'est aussi trouver des sources d'énergie alternatives, et limiter la croissance de nos besoins.
En matière de transport, l'action du gouvernement en faveur des biocarburants est également d'une ampleur sans précédent.
Un plan biocarburants très ambitieux a été engagé par le Gouvernement afin de porter nos objectifs d'incorporation à 7% en valeur énergétique en 2010 et 10% en 2015, soit au-delà des obligations communautaires. Deux appels d'offre ont ainsi été lancés sur 2005 et 2006 afin d'agréer les quantités nécessaires et permettre les investissements : ce sont ainsi 16 nouvelles usines qui seront construites représentant 2 Mdeuros d'investissements. Un nouvel appel d'offre sera lancé à l'été pour 1,1 million de tonnes d'agréments supplémentaires.
Au-delà de ces mesures et pour préparer ce qui sera, je pense, une des évolutions majeures de nos modes de consommation de l'après pétrole, j'ai mis en place un groupe de travail associant les industries des secteurs pétrolier, automobile et agricole ainsi que les consommateurs afin de développer le « flex fuel » à l'horizon 2010. J'ai demandé à Alain Prost de prendre la tête de ces travaux. Il devra élaborer un plan d'action afin de permettre à nos concitoyens à l'horizon 2010 d'acheter et d'utiliser sans contrainte un véhicule roulant indifféremment soit à l'essence comme aujourd'hui soit au bioéthanol (E85), grâce à un réseau de pompes vertes sur l'ensemble du territoire.
En matière d'électricité et de chaleur le soutien aux énergies renouvelables n'a jamais été aussi fort. Dès à présent la France occupe la place de premier producteur européen d'énergie renouvelable, devant la Suède et l'Allemagne. Nous nous sommes pourtant fixé des objectifs encore plus ambitieux d'ici à 2010 : +50% pour la chaleur renouvelable, 21% de l'électricité d'origine renouvelable contre 14% en 2004. Pour les atteindre nous avons mis en place des tarifs de rachat garantis pour l'électricité renouvelable, des crédits d'impôt ainsi que des subventions.
Dans le même temps, nous encourageons la maîtrise de la consommation d'énergie, en fixant des objectifs nationaux ambitieux et en mettant en place les outils pour les atteindre. Ainsi afin de réduire l'intensité énergétique de 2%/an d'ici 2015 nous avons augmenté les crédits d'impôt pour les équipements économes et préparé un marché de certificats d'économie d'énergie qui sera opérationnel au 1er juillet prochain. Par ailleurs nous avons demandé à l'Ademe d'intensifier ses campagnes de communication pour sensibiliser nos concitoyens et nous avons généralisé l'étiquetage des produits concernant la consommation en énergie, et notamment les véhicules.
3/ L'action des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin dans le domaine énergétique a donc été et continue d'être exemplaire. Elle s'est concrétisée par deux lois essentielles déjà adoptées par votre assemblée :
-Avec la loi du 9 août 2004, nous avons permis à EDF et Gaz de France d'être en mesure de saisir les opportunités stratégiques liées à l'évolution des marchés de l'Europe de l'énergie :
- En les dotant d'un statut adapté ;
- En réaffirmant leurs missions de service public ;
- En assurant la pérennité de leur régime de retraites.
Cette loi a permis de doter EDF et Gaz de France des capitaux nécessaires à leur développement, avec les ouvertures du capital de 2005. Ces évolutions ont été accompagnées d'engagements très clairs sur les investissements nécessaires au développement de ces entreprises et à la sécurité d'approvisionnement national. Les contrats de service public signés la même année par l'Etat avec ces deux entreprises ont permis de conforter leurs missions en matière de sécurité, de qualité de service rendu aux usagers et de présence territoriale, ainsi que de modération tarifaire.
Avec la loi du 13 juillet 2005, qui a établi la feuille de route de notre politique énergétique, centrée sur la maîtrise de l'énergie et sur le développement de capacités de production d'énergie nouvelles, renouvelables comme nous l'avons vu, mais aussi nucléaire, avec la décision de construire en France une 3e nouvelle centrale nucléaire de génération, l'EPR. Nous reprenons ainsi le flambeau de nos prédécesseurs qui, dans les années 70 ont su faire les choix stratégiques judicieux et doter notre pays d'un outil de production électrique unique au monde.
Enfin la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire en cours de promulgation ainsi que le projet de loi sur les déchets radioactifs débattu en seconde lecture cette semaine permettront de renforcer le cadre règlementaire applicable à ce secteur. Assurer la sécurité des installations, renforcer la transparence de l'information, gérer tous les déchets radioactifs de façon responsable et durable, telles sont les conditions que nous posons pour le maintien et le développement de la filière nucléaire.
4/ Nous conduisons ainsi que je viens de le rappeler une action volontariste, à grande échelle, et qui ne laisse de coté aucun des grands leviers de la politique énergétique. Dans ce contexte ainsi adapté et renforcé par un cadre législatif profondément modernisé, la responsabilité de chaque entreprise est de proposer les évolutions qui lui permettront de renforcer sa position à l'avenir, dans l'intérêt de ses clients, de ses salariés et de ses actionnaires.
C'est la responsabilité de la direction de Gaz de France, comme de celle de Suez et des autres groupes énergéticiens de choisir et proposer les meilleurs projets.
Cette analyse stratégique sur la situation de Gaz de France, l'entreprise l'a effectuée, et nous l'avons examinée au cours de la longue concertation que nous avons menée.
Elle conduit à un constat simple : face au mouvement de consolidation des acteurs de l'énergie en Europe, Gaz de France n'est qu'un acteur de taille moyenne par rapport aux géants comme EDF, EON et Enel.
Certes Gaz de France dispose de 7 millions de clients particuliers et de 11 millions de clients au total.
Certes Gaz de France a, avec ses 30 000 salariés, une capacité humaine et des savoirs faire unanimement reconnus.
Certes Gaz de France dispose de contrats d'approvisionnement à long terme négociés avant la hausse récente du prix du pétrole, qui lui assurent la sécurité d'approvisionnement à ce stade.
Certes, Gaz de France dispose d'un réseau de transport, d'un savoir faire reconnu auprès des collectivités locales françaises, d'une image extrêment forte auprès des Français.
Certes, Gaz de France a tout cela, Mais :
Gaz de France n'est un acteur décisif dans le gaz qu'en France, et ne représente que 14 % des ventes de gaz en Europe. Dans un marché ouvert à l'échelle de l'Europe, il ne sera qu'un acteur de petite taille.
Gaz de France n'est que le distributeur d'un gaz qu'il achète. Son activité de production est encore très faible. Dans un contexte où le rapport de force est favorable aux producteurs, Gaz de France sera soumis, comme les autres distributeurs, à une forte pression lors de la renégociation de ses contrats.
Gaz de France n'est pratiquement pas présent dans l'électricité. Or, dans un marché de l'énergie qui se consolide, il est indispensable de pouvoir offrir le choix à ses clients entre plusieurs sources.
Face à ce constat, on ne peut que tirer la conclusion que Gaz de France doit pouvoir s'adapter et trouver les alliances qui seront les meilleures pour l'entreprise. Ces alliances ne seront possible que si Gaz de France dispose d'une liberté suffisante sur son capital.
Ce constat, Gaz de France l'a partagé à l'automne dernier avec le groupe SUEZ, qui parvenait aux mêmes conclusions pour sa propre situation.
Conscients de ces défis stratégiques, Gaz de France et Suez ont amorcé des discussions dès l'automne 2005 en vue d'une coopération industrielle, qui ont déjà débouché sur un premier accord dans la production électrique dans le sud de la France.
Mais il est rapidement apparu qu'un rapprochement plus étroit avec Suez permettrait à Gaz de France de compenser ses faiblesses stratégiques tout en conservant la maîtrise de son développement au travers d'un mariage entre égaux. Du point de vue de Gaz de France, l'alliance avec Suez est la meilleure perspective stratégique, comme cela a été relevé par la totalité des analystes du secteur, avec une complémentarité géographique et technique parfaite. Sans destruction d'emplois, au contraire, les synergies sont supérieures à celles d'une alliance avec un opérateur Britannique ou Espagnol, avec lesquels l'intégration des équipes aurait par ailleurs été plus complexe.
En devenant le 1er fournisseur de gaz en Europe, le nouveau groupe serait incontournable pour les producteurs, ce qui lui offrira les meilleures perspectives pour acheter du gaz dans les conditions les plus compétitives et ainsi mieux servir ses clients. Il sera également en mesure de mener une politique encore plus volontaire d'investissement dans l'amont gazier. Il en aura les moyens financiers. Il aurait une capacité équilibrée en électricité et en gaz, qui est un atout considérable pour ses clients.
Suez et Gaz de France se connaissent bien, et ont des cultures d'entreprises proches et partagent déjà un grand nombre de valeurs, notamment les valeurs de service public fondées sur une activité reposant largement sur des délégations de service public. A ce titre, toutes les missions de service public de Gaz de France dans l'énergie et de Suez dans l'eau seraient naturellement maintenues et tous les engagements pris dans ce cadre seront tenus.
Compte tenu des complémentarités exceptionnelles que présentent ces deux entreprises, elles ont rapidement été convaincues que leur fusion était le meilleur projet stratégique pour Gaz de France et pour Suez.
5/ Compte tenu de ces éléments, vous l'avez compris, la démarche du gouvernement a été dictée par l'esprit de responsabilité : notre objectif est de préparer le meilleur avenir industriel possible pour Gaz de France, pour qu'il continue à contribuer à notre sécurité énergétique.
Nous avons dressé un premier constat : il est vital pour Gaz de France de disposer de flexibilité sur son capital pour se renforcer par le biais d'alliance ou de fusion.
Nous avons dressé un deuxième constat : cette question se pose dès aujourd'hui. La différer, c'est prendre le risque que Gaz de France soit isolé et n'ait plus d'allié possible à l'avenir.
Enfin un projet industriel de rapprochement avec Suez nous a été proposé par Gaz de France avec le soutien de Suez. Ce projet a été reconnu par tous les experts du secteur comme le plus porteur pour l'entreprise. Après l'avoir expertisé pendant trois mois, je vous confirme également ma conviction de ministre de l'industrie que c'est le meilleur projet industriel envisageable pour l'entreprise et le plus complémentaire.
Pour agir en toute responsabilité, le Gouvernement devait réunir tous les éléments d'appréciation. C'est pourquoi nous avons engagé une démarche en trois temps :
Le premier temps : celui de la concertation
- D'un point de vue social : après plus de 30 réunions, des réponses écrites ont été apportées à 71 questions des syndicats. La concertation sociale a été d'une ampleur et d'une qualité sans doute sans précédent, tant sur la forme que sur le fond.
- D'un point de vue juridique : nous avons saisi le Conseil d'État pour examiner les conséquences du projet de fusion sur les missions de Gaz de France. Le Conseil d'État a confirmé que la privatisation de Gaz de France était possible sans impact sur le périmètre et les activités actuelles de l'entreprise.
- D'un point de vue sectoriel : le Conseil Supérieur de l'Électricité et du Gaz a été saisi d'une concertation sur l'adaptation nécessaire du marché de l'énergie en France à nos engagements européens. Au terme d'un travail d'un grand sérieux, il a pu orienter nos travaux afin de préserver les intérêts des consommateurs, j'y reviendrai tout à l'heure ;
- Avec les parlementaires : nous avons voulu ce débat, dans le temps de la concertation, pour permettre à chacun de peser l'ensemble des enjeux liés à ce projet et au secteur de l'énergie.
Viendra ensuite le deuxième temps : celui du débat législatif, si vous partagez l'opinion du Gouvernement de la nécessité de donner à Gaz de France la souplesse nécessaire à la réalisation de ses projets et alliances industrielles, pour faire face aux nouveaux défis de l'énergie tout en sécurisant les aspects stratégiques pour la nation et les consommateurs. Le gouvernement a engagé la préparation d'un projet de loi qui est en cours d'examen au Conseil d'Etat. Je souhaite que le débat que nous avons aujourd'hui nous permette d'avancer dans la définition du contenu éventuel de ce texte.
6/ D'ores et déjà, nous avons entendu les questions qui émergeaient, de votre part, de la part des partenaires sociaux, et de l'ensemble des acteurs.
-Quel est le niveau adéquat de contrôle du capital Gaz de France par l'Etat ?
Il faut trouver un équilibre entre la flexibilité nécessaire à Gaz de France pour nouer des alliances et le contrôle d'une part suffisante du capital de l'entreprise par l'Etat.
Comprenons nous bien : il ne s'agit en aucun cas de vendre des actions. Le seul objectif est de permettre la réalisation d'un projet industriel en donnant des marges de manoeuvre à l'entreprise pour lui permettre de faire face à un enjeu vital.
Pour cela, il nous semble qu'il est souhaitable de ramener l'obligation de détention du capital de Gaz de France par l'Etat à un tiers. Avec cela, l'Etat conserve des pouvoirs d'actionnaire très significatifs. Par la minorité de blocage, il a la possibilité de s'opposer à toute décision qu'il jugerait contraire à ses intérêts d'actionnaire. Il conserve naturellement tous les pouvoirs de régulation.
Pour compléter ces pouvoirs d'actionnaire, il nous parait indispensable que le projet de loi prévoie les mesures permettant d'assurer le contrôle public sur le nouveau groupe, afin que les intérêts nationaux soient protégés, en particulier en ce qui concerne la sécurité d'approvisionnement. C'est dans ce but que la mise en place d'une action spécifique (golden share) sera proposée.
Elle permettra à l'Etat de s'opposer à toute décision de l'entreprise qui remettrait en cause les intérêts nationaux, dans le respect de nos engagements européens. Le seuil de détention minimal d'un tiers du capital sera prévu dans la loi. Enfin, des commissaires du gouvernement seront placés dans les filiales régulées du nouveau groupe.
-Quelle sera la prochaine étape, le nouveau groupe sera-t-il Opéable ?
Avec plus d'un tiers du capital détenu par l'Etat, les évolutions industrielles ou capitalistiques futures du groupe supposeront nécessairement le soutien de l'Etat.
Y a-t-il un impact sur les missions de service public et sur les tarifs ?
Je veux le dire de la façon la plus claire : il n'y a aucun lien entre la détention du capital et les tarifs ou la définition des missions de service public.
L'un comme l'autre sont et resteront définis par l'Etat sous le contrôle de la Commission de régulation de l'énergie.
J'ajoute que tous les engagements envers les partenaires sociaux seront respectés : le statut du personnel des industries électriques et gazières sera maintenu, l'existence d'un service commun entre EDF et Gaz de France pour la distribution réaffirmée dans la loi. Pour les salariés de Suez et de Gaz de France, c'est la chance de participer à l'essor d'un nouveau géant industriel tout en conservant un statut auquel ils sont très attachés.
Comment assurer la protection du consommateur sur le marché de l'énergie ?
Cette question est essentielle et je veux m'y arrêter un instant. La protection du consommateur est une préoccupation première du Gouvernement, même si vous m'accorderez sans doute le fait qu'elle se pose de toutes façons, indépendamment du capital de Gaz de France. Nous devons faire des choix importants pour l'organisation du marché de l'électricité et du gaz en France.
Je veux tout d'abord faire le point précisément sur la fourniture de gaz et d'électricité aux particuliers :
Nous devons éviter une situation de vide juridique au 1 er juillet 2007 pour nos concitoyens vis-à-vis de leurs fournisseurs de gaz et d'électricité. Pour cela, des mesures législatives sont nécessaires pour transposer les directives européennes sur le marché de l'énergie, dans des conditions permettant la protection des consommateurs.
En effet, les directives européennes de 2003 prévoient l'ouverture complète à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz. Ces directives sont d'application directe sur certains points. Ainsi même sans transposition législative, les consommateurs pourraient se faire démarcher dès le 1 er juillet 2007 par des concurrents d'EDF et de Gaz de France, en dehors de tout cadre.
Pire, c'est tout notre édifice juridique définissant les tarifs réglementés qui risquerait de devenir obsolète dès le 2 juillet 2007, et qui pourrait être annulé en cas de contentieux.
Notre responsabilité collective est donc de proposer un cadre cohérent afin de protéger les consommateurs. La date du 1 er juillet 2007 doit se traduire par des possibilités supplémentaires pour eux, non par la fin des tarifs réglementés qui constituent une légitime protection. Pour cela, il convient de transposer la directive tout en fixant des règles prémunissant les consommateurs contre toute dérive et en dotant l'existence de ces tarifs d'une base juridique adaptée.
Il serait inenvisageable de traiter le projet Suez - Gaz de France sans répondre simultanément aux nombreuses questions, des partenaires sociaux, des acteurs du secteur et de la représentation nationale sur l'évolution du secteur de l'énergie et en particulier sur les questions de coexistence entre prix et tarifs.
Comme je l'évoquais tout à l'heure, nous avons saisi le Conseil Supérieur de l'Électricité et du Gaz, [présidé par J-C Lenoir et auquel d'autres parlementaires comme les députés De Gaulle et Nicolas et les Sénateurs Revol et César participent,] sur ces sujets. Au terme d'un travail d'un grand sérieux, au cours duquel toutes les parties prenantes ont pu s'exprimer (syndicats, entreprises, consommateurs, collectivités locales, CRE...), il nous a rendu un rapport qui a orienté nos travaux.
Malgré les points de vue naturellement divers qui s'expriment au sein du CSEG, plusieurs constats ont émergé :
-la France a su mettre en oeuvre les directives européennes tout en conservant un modèle propre original et efficace. Cette plus-value doit être conservée,
-le développement des investissements associé à une politique de maîtrise de l'énergie constituent des fondamentaux indispensables,
-le maintien de l'existence de tarifs réglementés.
Nous privilégierons donc une approche favorisant systématiquement la protection des consommateurs
Le Gouvernement souhaite proposer à tous les consommateurs particuliers qui le souhaitent de pouvoir rester au tarif réglementé. Dans les propositions que nous pourrions vous faire dans un projet de loi, nous veillerions par exemple à ce qu'à chaque déménagement, une personne puisse à nouveau avoir accès à ce tarif.
Enfin, nous proposerions la mise en place d'un tarif social pour le gaz, similaire à celui existant pour l'électricité : les personnes en situation de précarité pourront avoir accès à une certaine quantité de gaz naturel dans des conditions préférentielles.
En second lieu, je souhaite aborder la question sensible des prix de marché pour les entreprises, notamment pour les PME et PMI.
L'évolution récente des prix de l'électricité fournie aux entreprises par les opérateurs sur le marché concurrentiel est une préoccupation majeure pour le Gouvernement.
Mais là aussi, il faut être clair. Ce sujet est totalement indépendant de celui des tarifs du gaz ou de l'électricité, comme il est indépendant de la question du capital de Gaz de France.
Confrontée à la forte hausse du prix des hydrocarbures et à la disparition des surcapacités de production en électricité, l'Europe voit les prix de l'électricité augmenter de façon importante et continue depuis 2004. Les entreprises qui ont choisi entre 2000 et 2003 de faire jouer la concurrence et de bénéficier de prix inférieurs aux tarifs se trouvent aujourd'hui parfois confrontées à des hausses trop importantes.
J'entends le mécontentement de certains industriels, qui voient les prix de leurs contrats augmenter d'une façon parfois inacceptable, et je les partage. Ce mécontentement est compréhensible et appelle une réponse forte
Nous allons y répondre de manière claire et concrète :
-par une réponse structurelle permettant d'assurer une capacité de production suffisante à long terme. C'est tout le sens de l'action gouvernementale en matière d'investissement en France et en Europe.
-en apportant une réponse coordonnée avec d'autres pays européens. Nous avons mis en place un groupe de travail avec 4 autres pays européens, et notamment l'Allemagne, pour proposer des actions visant à limiter l'impact excessif du marché du CO2 sur la formation des prix de l'électricité, et en particulier demander une révision de la directive quotas
-par des réponses directes à court terme. Pour aider à améliorer la situation des entreprises consommatrices d'électricité qui subissent des hausses importantes, le Gouvernement prend des mesures significatives :
o pour les entreprises électrointensives un dispositif de consortium, mis en place par la LFR2005, a permis à ces industriels de se regrouper pour investir indirectement, à travers les producteurs d'électricité, dans des moyens de production, et bénéficier en contrepartie, sur de longues périodes, de prix stables fondés le plus possible sur les coûts de production. Ce sont plus de 60 entreprises qui sont concernées (PME comme grands groupes) représentant 20% du marché de l'électricité ouvert à la concurrence ;
o pour les PME et PMI, les entreprises concernées par une hausse brutale des prix de l'électricité sont en nombre modéré, mais elles se trouvent parfois confrontées à des situations très difficiles. Pour faire face à cette difficulté réelle, François Loos a organisé une table ronde le 15 mai dernier avec les producteurs d'électricité. Elle a permis d'obtenir plusieurs engagements concrets de modération des prix en faveur des entreprises :
-les producteurs se sont engagés sur des offres commerciales non indexées à la hausse sur les prix de marché et permettant aux clients de bénéficier des baisses ;
-ils se sont également engagés à proposer des contrats de plus long terme pour apporter une meilleure visibilité aux clients ;
-ils ont accepté également de renégocier certains contrats.
Je mesure pleinement l'importance de ce sujet. Vous êtes nombreux à vous inquiéter à juste titre de la compétitivité de nos industries dans ce nouveau contexte. François Loos, a été auditionné le 6 juin dernier sur ce sujet par les commissions des finances et des affaires économiques de l'assemblée, et il a pu vous décrire les mesures que nous avons mises en oeuvre, et notre appréciation du sujet.
Nous allons suivre la mise en oeuvre des engagements des opérateurs. Si ces actions semblaient sans effet suffisant, nous serions prêts à envisager avec vous les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires, dans le respect des règles communautaires, pour répondre à cet enjeu essentiel : la compétitivité de notre industrie.
Conclusion
Au terme d'un processus approfondi de préparation, nous entrons dans une phase où chacun devra se déterminer sur ce projet : il s'agit d'un grand projet industriel, instruit avec soin et dans le souci de la concertation. Nous en mesurons pleinement l'enjeu ; il est à la mesure des défis qui se posent à notre pays et à nos entreprises.
La France se doit de défendre son excellence industrielle dans le domaine de l'énergie. L'action du gouvernement, sur la scène nationale, européenne et internationale nous prépare à l'ère du pétrole cher. Cette action doit pouvoir s'appuyer sur des groupes industriels puissants :
-avec EDF, elle a le premier électricien nucléaire mondial
-avec Areva, elle a le n°1 mondial du nucléaire
-avec Total, elle a l'un des premiers groupes pétroliers
Aujourd'hui soyons lucide sur la réalité de GDF. GDF ne joue pas dans la même catégorie qu'EDF, AREVA ou Total.
C'est précisément pourquoi, la capacité de GDF de nouer des alliances stratégiques est un enjeu vital Aujourd'hui, nous pouvons créer un quatrième leader mondial de l'énergie, basé en France. Devons nous saisir cette chance ? Gaz de France a-t-il un autre partenaire potentiel ? La question nous est posée ici et maintenant car ce qui est possible maintenant ne le sera plus forcément dans quelques mois, ou dans quelques années.
Alors ne nous trompons pas de débat.
Nous aurions pu les uns ou les autres souhaiter un autre calendrier pour faire évoluer la loi de 2004. Mais la réalité du monde économique qui nous entoure en a décidé autrement. C'est un fait. La consolidation du secteur de l'énergie est déjà en route en Europe, sans aucune considération pour les échéances électorales ici ou là.
Nous aurions pu souhaiter une étape intermédiaire avant la fusion. J'ai moi-même très sérieusement examiné cette option. Ceci était bien sûr envisageable. Je rappelle toutefois que ceci n'était pas la proposition des deux entreprises. C'est un fait. Elles ont estimé de leur devoir, face aux défis qui sont les leurs, de proposer une fusion totale immédiatement.
Ces éventuels regrets mis de coté face à la simple réalité des faits, le débat ne doit porter que sur trois vraies questions :
-Faut il ou non autoriser Gaz de France à faire évoluer la structure de son capital pour préserver son avenir en pouvant jouer son rôle à armes égale dans la consolidation européenne ?
-Le projet présenté par Gaz de France et soutenu par Suez est il le meilleur qui puisse être envisagé pour Gaz de France ?
-L'Etat conservera-t-il dans cette hypothèse tous les moyens de garantir un véritable contrôle sur les missions de service publics et les actifs stratégiques de Gaz de France ?
-Enfin, mais ceci est un sujet différent, les intérêts des consommateurs seront-ils protégés dans le contexte des évolutions à venir des marchés de l'énergie.?
Sur ces quatre questions décisives je vous répond oui sans aucune hésitation.
OUI, Gaz de France a besoin aujourd'hui et maintenant de pouvoir faire évoluer son capital à la seule condition que ce soit pour nouer une alliance décisive dans le cadre d'un projet industriel stratégique.
OUI, nous sommes en situation de créer un leader mondial et européen de l'énergie de plus, enraciné en France, tout spécialement fort dans le domaine ultrasensible du Gaz où nous sommes vulnérables face à la concentration de la ressource mondiale dans quelques pays.
OUI, nous conserverons plus de 33% du capital du futur groupe, des actions spécifiques sur tous les actifs importants de GDF et une vraie régulation publique inchangée des missions de service public et de GDF, ...
OUI, enfin, les modalités d'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie pour les particuliers est particulièrement protectice des intérêts de nos consommateurs : possibilité de pouvoir rester au tarif réglementé, d'y retourner à l'occasion de chaque déménagement et mise en place d'un tarif social pour le gaz.
Nous le savons, notre monde est en profond changement qu'il s'agisse des équilibres économiques internationaux, des tensions sur les matières premières ou de la compétition croissante pour l'accès à l'énergie. C'est pourquoi notre devoir, à tous, est de conduire dans le dialogue et la concertation, toutes les adaptations utiles pour préserver l'intérêt et la sécurité de nos concitoyens.
Nos compatriotes sont conscients des défis et attendent légitimement que nous prenions nos responsabilités..
Je vous remercie
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 26 juin 2006