Déclaration de M. Léon Bertrand, ministre du tourisme, sur le programme politique élaboré par les fédérations UMP de l'Outre-mer en vue de l'élection présidentielle 2007, notamment sur les questions d'immigration, d'insécurité, les difficultés économiques, Paris le 12 juillet 2006.

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Circonstance : Convention UMP sur l'Outre-mer à Paris, le 12 juillet 2006

Texte intégral

Monsieur le député Michel DIEFENBACHER,
Madame la Secrétaire nationale, Chère Marie-Dominique,
Mesdames et Messieurs les élu(e)s,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de participer à cette Convention de l'UMP consacré à l'Outre-Mer et de pouvoir apporter mon témoignage, en tant qu'originaire de Guyane bien sûr, mais aussi au titre des responsabilités politiques que j'ai pu exercer, au niveau local en qualité de Maire, de conseiller général et régional et de président d'une communauté de communes, et au niveau national, comme député puis ministre.
Je me réjouis en effet que cet exercice, que je réclamais depuis longtemps, ait enfin lieu : pour la première fois, les fédérations UMP de l'Outre-Mer ont pu élaborer localement leurs propositions pour les présidentielles, et venir les présenter à l'ensemble des cadres et des adhérents du Mouvement.
Pour la 1ère fois en 2007, le programme du candidat UMP pour ce qui concerne l'Outre-Mer n'aura pas émané d'un petit cercle d'initiés, mais aura fait l'objet d'une journée de débats et de réflexion.
En notre nom à tous, je souhaite remercier Nicolas SARKOZY et son équipe pour cette heureuse initiative.
Cette méthode nouvelle qui nous est proposée au travers de cette Convention est un signal fort. C'est la promesse d'une relation partenariale qui apparaît aujourd'hui comme une vraie nécessité entre la métropole et les collectivités ultra-marines.
Elle s'inscrit en parfaite cohérence avec cette « France d'après » qui nous fixe un horizon pour l'élection présidentielle, un horizon résolument placé sous le signe du renouveau.
Cette « France d'après » pour les régions ultra-marines, nous avons eu le bonheur d'en apercevoir un petit échantillon à chacune des victoire de l'équipe de France pendant la Coupe du Monde.
Bien sûr, je ne veux retenir que la progression vers la finale.
Cela nous montre clairement que la diversité ne fait pas obstacle à la cohésion du groupe, quand on se bat pour un même projet. Au contraire.
La « France d'après » pour l'Outre-Mer, c'est donc avant tout un changement de méthode qui doit nous permettre d'élaborer un projet commun et de libérer les énergies.
Quelle est la situation aujourd'hui ?
Incompréhension et frustrations, de part et d'autre des océans.
Frustration des populations ultra-marines, exprimées au travers de revendications d'indépendance dans un contexte de mondialisation où elles sont tentées de mettre en balance les avantages que leur procure leur appartenance à la République française, avec les contraintes que cela leur impose.
Frustration des ultramarins vivant en métropole d'être davantage perçus comme des minorités issues de l'immigration, que comme de véritables citoyens français.
Incompréhension enfin de ceux qui, qualifiant les régions ultramarines de « confettis de l'Empire », considèrent qu'elles ne devraient plus être rattachées à la République au regard de leur coût budgétaire et de leur faible importance numérique.
Le tableau est sévère, mais je crois qu'il est juste.
Le débat douloureux autour de la mémoire de l'esclavage et des effets de la colonisation, les excès idéologiques et les excès de langage dans chaque camp, prouvent que la République, dans son ensemble, reste entravée par les chaînes de son Histoire.
Cette incompréhension mutuelle ne nous permet pas d'exorciser le passé et de nous retrouver sereinement autour d'une mémoire commune.
Or, partager une mémoire collective n'implique pas de revisiter l'histoire, mais offre à chacun la possibilité de retrouver ses racines et de les porter avec fierté.
Ni victime, ni procureur. Tel doit être notre credo.
En tout cas, c'est le mien.
Et pourtant, face à ces errements, l'approche européenne des régions ultra-périphériques nous offre un modèle alternatif qui peut nous aider à réinventer notre relation avec l'Outre-Mer.
Car n'ayant pas eu à s'inscrire dans un continuum historique à l'égard de nos régions ultra-périphériques, l'Europe applique une démarche essentiellement pragmatique.
Elle organise son action de façon globale, à partir d'un faisceau de contraintes objectives : l'éloignement, l'insularité ou l'enclavement, le retard de développement, l'obligation du recours à l'importation pour les produits de première nécessité, le climat.
Ce n'est malheureusement pas du type de relation qui prévaut aujourd'hui entre l'Etat et les collectivités d'Outre-Mer, et nous le déplorons ensemble.
Voilà pourquoi, Mes Chers Amis, l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui, revêt tant d'importance à mes yeux.
Et les thèmes choisis pour les différentes tables rondes reflètent bien malheureusement la situation actuelle de l'Outre-Mer :
Mal-être identitaire dans la République, déstabilisation du corps social du fait de l'immigration et de l'insécurité, retards et difficultés de développement économique, solidarité nationale rendue inopérante dans son application.
Comment sortir de ces blocages qui obèrent notre avenir commun ?
Explorons ensemble quelques pistes d'avenir.
En matière d'insécurité et de lutte contre l'immigration clandestine, le projet de loi présenté par Nicolas SARKOZY à l'Assemblée nationale, propose des solutions innovantes pour aider Mayotte, la Guadeloupe ou la Guyane.
Ce sont des premiers jalons, mais nous savons tous qu'il nous faudra aller plus loin pour lutter contre ces vastes mouvements migratoires qui prennent aujourd'hui une dimension planétaire.
Et la réalité géographique de nos collectivités d'Outre-Mer amplifie davantage ce phénomène.
De même, la France doit prendre davantage conscience que ses régions ultra-marines constituent désormais ses nouvelles frontières internationales.
Elle doit les utiliser comme de véritables « têtes de pont » dans leur environnement régional, auprès des grandes puissances émergentes comme le Brésil ou des économies en devenir de la Caraïbe ou de l'Océanie.
Nous devons passer d'une logique d'échanges quasi exclusifs des régions ultra-marines avec la métropole, à une logique, plus moderne, d'intégration dans leur zone d'influence qui favorisera leur développement économique.
Est-ce notre intérêt aujourd'hui de maintenir, par exemple, une mono-activité agricole qui n'a plus d'assise économique pertinente, parce que nous ne sommes plus compétitifs face à nos voisins immédiats ?
Ne serait-il pas plus judicieux de diversifier nos modèles économiques et de faire profiter les collectivités ultramarines de l'avance technologique de notre vieille nation industrielle pour les aider à développer les secteurs d'avenir : biotechnologies, télécommunications, éco-tourisme ?
Le futur « Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes pour l'Océan Indien » et le « dispositif de surveillance contre les tsunamis » à la Réunion, le spatial à KOUROU sont de parfaits exemples de cette indispensable mutation économique.
Cette thématique m'offre une transition idéale vers le dernier thème qui sera abordé au cours des tables rondes aujourd'hui : « développer une solidarité au service de tous pour sortir de l'assistanat ».
Vous savez, la solidarité devient assistanat quand elle n'est pas organisée pour produire localement les richesses nécessaires.
Confucius ne disait pas autre chose : « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson tous les jours ».
La solidarité devient aussi assistanat, lorsque l'on s'inscrit, peut-être par manque d'ambition, dans une sorte de fatalité de l'impuissance. C'est vrai de la part de l'Etat, c'est également vrai de la part de beaucoup de nos compatriotes.
Il serait illusoire et sans doute dangereux de penser qu'en ce début de 21ème siècle l'ensemble des ultramarins attend de l'Etat qu'il leur fasse la charité.
Le voudrait-il, qu'il n'en aurait plus les moyens dans le contexte budgétaire que nous connaissons.
Lorsque l'on sait que l'Outre-mer compte une population de 36% de moins de 20 ans, qu'à la Réunion, il y a chaque année 4 000 nouveaux actifs de plus que le nombre d'emplois offerts et que le nombre des bénéficiaires du RMI est proportionnellement 6 fois plus élevé en Outre-mer que dans l'hexagone.
Comment permettre à tous de trouver ou de retrouver leur dignité ?
Seule la solidarité de toute la nation peut permettre de sortir de cette spirale infernale mais, encore une fois, la solidarité, ce ne sont pas seulement des transferts sociaux.
La solidarité, c'est certainement d'utiliser des leviers politiques, et non plus seulement budgétaires, de l'Etat et de l'Europe pour aider l'intégration de nos régions d'Outre-mer dans leurs zones naturelles d'influence, comme je le signalais tout à l'heure avec, (à l'esprit), une stratégie de développement global.
La solution transversale qui semble s'imposer d'elle-même, c'est celle de la discrimination positive, qui favoriserait (par exemple) l'installation des entreprises françaises en Outre-mer avec en perspective, non pas les marchés réduits des régions d'Outre-mer, mais les marchés des pays de leur zone géographique.
Je pose la question.
Ce qui a été fait à Manaus, au Brésil, n'aurait-il pas été possible en Guyane ?
Il s'agit d'entreprises françaises de haute technologie qui se sont implantées dans une zone franche et non pas d'industries de main d'oeuvre pour lesquelles nous connaissons un handicap certain lié au coût social du travail.
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Les défis sont nombreux, les objectifs ambitieux, mais les régions ultramarines ont beaucoup à apporter et ne veulent en aucun cas se contenter de recevoir.
L'affirmation que les populations d'outre-mer sont une composante du peuple français, au terme du nouvel article 72-3 de la Constitution, ne doit pas rester théorique.
Les ultra-marins ne veulent plus être français « pour rien » ou « par défaut ».
Ils veulent être des citoyens français à part entière et trouver leur place à parité dans notre communauté nationale, désormais pluriethnique et multiculturelle.
Nous avons pu expérimenter ces derniers temps des instants de grâce où tout un peuple communiait et oubliait ses querelles identitaires :
Des moments de joie quand une équipe de football, (où chacun peut se reconnaître), remporte une victoire.
Des moments de tristesse aussi quand une communauté se trouve endeuillée, (comme ce fut le cas pour la Martinique en août dernier), et reçoit les marques d'affection de toute une Nation.
Ces moments de fusion où la communauté nationale se rassemble, demeurent trop rares et trop dépendants du simple critère de l'émotion.
Il nous appartient, à nous les politiques, d'inventer les conditions d'une plus grande unité nationale.
Cette Convention doit s'y employer : elle ne doit pas se contenter d'égrener des propositions froides et institutionnelles.
Elle ne doit pas perdre l'objectif de fond, qui justifie son existence-même : celui d'une vraie intégration républicaine, conforme à la devise qui orne le fronton de nos mairies.
Cette intégration doit aussi passer, j'en suis convaincu, par une meilleure représentation des « minorités visibles » dans les mandats électoraux.
N'oublions jamais que c'est l'homme qui doit être constamment au centre de nos préoccupations.
On ne peut plus prétendre répondre aux attentes de nos concitoyens en leur offrant des représentations, en total décalage avec la composition de la société.
Quand le Parti socialiste se gargarise de slogans mais se montre incapable d'investir, comme il s'y était engagé, une candidate ultramarine à Paris, c'est le moment ou jamais de montrer notre différence et de mettre en pratique les valeurs que nous défendons.
Laissons le Parti Socialiste dans ses vieilles lunes idéologiques. Choisissons, sur ce point également, « la France d'après ».
Je vous remercie.
Source http://www.u-m-p.org, le 12 juillet 2006