Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la politique de sécurité du gouvernement et sur la nécessité de faire de la police nationale une police de proximité, Paris le 1er février 1999.

Prononcé le 1er février 1999

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assises nationales de la formation et de la recherche dans la police nationale à Paris le 1er février 1999

Texte intégral

Je suis heureux de clore ces " Assises de la formation et de la recherche dans la police nationale ". Je tiens à remercier le ministre de lIntérieur, Jean-Pierre Chevènement, davoir pris cette utile initiative. Il vient dindiquer les grandes orientations de la politique de formation quil va mettre en uvre. Dautres membres du gouvernement sont intervenus à cette tribune : la ministre de la Justice, Elisabeth Guigou, le ministre de lEducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, Claude Allègre, le ministre délégué à la Ville, Claude Bartolone. Leur présence ici témoigne de limportance que nous attachons à cette démarche essentielle pour la police et donc pour la sécurité de nos concitoyens.
Ces Assises, et leurs travaux préparatoires, ont été loccasion dune vaste réflexion et dune large concertation. Elles sont pour moi loccasion de préciser en conclusion quelles sont les grandes orientations de la politique de sécurité du Gouvernement, et ce que, dans ce cadre, il attend de la police nationale.
Faire de la police nationale une police de proximité est le premier objectif de la politique de sécurité du gouvernement
Je souhaite tout dabord vous rappeler pourquoi nous avons accordé la priorité à une police de proximité. Il convient ensuite, me semble-t-il, den préciser le sens et la portée. Le gouvernement sest engagé à mettre en uvre une police de proximité pour donner la priorité à la sécurité quotidienne des Français. Pour combattre linsécurité, qui frappe dabord les plus démunis, pour répondre aux besoins de nos concitoyens là où ils vivent, nous nous sommes engagés à faire évoluer notre police vers une police de proximité. Ces assises le démontrent : nos concitoyens ne se sentent pas, dans leur majorité, éloignés de la police. Dans les
villes-tests étudiées, près dune personne sur deux est, au cours des douze derniers mois, entrée en contact avec la police. Ces personnes ont été satisfaites de ce contact. Les policiers interrogés connaissent bien les partenaires avec lesquels il est important pour eux de travailler dans le cadre de la police de proximité : les gendarmes, les polices municipales quand elles existent, les responsables détablissements scolaires, puis les gardiens dimmeubles, les commerçants... Enfin les partenaires de la police nationale, élus, associations, sont, pour la plupart, satisfaits du rôle qui est joué par la police dans la vie locale.
Il nen demeure pas moins que, si la police est en effet " proche " de nos concitoyens, des progrès doivent encore être faits vers une véritable " police de proximité ". La demande sociale est forte, - jen faisais déjà le constat à Villepinte en octobre 1997 -, de services de police et de gendarmerie plus présents et plus proches, dun accueil attentif, respectueux de chacun, dans sa diversité. Nos concitoyens souhaitent, dans leurs quartiers, une police plus présente et plus visible, pour réprimer les actes délictueux et aussi pour les entendre et les rassurer. Répondre à cette demande, cest, pour le Gouvernement, mettre en place une véritable police de proximité.
Jai bien noté dans les travaux préparatoires de ces assises, le besoin dune clarification de ce concept. Elle se dégagera, peu à peu, des expériences déjà réalisées et des recherches qui seront menées, parfois en observant les pratiques à létranger, toujours en tirant les enseignements de la pratique sur le terrain. Que peut-on dire dès maintenant de cette notion ?
Une police de proximité, ce doit être une police qui construit dans la durée une relation de confiance avec la population. Pour cela, il lui faut être toujours aux côtés de nos concitoyens et à leur écoute, et, plus souvent, à leur image.
Aux côtés de nos concitoyens : une police de proximité est dabord et avant tout une police présente sur la voie publique dans les zones où la délinquance est la plus forte. Être aux côtés de nos concitoyens, et de leurs élus, cest aussi travailler sur le terrain avec les services de lEtat - la justice, la gendarmerie, léducation nationale et les services sociaux- , en partenariat avec les collectivités locales, les associations et les habitants de nos villes et de nos quartiers. Une police de proximité cest aussi une police à lécoute de nos concitoyens : son organisation, ses modes dintervention et ses méthodes doivent répondre à leurs préoccupations. Cest une police qui rassure, une police qui accueille les victimes, une police qui élucide les actes de délinquance qui touchent au plus près la population. Cest une police qui sait personnaliser le rapport avec le citoyen. Cest enfin, plus souvent, une police à limage de nos concitoyens. Il faut que les jeunes des quartiers, et aussi ceux qui sont issus de limmigration, soient présents dans lensemble des services publics, y compris dans les services de sécurité.
Cest tout cela que le gouvernement veut mettre en uvre. Ces principes inspirent la première des priorités retenues par le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 : assurer une présence effective de la police et de la gendarmerie.
Le gouvernement entend aider les policiers à réussir cette transformation en profondeur de laction de la police.
Mettre en uvre une police de proximité a en effet des conséquences majeures pour la répartition des effectifs, lorganisation et les modes dintervention de la police nationale, comme pour la formation des personnels. Les effectifs doivent être affectés en priorité dans les zones où la délinquance est la plus forte. Le dernier conseil de sécurité intérieure a décidé que dès 1999, 1 900 policiers et gendarmes seront affectés dans les circonscriptions les plus difficiles des 26 départements prioritaires. Dautres mesures ont été annoncées. Elles demanderont aux policiers une plus grande mobilité, et des facultés accrues dadaptation.
Lorganisation et le fonctionnement de la police devront être adaptés. Lévolution des missions de la police sera loccasion de mettre en uvre en son sein des méthodes de gestion plus modernes. Pour concevoir des projets de service, mettre à lhonneur les principes de participation, de responsabilité et de transparence. Le conseil de sécurité intérieure a décidé dengager cette action. Des expériences de police de proximité seront lancées dans cinq circonscriptions, puis sur trente autres sites au sein des départements les plus sensibles. Elles permettront de mieux adapter lorganisation et le fonctionnement des services de police au contexte local. De nouveaux modes dintervention de la police et de la gendarmerie dans les zones sensibles seront recherchés, en privilégiant un travail de terrain en profondeur.
Ces transformations seront exigeantes, je le sais, pour les policiers. Afin daccompagner ladaptation, aussi bien quantitative que qualitative, des effectifs, un effort important de formation sera donc fourni. La formation des policiers doit en effet être ouverte sur lextérieur, assurée conjointement avec dautres partenaires de la sécurité et de la vie urbaine. Le recrutement, dici 2003, de 25 000 policiers pour répondre au rythme des départs à la retraite offre une chance à cet égard. Il permettra, grâce à la formation initiale, de préparer les nouveaux policiers à leur missions de police de proximité et à leurs nouveaux modes dintervention sur le terrain. Cet effort de formation demandera la mobilisation de tous. Il aura le soutien du gouvernement, qui restera fidèle à ses méthodes : concertation et partenariat.
Les Assises quil mest donné de clore aujourdhui sont un exemple de ce que peut produire une vaste concertation de tous ceux qui contribuent à lutter contre linsécurité. Les synthèses de leurs travaux mont été transmises. Je remercie tous ceux, élus, fonctionnaires de police de tous grades 7 000 me dit-on, ce qui est considérable -, magistrats, gendarmes, sociologues, éducateurs, animateurs et enseignants, qui ont apporté leur contribution. Nous y trouverons des éléments précieux pour lélaboration dune grande politique de formation accompagnant la mise en uvre des priorités définies par le gouvernement. Les contrats locaux de sécurité constituent loutil privilégié dune démarche de partenariat. Ils permettent de définir en commun des priorités locales, et dassocier dans laction des services de lEtat, des collectivités locales, les polices municipales lorsquelles existent, ainsi que lensemble des acteurs sociaux. La sécurité est bien laffaire de tous.
Il conviendra dadapter aux changements la formation des personnels de la police nationale à ces priorités. Il faut que les policiers connaissent mieux les populations parmi lesquelles ils exercent leurs fonctions, dans la diversité de leurs conditions de vie, de leurs références, de leurs âges. Les modes dintervention de la police nationale évoluent aussi, car lévolution de la société fait surgir de nouveaux problèmes, et aussi parce que les techniques connaissent, dans votre métier comme ailleurs, des changements constants. La formation doit donc tenir compte de lévolution rapide des conditions dexercice du métier de policier. Il faut surtout
" former les formateurs ", et former à la gestion des hommes, notamment lencadrement ; on ne dirige plus, aujourdhui, comme il y a dix ans des jeunes policiers qui ont suivi aujourdhui des études plus longues.
La formation doit enfin permettre aux policiers de mieux comprendre le monde qui nous entoure, les pays dEurope, avec lesquels les relations de travail sont maintenant quotidiennes et les autres pays du monde, car toutes les formes de délinquance sinternationalisent.
Pour réussir la mise en place de cette police de proximité, laction de tous les services de lEtat tendra vers le même but : combattre limpunité. Ceci signifie - et le conseil de sécurité intérieure du mercredi 27 janvier a pris une série de décisions en ce sens - rendre les enquêtes plus efficaces et plus rapides en particulier pour les actes de délinquance de voie publique, ceux qui touchent de plus près nos concitoyens. Le traitement judiciaire en temps réel sera développé au sein des services de police, grâce à laffectation des personnels
supplémentaires ; une coordination plus étroite entre police, gendarmerie, douanes et services fiscaux permettra de mieux traiter les infractions liées aux bandes et aux trafics. De son côté, la justice sefforcera plus encore de répondre de façon systématique à tout acte de délinquance.
Pour finir je dirais que rapprocher la police de nos concitoyens, cest aussi lui donner les moyens de consolider une relation de confiance. La confiance de nos concitoyens dans lEtat repose sur la garantie de leur sécurité. Elle sappuie sur des relations construites au quotidien, dans la durée. Elle se nourrit de principes et de valeurs communes, celles de la République. Vous le savez : jai souhaité la mise en place dun conseil supérieur de la déontologie de la sécurité. Il fait lobjet dun projet de loi en cours dexamen par le Parlement. Il faut que la déontologie devienne, au sein de la police nationale, un élément fort de la professionnalisation des personnels. Je sais que cette notion est parfois perçue comme une marque de défiance. Cest au contraire de confiance quil sagit. La déontologie définit en effet les valeurs et les références communes dune profession en relation avec les valeurs plus larges de notre communauté nationale. Les policiers doivent être fiers de traduire, dans lexercice de leur fonctions, les principes fondateurs de la République.
Mettre fin, dans notre pays, à cette grande injustice quest linsécurité nécessitera daccomplir, dans la durée, en profondeur, un travail considérable. Mais cest surtout, pour nos concitoyens, une urgence qui doit mobiliser les énergies de tous. Le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier a arrêté les mesures qui permettront aux policiers de mieux accomplir leur mission. Elles fournissent en effet un cadre rénové et renforcé pour laction de la police. Je veillerai avec une attention particulière à lapplication des décisions que nous avons prises. Jencourage donc les policiers à se mobiliser, collectivement, pour accomplir les nombreux efforts qui leur seront demandés dans les années qui viennent. Ils peuvent compter, pour cela, sur lappui du gouvernement.
Source http://www.interieur.gouv.fr)