Interview de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à "RMC Info" le 29 août 2006 sur le retour à la vie politique d'Alain Juppé, la préparation du budget pour 2007, le projet de loi sur la fusion Suez-GDF.

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Texte intégral

Q- Merci d'être avec nous ce matin, pour répondre entre autres aux questions des auditeurs et à nos questions. Mais vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC.
R- Oui. En cette période de l'année, voyez-vous, je prépare le budget de la France pour 2007. Il sera soumis du reste au Parlement cet automne, à l'appréciation des parlementaires. J'aimerais bien savoir ce que pensent vos auditeurs sur la question de la dette publique, la dette que la Nation a constituée depuis des années, étant donné que depuis que je suis ministre de l'Economie et des Finances, je me suis emparé à bras le corps de ce sujet, parce que j'estime qu'on ne peut pas laisser une dette importante à nos enfants. C'est de nos enfants dont il s'agit. J'ai tout fait pour commencer à réduire très significativement la dette de la France. Alors, je voudrais savoir si les auditeurs me suivent dans ce combat, ou si au contraire, ils considèrent qu'il faut faire un budget un peu plus laxiste, faire des promesses, et puis se préoccuper de ceux qui paieront de ceux paieront demain.
Q- Vous répondez [à la question de T. Breton ]sur la dette publique... Première question sur l'actualité, une question politique sur le retour d'A. Juppé qui demande au Conseil municipal, du moins à une grande partie du Conseil municipal de démissionner pour provoquer des élections anticipées. N'est-ce pas une pratique politique d'un autre âge ?
R- J'ai entendu ce matin sur votre antenne que vous en avez beaucoup parlé. Je voudrais dire une chose : d'abord, lorsque A. Juppé a quitté la mairie de Bordeaux dans les conditions que l'on connaît, il était maire et puis il a indiqué dans quelles conditions il allait la quitter. Il a indiqué aussi qu'il erait prêt éventuellement à revenir. Voilà, il revient. Moi je le dis sincèrement, c'est un homme d'une très grande qualité. Il avait indiqué les conditions dans lesquelles il partirait, la nouvelle équipe avait indiqué aussi les conditions dans lesquelles elle souhaitait le voir revenir, il est là, je crois que c'est une très bonne chose pour Bordeaux et pour la France.
Q- Ce n'est pas si loin 2008 ?
R- C'est une bonne chose pour Bordeaux et pour la France. C'est mon avis personnel.
Q- Bon d'accord. Pourquoi est-ce que le chèque transport - on va parler évidemment de pouvoir d'achat puisque l'on ne parle plus que de pouvoir d'achat, vous l'avez remarqué en cette rentrée ?
R- Vous savez pourquoi ?
Q- Non pourquoi ?
R- Parce que la croissance est de retour, parce que précisément, grâce au travail de toutes les Françaises et de tous les Français, grâce aux efforts énormes du Gouvernement, qui travaille pour les Français, nous avons reconstitué les conditions d'un retour durable de la croissance. Avant de pouvoir partager les fruits de cette croissance, encore faut-il la créer. C'est ce qui nous différencie des socialistes, nous nous pensons qu'il faut remettre la France en situation de créer des richesses. C'est fait. Vous avez vu : 150 économistes ont indiqué que la France est désormais le meilleur élève économique de l'Europe, nous sommes le pays qui progresse le plus vite de la zone euro. C'est bien, on doit encore faire plus. Mais c'est parce que nous avons réussi ceci et que cela va continuer que l'on peut maintenant parler du partage de ces fruits aux uns et aux autres, sans pour autant, et je suis très vigilant à cela, pénaliser les finances publiques de la France et sans pour autant faire des promesses que l'on ne pourra pas payer.
Q- On reviendra sur la dette tout à l'heure mais il faut que les Français le sentent maintenant. C'est bien beau la croissance mais il faut que les Français le sentent au quotidien, dans leur pouvoir d'achat justement. Le chèque transport dont a parlé hier soir le Premier ministre D. de Villepin, pourquoi n'est-il pas obligatoire ? Pour faire plaisir aux entreprises ?
R- Là encore, vous savez, il y a autant d'entreprises que de situations particulières. Le rôle de l'Etat, c'est de donner des instruments, c'est de donner des outils pour que les entreprises qui créent notamment des bénéfices, qui créent des profits - c'est le rôle d'une entreprise - eh bien puissent mieux le partager notamment vis-à-vis de leurs salariés. Nous donnons ces outils d'incitation, ces outils sont importants puisque je le rappelle - le Premier ministre l'a dit hier soir - ils vont permettre aux entreprises qui le souhaitent, eh bien de créer un chèque transport, vous savez un peu comme le chèque restaurant. Donc maintenant, on va instaurer le chèque transport qui permettra de donner ce chèque aux salariés à hauteur de 200 euros, pour ceux qui utilisent les transports en commun...
Q- C'est l'entreprise qui décide ?
R- Bien sûr et la moitié sera payée par l'Etat. Donc on leur donne la boite à outils, on leur donne les éléments d'incitation et puis après ça, c'est par le dialogue que les entreprises vont discuter de le mettre en place ou pas. Et moi j'ai toujours constaté dans ma vie, que la meilleure solution c'est quand même de donner le plus d'incitations et de faire ensuite que ce soient les entreprises entre elles qui gèrent les solutions pour répondre le mieux possible aux situations dans lesquelles elles opèrent.
Q- "Nouvelles charges sur les entreprises !!" disait tout à l'heure J.-F. Roubaud qui est le patron des PME... ?
R- Non car il s'agît là encore... Au contraire, c'est exactement l'inverse puisque les charges de ce chèque transport vont être précisément payées par l'Etat. Donc l'entreprise ne payera pas les charges, l'entreprise qui voudra inciter notamment ses collaborateurs à, je dirais, bénéficier des fruits de la croissance, eh bien les charges seront payées non pas par l'entreprise sur le chèque transport mais par l'Etat.
Q- Bien ! Pourquoi l'Etat ne réduit-il pas les taxes sur l'essence ? C'est une vieille question mais elle revient sans cesse !
R- D'abord les taxes sur l'essence constituent l'un des éléments de la fiscalité. Voyez-vous, c'est à peu près une vingtaine de milliard d'euros, c'est le montant exact que nous utilisons pour entretenir les routes françaises. Alors en son temps, on avait estimé qu'une bonne façon de financer ces routes, qui font partie de notre patrimoine commun, eh bien c'était de faire payer ceux qui les utilisaient et c'est pour cela que l'on avait installé, à l'époque - il y a maintenant des dizaines d'années - la TIPP, la taxe sur le carburant tout simplement et dans le budget de l'Etat cela se retrouve à peu près bien. On veut bien éventuellement dire qu'il n'y a plus de taxe sur l'essence mais comment on fait pour entretenir les routes ? Donc, la question du budget c'est une question qui est beaucoup plus large, qui par ailleurs a été posée dans tous les pays européens et dans tous les pays au monde, plus personne aujourd'hui ne prône la suppression ou la diminution de la TIPP qui existe dans les pays européens, tout simplement parce que nous sommes rentrés dans une période où le pétrole va devenir rare et cher et qu'il faut changer nos habitudes de consommation. Je constate du reste qu'alors que le pétrole augmente significativement, les rentrées fiscales de l'Etat sont en baisse par rapport à ce qu'on attendait, parce que les Français consomment moins, parce que les véhicules sont des véhicules plus propres, parce que les constructeurs font des efforts pour que précisément on utilise de moins en moins de carburant pour rouler. Donc c'est ça le monde dans lequel nous entrons, à charge pour nous d'accompagner cette transition. Et c'est la raison pour laquelle notamment, le Premier ministre a indiqué hier le choix du Gouvernement de mettre en oeuvre ce chèque transport pour accompagner celles et ceux qui sont le plus touchés par cette évolution du prix des carburants.
Q- Au 1er janvier ?
R- 1er janvier 2007 oui.
Q- La hausse du pouvoir d'achat, pour 60 millions de consommateurs, plus 0,9 % en un an, plus 2 % pour l'INSEE, plus 2,4 % pour vous...
R- Non, ce n'est que l'INSEE, moi je ne prends que les chiffres de l'INSEE qui est l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques. C'est un institut indépendant qui dépend évidemment de l'Etat mais qui n'est pas du tout contrôlé par l'Etat et qui fait partie des Instituts européens, qui est je le redis un institut indépendant qui est constitué de centaines et de centaines de statisticiens extrêmement performants. C'est l'INSEE dont le travail est de mesurer les indicateurs de l'économie française. Les uns et les autres peuvent le faire ensuite, les associations, avec les moyens plus limités mais cela peut donner des éclairages. Ce que l'INSEE dit et ce n'est pas contradictoire du reste avec ce que dit l'association à laquelle vous faites référence...
Q- 60 millions de consommateurs...
R- Ce n'est pas contradictoire. L'INSEE mesure d'année calendaire en année calendaire. 60 millions de consommateurs a mesuré de juin à juin. L'INSEE a dit : "l'année dernière, l'augmentation du pouvoir d'achat des Françaises et des Français a été de 1,3 % ; cette année, il sera de 2,4 %". La moyenne européenne, nous dit l'INSEE, est à plus 1,5 %, donc on croît plus vite que la moyenne européenne. La moyenne des vingt dernières années a été de plus 1,9 %, je le répète, nous serons à plus 2,4 % cette année. Donc, là encore, on croît plus vite que les autres pays européens, que la moyenne. Je le redis, la France est redevenue une économie qui croît plus rapidement que celles de ses voisins. Ceci dit, tout le monde a raison aujourd'hui en disant, c'est vrai on sent bien d'un côté que l'économie va mieux, on sent bien que la croissance est de retour, on sent bien surtout que la bataille de l'emploi est en train d'être gagnée, même s'il faut continuer les efforts, mais...
Q- ... on veut le sentir à la fin du mois.
R- ...dans mon porte-monnaie moi j'ai mes enfants qui me disent : eh bien voilà... Et vous savez pourquoi ? Eh bien j'ai regardé très attentivement.
Q- Pourquoi ?
R- Parce qu'aujourd'hui, on ne consomme plus comme hier. Aujourd'hui, vous démarrez le 1er de chaque mois avec un nombre important de dépenses qui sont déjà prépayées : le téléphone, le téléphone mobile, la télévision, l'assurance, le loyer, l'eau. Et donc, on vous fait des relevés bancaires, on vous ponctionne une partie importante de vos revenus parce que les habitudes de consommations ont complètement évolué. Nous sommes dans un monde de plus en plus de services, par rapport à ce qu'ils étaient il y a dix, quinze ou vingt ans. Et c'est la raison pour laquelle, j'ai demandé au Premier ministre de défendre le plus vite possible - et j'espère à l'automne - une loi, une nouvelle très grande loi sur la consommation, pour protéger les consommateurs de ces nouvelles pratiques dans lesquelles ils sont aujourd'hui - j'allais dire ils évoluent, certains du reste sont un peu enfermés - avec des habitudes de consommation qui se font par prélèvement, souvent ils ne les veulent pas ou ils ne les veulent pas exactement comme ceci. Souvent, ils veulent pouvoir s'en défaire. Donc je veux redonner plus de pouvoir aux consommateurs pour qu'ils puissent évoluer et choisir dans ce monde de services et mieux gérer là encore un portefeuille. Dans son portefeuille et dans ces dépenses, il y a des dépenses qui sont aujourd'hui incontrôlables et que je souhaite qu'ils puissent recontrôler.
Q- Justement cette loi sur la protection des consommateurs sort en Conseil des ministres en octobre. Par exemple cette loi rendra le temps d'attente des hotlines gratuit, limitera à dix jours le délai de résiliation des abonnements téléphoniques, même chose pour les abonnements Internet ou à la télévision payante ?
R- Absolument, je veux vraiment que le consommateur puisse évoluer, choisir, ne plus être prisonnier. Vous voyez, les hotlines, c'est vrai qu'il était tout à fait anormal que le consommateur le paye sans savoir. Donc tout ceci va être règlementé de façon à redonner plus de pouvoir d'achat là aussi au consommateur. Autre chose, vous savez j'ai constaté que...
Q- Et la durée d'engagement des abonnés téléphoniques, par exemple, allez-vous faire quelque chose, intervenir sur ce sujet là ?
R- Ce sont des choses qui doivent être mises en débat et on en parlera au cours du débat parlementaire. Je prenais un autre exemple, il y a maintenant plus d'un tiers de Français qui achètent leurs vacances sur Internet. Il faut savoir quel type de protection ils peuvent avoir, on voit une photo, on voit l'image d'un appartement, d'un camping, d'un petit hôtel, et puis des fois cela ne correspond pas exactement à la réalité. Il faut donner de la protection au consommateur. Les habitudes de consommation de nos compatriotes changent, je veux les accompagner dans leur protection.
Q- Vous allez revenir sur la durée d'engagement des abonnés au téléphone ?
R- On va regarder tout ça, on va le regarder comme nous regardons encore une fois tout ce qui peut protéger les consommateurs dans ce monde nouveau de services.
Q- Regardez cela de près parce que c'est vrai que l'on s'engage pour deux ans et on ne peut plus se défaire de son opération, on est prisonnier, le consommateur est prisonnier.
R- C'est exactement ce que je veux éviter. La liberté de choix, c'est ce qu'il faut redonner au consommateur.
[8h46 :Deuxième partie. Avec les questions d'auditeurs]
Q- Nous allons parler avec T. Breton de la fusion Suez/GDF dans un instant. Mais je voudrais que nous prenions quelques auditeurs en ligne. Christophe par exemple.
Q- Christophe (auditeur de Haute-Garonne, 38 ans, gérant de société) :
Monsieur Breton, si je vous dis "La France va bien", suis-je crédible ?
R- La France va mieux, oui c'est vrai. Vous êtes crédible en disant que la France va beaucoup mieux qu'il y a quelques années, mieux que la plupart des pays européens. Oui, c'est vrai, vous êtes crédible. Ceci dit, moi qui ai été, comme vous, également un chef d'entreprise, de petites entreprises, de moyennes entreprises, de grandes entreprises, je sais que jamais rien n'est acquis, que le plus dur est toujours devant, et qu'il faut toujours poursuivre l'effort, et qu'il faut toujours faire mieux. Et ce que je peux vous dire, c'est qu'on peut et doit faire mieux.
Q- Est-ce que les inégalités se creusent en France, entre les plus gros, les très très gros salaires et ...
R- Par rapport à d'autres pays que je connais bien, non. Mais quand on le vit sur le terrain, bien sûr qu'on le voit. Mais par rapport à d'autres pays, je pense que la France a vraiment ce sentiment de la cohésion, d'une vraie cohésion sociale. Bien sûr qu'il y a des disparités, bien entendu, mais elles sont beaucoup moins fortes que dans d'autres pays dans lesquels j'ai vécu ou dans lesquels je me suis rendu de très nombreuses fois.
Q- Abdel (28 ans, Seine-Saint-Denis, vendeur en quincaillerie) : J'aurais une question effectivement. Monsieur Breton, vous avez des budgets de millions d'euros à gérer. On est bien d'accord ?
R- De milliards d'euros.
Q- Abdel : Donc, moi je vous demande [d'imaginer] un tout budget, c'est-à-dire un SMIC, et de vivre avec pendant un mois.
R- Voyez-vous, deux éléments : le premier, c'est que pendant des années, dans notre pays, il était plus gratifiant pour beaucoup de nos compatriotes de ne pas travailler que de travailler, parce qu'on avait plus d'aides et d'assistances en ne travaillant pas que de salaire en travaillant. Et ce que nous avons voulu, c'est qu'aujourd'hui, lorsqu'on revient dans le monde du travail, comme vous Abdel, et que l'on gagne le SMIC, par exemple, eh bien que l'on soit encouragé et que l'on ait une prime particulière pour précisément, parce que vous savez, paradoxalement - je sais que je vais dire quelque chose qui va étonner beaucoup de nos compatriotes - il y a aujourd'hui beaucoup d'offres d'emploi en France : entre 300.000, 400.000 peut-être même 500.000, disent certains, qui sont disponibles et qui ne trouvent pas preneur. Et donc, moi ce que je souhaite, c'est que ceux qui sont en attente, qui sont au chômage depuis quelques temps, et qui se sont fait une vie comme cela, une vie de précarité, et qui n'ont plus peut-être l'énergie, l'envie d'aller travailler, eh bien on les incite à le faire. On leur propose ces offres d'emploi. On leur dit aussi "si vous travaillez, cela paye davantage que de ne pas travailler". Et c'est exactement pour cela que le Premier ministre a décidé d'augmenter la prime pour l'emploi. Dans votre cas, Abdel, vous gagnez le SMIC, cela vous fait donc clairement, aujourd'hui, en gros 940 euros nets par mois...
Q- C'est cela, Abdel ?
R- Abdel : C'est à peu près cela.
Eh bien, vous allez avoir - vous y avez droit, puisque vous travaillez et vous êtes au SMIC - avec la décision qui a été annoncée hier soir par le Premier ministre, 940 euros de plus, c'est-à-dire un 13ème mois sur l'année. Donc cela va aider un peu. Cela veut dire qu'on essaye d'inciter pour que vous puissiez précisément faire face à vos dépenses. C'est pour continuer à travailler davantage.
Q- Le problème, c'est bien beau, mais celui qui gagne un petit peu plus que le SMIC ? Tout le monde dit "on va augmenter le SMIC, il faut augmenter le SMIC". Mais tous ceux qui gagnent un petit peu plus que le SMIC ?
R- Cette mesure de prime pour l'emploi, celle que je viens d'indiquer pour les SMIC, c'est à peu près 2 millions. Et puis, la mesure générale de prime pour l'emploi, c'est près de 9 millions de nos compatriotes. Donc, on module ensuite la prime pour l'emploi : plus on gagne moins elle est élevée, mais elle continue et cela concerne quand même 9 millions de nos compatriotes, ce qui est énorme.
Q- Abdel : Monsieur Breton, je voudrais juste revenir sur les offres d'emploi que vous disiez qu'ils ne sont pas pourvus. En fait, ce sont les conditions de travail sur ces offres d'emploi : on doit travailler sous 50 degrés sur l'asphalte, être sur les chantiers à moins 10 degrés. A mon avis, c'est surtout ces offres d'emploi [qui ne sont pas pourvus].
R- Il y a des offres d'emploi dans beaucoup de secteurs. Vous faites allusion au BTP mais il y a aussi beaucoup dans le tourisme, il y a aussi beaucoup dans la mécanique, beaucoup dans l'électronique. Il y a beaucoup d'offres d'emplois qui sont aujourd'hui disponibles en France.
Q- Anne-Marie (dans le Maine-et-Loire) : J'étais déléguée médicale. Je suis partie en 2000 en préretraite, avec une petite rente qui m'est versée jusqu'en fin 2009, date où j'aurai ma retraite. J'ai eu quelques problèmes et je souhaiterais retravailler. Dans le contrat qui m'a été [proposé]] et que j'ai signé, on m'interdit de travailler au-delà d'une somme de 6.097,96 euros par an, brut. Si je dépasse d'un euro, toute ma rente est annulée et tout est annulé. Or là, actuellement, j'aurais besoin de travailler plus. Mais je suis en interdiction de travailler.
R- C'est vraiment un sujet qui pour moi est très important. Je ne vais pas demander quel est l'âge d'Anne-Marie.
Q- Moi je le dis, elle a 59 ans.
R- Elle est une très jeune senior. Voyez-vous, nous allons avoir de plus en plus besoin du travail de nos seniors, parce que nous sommes rentrés dans une période... Je le dis très clairement : la lutte contre le chômage dans laquelle le Gouvernement s'est engagé vigoureusement, nous sommes aujourd'hui, comme vous le savez, à 9 %. On était à 10,2 il y après d'un an. On continue ce combat.
Q- Est-ce que les prochains chiffres de l'emploi seront bons ?
R- Tous les chiffres que j'ai aujourd'hui me démontrent que les chiffres seront bons. La croissance continue à créer de l'emploi. Je m'attends à ce que cela se poursuive. Très clairement, je le dis, oui je m'attends à ce que cela se poursuive, la croissance continue à créer de l'emploi dans notre pays. Et donc, les chiffres qui seront annoncés jeudi matin, je les attends bons, très bons, c'est vrai, parce que nous sommes dans une dynamique qui est une dynamique vertueuse. On n'a pas gagné le combat. Il faut poursuivre. Pour les seniors, c'est vrai qu'il faut aujourd'hui leur donner la possibilité, à ceux qui le souhaitent comme Anne-Marie, de pouvoir travailler s'ils veulent travailler plus longtemps. Il y a dans le plan de cohésion lancé par J.-L. Borloo aussi tout ce qui concerne les emplois de service à la personne. Il a complètement raison. C'est un gisement très important d'emplois aujourd'hui. Il faut donner la possibilité à ceux qui le souhaitent de le faire, et c'est sur ces pistes que travaille le Gouvernement. C'est aussi comme cela que je dis souvent : chaque Française, chaque Français au travail c'est une petite parcelle de croissance en plus. Et c'est en additionnant ces petites parcelles de croissance que l'on crée la croissance d'un pays, qui crée la richesse d'un pays, que l'on peut ensuite redistribuer en partie pour nos compatriotes, en partie aussi pour désendetter notre pays.
Q- Faudra-t-il retarder l'âge de départ à la retraite comme le font les Allemands ?
R- On a fait une réforme des retraites. Pour l'instant, il y a un rendez-vous en 2008, on en re-débattra en 2008. Il est clair qu'aujourd'hui l'allongement de la durée de vie, qui est un acquis exceptionnel de notre génération et des générations qui vont suivre, eh bien doit reposer un peu les bases du fondement de notre vie en société. Donc, oui bien sûr, il faudra en rediscuter, comme le font d'autres pays. Peut-être aussi parce qu'en France on est attaché à un autre choix, peut-être aussi sur le caractère volontariste ou pas. Mais je pense sincèrement que oui il faut parler de ces sujets-là, parce qu'aujourd'hui, quand on a 60 ans on est encore jeune, quand on a 70 ans on est encore jeune, quand on a encore 80 ans on est un jeune grand-père ou parfois même un jeune arrière grand-père. Ce n'était pas le cas il y a cinquante ans. C'est de plus en plus le cas. Et donc, il faut réorganiser notre société.
Q- La fusion Suez-GDF. Les débats au Parlement commenceront le 7 septembre...
R- Après-midi.
Q- J'ai vu les dizaines de milliers d'amendements qui sont déjà déposés par la gauche et d'autres amendements vont encore être déposés. Allez-vous utiliser le 49.3, s'il le faut ?
R- Ce projet qui est proposé par le Gouvernement, il a pour vocation de donner à la France la possibilité pour GDF, qui est son entreprise distributrice de gaz - je le dis à nos auditeurs, GDF ne possède aucun champ gazier, GDF ne fait qu'acheter du gaz, et le distribuer. GDF est une entreprise de taille raisonnable. Mais au niveau des enjeux européens et mondiaux aujourd'hui, dans la guerre énergétique dans laquelle nous sommes engagés, il faut permettre à GDF de grandir. C'est la raison pour laquelle nous avons sollicité le Parlement pour donner la possibilité, l'autorisation de le faire. Avec deux objectifs très clairs : le premier, de faire baisser les coûts pour les consommateurs, et c'est uniquement en grandissant...
Q- S'il y a fusion, le prix du gaz baissera ?
R- En tout cas, c'est sûr que s'il n'y a pas fusion, il ne pourra pas baisser, ça c'est certain. Regardez ! Savez-vous quand le prix du gaz a le plus augmenté ? C'était en 2000, sous Gouvernement Jospin. Entre 1999 et 2000, le prix du gaz a augmenté de 30 % pour les consommateurs. Oui les auditeurs m'ont bien entendu : 30 % ! Alors que GDF était 100 % public. Donc, contrairement à ce que disent certains, le prix du gaz n'a rien à voir avec la détention du capital. L'organisme qui contrôle la régulation des prix, qui s'appelle la Commission de régulation de l'énergie, qui est un organisme indépendant, ne regarde pas la nature de l'actionnariat des entreprises. Donc, là, beaucoup d'idéologie, beaucoup d'idées fausses. La réalité c'est que pour pouvoir avoir du gaz moins cher pour nos compatriotes, il faut pouvoir être plus gros pour pouvoir mieux négocier l'achat, pour pouvoir acheter des champs et des gisements. Et donc il faut avoir une taille suffisante pour pouvoir le faire, les maîtriser pour pouvoir ensuite vendre le gaz à prix coûtant. Les Françaises et les Français le savent : bien souvent, quand on veut avoir des prix intéressants, on va dans les très grandes surfaces, parce que celles-ci achètent en masse et puis on a des meilleurs prix. Voilà, c'est comme ça.
Q- Donc vous nous dites : la fusion protège le consommateur ?
R- C'est une évidence et c'est la première raison pour laquelle le Gouvernement se bat avec tellement de détermination, pour protéger les consommateurs et dans l'intérêt de la France.
Q- Alors, pourquoi N. Sarkozy ne voulait pas de privatisation il y a deux ans. Il s'y était engagé fermement.
R- Non, non. N. Sarkozy a eu l'immense mérite de proposer de porter une loi pour ouvrir le capital d'EDF pour permettre à EDF de faire des investissements colossaux - 40 milliards d'euros dans les cinq ans qui viennent - pour pouvoir permettre à notre parc nucléaire de se maintenir et de se développer. Derrière, GDF a été considéré traité de la même façon. Mais ce sont des entreprises tout à fait différentes. EDF possède tout son outil de production de l'électricité, dont le nucléaire. GDF ne possède aucun champ gazier. Et donc, aujourd'hui, c'est des entreprises tout à fait différentes. Vous savez, N. Sarkozy avec qui je m'entends plus que bien, ce n'est un secret pour personne, c'est mon ami depuis très longtemps, on se parle très souvent, m'a dit : sur cette affaire, je te fais confiance. Et moi, j'ai pris le temps de comprendre. J'ai pris le temps du dialogue, j'ai mené à la demande du Premier ministre six mois de négociations et de concertations, avec d'abord les organisations sociales. Près de 40 réunions avec les organisations sociales. Avec ensuite les députés. J'ai rencontré plus de 230 députés tout l'été, pour expliquer. On pourra tout dire sur ce projet, sauf que le Gouvernement passe en force.
Q- [Allez-vous recourir au] 49.3 si jamais l'opposition dépose trop d'amendements et si ça traîne trop ?
R- L'opposition est prise dans un débat idéologique. Moi, j'ai repris ce qu'ont dit mes prédécesseurs : L. Fabius qui a été mon prédécesseurs à Bercy, D. Strauss-Kahn qui a été mon prédécesseur à Bercy, tous les deux ont dit - j'ai les textes à l'appui - qu'il fallait absolument ouvrir le capital de GDF pour lui permettre de nouer des alliances. Je fais ce qu'ils demandent. Alors, pourquoi maintenant vont-ils déposer des milliers d'amendements ? Il faut leur poser la question : qu'est-ce qui a fait qu'ils ont changé ? C'est parce qu'il y a aujourd'hui un débat au sein du PS pour choisir qui sera le présidentiable ? Non, soyons sérieux ! Moi ce que je vois, c'est qu'aujourd'hui, le Parlement français a une capacité d'étudier. Quand on regarde le nombre d'amendements qui sont examinés par le Parlement, eh bien au cours des dix dernières années, le Parlement de la Nation a étudié 100.000 amendements. Et on voudrait, sur un texte qui comporte un article en disant "veut-on ou non donner à GDF la possibilité de nouer des alliances industrielles jusqu'à 34 %", on voudrait déposer 100.000 amendements ! C'est-à-dire plus qu'au cours des dix années ? C'est-à-dire qu'il faudrait donc que le Parlement passe les dix prochaines années à étudier ces amendements ? On n'est plus dans le temps de la démocratie, on est dans un autre temps. Mais que ceux qui jouent à ce petit jeu-là prennent leurs responsabilités.
Q- La question de T. Breton et la réponse des auditeurs.
J.-P. Dufreigne (de RMC) : La question portait sur la dette publique. Qu'est-ce qui est le plus important : réduire la dette publique ou alors est-ce qu'il faut être un petit peu plus laxiste ? Hubert, de l'Aisne : "il faut absolument diminuer la dette de l'Etat pour permettre de redonner plus de pouvoir d'achat aux Français dans l'avenir. Le prochain Gouvernement devra s'y atteler". Régis : "Merci monsieur Breton de parler de cette dette, héritage de notre gauche qui aime dilapider sans compter. Il faut impérativement diminuer cette dette qui nous pénalise". Hugo : "Commencez déjà par faire des économies au niveau de l'Etat. Diminuez les salaires et les avantages des députés, sénateurs et ministres. Demandez-leur de penser à la dette publique pour ne pas laisser nos enfants payer pour eux".
Q- Voilà. T. Breton ?
R- Eh bien, je pars ragaillardi dans mon combat pour diminuer la dette des français.
Q- Donc, les fameux 3 milliards d'euros de cagnotte...
R- Ils sont seront bien utilisés pour réduire la dette, comme je m'y suis engagé, celle-ci baissera dès 2006 de 2 points, par rapport au PIB. Et on continuera l'année prochaine. Vous pouvez me faire confiance.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 août 2006