Texte intégral
Jean-Michel Aphatie : Bonjour Azouz Begag. Vous avez entendu, notre auditrice tout à l'heure. Elle a vécu comme une provocation le fait que Lilian Thuram et Patrick Vieira invitent 80 squatteurs de Cachan au match France-Italie, mercredi au Stade de France. Que lui répondez-vous ?
Azouz Begag : C'est injuste. C'est injuste.
Jean-Michel Aphatie : Injuste d'avoir ressenti cela comme une provocation ?
Azouz Begag : Oui. Moi j'aime bien Lilian Thuram et Vieira. J'ai pleuré d'ailleurs quand Vieira a marqué le deuxième but de l'Equipe de France contre le Togo. C'était la libération. Celui qui nous a emmenés au deuxième tour. Bon, ce sont ces Français qu'on aime bien. Vous vous souvenez, en 1968, pendant les Jeux Olympiques de mai, quand il y avait trois sportifs américains, noirs américains qui avaient gagné des Jeux et qui voulaient protester contre la ségrégation dont les noirs américains étaient victimes aux Etats-Unis qui, pendant l'hymne national américain, avaient levé le poing en l'air en signe de protestations. Cet engagement politique des sportifs. Il y avait à l'époque aussi Cassius Clay, le boxeur. C'est quelque chose de bien, c'est quelque chose de citoyen. J'ai appelé, jeudi, Lilian Thuram pour parler un petit peu de son geste. Il me dit : je ne comprends pas ce qui se passe. Moi, je ne suis ni à droite, ni à gauche. J'entends parler de gens qui souffrent dans un gymnase pourri quelque part dans Paris, des gens qui n'arrivent pas à trouver un logement. Je leur fais une main tendue pour emmener les enfants voir un match de football. Et je ne comprends pas pourquoi on me tape dessus. Est-ce qu'on aurait plus dans ce pays, le droit de tendre la main à des gens qui ont besoin d'un peu d'oxygène dans leur gymnase ? Je lui ai dit : il faut le faire.
Jean-Michel Aphatie : Il est un peu naïf, Lilian Thuram. Ce geste-là a été interprété comme un geste...
Azouz Begag : ... Hélas !
Jean-Michel Aphatie : ... Comme un geste, comment dirais-je, de refus de sa part de l'expulsion des squatteurs, de solidarité avec des squatteurs expulsés. Ca ne pouvait pas être interprété autrement, Azouz Begag ?
Azouz Begag : C'est un geste d'humanité. C'est un geste d'humanité. Mais moi, j'ai envie aujourd'hui, en tant que ministre de la Promotion de l'égalité des chances dans le gouvernement de Dominique de Villepin, de dire aussi des mots de fraternité, dire des mots d'humanité. Et je ne veux pas que cette question de l'immigration, par exemple, soit aujourd'hui polluée par le clivage politique gauche-droite. Je ne veux pas. Ca fait 25 ans que ça dure, c'est vrai. J'en ai marre de voir qu'à chaque fois qu'il y a l'approche d'élections majeures, présidentielles souvent ou législatives, cette question de l'immigration s'invite subrepticement dans le débat alors qu'elle n'est pas au centre des préoccupations des Français.
Jean-Michel Aphatie : Elle n'est pas au centre des préoccupations des Français ?
Azouz Begag : Non. Tous les sondages le disent, ce vendredi encore. Il y a quelques jours, "Le Pèlerin" nous annonce un sondage avec 69 % de Français préoccupés d'abord par l'emploi. Ensuite, 37 % par les inégalités sociales, c'est mon chantier. Ensuite, 32 %, les retraites. Ensuite, l'endettement de l'Etat, 31 %. L'immigration n'est pas là. Moi je ne veux pas aujourd'hui qu'il y ait une instrumentalisation d'un côté ou de l'autre de cette question qui est une question humaine. J'ai vu, il y a quelques jours, le corps d'un enfant algérien, d'un jeune Algérien qui était tombé d'un avion. Je vois, aujourd'hui, des dizaines de milliers de clandestins qui sont en train d'affluer vers l'Europe, aux Canaries en particulier. Des dizaines de milliers de personnes qui meurent dans les eaux de Gibraltar ou du côté de Lampedusa en Italie. Ca, c'est la question de l'Immigration. La question majeure : comment faire pour donner les moyens à cette population de rester chez elle et de ne pas tenter au prix de sa vie, de venir en Europe et échouer dans un gymnase ?
Jean-Michel Aphatie : Auriez-vous préféré, Azouz Begag, que le gouvernement ne procède pas à l'expulsion du squat de Cachan ?
Azouz Begag : Vous savez, l'année dernière au mois de juillet, je suis allé rendre visite à toutes les familles, à Paris, toutes les familles qui avaient été relogées et dont les amis ou les enfants étaient morts dans les incendies du boulevard Auriol. Mais les gens qui vivent dans des squats ou dans des appartements insalubres comme ça, une fois que la tragédie survient, on se tourne vers l'Etat en lui disant : mais pourquoi vous n'avez rien fait ? Donc, cette politique qui consiste à dire : on va nettoyer les squats, on va les détruire, on va donner des logements décents aux gens qui y habitent. Personne n'a rien à y redire. Et s'il y avait eu des accidents, on se serait tourné vers le responsable.
Jean-Michel Aphatie : Votre regret de voir l'immigration au centre de la campagne électorale, vous l'avez déjà dit au début de la semaine...
Azouz Begag : Je me suis énervé, vous avez vu.
Jean-Michel Aphatie : ... Et selon "Le Parisien" de jeudi, Nicolas Sarkozy en plein Conseil des ministres - ce qui est exceptionnel - vous a répondu. Est-ce que c'est vrai, Azouz Begag ?
Azouz Begag : C'est vrai.
Jean-Michel Aphatie : Alors, il a manifesté sa colère vis-à-vis de vous. C'est ça ?
Azouz Begag : Oui.
Jean-Michel Aphatie : Vous vous êtes fait enguirlander en plein Conseil des ministres par Nicolas Sarkozy ?
Azouz Begag : Oui, parce que disons que le propos que j'avais tenu sur le fait que j'en avais marre que l'immigration soit de la chair à canon électorale depuis 25 ans, qui s'adressait à tout le monde parce que je veux dépassionner le débat et le dépolluer à cause du clivage gauche-droite. Oui peut-être que mon collègue l'a pris pour lui-même alors que ce n'était pas une attaque dirigée contre lui.
Jean-Michel Aphatie : Ca vous a blessé qu'il vous dise ce qu'il a dit en Conseil des ministres ?
Azouz Begag : Non. Chaque minute. La politique, Jean Michel Apathie, c'est blessant. Chaque minute, on reçoit des flèches, des coups, des violences inouïes. Pour moi, elles sont assez nouvelles, pour moi qui suis un homme de coeur, un homme de littérature et un homme de "On refait le monde".
Jean-Michel Aphatie : Alors, ce vendredi, si vous répondez sur RTL à Nicolas Sarkozy, gentiment vous lui diriez quoi à ce propos ?
Azouz Begag : Je dirais à tous les hommes politiques de notre pays qu'il faut faire, chacun de son côté, un effort pour dépolluer le débat politique et ne pas voir la question de l'immigration comme une question clivante par rapport aux autres. Il n'y a pas les gentils de gauche qui seraient, le coeur ouvert, pour les immigrés et leurs enfants ; et les méchants de droite qui n'auraient d'autre alternative que de virer ces immigrés. Je rappelle que moi, je me suis battu pendant plusieurs années pour l'abrogation de la double peine. Lionel Jospin ne voulait pas en entendre parler de cette double peine. C'est Sarkozy qui l'a fait. Je rappelle aussi qu'en 1990, il y a un type qui a dit "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde" et ce n'était pas un type de droite, c'était Michel Rocard, alors ministre, Premier ministre de France.
Jean-Michel Aphatie : Je vais juste rectifier un de vos propos, Azouz Begag : vous avez parlé des Jeux Olympiques de mai 68, alors il y a eu beaucoup de courses à pied en mai 68 dans les rues de Paris et je crois que les Jeux Olympiques, c'était en août 68, voilà. Pour les puristes !
source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 8 septembre 2006
Azouz Begag : C'est injuste. C'est injuste.
Jean-Michel Aphatie : Injuste d'avoir ressenti cela comme une provocation ?
Azouz Begag : Oui. Moi j'aime bien Lilian Thuram et Vieira. J'ai pleuré d'ailleurs quand Vieira a marqué le deuxième but de l'Equipe de France contre le Togo. C'était la libération. Celui qui nous a emmenés au deuxième tour. Bon, ce sont ces Français qu'on aime bien. Vous vous souvenez, en 1968, pendant les Jeux Olympiques de mai, quand il y avait trois sportifs américains, noirs américains qui avaient gagné des Jeux et qui voulaient protester contre la ségrégation dont les noirs américains étaient victimes aux Etats-Unis qui, pendant l'hymne national américain, avaient levé le poing en l'air en signe de protestations. Cet engagement politique des sportifs. Il y avait à l'époque aussi Cassius Clay, le boxeur. C'est quelque chose de bien, c'est quelque chose de citoyen. J'ai appelé, jeudi, Lilian Thuram pour parler un petit peu de son geste. Il me dit : je ne comprends pas ce qui se passe. Moi, je ne suis ni à droite, ni à gauche. J'entends parler de gens qui souffrent dans un gymnase pourri quelque part dans Paris, des gens qui n'arrivent pas à trouver un logement. Je leur fais une main tendue pour emmener les enfants voir un match de football. Et je ne comprends pas pourquoi on me tape dessus. Est-ce qu'on aurait plus dans ce pays, le droit de tendre la main à des gens qui ont besoin d'un peu d'oxygène dans leur gymnase ? Je lui ai dit : il faut le faire.
Jean-Michel Aphatie : Il est un peu naïf, Lilian Thuram. Ce geste-là a été interprété comme un geste...
Azouz Begag : ... Hélas !
Jean-Michel Aphatie : ... Comme un geste, comment dirais-je, de refus de sa part de l'expulsion des squatteurs, de solidarité avec des squatteurs expulsés. Ca ne pouvait pas être interprété autrement, Azouz Begag ?
Azouz Begag : C'est un geste d'humanité. C'est un geste d'humanité. Mais moi, j'ai envie aujourd'hui, en tant que ministre de la Promotion de l'égalité des chances dans le gouvernement de Dominique de Villepin, de dire aussi des mots de fraternité, dire des mots d'humanité. Et je ne veux pas que cette question de l'immigration, par exemple, soit aujourd'hui polluée par le clivage politique gauche-droite. Je ne veux pas. Ca fait 25 ans que ça dure, c'est vrai. J'en ai marre de voir qu'à chaque fois qu'il y a l'approche d'élections majeures, présidentielles souvent ou législatives, cette question de l'immigration s'invite subrepticement dans le débat alors qu'elle n'est pas au centre des préoccupations des Français.
Jean-Michel Aphatie : Elle n'est pas au centre des préoccupations des Français ?
Azouz Begag : Non. Tous les sondages le disent, ce vendredi encore. Il y a quelques jours, "Le Pèlerin" nous annonce un sondage avec 69 % de Français préoccupés d'abord par l'emploi. Ensuite, 37 % par les inégalités sociales, c'est mon chantier. Ensuite, 32 %, les retraites. Ensuite, l'endettement de l'Etat, 31 %. L'immigration n'est pas là. Moi je ne veux pas aujourd'hui qu'il y ait une instrumentalisation d'un côté ou de l'autre de cette question qui est une question humaine. J'ai vu, il y a quelques jours, le corps d'un enfant algérien, d'un jeune Algérien qui était tombé d'un avion. Je vois, aujourd'hui, des dizaines de milliers de clandestins qui sont en train d'affluer vers l'Europe, aux Canaries en particulier. Des dizaines de milliers de personnes qui meurent dans les eaux de Gibraltar ou du côté de Lampedusa en Italie. Ca, c'est la question de l'Immigration. La question majeure : comment faire pour donner les moyens à cette population de rester chez elle et de ne pas tenter au prix de sa vie, de venir en Europe et échouer dans un gymnase ?
Jean-Michel Aphatie : Auriez-vous préféré, Azouz Begag, que le gouvernement ne procède pas à l'expulsion du squat de Cachan ?
Azouz Begag : Vous savez, l'année dernière au mois de juillet, je suis allé rendre visite à toutes les familles, à Paris, toutes les familles qui avaient été relogées et dont les amis ou les enfants étaient morts dans les incendies du boulevard Auriol. Mais les gens qui vivent dans des squats ou dans des appartements insalubres comme ça, une fois que la tragédie survient, on se tourne vers l'Etat en lui disant : mais pourquoi vous n'avez rien fait ? Donc, cette politique qui consiste à dire : on va nettoyer les squats, on va les détruire, on va donner des logements décents aux gens qui y habitent. Personne n'a rien à y redire. Et s'il y avait eu des accidents, on se serait tourné vers le responsable.
Jean-Michel Aphatie : Votre regret de voir l'immigration au centre de la campagne électorale, vous l'avez déjà dit au début de la semaine...
Azouz Begag : Je me suis énervé, vous avez vu.
Jean-Michel Aphatie : ... Et selon "Le Parisien" de jeudi, Nicolas Sarkozy en plein Conseil des ministres - ce qui est exceptionnel - vous a répondu. Est-ce que c'est vrai, Azouz Begag ?
Azouz Begag : C'est vrai.
Jean-Michel Aphatie : Alors, il a manifesté sa colère vis-à-vis de vous. C'est ça ?
Azouz Begag : Oui.
Jean-Michel Aphatie : Vous vous êtes fait enguirlander en plein Conseil des ministres par Nicolas Sarkozy ?
Azouz Begag : Oui, parce que disons que le propos que j'avais tenu sur le fait que j'en avais marre que l'immigration soit de la chair à canon électorale depuis 25 ans, qui s'adressait à tout le monde parce que je veux dépassionner le débat et le dépolluer à cause du clivage gauche-droite. Oui peut-être que mon collègue l'a pris pour lui-même alors que ce n'était pas une attaque dirigée contre lui.
Jean-Michel Aphatie : Ca vous a blessé qu'il vous dise ce qu'il a dit en Conseil des ministres ?
Azouz Begag : Non. Chaque minute. La politique, Jean Michel Apathie, c'est blessant. Chaque minute, on reçoit des flèches, des coups, des violences inouïes. Pour moi, elles sont assez nouvelles, pour moi qui suis un homme de coeur, un homme de littérature et un homme de "On refait le monde".
Jean-Michel Aphatie : Alors, ce vendredi, si vous répondez sur RTL à Nicolas Sarkozy, gentiment vous lui diriez quoi à ce propos ?
Azouz Begag : Je dirais à tous les hommes politiques de notre pays qu'il faut faire, chacun de son côté, un effort pour dépolluer le débat politique et ne pas voir la question de l'immigration comme une question clivante par rapport aux autres. Il n'y a pas les gentils de gauche qui seraient, le coeur ouvert, pour les immigrés et leurs enfants ; et les méchants de droite qui n'auraient d'autre alternative que de virer ces immigrés. Je rappelle que moi, je me suis battu pendant plusieurs années pour l'abrogation de la double peine. Lionel Jospin ne voulait pas en entendre parler de cette double peine. C'est Sarkozy qui l'a fait. Je rappelle aussi qu'en 1990, il y a un type qui a dit "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde" et ce n'était pas un type de droite, c'était Michel Rocard, alors ministre, Premier ministre de France.
Jean-Michel Aphatie : Je vais juste rectifier un de vos propos, Azouz Begag : vous avez parlé des Jeux Olympiques de mai 68, alors il y a eu beaucoup de courses à pied en mai 68 dans les rues de Paris et je crois que les Jeux Olympiques, c'était en août 68, voilà. Pour les puristes !
source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 8 septembre 2006