Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur les centres "défense deuxième chance" et la mise en oeuvre du service civil volontaire, Montlhéry (Essone) le 15 septembre 2006.

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Texte intégral


Mesdames, Monsieur les Ministres,
chère Michèle,
cher Azouz,
chère Catherine,
Mesdames,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames,
Messieurs les élus,
Mesdames,
Messieurs,
Je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui. Vous le savez, l'emploi,
et en particulier celui des jeunes, est au coeur de l'action du
gouvernement. Depuis 14 mois, nous avons réussi à marquer des points
dans cette bataille : le taux de chômage est passé de 10,2 % à 8,9 %.
Ce résultat, c'est d'abord le fruit d'une mobilisation sans précédent,
celle du gouvernement tout entier, celle du service public de l'emploi,
celle des entreprises et de tous les Français. C'est le fruit des
nouveaux outils que nous avons créés, comme le contrat nouvelles
embauches, et de toutes les mesures que nous avons prises. Et parmi ces
mesures, il y a bien sûr la création du dispositif « défense deuxième
chance ».
Il y a bientôt un an, j'inaugurais le premier centre « défense deuxième
chance » à Montry. Ce que je vois ici avec vous, dans ce centre de
Montlhéry, cela nous montre tout le chemin parcouru. Cela nous
encourage à poursuivre nos efforts. D'ici la fin de l'année 2006, plus
de 3000 jeunes en difficulté auront bénéficié du dispositif « défense
deuxième chance », et les deux tiers d'entre eux se verront proposer un
emploi ou une formation à l'issue de cette expérience. D'ici la fin de
l'année 2006, une vingtaine de centres seront ouverts dans toute la
France et offriront une capacité d'accueil de plus de 5000 places. A
terme, ce sont plus de 60 sites qui accueilleront des jeunes dans tout
le pays.
Ce que nous voulons, c'est permettre à tous les jeunes, même à ceux qui
n'ont pas de diplôme, même à ceux qui ont le sentiment que tout est
joué et qu'il ne leur reste aucune perspective, de trouver leur place
sur le marché du travail.
C'est tout le sens du dispositif « défense deuxième chance ».
Nous le savons, dans notre pays, tout le monde ne part pas avec les
mêmes atouts ni avec les mêmes espoirs. Sur 800 000 jeunes Françaises
et Français qui participent chaque année à la Journée d'Appel et de
Préparation à la Défense (JAPD), près de 60 000 quittent l'école sans
diplôme ni qualification. Pour tous ces jeunes qui ont souvent suivi un
parcours chaotique, où les redoublements se conjuguent aux problèmes
familiaux, c'est un profond sentiment d'échec. Cela veut dire des
difficultés particulières pour trouver un emploi et démarrer dans la
vie. Cela veut dire aussi beaucoup de déceptions et d'amertume.
Face à cette situation, la première exigence, c'est d'offrir à chaque
enfant la meilleure éducation possible. C'est tout le rôle de l'école
de la République, qui doit continuer à être le moteur de l'égalité des
chances. Avec Gilles de ROBIEN, nous avons décidé de concentrer les
moyens là où il y a le plus de besoins : c'est l'objectif des 249
collèges « ambition-réussite ». Nous avons fait également le choix d'un
accompagnement personnalisé des élèves qui en ont le plus besoin, à
travers le tutorat, les programmes personnalisés de réussite éducative,
les classes relais, ou encore grâce aux auxiliaires de vie scolaire.
Mais tout ne doit pas être joué à un moment donné de l'existence.
Quitter l'école sans diplôme, rater son bac, cela ne doit pas être un
échec à vie. Chacun avance à son rythme, certains développent très tôt
le goût des études, d'autres un peu plus tard. D'autres encore ne
découvrent leurs capacités et leurs talents qu'une fois entrés dans la
vie active. Pour tous ces jeunes, il doit y avoir une seconde chance,
la possibilité de repartir d'un bon pied.
C'est pour cela que j'ai voulu créer le dispositif « défense deuxième
chance », pour tendre la main à ceux qui veulent s'en sortir et leur
donner un véritable espoir. J'ai pu le constater aujourd'hui : ce
dispositif marche. C'est une réponse efficace que nous apportons à ces
jeunes à qui jusqu'à présent on ne proposait rien. « Défense deuxième
chance », c'est la possibilité de trouver des repères, de combler ses
lacunes en matière de lecture, d'écriture et de calcul, et d'accéder à
une formation qui débouche rapidement sur un emploi. « Défense deuxième
chance », c'est aussi un vrai passeport pour la réussite. Je l'ai vu
aujourd'hui à travers les échanges que j'ai eu avec les jeunes que j'ai
rencontrés, des jeunes ambitieux, déterminés à se battre et fiers de
leur parcours. Ils savent que cette expérience leur permettra d'
acquérir une formation de qualité et qu'elle leur offrira de véritables
perspectives. Ils savent que pour accéder à la réussite, il n'y a pas
qu'une seule voie qui passerait par les filières générales et les
grandes écoles. Il y a des parcours rectilignes, il y en a qui
empruntent des chemins de traverses. C'est ce qui fait leur originalité
et leur richesse. C'est pour cela qu'il est essentiel de permettre à
chacun de choisir sa voie en fonction de son tempérament et de ses
aspirations.
La réussite de « défense deuxième chance », elle n'aurait pas été
possible sans l'engagement de tous. Celui du gouvernement, d'abord. Je
voudrais profiter de cette occasion pour remercier en particulier
Michèle ALLIOT-MARIE et Jean-Louis BORLOO, et avec eux tous les agents
de l'Etat, qui se sont dépensés sans compter au service de ce projet.
Engagement des cadres et des enseignants de « l'Etablissement Public
d'Insertion de la Défense » ensuite, qui se sont pleinement mobilisés
en faveur des jeunes en difficulté et pour garantir la cohésion de
notre pays. Je les en félicite chaleureusement. Engagement de tous les
acteurs locaux, enfin, au-delà des préférences partisanes et des
aspirations personnelles, au-delà des habitudes et des intérêts
individuels. Je pense aux collectivités territoriales et aux élus. Sans
leur soutien, aucune implantation de centre n'aurait été possible. Je
pense aussi aux acteurs économiques locaux, qui ont pris une part
essentielle dans la formation des jeunes et dans leur insertion dans le
monde du travail. Je pense enfin aux jeunes, qui n'ont pas hésité à
saisir cette nouvelle chance qui leur était offerte.
A vous, les jeunes, je veux vous dire bravo. Vous avez montré que vous
étiez prêts à vous battre pour vous en sortir. Je veux vous dire
aujourd'hui que vous avez fait le meilleur choix : 90% d'entre vous ont
obtenu le « certificat de formation générale », et 80% détiennent
désormais un certificat ou un diplôme de formation professionnelle. Je
sais que tout n'est pas facile pour vous. Je sais que rien n'est gagné
d'avance. Mais ma conviction, c'est que le travail, l'effort et la
volonté sont la clé qui vous permettra de réussir. Nous voulons vous
donner toutes les cartes pour que vous soyez les mieux armés dans la
vie. Mais c'est à vous de vous battre pour construire votre parcours,
c'est à vous de vous engager pour bâtir un avenir à la hauteur de vos
talents et de vos ambitions. Cette conviction est au coeur du dispositif
« défense deuxième chance ».
Elle est aussi au coeur du service civil volontaire que nous avons créé
et au sein duquel « défense deuxième chance » trouve toute sa place.
Notre objectif, c'est de favoriser l'engagement des jeunes et leur
adhésion aux valeurs de notre République et d'aider ceux qui
rencontrent des difficultés à préparer leur entrée dans la vie active.
Certains proposent un service civil obligatoire pour tous les jeunes.
C'est une idée qui peut paraître séduisante, parce qu'elle se rapproche
de ce qui a été pendant longtemps le ferment de la République : le
service militaire obligatoire. C'est une idée, en tout cas, qui mérite
d'être débattue et qui apporte au débat. Mais il y a aujourd'hui un
certain nombre de réalités que nous devons prendre en compte. Une
classe d'âge entière, cela représente en France environ 800 000 jeunes.
Prendre en charge tous ces jeunes, garçons et filles, les héberger, les
nourrir, leur proposer des activités, cela supposerait un dispositif
administratif extrêmement complexe. Aujourd'hui, le pays qui offre le
service civil le plus abouti, c'est l'Allemagne : il ne concerne que
150 000 jeunes par an, ce qui est déjà un résultat très significatif.
Par ailleurs, prendre en charge toute une classe d'âge, cela
supposerait aussi des moyens financiers considérables. Entre 3 et 5
milliards d'euros pour un service d'une durée de 6 mois, sans compter
les infrastructures qu'il faudrait construire. Enfin, et c'est sans
doute la question essentielle, je ne suis pas certain qu'un service
obligatoire corresponde aux aspirations des jeunes aujourd'hui. Ils
veulent s'engager, oui. Ils veulent exercer une activité utile à la
collectivité, oui. Mais ils veulent le faire à leur rythme, selon leur
propre calendrier et en cohérence avec leurs choix professionnels.
C'est pour cela que je crois davantage à un service civil volontaire.
Un service civil facultatif, d'abord. Parce que j'ai une conviction :
tout ce qui repose sur l'engagement est plus fort que ce qui repose sur
la contrainte. En revanche, ce service civil doit être le plus
incitatif possible. Il doit pouvoir bénéficier à des jeunes de tous les
horizons, qu'ils soient très diplômés ou sans qualification, qu'ils
viennent d'un milieu aisé ou d'une famille modeste. C'est pour cela que
nous avons voulu l'ouvrir largement dès sa création. Il doit avoir une
valeur de diplôme et occuper une place à part entière dans les cursus
universitaires. Enfin, il doit proposer les expériences les plus
diverses, de l'engagement associatif à l'action humanitaire, de l'
apprentissage d'un métier à la mission dans une entreprise à l'
étranger. Parce que chaque jeune qui souhaite s'engager doit pouvoir
trouver ce qui convient le mieux à sa situation, à ses aspirations, à
son projet de vie.
Pour mettre en oeuvre le service civil volontaire, nous avons agi avec
pragmatisme. D'abord, nous sommes partis des expériences existantes. Je
pense notamment à l'opération « cadets de la république », que j'avais
lancée en tant que ministre de l'Intérieur, ou encore au dispositif «
défense deuxième chance ». Aujourd'hui, ils s'inscrivent pleinement
dans le cadre du service civil volontaire. Ensuite, nous avons fait le
choix d'une montée en puissance progressive. Grâce à l'action de
Catherine VAUTRIN, l'agence nationale de cohésion sociale et pour l'
égalité des chances a déjà délivré les premiers agréments pour des
missions de service civil. D'ici le mois de janvier, 10 000 jeunes
effectueront un service civil volontaire et ce seront 50 000 d'entre
eux qui auront pu s'engager à la fin de l'année 2007. Ce n'est qu'un
début, mais c'est déjà considérable.
Car l'enjeu, c'est bien de permettre au plus grand nombre de jeunes
possibles d'accomplir leur formidable volonté d'action et d'ouverture.
A nous de leur donner les perspectives d'échange et de découverte qu'
ils attendent.
Mesdames, Messieurs,
De quoi s'agit-il, ici à Montlhéry ? De quoi s'agit-il avec le service
civil volontaire ? Il s'agit d'abord de justice sociale. Ce que nous
voulons, c'est que chacun, quelle que soit son origine sociale, quelle
que soit sa formation, quelles que soient ses qualités, ait la
possibilité de trouver sa place dans notre société. Il y a des jeunes
dont les parents n'ont pas été suffisamment présents pour les
accompagner dans leur scolarité. Il y a des jeunes qui n'ont pas eu la
chance de rencontrer les professeurs dont ils auraient eu besoin. Nous
devons leur donner les mêmes chances qu'aux autres. C'est notre
responsabilité, c'est la responsabilité de l'Etat. Ici, à Montlhéry, il
s'agit aussi d'imagination et d'innovation. Aujourd'hui plus que
jamais, la France veut inventer son avenir. Elle veut relever le défi
de l'unité et de la cohésion nationale. Elle veut le faire avec des
instruments modernes adaptés aux réalités du temps. « Défense deuxième
chance », le service civil volontaire, voilà des idées neuves, des
idées ambitieuses, des idées d'avenir. Il s'agit enfin d'égalité des
chances. C'est un thème auquel, avec Azouz BEGAG, nous croyons
profondément. Ce que je veux construire, c'est une société qui donne sa
chance à chacun tout au long de la vie, une société où la réussite ne
suit pas un modèle particulier mais est le reflet de la diversité des
parcours et des talents de chacun. Je veux construire une société de
toutes les chances.
Je vous remercie.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 18 septembre 2006