Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur la prévention de l'insuffisance rénale chronique, les malades placés sous dialyse et les don d'organes, Paris le 3 octobre 2006.

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Circonstance : Présentation de la 2ème semaine du rein à Paris le 3 octobre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président de la FNAIR (Régis Volle),
Monsieur le Président de la Fondation du Rein (Professeur Raymond Ardaillou),
Madame la Directrice générale de l'Agence de la Biomédecine (Carine Camby),
Mesdames et Messieurs,
C'est la deuxième édition de cette Semaine du Rein à laquelle - vous le savez - je suis très attaché, notamment parce qu'elle met l'accent sur la prévention de l'insuffisance rénale chronique. Je sais d'ailleurs que beaucoup d'entre vous participeront aux Etats généraux de la Prévention que j'ouvrirai le 16 octobre prochain au Ministère de la Santé.
Je remercie la Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux, et plus particulièrement son président, Régis Volle, qui est à l'initiative de cette semaine d'information. Cet événement bénéficie du soutien des sociétés savantes, des Fondations du Rein et Greffe de Vie, de l'Association pour l'information sur les maladies rénales d'origine génétique, des Académies nationales de Médecine et de Pharmacie, de l'INSERM, de l'Ordre national des Médecins, de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), et bien sûr de mon ministère.
I. En deux éditions, cette semaine s'est inscrite dans le paysage de la santé en France.
Elle permet de mieux informer et sensibiliser le grand public et les médecins non néphrologues aux maladies rénales et à leur prévention.
Vous avez compris - Monsieur le Président - que la prévention doit s'appuyer sur les enfants qui sont des relais de sensibilisation et d'information auprès de leur famille. Vous avez ainsi invité les enfants de classes de CM1 et CM2 à rédiger un message de sensibilisation sur une carte postale portant votre slogan : « Mes reins, j'y tiens, j'en prends soin ».
Je crois également à l'importance des actions locales de terrain pour qu'un message de prévention passe dans le quotidien des Françaises et des Français. Afin d'atteindre cet objectif, vous avez cherché à inciter les professionnels à dépister plus précocement les maladies rénales. Nous ne pouvons nous résoudre à ce qu'un tiers des patients ne soient adressés pour la première fois au néphrologue que moins de 6 mois avant leur mise en dialyse, alors que plus de 30 % des insuffisances rénales sont aujourd'hui évitables.
C'est ce retard au diagnostic qui nous a conduit à inclure la prévention et la détection précoce de l'insuffisance rénale chronique dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire de 3ème génération actuellement mis en oeuvre.
Vous avez prévu d'organiser des « Journées nationales de dépistage gratuit » du 14 au 22 octobre. Or il est démontré que la prise en charge d'une maladie rénale au stade de la simple anomalie urinaire, facilement détectable à la bandelette urinaire par la présence d'albumine ou de sang, réduit l'incidence de l'insuffisance rénale.
Je tiens à remercier tous les professionnels de santé qui ont accepté de participer à ce dépistage dans les hôpitaux publics ou privés de 75 villes de France, qu'il s'agisse de CHU, de centres hospitaliers généraux, comme Saint-Quentin, ou de cliniques privées.
Pour compléter cette campagne, 500 000 brochures d'information, signets et affiches seront diffusés, notamment dans les pharmacies de ville.
Je suis heureux que l'INPES - comme je m'y étais engagé l'année dernière à l'occasion de la première Semaine du Rein - vous ait aidés pour la préparation et l'organisation de votre campagne d'information en direction du grand public et des professionnels de santé, aux côtés de la DGS et de la CNAMTS. Une subvention de 105 000 euros vous a ainsi été attribuée.
Mais la prévention passe avant tout par une mobilisation de tous les acteurs de santé : le parcours de soins constitue un levier idéal, dans la mesure où le médecin traitant - qui peut être un généraliste ou un néphrologue - est le mieux à même, avec le DMP, de déterminer une stratégie de prévention adaptée à chaque patient. Or on ne peut ralentir l'évolution de l'insuffisance rénale chronique qu'à la condition d'être suivi régulièrement par un néphrologue. C'est lui qui - en liaison avec le médecin généraliste - donnera les conseils et les médicaments qui pourront freiner la progression de la maladie.
Par ailleurs, le réseau REIN [Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie], que pilote l'Agence de la biomédecine, permet de disposer des informations épidémiologiques nécessaires à tous les acteurs pour élaborer des stratégies afin d'offrir la meilleure prise en charge possible pour les patients. Cet outil régionalisé contribue aussi à l'évaluation de la prise en charge pré-dialytique et en dialyse des malades.
Enfin, vous disposez depuis aujourd'hui d'un outil précieux que le Président de la Fondation du Rein, le Pr. Ardaillou, vous décrira dans quelques instants : la carte Maladies rénales. Cette carte pourra être présentée par le malade aux différents médecins (généraliste, cardiologue, diabétologue), ce qui facilitera la coordination des soins avec le néphrologue. A terme, son contenu sera intégré dans le dossier médical personnel des patients pour faciliter la coordination et la continuité des soins. Ce projet a été soutenu à hauteur de 50 000 euros par mon Ministère.
II. Mais quand l'insuffisance rénale ne peut plus être traitée par de simples médicaments, il est nécessaire de la traiter par dialyse. C'est le cas de près de 35 000 de nos concitoyens.
Vous comparez - Monsieur le Président - la dialyse à une prison sans barreau pour laquelle vous voulez des règles. Il est vrai que l'insuffisance rénale traitée par dialyse est perçue par les patients, d'après une récente étude, comme l'une des maladies chroniques qui induit les plus importantes dégradations de qualité de vie, et celle aussi qui implique les plus grandes difficultés d'adaptation. Il est indispensable que tout patient dialysé puisse se déplacer, soit professionnellement, soit pour des loisirs. La création d'unités saisonnières de dialyse effectives depuis cette année va permettre enfin à ces patients de pouvoir partir en vacances.
Je suis convaincu que la Maison du Rein que vous voulez mettre en place sera un lieu particulièrement utile pour que les patients atteints de maladie rénale puissent bénéficier de conseils diététiques, d'une écoute psychologique ou encore d'une aide à la réinsertion socio-professionnelle.
Je m'étais engagé l'année dernière à ce que les patients aient une garantie d'information sur ce traitement dès le stade de l'insuffisance rénale avancée, et que la qualité de la dialyse soit respectée dans toutes les structures de traitement.
Cela passe notamment par la Charte de la personne hospitalisée de mars 2006, applicable à toutes les structures de dialyse. Cela veut dire que l'accueil, l'information et le respect de l'intimité de la personne dialysée sont des droits qui doivent être connus et respectés.
Cela passe aussi par une information précoce du patient sur les différentes méthodes de traitement qui peuvent lui être proposées : l'hémodialyse à domicile, en unité d'autodialyse, en unité de dialyse médicalisée ou en centre, la dialyse péritonéale et la greffe. Comme vous le souhaitiez, la Direction générale de la santé et la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins préparent avec vous un livret d'information en pré-dialyse, en collaboration avec les sociétés savantes et l'INPES. Ce livret, qui sera disponible au printemps 2007, pourra vous aider dans le choix du traitement. Il n'est pas acceptable que certains patients ne se voient jamais proposés d'être inscrits sur une liste de greffe ou d'être dialysés à domicile.
Vous regrettez également - Monsieur le Président - que la qualité en dialyse soit très inégale d'une structure à l'autre. C'est pourquoi j'ai demandé hier à la Haute autorité de santé de réunir un groupe de travail afin de définir des référentiels de qualité de dialyse qui constitueront une charte en quelque sorte.
Enfin, je présenterai avant la fin de l'année le plan national stratégique sur la « qualité de vie des personnes atteintes de pathologies chroniques », pour lequel vous avez travaillé avec mes services.
Les discussions qui ont précédé l'élaboration de ce plan ont mis en relief les difficultés de réinsertion socioprofessionnelle que rencontrent fréquemment les personnes dialysées et greffées. La difficulté d'accès à l'assurance, que ce soit pour un emprunt professionnel ou l'achat d'un appartement, devait être levée. La nouvelle convention Belorgey que nous avons signée en juin 2006 sera applicable à compter du 1er janvier 2007. A compter de cette date, les choses devraient réellement changer pour les personnes malades ou greffées ; emprunter ne sera plus pour eux un véritable parcours du combattant.
III. Mais n'oublions pas que la greffe rénale est le traitement de suppléance qui offre le maximum de qualité de vie et de liberté au patient.
En France, 6 978 patients sont en 2006 en attente d'une greffe de rein, et 2 572 ont été effectivement transplantés en 2005, dont 197 [nombre qui a doublé en 4 ans] ont bénéficié d'un greffon de donneurs vivants. Mais le nombre de candidats à la greffe de rein augmente chaque année, ce qui fait que, malgré la forte croissance des prélèvements - plus de 30 % en 5 ans -, la pénurie ne diminue pas.
Trois mesures ont permis d'augmenter en 2005 le nombre de donneurs potentiels :
- l'élargissement des possibilités de dons de son vivant au-delà d'une parenté directe a permis d'augmenter de 20 % en 2005 les greffes de rein de donneurs vivants ;
- le prélèvement de reins chez une personne décédée par arrêt cardiaque est désormais autorisé ; sa mise en oeuvre débutera dans les hôpitaux pilotes très prochainement ;
- le prélèvement de reins provenant de donneurs ayant été en contact avec les virus de l'hépatite, en les réservant, pour l'hépatite C, à des patients dans le même état sérologique d'immunisation.
Mais il nous reste encore beaucoup à faire. Nous nous heurtons le plus souvent à l'absence d'avis clairement formulé en faveur du prélèvement d'organes d'une personne décédée. Cette situation est surprenante : alors que les trois quarts des Françaises et des Français se déclarent favorables au don de leurs propres organes, seuls 40 % d'entre eux font part de leur position à leurs proches. C'est pourquoi dans le doute, les professionnels de santé et les familles préfèrent parfois interpréter le silence de ces personnes qui n'ont pas exprimé d'avis comme un refus.
J'ai présenté le 19 septembre dernier la nouvelle carte Vitale 2 qui portera la mention que la personne titulaire de la carte a été informée sur le dispositif du don d'organes, ce qui devrait aider nos concitoyens à réfléchir à cette question importante, à prendre position et à faire part de cette position à leurs proches.
D'ailleurs je souhaite initier, notamment par une campagne de sensibilisation dès le mois de novembre, une réflexion plus large sur le don de soi, que ce soit de son vivant, par le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, ou encore de rein ; ou à sa mort, en informant ses proches.
Ensemble, nous devons être à la hauteur de l'enjeu que constitue l'insuffisance rénale pour nos concitoyens. Vous pourrez compter sur ma détermination et mon engagement.
Ma mobilisation sera à la hauteur de la solidarité que manifestent depuis deux ans plusieurs millions de Françaises et Français lors de cette semaine du rein.
source http://www.sante.gouv.fr, le 5 octobre 2006