Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
Disons-le d'entrée : ce projet de loi sur la participation ne répond pas aux attentes des millions de salariés qui réclament une juste revalorisation de leur salaire. Confrontés à un effritement de leur pouvoir d'achat, les ouvriers, les employés, les cadres de ce pays, du secteur privé comme de la fonction publique, ne demandent pas la distribution de primes aléatoires à la tête du client mais une meilleure rétribution de leur travail : pérenne, statutaire et conventionnelle. Ce que vous proposez, ce sont des dividendes incertains qui exonèrent le patron de ses contributions sociales. Ce que veulent les salariés, c'est du salaire, avec les droits inaliénables à la retraite et à la protection sociale qui y sont rattachés par le biais des cotisations.
Cette requête n'a rien d'utopique au vu des gains de productivité réalisés régulièrement par les entreprises, au regard aussi des profits colossaux accumulés par les groupes. Quand les sociétés du CAC 40 engrangent 50 milliards d'euros de bénéfice net au cours du premier semestre, avec des progressions fulgurantes comme 23 % de hausse du résultat chez BNP-Paribas ou 33 % chez Sanofi-Aventis, le salaire de base, lui, stagne à +,0,5 % entre avril et juin. C'est à cette spoliation du monde du travail et de la création qu'il faut mettre un terme.
L'augmentation immédiate du SMIC à 1500 euros, comme le proposent les députés communistes et républicains, représenterait une première mesure réaliste et incitative touchant directement la moitié des salariés qui, faut-il le rappeler, perçoit aujourd'hui moins de 1.455 euros nets par mois.
Depuis 20 ans, 160 milliards d'euros ont été transférés des salaires aux revenus financiers
Avec ce texte, vous ne vous attaquez pas à la plaie des bas salaires, des temps partiels contraints, des jobs précaires qui font qu'en France, près d'un million de personnes ayant travaillé plus de six mois dans l'année vivent dans la pauvreté, malgré leur activité. Depuis 20 ans, 10 points de PIB, soit 160 milliards d'euros, ont été transférés des salaires aux revenus financiers, tandis que la part consacrée aux investissements n'a pas progressé. Ce transfert pèse sur la croissance en bridant la consommation des ménages, freine les créations d'emplois de qualité et alimente le déficit de la protection sociale. Votre gouvernement joue du trompe l'oeil en usant de la thématique du pouvoir d'achat pour présenter un dispositif qui porte essentiellement sur le renforcement de la diffusion de l'épargne salariale et qui fait briller le vieux miroir aux alouettes de l'actionnariat salarié. En conséquence, vous allez accroître le transfert que je viens de dénoncer.
Vous prétendez réconcilier le travail et le capital, selon une formule éculée reprise par M. Borloo. Ce sont là de vieilles lunes ressassées depuis cinquante ans. Qui peut croire que le versement d'un hypothétique dividende du travail modifiera le quotidien des employées de caisse de la grande distribution, dont le salaire moyen est de 600 euros par mois ? Votre projet, qui consiste à soumettre toujours plus la rémunération du labeur et de la création aux exigences de la rentabilité financière du capital, n'a rien de moderne ni d'émancipateur. Mais il est vrai que depuis que l'UMP a pris les rênes du pouvoir, ce sont les marchés boursiers qui font la morale et la politique. Allègement d'Impôt sur la fortune pour les PDG actionnaires, démission totale de l'Etat dans le raid de Mittal sur Arcelor, privatisations en cascade, avec comme dernier épisode, le bradage organisé de l'entreprise publique GDF au seul profit de quelques gros actionnaires de Suez, à commencer par l'affairiste belge Albert Frère : cette majorité ne recule devant rien pour consolider le mur de l'argent. Et les dispositions qui figurent dans votre texte ne feront que drainer toujours plus de ressources vers les placements spéculatifs au détriment des salaires, des dépenses socialement utiles, des investissements dans l'innovation, la formation et la recherche-développement. Soulignons qu'en France, le poids des actifs financiers en actions et en titres d'OPCVM est passé de 1650 milliards d'euros en 1995 à 5.900 milliards d'euros en 2005, soit un patrimoine désormais supérieur à celui détenu en logements.
Des entailles supplémentaires faites au Code du travail
Devant le mécontentement suscité par le scandale des stocks-options pharaoniques, vous allez voler au secours d'un système inique en concoctant, avec l'aval du MEDEF, un toilettage cosmétique pérennisant ce régime de faveur réservé à une poignée de dirigeants d'entreprise. Actuellement, les 40 PDG des sociétés de l'indice CAC, qui ont perçu en 2005 2,5 millions d'euros de rémunération en moyenne, possède un pactole de stocks options d'une valeur potentielle de 700 millions d'euros. Vos mesurettes non seulement ne touchent pas à ces petits arrangements entre riches mais elles les légitiment. Pour faire bonne figure, vous prétendez améliorer la gouvernance des entreprises en offrant davantage de place aux actionnaires-salariés. Vous vous targuez de rénover le dialogue social, mais vous renvoyez au second plan les élus des salariés et leurs syndicats pour ne favoriser que les associations d'actionnaires. Vous en appelez à la participation, mais sans vous soucier de la discrimination dont sont victimes, au quotidien, les délégués syndicaux et les représentants des salariés. Selon une étude de la DARES, 13.400 d'entre eux ont été évincés de leur entreprise suite à un licenciement pour motif économique en 2003.
Face aux pressions de la finance sur l'emploi et les salaires, il est temps d'assurer une meilleure représentation des salariés, de leurs organisations syndicales, dans tous les conseils d'administration et de surveillance, et de leur confier une place majoritaire dans les conseils de surveillance des Fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) qui gèrent l'épargne salariale. Derrière le vernis suave des mots, votre projet est purement réactionnaire avec, en marge de son objet principal, des entailles supplémentaires faites au Code du travail, telles la suppression de la contribution Delalande mise en place pour pénaliser les licenciements des seniors, la légalisation du marchandage de main d'oeuvre dans les pôles de compétitivité ou encore la remise en cause de l'activité des conseillers prud'homaux.
Donner la priorité aux accords salariaux
A contre-courant de cette frénésie de libéralisme inégalitaire, notre pays et notre peuple aspirent à une véritable démocratie salariale reposant sur un droit d'ingérence des travailleurs et de leurs organisations dans les affaires de l'entreprise pour défendre les salaires, les investissements utiles et faire prévaloir une sécurité d'emploi et de formation. Nous ne nous contenterons pas de combattre votre texte, nous allons défendre, par une série d'amendements et de contre-propositions, cette vision novatrice et progressiste. Il s'agit de donner la priorité aux accords salariaux, validés selon le principe majoritaire, sur les différentes formules de revenus complémentaires. Si nous revendiquons l'abrogation du CNE et la suppression des mécanismes de stocks option, nous souhaitons, dans le même temps, doter les représentants élus des personnels de nouvelles capacités d'intervention. Par exemple en attribuant au comité d'entreprise une " action de préférence " ouvrant droit à un veto sur les opérations stratégiques de l'entreprise, en créant un recours suspensif pour faire prévaloir des alternatives aux licenciements collectifs, ou encore en instaurant une responsabilité juridique de la société donneuse d'ordre en cas de difficultés économiques supportées par sa filiale ou son sous-traitant. Toutes ces dispositions ont le mérite de pouvoir être étendues à l'échelle de l'Union européenne, en consolidant notamment la législation sur les comités de groupe européens et les obligations d'information et de consultation des travailleurs. Ce serait là un outil précieux dans l'action que doit conduire la France pour une réorientation de la construction européenne vers plus de justice sociale.
C'est en suivant cette voie, monsieur le Ministre, que l'on permettra aux salariés de maîtriser leur avenir et d'accroître leur liberté de choix dans une économie transformée où l'argent ne sera plus une fin instrumentalisée par quelques privilégiés mais un moyen d'épanouissement des hommes et des femmes. Au contraire, le chemin que vous imposez aux salariés les rend plus dépendants en soumettant leur patrimoine et leur rémunération aux aléas des marchés financiers. Cette dérive ne fait pas l'unanimité chez les experts de l'entreprise. Il y a peu, René Ricol, ancien président de la fédération mondiale des experts-comptables, lançait le cri d'alarme suivant : "Arrêtons de faire des marchés la référence unique et indiscutable" et soulignait, avec plus de courage et de lucidité que dans les rangs de l'UMP, que " La bourse n'est pas la vie ". Après toutes ces remarques, vous comprendrez que les députés communistes et républicains ne cautionneront pas la réponse tronquée que vous apportez aux attentes du monde du travail et de la création.Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 6 octobre 2006
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
Disons-le d'entrée : ce projet de loi sur la participation ne répond pas aux attentes des millions de salariés qui réclament une juste revalorisation de leur salaire. Confrontés à un effritement de leur pouvoir d'achat, les ouvriers, les employés, les cadres de ce pays, du secteur privé comme de la fonction publique, ne demandent pas la distribution de primes aléatoires à la tête du client mais une meilleure rétribution de leur travail : pérenne, statutaire et conventionnelle. Ce que vous proposez, ce sont des dividendes incertains qui exonèrent le patron de ses contributions sociales. Ce que veulent les salariés, c'est du salaire, avec les droits inaliénables à la retraite et à la protection sociale qui y sont rattachés par le biais des cotisations.
Cette requête n'a rien d'utopique au vu des gains de productivité réalisés régulièrement par les entreprises, au regard aussi des profits colossaux accumulés par les groupes. Quand les sociétés du CAC 40 engrangent 50 milliards d'euros de bénéfice net au cours du premier semestre, avec des progressions fulgurantes comme 23 % de hausse du résultat chez BNP-Paribas ou 33 % chez Sanofi-Aventis, le salaire de base, lui, stagne à +,0,5 % entre avril et juin. C'est à cette spoliation du monde du travail et de la création qu'il faut mettre un terme.
L'augmentation immédiate du SMIC à 1500 euros, comme le proposent les députés communistes et républicains, représenterait une première mesure réaliste et incitative touchant directement la moitié des salariés qui, faut-il le rappeler, perçoit aujourd'hui moins de 1.455 euros nets par mois.
Depuis 20 ans, 160 milliards d'euros ont été transférés des salaires aux revenus financiers
Avec ce texte, vous ne vous attaquez pas à la plaie des bas salaires, des temps partiels contraints, des jobs précaires qui font qu'en France, près d'un million de personnes ayant travaillé plus de six mois dans l'année vivent dans la pauvreté, malgré leur activité. Depuis 20 ans, 10 points de PIB, soit 160 milliards d'euros, ont été transférés des salaires aux revenus financiers, tandis que la part consacrée aux investissements n'a pas progressé. Ce transfert pèse sur la croissance en bridant la consommation des ménages, freine les créations d'emplois de qualité et alimente le déficit de la protection sociale. Votre gouvernement joue du trompe l'oeil en usant de la thématique du pouvoir d'achat pour présenter un dispositif qui porte essentiellement sur le renforcement de la diffusion de l'épargne salariale et qui fait briller le vieux miroir aux alouettes de l'actionnariat salarié. En conséquence, vous allez accroître le transfert que je viens de dénoncer.
Vous prétendez réconcilier le travail et le capital, selon une formule éculée reprise par M. Borloo. Ce sont là de vieilles lunes ressassées depuis cinquante ans. Qui peut croire que le versement d'un hypothétique dividende du travail modifiera le quotidien des employées de caisse de la grande distribution, dont le salaire moyen est de 600 euros par mois ? Votre projet, qui consiste à soumettre toujours plus la rémunération du labeur et de la création aux exigences de la rentabilité financière du capital, n'a rien de moderne ni d'émancipateur. Mais il est vrai que depuis que l'UMP a pris les rênes du pouvoir, ce sont les marchés boursiers qui font la morale et la politique. Allègement d'Impôt sur la fortune pour les PDG actionnaires, démission totale de l'Etat dans le raid de Mittal sur Arcelor, privatisations en cascade, avec comme dernier épisode, le bradage organisé de l'entreprise publique GDF au seul profit de quelques gros actionnaires de Suez, à commencer par l'affairiste belge Albert Frère : cette majorité ne recule devant rien pour consolider le mur de l'argent. Et les dispositions qui figurent dans votre texte ne feront que drainer toujours plus de ressources vers les placements spéculatifs au détriment des salaires, des dépenses socialement utiles, des investissements dans l'innovation, la formation et la recherche-développement. Soulignons qu'en France, le poids des actifs financiers en actions et en titres d'OPCVM est passé de 1650 milliards d'euros en 1995 à 5.900 milliards d'euros en 2005, soit un patrimoine désormais supérieur à celui détenu en logements.
Des entailles supplémentaires faites au Code du travail
Devant le mécontentement suscité par le scandale des stocks-options pharaoniques, vous allez voler au secours d'un système inique en concoctant, avec l'aval du MEDEF, un toilettage cosmétique pérennisant ce régime de faveur réservé à une poignée de dirigeants d'entreprise. Actuellement, les 40 PDG des sociétés de l'indice CAC, qui ont perçu en 2005 2,5 millions d'euros de rémunération en moyenne, possède un pactole de stocks options d'une valeur potentielle de 700 millions d'euros. Vos mesurettes non seulement ne touchent pas à ces petits arrangements entre riches mais elles les légitiment. Pour faire bonne figure, vous prétendez améliorer la gouvernance des entreprises en offrant davantage de place aux actionnaires-salariés. Vous vous targuez de rénover le dialogue social, mais vous renvoyez au second plan les élus des salariés et leurs syndicats pour ne favoriser que les associations d'actionnaires. Vous en appelez à la participation, mais sans vous soucier de la discrimination dont sont victimes, au quotidien, les délégués syndicaux et les représentants des salariés. Selon une étude de la DARES, 13.400 d'entre eux ont été évincés de leur entreprise suite à un licenciement pour motif économique en 2003.
Face aux pressions de la finance sur l'emploi et les salaires, il est temps d'assurer une meilleure représentation des salariés, de leurs organisations syndicales, dans tous les conseils d'administration et de surveillance, et de leur confier une place majoritaire dans les conseils de surveillance des Fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) qui gèrent l'épargne salariale. Derrière le vernis suave des mots, votre projet est purement réactionnaire avec, en marge de son objet principal, des entailles supplémentaires faites au Code du travail, telles la suppression de la contribution Delalande mise en place pour pénaliser les licenciements des seniors, la légalisation du marchandage de main d'oeuvre dans les pôles de compétitivité ou encore la remise en cause de l'activité des conseillers prud'homaux.
Donner la priorité aux accords salariaux
A contre-courant de cette frénésie de libéralisme inégalitaire, notre pays et notre peuple aspirent à une véritable démocratie salariale reposant sur un droit d'ingérence des travailleurs et de leurs organisations dans les affaires de l'entreprise pour défendre les salaires, les investissements utiles et faire prévaloir une sécurité d'emploi et de formation. Nous ne nous contenterons pas de combattre votre texte, nous allons défendre, par une série d'amendements et de contre-propositions, cette vision novatrice et progressiste. Il s'agit de donner la priorité aux accords salariaux, validés selon le principe majoritaire, sur les différentes formules de revenus complémentaires. Si nous revendiquons l'abrogation du CNE et la suppression des mécanismes de stocks option, nous souhaitons, dans le même temps, doter les représentants élus des personnels de nouvelles capacités d'intervention. Par exemple en attribuant au comité d'entreprise une " action de préférence " ouvrant droit à un veto sur les opérations stratégiques de l'entreprise, en créant un recours suspensif pour faire prévaloir des alternatives aux licenciements collectifs, ou encore en instaurant une responsabilité juridique de la société donneuse d'ordre en cas de difficultés économiques supportées par sa filiale ou son sous-traitant. Toutes ces dispositions ont le mérite de pouvoir être étendues à l'échelle de l'Union européenne, en consolidant notamment la législation sur les comités de groupe européens et les obligations d'information et de consultation des travailleurs. Ce serait là un outil précieux dans l'action que doit conduire la France pour une réorientation de la construction européenne vers plus de justice sociale.
C'est en suivant cette voie, monsieur le Ministre, que l'on permettra aux salariés de maîtriser leur avenir et d'accroître leur liberté de choix dans une économie transformée où l'argent ne sera plus une fin instrumentalisée par quelques privilégiés mais un moyen d'épanouissement des hommes et des femmes. Au contraire, le chemin que vous imposez aux salariés les rend plus dépendants en soumettant leur patrimoine et leur rémunération aux aléas des marchés financiers. Cette dérive ne fait pas l'unanimité chez les experts de l'entreprise. Il y a peu, René Ricol, ancien président de la fédération mondiale des experts-comptables, lançait le cri d'alarme suivant : "Arrêtons de faire des marchés la référence unique et indiscutable" et soulignait, avec plus de courage et de lucidité que dans les rangs de l'UMP, que " La bourse n'est pas la vie ". Après toutes ces remarques, vous comprendrez que les députés communistes et républicains ne cautionneront pas la réponse tronquée que vous apportez aux attentes du monde du travail et de la création.Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 6 octobre 2006