Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les grandes orientations du projet de loi sur l'eau, Paris le 20 septembre 2006.

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Texte intégral

Monsieur le Député, Cher Martial,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs
C'est avec beaucoup de plaisir que je suis parmi vous à l'invitation de Martial SADDIER actif défenseur de la montagne au sein du Conseil national de la montagne notamment.
L'environnement et l'écologie sont au coeur de tous les sujets qui concernent la montagne. Celui de l'eau est certainement un des plus emblématique.
Cette eau, nous le savons tous, et particulièrement les élus et tous les acteurs de la montagne, nous devons la protéger.
Nous devons aussi savoir composer avec sa force, tantôt destructrice, tantôt source d'énergie renouvelable.
La gestion de cette ressource doit bien entendu se faire à l'échelle de bassins versants de taille adaptée à la problématique traitée. Cette échelle est véritablement celle où s'exerce la solidarité amont aval.
Tout d'abord, ce colloque est pour moi l'occasion de vous présenter les avancées que nous permettront la loi sur l'eau qui vient d'être votée en seconde lecture par le Sénat.
Cinq points majeurs me paraissent intéresser tout particulièrement la montagne :
- l'entretien des cours d'eau ;
- l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
- l'assainissement non collectif ;
- la solidarité entre le monde urbain et le monde rural ;
- les redevances en matière d'élevage ;
- et enfin les eaux libres et le développement du tourisme de pêche.
L'entretien régulier des milieux aquatiques est un enjeu pour le respect des objectifs de la directive-cadre sur l'eau et pour la prévention des inondations.
Le projet de loi permet de simplifier les procédures en conservant le même niveau de protection pour le milieu. Ainsi, une autorisation pluriannuelle pourra être donnée pour des plans de gestion par bassins versants.
Ces plans pourront bien sûr être adaptés pour prendre en compte des interventions ponctuelles non prévisibles rendues nécessaires par exemple à la suite d'une crue, ainsi que toute opération s'intégrant dans un plan d'actions et de prévention des inondations.
De manière générale, la loi renforce l'organisation des structures maîtres d'ouvrage pour que l'on puisse adapter l'aire géographique de compétence de cette structure aux actions à mettre en oeuvre, de façon à ce qu'elle ait la légitimité à agir sur un territoire donné, les moyens financiers adéquats et la possibilité de se doter de moyens en personnel.
En matière d'énergie hydroélectrique, l'orientation est la réduction de l'impact environnemental, l'optimisation de l'utilisation du potentiel hydraulique en facilitation les procédures pour autoriser à utiliser l'énergie hydraulique sur des ouvrages existants déjà autorisés au titre de la loi sur l'eau.
Le classement de rivières, dont certains secteurs doivent être préservés pour assurer la continuité écologique exigée par la directive-cadre européenne sur l'eau, sera réalisé par l'autorité préfectorale et non plus au niveau national comme c'est le cas aujourd'hui.
S'agissant des débits réservés, la règle du 1/20ème devient directement applicable à tous les cours d'eau dont le module est supérieur à 80 m3/seconde et aux ouvrages hydroélectriques qui, par leur capacité de modulation, contribuent à la production d'électricité en période de pointe de consommation.
Par ailleurs, le projet de loi donne plus de souplesse en offrant la possibilité de variations des valeurs du débit minimal à respecter dans les cours d'eau au droit d'un ouvrage au cours de l'année.
Le projet de loi encourage également la création d'ouvrages à buts multiples et d'utilisation partielle des réservoirs hydroélectriques à des fins autres qu'énergétiques chaque fois que possible.
Enfin, une date limite, le 1er janvier 2014, est fixée pour appliquer ces nouvelles règles, et assurer la compatibilité avec les échéances de la directive-cadre européenne sur l'eau.
En matière d'assainissement non collectif, autre sujet qui intéresse la montagne, le projet de loi vise à donner aux élus une d'outils pour exercer leurs compétences.
Ainsi, la loi permettra aux communes d'apporter un service complet à leurs concitoyens, comprenant non seulement le contrôle et l'entretien, mais aussi la réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectifs.
Je tiens à indiquer clairement que les communes conserveront le libre choix des modalités du contrôle de ces installations. Elles pourront le confier à un prestataire privé lorsqu'elles le souhaiteront mais ce seront elles qui devront le décider. Les services publics d'assainissement non collectifs mis en place ne subiront donc aucune concurrence.
Enfin, le projet de loi prévoit qu'en 2012 l'ensemble des contrôles de l'assainissement non collectif devra être achevé.
Gardiens de ce château d'eau que sont vos montagnes, vous êtes particulièrement attachés à la prise en compte de la solidarité amont aval.
Celle-ci s'exprime dans le projet de loi par une dotation de 1 milliard d'euros destinée spécifiquement au milieu rural pour des actions en matière d'eau et d'assainissement.
Ceci porte à un niveau jamais égalé par l'ancien fond national d'adduction d'eau les montants qui seront ainsi consacrés aux communes rurales.
Un des points importants du projet de loi est de conforter les agences de l'eau en donnant une assise juridique constitutionnelle aux redevances qu'elles perçoivent.
En matière d'élevages, cette redevance a été largement simplifiée, son assiette sera désormais celle des unités gros bétail.
Les exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 1,4 ne payeront pas cette redevance pour tenir compte de leur caractère extensif et faiblement polluant.
Dans les zones de montagnes, seules les exploitations de plus de 150 UGB pourront être assujetties à cette redevance.
Ainsi, les petites exploitations ne seront pas concernées. Enfin, dans tous les cas, les 40 premières unités de gros bétail ne seront pas taxées pour réduire les effets de seuils.
Cette nouvelle assiette permettra une réduction sensible de la complexité administrative et des coûts d'élaboration et de traitement des dossiers pour les agriculteurs et pour les agences de l'eau. Ecologie ne rime pas avec paperasserie mais avec efficacité !
Pour autant, cette redevance gardera son caractère incitatif et son équité : ceux qui ne sont pas aux normes verront leur redevance multipliée par trois.
Le dernier point que je voudrais évoquer est celui des eaux libres et des eaux closes. Un nouveau critère, celui du passage du poisson, a été introduit par l'Assemblée nationale et accepté par le Sénat, afin de clarifier une situation qui avait généré de nombreux contentieux.
Je rappelle que la définition de ce nouveau critère a été longuement préparée par un groupe de travail présidée par Mme VESTUR, Conseiller d'Etat, en lien avec les représentants des différents acteurs concernés.
Faut-il en conclure que les lacs de montagnes qui communiquent de manière intermittente avec des eaux libres vont devenir des eaux closes ? La réponse est claire : non.
Un décret définira précisément les points clefs de cette nouvelle approche. Il s'agit par exemple de préciser ce que signifie « passage du poisson », en tenant compte des alevins ou de communications temporaires qui ne doivent pas remettre en cause le caractère d'eau libre comme pour les lacs de montagne.
Ce qui justifie la qualité d'eau close doit être la physionomie des lieux et non l'action du propriétaire. Dès lors, on ne doit pas redouter une extension massive des eaux closes.
Sous ces réserves, le nouveau critère de définition des eaux closes devrait clarifier la situation et apaiser les tensions entre pêcheurs et propriétaires d'étangs.
Au-delà des points spécifiques que je viens d'évoquer, le projet de loi sur l'eau nous permettra d'améliorer la gouvernance de la politique de l'eau dans l'esprit d'une gestion par bassin versant.
Le contrôle et l'impulsion du Parlement sont renforcés, celui-ci fixant tous les 6 ans les grandes priorités de l'action des agences de l'eau assortis des moyens correspondants.
Les comités de bassins se voient confier un rôle élargit en donnant un avis conforme sur le programme des Agences de l'eau.
A l'issue de la seconde lecture au Sénat, un consensus s'est établi pour conserver, dans ces comités, une parité entre le collège des élus et celui des usagers.
Je m'en réjouis car cet équilibre original a fait ses preuves, et l'apport des usagers de l'eau dans leur diversité est très important pour enrichir les débats.
La portée juridique des schémas d'aménagement et de gestion des eaux est significativement renforcée. Ainsi, le règlement des SAGE sera opposable aux tiers.
Enfin, la transformation du Conseil supérieur de la pêche en office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) apportera un soutien important à la mise en oeuvre de la directive cadre.
L'organisation des pêcheurs, qu'ils soient amateurs ou professionnels est renforcée. Une fédération nationale de la pêche et de la protection des milieux aquatiques est créée, et comportera en son sein une commission spécialisée pour la pêche amateur aux engins. Parallèlement, un comité national de la pêche professionnelle en eau douce est créé.
L'examen du texte au Sénat, la semaine dernière, a été l'occasion de conforter certains points.
Je pense notamment aux mesures destinées à assurer la traçabilité de l'utilisation des pesticides omniprésents dans nos cours d'eau.
Le 28 juin dernier, j'ai présenté en Conseil des ministres un plan interministériel de lutte contre les pollutions par les pesticides. Pour la première fois, un objectif chiffré de réduction de l'utilisation des pesticides a été fixé : il s'agit de diminuer en 3 ans de 50% l'usage des produits les plus toxiques.
Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, le Gouvernement institue bien une redevance sur les produits phytosanitaires d'un montant de 40 millions d'euros par an environ.
La création d'une classe spécifique de redevance pour les produits les plus dangereux est un élément important pour atteindre cet objectif.
En matière d'inondation, le projet de loi permet de mieux mobiliser le fonds « Barnier » sur les risques, afin de financer les travaux de prévention contre les crues.
Ces crédits permettront de financer de nouveaux plans d'aménagements et de prévention des inondations, au-delà des 43 plans déjà engagés depuis 2003, comme je m'y suis engagée le 12 juillet dernier dans le plan de relance que j'ai présenté.
Enfin, et j'en terminerai là, l'avancée politique majeure de l'examen de la loi au Sénat est l'intégration du droit d'accès à l'eau dans la loi.
Cette mesure complète le dispositif existant pour venir en aide aux impayés de facture d'eau mis en place dans le cadre de la loi de décentralisation d'août 2004 (fond de solidarité logement), et l'interdiction des coupures d'eau pendant la période hivernale pour les personnes en situation de précarité intégrée à la loi « engagement national pour le logement » promulguée en juillet dernier.
Le projet de loi sur l'eau en supprimant les cautions et autres dépôts de garantie qui devront être remboursés aux particuliers apportera également une amélioration sensible.
Nous disposerons ainsi d'un arsenal complet permettant de traiter les problèmes sociaux liés à l'eau.
Il s'agit également d'inciter d'autres pays à reconnaître l'accès à l'eau dans leur droit interne et de donner un sens encore plus fort et concret à l'engagement de la France sur ce thème lors des récents sommets internationaux sur l'eau à Mexico et à Stockholm.
Comme vous pouvez le constater, le projet de loi sur l'eau qui est sur le point d'aboutir, est particulièrement riche et apportera une contribution notable à la protection de nos ressources en eau dans l'esprit de la directive cadre.
Au-delà de la question de l'eau, les défis de l'environnement en montagne sont nombreux : préservation des espaces et des sites, changement climatique, tourisme durable, risques, faune et flore...
Le défi majeur de notre siècle est celui du changement climatique qui constitue une priorité pour le Gouvernement.
Nous devons nous préparer à lutter au quotidien contre le réchauffement climatique, en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre, et en développant les techniques d'absorption du carbone.
Je rappelle que la France respecte le protocole de Kyoto.
Les incitations fiscales mises en place par le Gouvernement en matière d'isolation par exemple connaissent un grand succès auprès de nos concitoyens, et les énergies renouvelables se développent à un rythme sans précédent en France.
Nous devons aussi anticiper sur ce réchauffement climatique, car les actions internationales pourront atténuer le réchauffement climatique mais ne pourront pas le renverser à moyen terme.
Ainsi, les activités qui se tiendront en montagne devront-elles prendre en compte l'élévation des températures, la modification des rythmes biologiques ou l'évolution de l'enneigement.
C'est pourquoi le développement du tourisme durable en montagne, dans ses dimensions économique, sociale et environnementale, constituera le premier thème de la présidence française de la Convention Alpine à partir de novembre 2006.
Quatre thématiques rythmeront nos réunions :
- l'attractivité touristique des Alpes fondée sur l'image de nature ;
- la conception des stations touristiques ;
- le renforcement du tourisme de nature ;
- et la dimension sociale du tourisme, avec la prise en compte, notamment, des acteurs locaux et des saisonniers.
Les élus de la montagne, je le sais, ont à coeur de préserver leur patrimoine naturel, sa pureté et sa richesse. Je m'en réjouis.
Et c'est donc fort naturellement que je serai à vos côtés, en tant que Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, pour vous aider à préserver ce capital irremplaçable.
Je vous remercie.Source http://www.inbo-news.org, le 9 octobre 2006