Texte intégral
I- Voici le bilan que l'on peut dresser de la canicule de 2006 :
- Celui d'un plan national canicule qui a fonctionné : grâce aux alertes données, les établissements accueillant des personnes âgées ont su réagir et prévenir les conséquences sanitaires des canicules. Ils sont équipés à 96,5 % en pièces rafraîchies et disposent, à 92 %, de plans de gestions de crise (plans bleus) qui prévoient, par conventions, un travail en connexion avec l'hôpital.
* 17 millions d'euros ont été alloués par l'Etat pour aider les maisons de retraites, et les services de soins infirmiers à domicile et les unités de soins de longue durée à recruter des renforts en période de canicule. Ce sont aussi 5 millions d'euros qui ont aussi été dépensés pour aider les établissements pour personnes handicapées à acquérir du matériel de rafraîchissement des locaux.
- Celui d'une population sensibilisée : les campagnes systématiques de l'INPES, les réquisitions de médias pour faire passer les messages sanitaires mais aussi la campagne radio « n'attendons pas pour être solidaire » ont reçu un accueil très favorable : les comportements ont changé (63 % des Français se sont protégés de la chaleur contre 48 % en 2005) et sont devenus plus solidaires (73 % des Français, proches d'une personne âgée vulnérable, se sont manifestés auprès d'elle).
- d'une mobilisation de tous dans la lutte contre l'isolement. L'isolement était la priorité de notre action pour 2006. Elle passe par la mobilisation des communes pour ouvrir les registres des personnes vulnérables ; les mairies ont été nombreuses, comme Marseille, à appeler plusieurs fois par semaines ces personnes, à envoyer des personnes chez elles, ou à utiliser les relais des services d'aide à domicile (Gagny, 93) ou des associations. Ces associations ont été beaucoup plus appelées, notamment pour venir en aide aux SDF : on peut citer par exemple Avignon où un service d'accueil et d'orientation leur est consacré ou encore la Croix rouge qui a assuré des maraudes et des accueils de jour dans 14 départements concernés.
* Je veux également saluer aujourd'hui les boulangers, les syndics d'immeubles, les distributeurs de presse, la Poste qui ont monté des opérations d'affichage pour diffuser les messages de prévention et participer à la lutte contre l'isolement dans les quartiers.
- Un bilan positif de la réactivité du système sanitaire sollicité en urgence. La première urgence était de parer aux afflux massifs à l'hôpital par le travail en amont. Il a permis de limiter l'activité hospitalière : les services d'urgences ont augmenté leur activité de seulement 10 % au total (même si l'accueil des personne âgées a cru de 20 à 30 %) et les hospitalisations ont atteint jusqu'à +30 % le 17 juillet (+60 % pour les personnes âgées)
- Depuis 2003, les hôpitaux se sont dotés de plans blancs pour gérer des situations d'afflux massifs (par des déprogrammations, renvois anticipés lorsque cela est possible...). Mais ces plans représentent une solution « à un coup » utilisable une seule fois en situation extrême. Pour les situations de tension intermédiaire, le Ministère de la Santé a lancé cet été, en coordination avec les hôpitaux, de nouvelles méthodes de gestion, dites de l'« hôpital en tension ». Des réunions quotidiennes ont été tenues au sein des établissements avec le directeur, le président de CME et les chefs de service ; elles permettent de gérer au plus juste les capacités en lits. Au niveau régional, le directeur de l'ARH a procédé à une coordination quotidienne.
- C'est également la première fois que le Ministre de la santé a fait appel aux élèves des facultés de médecine et aux médecins retraités dans notre pays. Plusieurs centaines de volontaires se sont présentés en quelques jours et ont ainsi témoigné de leur capacité de réaction et leur sens de la solidarité.
- Je tiens également à remercier les médias qui ont joué le jeu des réquisitions pour diffuser les spots radios et télévisés de prévention à la population pendant tous ces 7 jours où la canicule a touché une très grande partie du pays. Leur rôle a été essentiel pour diffuser ces messages de prévention et de solidarité.
- Je pense également aux présentateurs météo qui se sont engagés à bien faire comprendre les vrais risques de la grosse chaleur pour la santé et à faire passer les messages sanitaires mais aussi solidaires aux Français lors de leurs bulletin.
II- Il n'est pas question aujourd'hui de me limiter à dresser un bilan. Si j'ai réuni ce matin tous les acteurs qui se sont mobilisés dans l'urgence pendant la canicule : collectivités, associations, fédérations hospitalières, représentants du secteur médicosocial -en charge des personnes âgées comme handicapées-et médecins, c'est pour tracer des perspectives qui permettront d'améliorer encore le système de soins.
. la lutte contre l'isolement représente une priorité constante. Les associations réunies aujourd'hui ont redit qu'elles étaient prêtes à être davantage sollicitées par les maires ou les préfets.
- Notre défi pour cette année est le suivant : faire s'inscrire le maximum de personnes vulnérables sur les registres. Nous lançons un appel aux associations d'aide à domicile et aux services de soins à domicile pour sensibiliser leurs clients. L'AMF le rappellera aussi aux communes, ce qui augmente nos chances de succès.
- Un guide spécial à destination des communes sera réalisé par le ministère en lien avec l'AMF et les actions exemplaires seront relayées notamment sur le site Internet du ministère.
- Les associations de solidarité ont émis le souhait de travailler davantage aux côtés des préfets et des maires. Un nouveau cadre conventionnel leur est proposé par le ministère de l'Intérieur pour les opérations de « soutien aux populations ».
. Nous avons retravaillé aujourd'hui sur la manière de gérer les situations de tension à l'hôpital : Les plans blancs sont réservés aux situations d'extrême urgence, il convient donc (1) d'accentuer les actions de prévention afin d'éviter les afflux massifs et (2) de programmer au plus juste les activités (déprogrammation du non urgent ; sorties anticipées ; solidarité entre services).
- Pour cela une réunion quotidienne au niveau des directeurs d'hôpitaux, présidents de CME et chefs de service est programmée, et une réunion au niveau de l'ARH doit coordonner l'ensemble de l'activité hospitalière comme cela a été fait pendant l'épisode de canicule 2006.
Nous développons les systèmes de remontée des données en temps réel sur le niveau d'activité et les capacités disponibles. L'InVS et la DHOS sont en d'ores et déjà en train de fusionner leurs systèmes de remontées de données sur l'activité des services d'urgences.
* Ce sont par ailleurs 30 Millions d'euros d'Hôpital 2007 qui seront utilisés pour l'informatisation des services d'urgences.
* Les « résumés de passages aux urgences » remplis dans 50 % des cas aujourd'hui le seront à 85 % d'ici fin 2007, et dans tous les CHU d'ici mai 2007.
C'est aussi les capacités des services d'urgences qu'il s'agit de renforcer en situation de tension :
Nous poursuivrons pour cela en 2007 le plan Urgences. Dans la suite de la mission qui a été confiée à Jean-Yves Grall, conseiller général des établissements de santé, nous ciblerons les services d'urgence les plus fragiles.
Par ailleurs un décret sera pris début 2007 pour augmenter le prorata des heures supplémentaires et déplafonner leur rémunération.
La canicule a démontré toute la pertinence des décrets « urgence » dont je souhaite que la mise en oeuvre soit une priorité pour les ARH.
* C'est également la question des disponibilités en lits au cours de l'été qui se pose. Le dispositif mis en place cet été a montré sa capacité de réaction. Il reposait sur une programmation en amont de l'été par les hôpitaux et un suivi des disponibilités par les ARH pendant l'été au jour le jour. Au vu des pratiques qui ont été observées cet été, Jean-Yves Grall a été invité à travailler sur ce sujet et dire si -et comment-- le dispositif actuel peut encore être amélioré.
. Suite au grand mouvement de mobilisation spontanée des étudiants en médecine et des médecins retraités, nous voulons donner plus de cadre à ces actions volontaires. Une circulaire est en cours de préparation pour organiser l'emploi des étudiants volontaires en situation de crise (équivalences, rémunération...).
- Notre volonté est de favoriser le volontariat. Le code de la santé publique prévoit que si les besoins de la santé publique l'exigent, les étudiants en médecine ayant validé le 2ème cycle sont autorisés à exercer la médecine (par arrêté spécial du ministre de la santé autorisant les préfets à leur permettre d'exercer). C'est ce qui a été testé cet été. Des contrats ont alors été passés entre les hôpitaux et les étudiants.
- Mon intention est d'aller plus loin et de créer un corps de réserve sanitaire qui puisse apporter son soutien au système hospitalier et aux praticiens libéraux.
. Nous avons évoqué cet après-midi la question des personnels de remplacement pendant l'été dans les maisons de retraites : les directeurs d'établissements se prépareront désormais plus en amont des canicules en identifiant un plus large vivier de personnes prêtes à venir renforcer les équipes en période de canicule.
- Mais le problème de la canicule se double d'un problème plus structurel qui concerne les remplacements pendant l'été, qu'il y ait canicule ou non.
- pour cela il faut accélérer les signatures de conventions tripartites qui ont permis aux établissements signataires de recruter 7 à 8 personnels supplémentaires. Le PLFSS 2007 prévoit 159 Millions d'euros qui couvrent le financement des derniers conventionnements (représentant 90.000 places contre 460.000 déjà conventionnées, soit 85 %). Ce sont encore 9.000 emplois qui seront créés en 2007.
- Pour les établissements déjà conventionnés, l'objectif est de passer d'un taux d'encadrement de 0,57 par résident à 0,65. De plus, à partir du PLFSS 2007, les besoins d'encadrement intègreront le critère des besoins en soins des patients et non plus seulement leur niveau de dépendance.
- Pour les établissements accueillant les personnes les plus dépendantes, le taux d'encadrement sera porté à 1 pour 1, d'ici 5 ans.
. Pour accélérer l'équipement en capacité de rafraîchissement dans les établissements pour personnes handicapées j'ai décidé la réouverture pour ces établissements de la subvention qui avait été attribuée pour les personnes âgées (40 % limité à 15.000euros). Le but est d'assurer la même qualité d'accueil que pour les personnes fragiles âgées (pour le 1er avril 2007 : rafraîchissement d'une pièce par établissement accueillant des personne lourdement handicapées : foyers d'accueil médicalisés, maisons d'accueil spécialisé ... et, pour les établissements accueillant des personnes moins lourdement handicapées, acquisition d'un simple appareil mobile de rafraîchissement).
Le ministère publiera prochainement une circulaire définissant les règles précises de cette mesure.
. Enfin, certaines catégories de médicaments très spécifiques (diurétiques et psychotropes) ayant été cet été encore identifiées comme des facteurs de risques supplémentaires, j'ai décidé de prendre une mesure réglementaire imposant l'apposition d'un pictogramme spécial canicule sur les boîtes de médicaments concernées. Nous redemanderons également aux professions concernées (psychiatres...) d'informer très spécialement leurs patients.
La gestion d'une crise canicule nous concerne tous.
Pour être efficiente, la gestion d'une crise de canicule doit engager l'ensemble du gouvernement. C'est pour cela que le Premier ministre avait mobilisé l'ensemble des ministres à ce sujet cet été. Je pense en particulier à la question des travailleurs, puisque l'on sait que 12 des 133 victimes identifiées comme directement liées à la canicule étaient des travailleurs. Gérard LARCHER a engagé un travail important sur le sujet et a présenté sa stratégie au Conseil supérieur de prévention des risques professionnels du 18 octobre. Elle prévoit :
- Une adaptation du code du travail avec l'intégration du risque canicule dans l'évaluation des risques et dans les négociations collectives
- L'intégration de la prévention des risques dus à la canicule dans le volet prévention des négociations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles
- De favoriser le dialogue social sur ce sujet pour diffuser les bonnes pratiques (aménagement des horaires, repérage des métiers les plus exposés, reports éventuels de chantiers...)
- La mobilisation des branches professionnelles, en commençant par les plus concernées comme le bâtiment
Dans la suite des travaux réalisés dans le cadre du plan climat coordonné par le ministère de l'Ecologie, Jean-Louis BORLOO, ministre en charge du logement, a pris des mesures pour engager l'adaptation du parc immobilier au « confort de l'été » :
- La « réglementation technique 2005 » du logement prévoit que les bâtiments neufs doivent désormais prendre en compte le critère de confort de l'été, hors climatisation (à partir d'un calcul de la température intérieure dans ses structures pour qu'elle ne dépasse pas 26°). Les solutions sont l'occultation de baies, le renforcement de l'inertie thermique, et l'ajustement de l'orientation du bâtiment. Il tient compte des zones de bruit, où plus d'isolation de la chaleur est demandée
- De plus la climatisation est réglementée en France, avec le principe qu'un bâtiment climatisé ne doit pas plus consommer d'énergie sur une année entière qu'un autre bâtiment (ce qui est possible grâce à une très bonne isolation)
Jean-François LAMOUR, ministre de la jeunesse et des sports, a utilisé le canal des fédérations pour que les organisateurs d'événements sportifs prennent systématiquement en compte le risque chaleur.
Mais c'est surtout l'ensemble de la société civile qui doit être mobilisée, comme nous l'avons vu cet été.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 octobre 2006