Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les ministres responsables de l'aménagement du territoire,
chers collègues,
Mesdames Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'ouvrir cette table ronde sur la coopération et les pôles de compétitivité, instant important de ces deux journées de réflexion et d'échange de cette conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire.
Cette conférence européenne, qui rassemble des représentants de 45 Etats membres du conseil de l'Europe, poursuit un objectif noble, ambitieux, difficile, mais chargé d'espoir pour l'avenir : le développement territorial durable du continent européen.
Les principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen, adoptés le 30 janvier 2002 par le comité des ministres, visent en particulier à mettre en cohérence les attentes économiques et sociales, par rapport au territoire, avec ses fonctions écologiques et culturelles, et ainsi à contribuer à un développement territorial à grande échelle, durable et équilibré.
Ces principes directeurs fixent donc la feuille de route que nous devons suivre, afin de faciliter et développer les coopérations dans l'ensemble de l'Europe, gage d'équilibre et de sécurité de ce continent.
L'une des grandes caractéristiques du continent européen réside dans sa diversité de territoires, et dans chacun de ces territoires, on trouve des femmes et des hommes qui se battent au quotidien pour améliorer leur avenir. Cette diversité pourrait être considérée comme un facteur défavorable d'une politique globale en faveur des territoires. En effet, il est plus aisé de définir des axes d'évolution peu sensibles aux particularités locales. Pour ma part, je considère cette diversité comme une richesse. Je suis donc opposé à toute notion d'uniformisation de ces territoires. Au contraire, c'est l'addition de ces particularismes et de ces compétences qui conduisent à créer cette richesse. L'enjeu est donc de la mettre en valeur.
Depuis plus de 20 ans, je suis élu d'un département, frontalier entre la France et l'Italie, bordé au sud par la Méditerranée, au nord et à l'est par les Alpes du Sud, et caractérisé par la présence de grandes zones urbaines qui côtoient, en plaine, des zones rurales. J'ai donc la chance de connaître ce condensé de particularismes, qui me permet de ne pas découvrir l'ensemble des problématiques posées.
Des coopérations existent déjà dans le domaine transfrontalier, celui des transports, du développement de l'accès à l'information et au savoir, de la réduction des atteintes à l'environnement, de la valorisation de la protection des patrimoines naturels ou culturels. A ce titre, je pourrai citer l'autoroute ferroviaire entre Aiton en France et Orbassano en Italie, la convention alpine qui vise à un développement équilibré du massif alpin, la convention de Barcelone sur la réduction de la pollution marine et la protection des espèces en Méditerranée, ou les accords bilatéraux entre la France, l'Espagne et l'Italie sur l'intervention automatique des moyens de lutte contre les feux de forêts dans la zone inter frontalière.
Bien sûr, sous ces thématiques aussi diverses, ces coopérations portent leurs fruits. Cependant, j'aimerais aujourd'hui ouvrir de manière plus large notre horizon, afin d'y inclure une clé importante du développement économique futur de nos territoires : la coopération en matière de recherche et développement.
Chaque participant de cette table ronde est soucieux d'un développement harmonieux des territoires qu'il représente. Certes, il convient de promouvoir la cohésion sociale européenne. Certes, il convient de réduire la fracture entre les zones urbaines et les zones rurales. Certes, il convient de préserver et de mettre en valeur nos paysages, nos montagnes, nos régions côtières et insulaires. Mais ceci ne peut se réaliser sans un développement économique qui puisse prodiguer un travail pour tous, et apporter les ressources financières nécessaires à ces enjeux.
Ce développement économique passe avant tout par une dynamisation de la recherche et développement. La recherche est un investissement qui ne produira ses effets que dans plusieurs années. Cependant, si cet investissement n'était pas engagé, l'avenir européen pourrait être compromis. Certains pays comme les États-Unis et le Japon ont bien compris les enjeux liés à la recherche. Ils dépensent chacun davantage en recherche et développement que l'ensemble de l'union européenne. C'est la raison pour laquelle l'objectif est d'augmenter nos dépenses de recherche pour qu'elles atteignent 3 % du produit intérieur brut d'ici 2010.
Pour dynamiser cette recherche, il est important de pouvoir s'appuyer sur l'organisation de celle-ci et notamment sur un décloisonnement des centres de recherche et des universités envers le monde industriel. Le terme générique pour cette organisation de la recherche est celui de Cluster.
Plusieurs pays européens ont déjà créé depuis plusieurs années des Clusters. Les Américains, les Australiens, les Japonais, ont également développé cette politique en faveur des Clusters. Mais ces Clusters ne correspondaient pas à ma conviction profonde de l'aménagement du territoire : on ne pouvait avoir comme aux États-Unis, des pôles à l'Est et à l'Ouest du pays et au centre, un désert industriel.
En France, nous avons donc mis en oeuvre une politique ambitieuse en faveur des pôles de compétitivité. Ces pôles de compétitivité visent à stimuler l'innovation et accroître la compétitivité des entreprises. Ainsi, ils permettent la création de richesses nouvelles à forte valeur ajoutée et d'emplois qualifiés, un positionnement sur des marchés mondiaux et des activités bénéficiant d'un fort potentiel de croissance, des partenariats entre le monde de la recherche et le monde de l'industrie, et la définition d'une stratégie claire de développement économique de recherche.
Aujourd'hui, 66 pôles de compétitivité dont 6 mondiaux et 10 à vocation mondiale ont été labellisés et irriguent l'ensemble des territoires français. Nous avons mis en oeuvre un financement à la hauteur des ambitions et des attentes en consacrant 1,5 milliards d'euros sur trois ans. Depuis le début de l'année 165 projets de recherche ont déjà été financés par l'État à hauteur de 540 millions d'euros. Ces projets représentent 4000 chercheurs, 1,8 milliards d'euros d'investissement soit un effet de levier de facteur trois, et permettent la création de 30 000 emplois.
Les secteurs d'activité de ces pôles sont des thématiques qui sont parties intégrantes des préoccupations et des travaux du conseil de l'Europe, et notamment de la conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire. Ainsi, les pôles français travaillent sur l'aéronautique et le spatial, l'agriculture et l'agroalimentaire, les biotechnologies la santé et la nutrition, les énergies, les transports la logistique et la mobilité, les matériaux la plasturgie et la chimie, la mécanique les microtechniques et les procès industriels, les technologies marines, le textile, les technologies de l'information et de communication, et les véhicules et propulsions du futur.
L'originalité des pôles français est d'avoir retenu, comme critère de leur création, un ancrage territorial fort. Celui-ci permet une mise en valeur et une mise en commun des ressources locales. L'adhésion de toutes ces forces de recherche et de production était un gage de réussite. L'expérience nous le démontre chaque jour.
L'étape suivante doit être celle d'une mise en réseau au niveau européen des pôles de compétitivité ou des Clusters, afin d'atteindre une masse critique de recherche et développement suffisante pour renforcer la compétitivité du continent européen, en maintenant son industrie au niveau mondial.
Un tel réseau serait à même d'identifier des projets industriels communs, de créer des outils communs financiers ou technologiques, et de constituer des plates-formes d'excellence. Ainsi, les résultats de ces recherches transnationales permettraient la réalisation d'économies d'échelle par effet d'intégration ou par effet d'apprentissage, et de mieux contrôler le risque concurrentiel des autres continents. Les avantages industriels que tous nous pourrions tirer d'un tel réseau sont donc importants.
J'y vois cependant d'autres avantages. Une telle coopération est à même de développer une similitude culturelle d'appartenance au continent européen, tout en améliorant notre connaissance des autres cultures européennes. Cette coopération revêt donc une dimension interculturelle qui favorise le maintien de relations amicales entre les états. C'est là un facteur qui caractérise les démocraties avancées.
Mesdames et Messieurs, imaginez un instant la somme de savoir et de connaissances que les 45 États membres du conseil de l'Europe représentent. La réalité est que la somme de ces savoirs et de ces connaissances n'a aucun égal au monde. De plus, et comme je le citais tout à l'heure, la très grande majorité des thématiques de recherche sur lesquels se concentrent les Clusters ou pôles compétitivité, s'intègrent parfaitement dans les principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen.
Comment réaliser cette mise en réseau ? C'est bien entendu l'une des questions qui sera abordée au cours de votre table ronde. Je peux toutefois vous livrer quelques-unes de mes réflexions.
À l'aune du triangle de la connaissance caractérisée par la recherche l'enseignement et l'innovation, je proposerais le triangle de la coopération inter pôles basés sur la recherche l'entreprise et la formation.
En premier lieu, il convient de tenir compte de la demande des entreprises membres des pôles. Seules ces entreprises sont à même d'identifier leurs futurs partenaires permettant l'émergence de projets industriels communs transnationaux. C'est le gage que la demande de coopération répond à un réel besoin, car elle ne se décrète pas par les états. C'est également la condition pour éviter que des réseaux de pôles se mettent en place par simple effet d'aubaine, et n'auraient donc qu'une très faible chance d'assurer leur pérennité.
En second lieu, il convient de recenser les capacités de recherche, et de mettre en place les outils nécessaires pour favoriser leurs synergies. Cette étape nécessite donc que se développent les échanges entre universités et centres de recherche, et que se créent de véritables passerelles de formation.
En troisième lieu, il convient que les Etats mettent en oeuvre des processus d'initiation et de gestion des coopérations inter pôles. Je tiens à préciser tout particulièrement que ces processus doivent laisser un espace de liberté le plus large possible aux gouvernances des pôles. Dans le même esprit, il n'est pas question à mes yeux que ces processus représentent, pour les pôles, une superposition de démarches administratives et de bureaucratie propre à tuer toute volonté d'initiative. C'est en prenant en compte ces deux principes qu'en France nous avons instaurés un fonds unique interministériel pour financer les projets de recherche et développement des pôles, ainsi qu'un guichet unique d'accès à ce fonds ainsi qu'aux autres possibilités de financement offertes par certaines agences françaises. Je prône donc pour une telle simplicité dans les projets de coopération européenne des pôles.
Bien entendu, il conviendra également de veiller à l'ingénierie financière d'accompagnement de ces projets, et de développer les capacités de partenariat public-privé.
D'ores et déjà, des pôles de compétitivité français ont développé des programmes de coopération avec des Clusters d'autres pays européens. Aujourd'hui, le pôle « Aéronautique, Espace et systèmes embarqués » de Toulouse coopère étroitement avec le « Luftfahrtstandort » de Hambourg. Le pôle « Agroressources » de Picardie avec le pôle hongrois des biotechnologies de Szeged. Je pourrai vous citer d'autres exemples et notre volonté est d'amplifier cette dynamique. C'est pourquoi nous avons demandé à nos ambassades, principalement en Europe, d'identifier les domaines de coopérations possibles et de soutenir les projets de partenariat émanant des acteurs. C'est dans cette logique que j'ai visité ce matin le TAGUSPAK et l'IST de Lisbonne, et que j'ai rencontré Carlos ZORRINHO, coordonateur pour le Portugal de la stratégie de Lisbonne et du « Plan technologique ». [Ensemble, nous avons donné l'impulsion à de futures coopération dans le domaine de la mer ou de la céramique par exemple].
J'ajoute qu'au-delà du soutien des Etats concernés, nous pouvons également compter sur plusieurs instruments européens, communautaires ou non, pour soutenir de tels partenariats. Je pense notamment au programme cadre de recherche et développement, au programme Eureka, aux bourses CURIE, au programme LEONARDO, ou encore aux fonds de coopération de l'Union européenne.
De telles initiatives doivent être encouragées et soutenues. Les Etats doivent donc afficher très clairement leur volonté de s'inscrire dans une démarche de coopération européenne. C'est à nous, ministres responsables de l'aménagement du territoire, d'impulser cette dynamique, sur la base des deux propositions concrètes que votre table ronde doit pouvoir dégager.
Nous avons un défi à relever en matière d'innovation: Celui qui a été tracé par la stratégie de Lisbonne.
Une coopération européenne des pôles est à même de dynamiser le secteur de la recherche et développement et de faciliter la réalisation des objectifs.
En effet, les pôles de compétitivité ou les clusters sont des accélérateurs de la recherche car ils décloisonnent le monde industriel et le monde universitaire et de la recherche. Ces mondes se parlent et définissent des projets communs utiles et profitables à tous.
Les pôles de compétitivité et les clusters constituent également la base des centres d'excellence définis comme le regroupement de réseaux de ces pôles ou clusters.
Les pôles de compétitivité et les clusters contribuent à mieux associer crédits publics et crédits privés. Ce partenariat prend donc une réalité concrète.
Les pôles de compétitivité et les clusters permettent également une mobilisation de ressources humaines. Par les réseaux, cette ressource sera également plus mobile.
Avant de terminer mon propos, et de vous laisser travailler, j'aimerais également ouvrir notre horizon sur une autre forme de coopération, proche des pôles de compétitivité, et qui représente également une opportunité forte de développement des territoires. J'évoquerai donc brièvement l'expérience que j'ai menée en France, sur les territoires ruraux.
Dans la lignée de la création des pôles de compétitivité, j'ai également créé les pôles d'excellence rurale. Cette idée de labelliser et d'aider des pôles de l'excellence dans la France rurale a germé à partir de trois constats.
Le premier constat est la nécessité de résorber la fracture entre la France urbaine et la France rurale.
Le deuxième constat, c'est que le monde rural n'est pas voué au déclin. Bien au contraire, la population y augmente deux fois plus vite qu'en moyenne nationale. Ce renouveau de l'espace rural montre qu'il y a là des ressources de croissance.
Le troisième constat, c'est le succès des pôles compétitivité qui a montré comment on pouvait, à travers un appel à projets, en rapprochant les entreprises, les centres de recherche et les universités, libérer les énergies, et libérer l'imagination pour inventer de nouveaux produits.
À ce jour, 176 pôles d'excellence rurale ont été labellisés. Les financements de l'État mobilisé dans cette opération s'élèvent à 120 millions d'euros. Ils correspondent à un investissement global de plus de 607 millions d'euros soient un effet de levier de facteur cinq. Le nombre d'emplois directs qui seront créés par ses pôles d'excellence rurale est de 7000 et on estime à plus de 25 000 le nombre d'emplois indirects maintenus ou créés.
Si j'aborde ce thème des pôles d'excellence rurale c'est pour deux raisons essentielles :
-- ce que je viens de vous décrire sur la coopération des pôles de compétitivité peut très bien se concevoir au travers de pôles particuliers mettant en valeur l'aspect rural des territoires ;
-- certains pôles d'excellence rurale ont développé une telle dynamique qu'ils pourraient désormais intégrer des pôles de compétitivité.
Ainsi, comme je le mentionnais dans l'introduction de mon intervention, il existe bien dans chaque territoire, et même si ceux-ci présentent des particularités spécifiques, des capacités d'innovation dont il faut tenir compte, et que nous devons savoir mettre en valeur.
Au risque de choquer les mathématiciens cartésiens ou les physiciens quantiques, je dirais qu'au sein des pôles compétitivité, où des pôles d'excellence rurale, la somme des différences est égale à la multiplication des talents. C'est bien là l'enjeu primordial majeur de ces regroupements : mener des actions collectives profitables à tous. C'est bien là le défi primordial majeur que le conseil de l'Europe, et plus particulièrement la conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire, doit savoir relever.
Telles sont les pistes de réflexion que je tenais à vous livrer ce jour. Je ne doute pas que la contribution que vous allez apporter à l'issue de votre table ronde sera un précieux appui.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 2 novembre 2006
Mesdames et Messieurs les ministres responsables de l'aménagement du territoire,
chers collègues,
Mesdames Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'ouvrir cette table ronde sur la coopération et les pôles de compétitivité, instant important de ces deux journées de réflexion et d'échange de cette conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire.
Cette conférence européenne, qui rassemble des représentants de 45 Etats membres du conseil de l'Europe, poursuit un objectif noble, ambitieux, difficile, mais chargé d'espoir pour l'avenir : le développement territorial durable du continent européen.
Les principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen, adoptés le 30 janvier 2002 par le comité des ministres, visent en particulier à mettre en cohérence les attentes économiques et sociales, par rapport au territoire, avec ses fonctions écologiques et culturelles, et ainsi à contribuer à un développement territorial à grande échelle, durable et équilibré.
Ces principes directeurs fixent donc la feuille de route que nous devons suivre, afin de faciliter et développer les coopérations dans l'ensemble de l'Europe, gage d'équilibre et de sécurité de ce continent.
L'une des grandes caractéristiques du continent européen réside dans sa diversité de territoires, et dans chacun de ces territoires, on trouve des femmes et des hommes qui se battent au quotidien pour améliorer leur avenir. Cette diversité pourrait être considérée comme un facteur défavorable d'une politique globale en faveur des territoires. En effet, il est plus aisé de définir des axes d'évolution peu sensibles aux particularités locales. Pour ma part, je considère cette diversité comme une richesse. Je suis donc opposé à toute notion d'uniformisation de ces territoires. Au contraire, c'est l'addition de ces particularismes et de ces compétences qui conduisent à créer cette richesse. L'enjeu est donc de la mettre en valeur.
Depuis plus de 20 ans, je suis élu d'un département, frontalier entre la France et l'Italie, bordé au sud par la Méditerranée, au nord et à l'est par les Alpes du Sud, et caractérisé par la présence de grandes zones urbaines qui côtoient, en plaine, des zones rurales. J'ai donc la chance de connaître ce condensé de particularismes, qui me permet de ne pas découvrir l'ensemble des problématiques posées.
Des coopérations existent déjà dans le domaine transfrontalier, celui des transports, du développement de l'accès à l'information et au savoir, de la réduction des atteintes à l'environnement, de la valorisation de la protection des patrimoines naturels ou culturels. A ce titre, je pourrai citer l'autoroute ferroviaire entre Aiton en France et Orbassano en Italie, la convention alpine qui vise à un développement équilibré du massif alpin, la convention de Barcelone sur la réduction de la pollution marine et la protection des espèces en Méditerranée, ou les accords bilatéraux entre la France, l'Espagne et l'Italie sur l'intervention automatique des moyens de lutte contre les feux de forêts dans la zone inter frontalière.
Bien sûr, sous ces thématiques aussi diverses, ces coopérations portent leurs fruits. Cependant, j'aimerais aujourd'hui ouvrir de manière plus large notre horizon, afin d'y inclure une clé importante du développement économique futur de nos territoires : la coopération en matière de recherche et développement.
Chaque participant de cette table ronde est soucieux d'un développement harmonieux des territoires qu'il représente. Certes, il convient de promouvoir la cohésion sociale européenne. Certes, il convient de réduire la fracture entre les zones urbaines et les zones rurales. Certes, il convient de préserver et de mettre en valeur nos paysages, nos montagnes, nos régions côtières et insulaires. Mais ceci ne peut se réaliser sans un développement économique qui puisse prodiguer un travail pour tous, et apporter les ressources financières nécessaires à ces enjeux.
Ce développement économique passe avant tout par une dynamisation de la recherche et développement. La recherche est un investissement qui ne produira ses effets que dans plusieurs années. Cependant, si cet investissement n'était pas engagé, l'avenir européen pourrait être compromis. Certains pays comme les États-Unis et le Japon ont bien compris les enjeux liés à la recherche. Ils dépensent chacun davantage en recherche et développement que l'ensemble de l'union européenne. C'est la raison pour laquelle l'objectif est d'augmenter nos dépenses de recherche pour qu'elles atteignent 3 % du produit intérieur brut d'ici 2010.
Pour dynamiser cette recherche, il est important de pouvoir s'appuyer sur l'organisation de celle-ci et notamment sur un décloisonnement des centres de recherche et des universités envers le monde industriel. Le terme générique pour cette organisation de la recherche est celui de Cluster.
Plusieurs pays européens ont déjà créé depuis plusieurs années des Clusters. Les Américains, les Australiens, les Japonais, ont également développé cette politique en faveur des Clusters. Mais ces Clusters ne correspondaient pas à ma conviction profonde de l'aménagement du territoire : on ne pouvait avoir comme aux États-Unis, des pôles à l'Est et à l'Ouest du pays et au centre, un désert industriel.
En France, nous avons donc mis en oeuvre une politique ambitieuse en faveur des pôles de compétitivité. Ces pôles de compétitivité visent à stimuler l'innovation et accroître la compétitivité des entreprises. Ainsi, ils permettent la création de richesses nouvelles à forte valeur ajoutée et d'emplois qualifiés, un positionnement sur des marchés mondiaux et des activités bénéficiant d'un fort potentiel de croissance, des partenariats entre le monde de la recherche et le monde de l'industrie, et la définition d'une stratégie claire de développement économique de recherche.
Aujourd'hui, 66 pôles de compétitivité dont 6 mondiaux et 10 à vocation mondiale ont été labellisés et irriguent l'ensemble des territoires français. Nous avons mis en oeuvre un financement à la hauteur des ambitions et des attentes en consacrant 1,5 milliards d'euros sur trois ans. Depuis le début de l'année 165 projets de recherche ont déjà été financés par l'État à hauteur de 540 millions d'euros. Ces projets représentent 4000 chercheurs, 1,8 milliards d'euros d'investissement soit un effet de levier de facteur trois, et permettent la création de 30 000 emplois.
Les secteurs d'activité de ces pôles sont des thématiques qui sont parties intégrantes des préoccupations et des travaux du conseil de l'Europe, et notamment de la conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire. Ainsi, les pôles français travaillent sur l'aéronautique et le spatial, l'agriculture et l'agroalimentaire, les biotechnologies la santé et la nutrition, les énergies, les transports la logistique et la mobilité, les matériaux la plasturgie et la chimie, la mécanique les microtechniques et les procès industriels, les technologies marines, le textile, les technologies de l'information et de communication, et les véhicules et propulsions du futur.
L'originalité des pôles français est d'avoir retenu, comme critère de leur création, un ancrage territorial fort. Celui-ci permet une mise en valeur et une mise en commun des ressources locales. L'adhésion de toutes ces forces de recherche et de production était un gage de réussite. L'expérience nous le démontre chaque jour.
L'étape suivante doit être celle d'une mise en réseau au niveau européen des pôles de compétitivité ou des Clusters, afin d'atteindre une masse critique de recherche et développement suffisante pour renforcer la compétitivité du continent européen, en maintenant son industrie au niveau mondial.
Un tel réseau serait à même d'identifier des projets industriels communs, de créer des outils communs financiers ou technologiques, et de constituer des plates-formes d'excellence. Ainsi, les résultats de ces recherches transnationales permettraient la réalisation d'économies d'échelle par effet d'intégration ou par effet d'apprentissage, et de mieux contrôler le risque concurrentiel des autres continents. Les avantages industriels que tous nous pourrions tirer d'un tel réseau sont donc importants.
J'y vois cependant d'autres avantages. Une telle coopération est à même de développer une similitude culturelle d'appartenance au continent européen, tout en améliorant notre connaissance des autres cultures européennes. Cette coopération revêt donc une dimension interculturelle qui favorise le maintien de relations amicales entre les états. C'est là un facteur qui caractérise les démocraties avancées.
Mesdames et Messieurs, imaginez un instant la somme de savoir et de connaissances que les 45 États membres du conseil de l'Europe représentent. La réalité est que la somme de ces savoirs et de ces connaissances n'a aucun égal au monde. De plus, et comme je le citais tout à l'heure, la très grande majorité des thématiques de recherche sur lesquels se concentrent les Clusters ou pôles compétitivité, s'intègrent parfaitement dans les principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen.
Comment réaliser cette mise en réseau ? C'est bien entendu l'une des questions qui sera abordée au cours de votre table ronde. Je peux toutefois vous livrer quelques-unes de mes réflexions.
À l'aune du triangle de la connaissance caractérisée par la recherche l'enseignement et l'innovation, je proposerais le triangle de la coopération inter pôles basés sur la recherche l'entreprise et la formation.
En premier lieu, il convient de tenir compte de la demande des entreprises membres des pôles. Seules ces entreprises sont à même d'identifier leurs futurs partenaires permettant l'émergence de projets industriels communs transnationaux. C'est le gage que la demande de coopération répond à un réel besoin, car elle ne se décrète pas par les états. C'est également la condition pour éviter que des réseaux de pôles se mettent en place par simple effet d'aubaine, et n'auraient donc qu'une très faible chance d'assurer leur pérennité.
En second lieu, il convient de recenser les capacités de recherche, et de mettre en place les outils nécessaires pour favoriser leurs synergies. Cette étape nécessite donc que se développent les échanges entre universités et centres de recherche, et que se créent de véritables passerelles de formation.
En troisième lieu, il convient que les Etats mettent en oeuvre des processus d'initiation et de gestion des coopérations inter pôles. Je tiens à préciser tout particulièrement que ces processus doivent laisser un espace de liberté le plus large possible aux gouvernances des pôles. Dans le même esprit, il n'est pas question à mes yeux que ces processus représentent, pour les pôles, une superposition de démarches administratives et de bureaucratie propre à tuer toute volonté d'initiative. C'est en prenant en compte ces deux principes qu'en France nous avons instaurés un fonds unique interministériel pour financer les projets de recherche et développement des pôles, ainsi qu'un guichet unique d'accès à ce fonds ainsi qu'aux autres possibilités de financement offertes par certaines agences françaises. Je prône donc pour une telle simplicité dans les projets de coopération européenne des pôles.
Bien entendu, il conviendra également de veiller à l'ingénierie financière d'accompagnement de ces projets, et de développer les capacités de partenariat public-privé.
D'ores et déjà, des pôles de compétitivité français ont développé des programmes de coopération avec des Clusters d'autres pays européens. Aujourd'hui, le pôle « Aéronautique, Espace et systèmes embarqués » de Toulouse coopère étroitement avec le « Luftfahrtstandort » de Hambourg. Le pôle « Agroressources » de Picardie avec le pôle hongrois des biotechnologies de Szeged. Je pourrai vous citer d'autres exemples et notre volonté est d'amplifier cette dynamique. C'est pourquoi nous avons demandé à nos ambassades, principalement en Europe, d'identifier les domaines de coopérations possibles et de soutenir les projets de partenariat émanant des acteurs. C'est dans cette logique que j'ai visité ce matin le TAGUSPAK et l'IST de Lisbonne, et que j'ai rencontré Carlos ZORRINHO, coordonateur pour le Portugal de la stratégie de Lisbonne et du « Plan technologique ». [Ensemble, nous avons donné l'impulsion à de futures coopération dans le domaine de la mer ou de la céramique par exemple].
J'ajoute qu'au-delà du soutien des Etats concernés, nous pouvons également compter sur plusieurs instruments européens, communautaires ou non, pour soutenir de tels partenariats. Je pense notamment au programme cadre de recherche et développement, au programme Eureka, aux bourses CURIE, au programme LEONARDO, ou encore aux fonds de coopération de l'Union européenne.
De telles initiatives doivent être encouragées et soutenues. Les Etats doivent donc afficher très clairement leur volonté de s'inscrire dans une démarche de coopération européenne. C'est à nous, ministres responsables de l'aménagement du territoire, d'impulser cette dynamique, sur la base des deux propositions concrètes que votre table ronde doit pouvoir dégager.
Nous avons un défi à relever en matière d'innovation: Celui qui a été tracé par la stratégie de Lisbonne.
Une coopération européenne des pôles est à même de dynamiser le secteur de la recherche et développement et de faciliter la réalisation des objectifs.
En effet, les pôles de compétitivité ou les clusters sont des accélérateurs de la recherche car ils décloisonnent le monde industriel et le monde universitaire et de la recherche. Ces mondes se parlent et définissent des projets communs utiles et profitables à tous.
Les pôles de compétitivité et les clusters constituent également la base des centres d'excellence définis comme le regroupement de réseaux de ces pôles ou clusters.
Les pôles de compétitivité et les clusters contribuent à mieux associer crédits publics et crédits privés. Ce partenariat prend donc une réalité concrète.
Les pôles de compétitivité et les clusters permettent également une mobilisation de ressources humaines. Par les réseaux, cette ressource sera également plus mobile.
Avant de terminer mon propos, et de vous laisser travailler, j'aimerais également ouvrir notre horizon sur une autre forme de coopération, proche des pôles de compétitivité, et qui représente également une opportunité forte de développement des territoires. J'évoquerai donc brièvement l'expérience que j'ai menée en France, sur les territoires ruraux.
Dans la lignée de la création des pôles de compétitivité, j'ai également créé les pôles d'excellence rurale. Cette idée de labelliser et d'aider des pôles de l'excellence dans la France rurale a germé à partir de trois constats.
Le premier constat est la nécessité de résorber la fracture entre la France urbaine et la France rurale.
Le deuxième constat, c'est que le monde rural n'est pas voué au déclin. Bien au contraire, la population y augmente deux fois plus vite qu'en moyenne nationale. Ce renouveau de l'espace rural montre qu'il y a là des ressources de croissance.
Le troisième constat, c'est le succès des pôles compétitivité qui a montré comment on pouvait, à travers un appel à projets, en rapprochant les entreprises, les centres de recherche et les universités, libérer les énergies, et libérer l'imagination pour inventer de nouveaux produits.
À ce jour, 176 pôles d'excellence rurale ont été labellisés. Les financements de l'État mobilisé dans cette opération s'élèvent à 120 millions d'euros. Ils correspondent à un investissement global de plus de 607 millions d'euros soient un effet de levier de facteur cinq. Le nombre d'emplois directs qui seront créés par ses pôles d'excellence rurale est de 7000 et on estime à plus de 25 000 le nombre d'emplois indirects maintenus ou créés.
Si j'aborde ce thème des pôles d'excellence rurale c'est pour deux raisons essentielles :
-- ce que je viens de vous décrire sur la coopération des pôles de compétitivité peut très bien se concevoir au travers de pôles particuliers mettant en valeur l'aspect rural des territoires ;
-- certains pôles d'excellence rurale ont développé une telle dynamique qu'ils pourraient désormais intégrer des pôles de compétitivité.
Ainsi, comme je le mentionnais dans l'introduction de mon intervention, il existe bien dans chaque territoire, et même si ceux-ci présentent des particularités spécifiques, des capacités d'innovation dont il faut tenir compte, et que nous devons savoir mettre en valeur.
Au risque de choquer les mathématiciens cartésiens ou les physiciens quantiques, je dirais qu'au sein des pôles compétitivité, où des pôles d'excellence rurale, la somme des différences est égale à la multiplication des talents. C'est bien là l'enjeu primordial majeur de ces regroupements : mener des actions collectives profitables à tous. C'est bien là le défi primordial majeur que le conseil de l'Europe, et plus particulièrement la conférence européenne des ministres responsables de l'aménagement du territoire, doit savoir relever.
Telles sont les pistes de réflexion que je tenais à vous livrer ce jour. Je ne doute pas que la contribution que vous allez apporter à l'issue de votre table ronde sera un précieux appui.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 2 novembre 2006