Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur les mesures prises pour aménager le permis à points et lutter contre l'insécurité routière, Paris le 8 novembre 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du Comité interministériel sur la sécurité routière, à Paris le 8 novembre 2006

Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Dominique,
Monsieur le délégué interministériel à la sécurité routière,
Monsieur le préfet,
Mesdames, Messieurs,
Depuis 2002, le président de la République a engagé un grand chantier en matière de sécurité routière. Ce chantier a donné des résultats remarquables : 8 700 vies épargnées en 4 ans, soit près de 6 chaque jour. Et nous continuons de progresser : au mois d'octobre, le nombre de morts sur les routes a baissé de 5,5 % par rapport à l'année précédente.
Ces résultats, nous les devons à une politique constante et volontariste. Nous les devons également au comportement de plus en plus responsable des Français. Aujourd'hui, 70 % d'entre eux ont d'ailleurs l'intégralité de leurs points sur leur permis de conduire.
C'est sur ce comportement responsable qu'avec Dominique PERBEN et Rémi HEITZ, nous voulons construire les efforts à venir. Nous devons continuer à faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté, mais nous devons également encourager l'attitude citoyenne de très nombreux conducteurs. Le rapport que m'a remis aujourd'hui le préfet Jean ARIBAUD sur le permis à points contient un certain nombre de propositions qui nous permettront d'aller dans ce sens. Je profite de cette occasion pour saluer le préfet ARIBAUD et le remercier du travail remarquable qu'il a accompli.
L'objectif aujourd'hui, c'est d'agir avec plus de pédagogie, plus de transparence et plus d'équité. C'est d'impliquer davantage nos concitoyens dans notre politique. La sécurité routière ne doit pas être vécue comme une contrainte, mais comme un projet collectif, un projet auquel les Français adhèrent, un projet dans lequel ils se reconnaissent et qu'ils soutiennent.
1. La première orientation que nous avons fixée, c'est une meilleure information des conducteurs.
Le permis à points a été mis en place il y a plus de dix ans. Depuis, les moyens de communication ont évolué. Nous devons adapter l'information des conducteurs en conséquence. Lors de ce comité interministériel, nous avons donc pris deux décisions.
La première, c'est de permettre aux conducteurs d'avoir accès rapidement et en toute transparence à leur capital de points. Jusqu'à présent, cette information était il faut le reconnaître particulièrement difficile à obtenir. Dès le premier juillet 2007, elle sera disponible sur internet. Les conducteurs pourront consulter un site pour savoir combien de points il leur reste. C'est une condition essentielle pour plus d'efficacité. Cette information sera personnelle et confidentielle. Il faudra un identifiant et un code d'accès pour l'obtenir. Pour les personnes qui ne disposeraient pas d'un accès internet, elles pourront avoir recours aux préfectures ou encore aux sous-préfectures.
Deuxième mesure : tous les conducteurs dont le capital serait passé sous la barre des 6 points recevront un courrier recommandé pour les alerter et pour les informer de la possibilité de participer à un stage de prévention routière. Cette mesure sera effective au 15 mars 2007.
2. La deuxième orientation que nous avons fixée, c'est plus de pédagogie.
Il s'agit de mieux associer les citoyens à la sécurité routière et de leur expliquer davantage le fonctionnement de notre politique.
Je souhaite que les représentants locaux des associations de conducteurs et de victimes, les fédérations et les syndicats d'usagers de la route puissent faire part de leurs appréciations sur les défauts de signalisation routière ou proposer des améliorations dans ce domaine. Ce dispositif existait à titre expérimental, par exemple dans le département du Doubs où il a donné de bons résultats. J'ai décidé de l'étendre à l'ensemble du territoire. Les conducteurs ne doivent pas se faire piéger sur la route par une signalisation illisible ou inadaptée.
Par ailleurs, les conditions d'agrément des organismes de stages de sensibilisation à la sécurité routière seront renforcées. Vous connaissez le principe de ces stages. Ils sont ouverts à tous les conducteurs qui ont perdu des points. Ils sont organisés notamment par la Prévention routière. Ils permettent de regagner 4 points au terme de 2 jours pour un coût de 300 euros environ. Je souhaite que l'efficacité et la rigueur de ces stages soient bien garanties, pour nous assurer qu'ils sont bien l'occasion pour tous ceux qui les suivent de se remettre à niveau et de prendre conscience des enjeux de la sécurité routière. Pour améliorer encore leur efficacité, nous allons étudier la possibilité de stages spécifiques, notamment pour les conducteurs à risque.
Enfin les avis de contravention et les demandes d'exonérations seront réécrits pour être plus lisibles et plus compréhensibles par l'ensemble des citoyens français.
3. La troisième orientation que nous avons fixée, c'est plus de responsabilité, notamment pour l'acquisition et la reconstitution du capital de points.
Il s'agit évidemment du volet le plus sensible. Je n'ai voulu retenir que les propositions qui allaient dans le sens de la responsabilisation des conducteurs et de la valorisation des comportements citoyens. Je crois qu'il serait hasardeux de s'engager dans toute autre voie qui pourrait remettre en cause les résultats exceptionnels obtenus depuis plusieurs années.
D'abord, j'ai décidé que le délai entre l'invalidation du permis et la possibilité de le récupérer serait bien de 6 mois francs, conformément à ce qui est prévu par la loi. Aujourd'hui, en pratique, ce délai peut aller jusqu'à 12 mois en raison de la lourdeur des procédures administratives. Garantir qu'il sera bien de 6 mois, c'est une mesure d'équité qui permettra d'éviter que certains conducteurs soient pénalisés par des délais trop longs. Je vous donne un exemple : un conducteur qui perd son permis est soumis à 2 obligations pour le récupérer. D'une part, il doit subir une visite médicale. D'autre part, il doit repasser son code. Aujourd'hui, il n'est autorisé à engager ces deux procédures qu'au terme des 6 mois prévus par la loi. En pratique, il ne peut donc récupérer son permis qu'au bout d'un délai d'environ 10 à 12 mois. Désormais, il pourra entamer ces démarches dès le premier jour où il a perdu son permis. Il pourra donc se remettre à conduire au terme des 6 mois.
La deuxième mesure concerne les jeunes conducteurs : aujourd'hui, un conducteur qui obtient son permis dispose d'un capital de 6 points. Il doit attendre 3 ans avant que ce capital ne passe d'un coup à 12 points. J'ai décidé de rendre cette acquisition progressive. Désormais, un conducteur novice disposera de 8 points au bout d'un an, de 10 points au bout de deux ans et de 12 points au bout de 3 ans. C'est une incitation forte à adopter une conduite responsable année après année.
Enfin, troisième mesure : toute personne qui perd un seul point pourra le récupérer automatiquement au bout d'un an au lieu de 3 actuellement si elle ne commet aucune infraction pendant cette période. L'objectif, c'est d'encourager une bonne conduite, une conduite responsable et d'inciter les conducteurs concernés à adopter un comportement irréprochable pendant un an pour récupérer leur point. Un point, un an, cela me semble une décision responsable et juste.
Je précise que cette mesure ne concernera que les conducteurs qui perdront un seul point sur une période d'un an, quel que soit le nombre de points sur leur permis. Il est évident qu'on ne peut accumuler les pertes d'un point et les récupérer tous au bout d'un an sans quoi cette mesure perdrait toute vertu pédagogique.
Ces deux dernières mesures sur l'acquisition ou la récupération des points supposent une modification législative que je souhaite la plus rapide possible. Elles supposent aussi une adaptation technique très lourde qui les rendra opérationnelles à la fin de l'année 2007.
Avant de conclure, je voudrais évoquer trois sujets
Le premier sujet, c'est le trafic de points. Il y a aujourd'hui des pratiques inacceptables : certains conducteurs font supporter les infractions qu'ils commettent par des personnes de leur entourage qui ne conduisent plus ou très peu. Je demande au ministère de l'Intérieur de faire une évaluation précise de ce phénomène à partir du fichier national des permis de conduire et d'y apporter les réponses nécessaires. Cela passe notamment par un dispositif informatique plus performant. Nous investirons donc 20 millions d'euros d'ici 2009 dans le système informatique du permis à point.
Le deuxième sujet, c'est la question des indulgences. Dans une circulaire de 2002, le ministre de l'Intérieur a prohibé toute forme d'indulgences et de passe-droit en matière de sécurité routière. Cette règle doit continuer de s'appliquer pleinement et je demande que ces principes d'égalité républicaine soient très fermement rappelés.
Enfin, le troisième sujet, c'est l'application de notre législation à tous ceux, sans exception, qui roulent sur notre sol. Les conducteurs étrangers doivent subir les mêmes sanctions que les Français lorsqu'ils commettent des infractions en France. Nous avons d'ores et déjà passé des accords ou signé des conventions bilatérales avec l'Allemagne, l'Espagne et le Luxembourg et nous sommes en pourparlers avec la Belgique, l'Italie et la Suisse. Par ailleurs, dès mars 2007, les pays de l'Union européenne devraient appliquer le principe de reconnaissance mutuelle des sanctions pécuniaires, et donc des amendes routières. De la même façon, nous avons prévu dans le projet de loi de prévention de la délinquance, la possibilité d'immobiliser le véhicule du conducteur étranger qui circulerait en France sans être à jour du paiement de ses amendes. Cela nous permettra d'avancer vers plus de justice et d'équité et de mieux assurer la sécurité sur nos routes.
La sécurité routière est plus que jamais un enjeu majeur pour notre pays. Depuis 2002, nous avons réussi à faire prendre conscience aux Français de l'importance de ce combat. Toutes les mesures que je viens d'annoncer permettront de les associer encore davantage à notre effort. La sécurité routière, c'est notre responsabilité à tous. Nous devons poursuivre dans la voie responsable qui est la nôtre depuis quatre ans et qui fait de la France le pays qui a le plus progressé en Europe en matière de sécurité routière.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 novembre 2006