Déclaration de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, sur le développement des pôles de compétitivité, la coopération, française, européenne et internationale entre pôles et la sécurité de ces pôles, Sophia Antipolis le 17 novembre 2006.

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Circonstance : 2ème forum des pôles de compétitivité à Sophia Antipolis (Alpes Maritimes), le 17 novembre 2006

Texte intégral

C'est pour moi un immense plaisir de me trouver ici, à Sophia Antipolis, parmi vous, acteurs des pôles de compétitivité, pour ce second forum des clusters mondiaux et des pôles de compétitivité.
En tant que ministre de l'aménagement du Territoire, et homme de terrain, je suis un peu le tuteur des pôles, et autant vous le dire très fier d'avoir vu grandir en l'espace d'un an un projet d'une telle envergure.
Permettez moi de saluez mon ami, le Sénateur Pierre LAFFITTE, qui a su organiser avec brio et talent cette deuxième rencontre des pôles de compétitivités dédiée aux questions de coopération internationale.
Pierre LAFFITTE, Père incontesté de Sophia Antipolis, la toute première Technopole européenne, et qui s'implique toujours d'avantage, avec passion et détermination dans l'aventure industrielle et scientifique des Alpes Maritimes.
Pierre qui est également le Président du Pôle mondial « Solutions Communicantes Sécurisées », l'un des huit pôles que compte notre Région et dont je voulais publiquement saluer la volonté et le travail opiniâtre : il a en effet su fédérer, de l'est à l'ouest de la Région Provence Alpes Côte d'Azur, les fleurons de nos industries de la micro électronique et du logiciel, les universités et centres de recherches, en un ensemble cohérent et dynamique.
Sans oublier les PME, ni les TPE ou encore les « jeunes pousses » auxquelles il consacre, avec toute son équipe, une énergie et un dévouement exemplaire.
Je ne doute pas, mon Cher Pierre, que la thématique du pôle que vous avez mis sur pieds, puisse significativement contribuer au développement scientifique et industriel de la France et de l'Europe, et également apporter nombre de solutions adaptées à tous les pôles de compétitivité de notre pays, en recherche de solutions devant garantir la sécurité de leurs recherches et des connaissances stratégiques générées.
Car en effet, rien ne s'obtient sans combat...
Nous sommes en train de réussir parce que nous avons osé rêver d'unir l'ensemble des forces vives du pays pour vivre une nouvelle révolution industrielle. En quelques semaines, l'impossible est devenu un espoir, et en quelques mois, l'impossible est devenu une évidence.
Souvenez-vous. Il y a un an, à la même époque, chacun s'interrogeait sur la mise en place des gouvernances, des zonages, des appels à projets. De bons esprits se demandaient si les financements seraient au rendez-vous.
Eh bien, deux appels à projets ont déjà permis de financer 165 dossiers sur le fonds unique interministériel. 540 millions d'euros ont été débloqués : 210 sur le fonds unique et 310 en provenance des agences. Et le troisième appel à projets est en cours !
Ce forum est un moment privilégié d'échanges, une plate forme de réflexion qui nous sert à préparer l'avenir. Je dis "nous" car ce forum vous est en premier lieu destiné, C'est vous qui faites vivre ce concept de pôle de compétitivité, au-delà même de leur vocation. Car cette aventure est aussi utile pour l'Etat, elle nous oblige à réagir très rapidement, à adapter nos procédures pour répondre plus efficacement à vos attentes. Et vous avez tous pu mesurer cette capacité de réaction qui a permis, en 2006, de modifier à deux reprises le cadre opérationnel des pôles, avec la création du fonds unique et la fusion de trois comités régionaux en un seul comité des financeurs. Je ne compte pas en rester là. J'y reviendrai.
J'aborderai dans un instant les deux questions qui sont au coeur de vos échanges d'aujourd'hui : la coopération entre pôles et la sécurité des pôles, l'intelligence économique au service des pôles
Je voudrais toutefois insister en préambule sur le contexte radicalement nouveau dans lequel s'inscrit, un an seulement après leur création, la philosophie des pôles.
Vous le savez, au printemps 2005 le débat tournait autour du nombre optimal de pôles. Des experts plaidaient pour 15 pôles au maximum. Or, je ne souhaitais pas organiser ces pôles dans leur définition américaine de cluster.
Cette notion de cluster ne correspondait pas à ma conviction profonde de l'aménagement du territoire, fondée sur mon expérience d'élu d'une petite commune de montagne et d'un département frontalier : dans mon esprit, il n'était pas question d'avoir comme aux Etats-Unis, des pôles à l'Est et à l'Ouest et un désert industriel entre les deux.
Aujourd'hui 66 pôles sont labellisés. Notre "exception française" est saluée dans les récentes déclarations à la presse de la directrice de la recherche d'un très grand groupe américain. Que dit-elle : les pôles de compétitivité français sont un succès, et les Etats-Unis seraient bien inspirés de calquer l'aspect de territorialité de ces pôles.
L'extraordinaire avantage compétitif que représente cette synergie entre les centres de recherche, les universités, les entreprises n'est plus aujourd'hui discuté.
A l'inverse, nous assistons maintenant à une floraison de nouvelles candidatures de pôles. Et la question d'aujourd'hui devient : devons nous aller plus loin ou non?
Je ne suis pas un idéologue. Mais j'ai dans ce domaine une ligne de conduite très claire : oui aux nouvelles candidatures reposant sur de nouveaux projets innovants qui apporteront à notre pays une chance supplémentaire dans la compétition internationale. Mais non à celles dont le seul résultat serait d'affaiblir un pôle en place par dilution des stratégies, dispersion des financements et inévitablement au final désengagement des acteurs.
C'est ainsi qu'il ne m'apparaît pas souhaitable que ce formidable pôle aéronautique mondial qu'est AEROSPACE VALLEY coure le moindre risque d'être affaibli, surtout dans les circonstances actuelles, par l'arrivée d'un concurrent rassemblant en région parisienne des industriels souvent identiques et des projets de recherche rigoureusement semblables.
A l'inverse, la démarche proposée en PACA autour d'Eurocopter sur des thématiques et des produits radicalement différents me paraît devoir être appuyée.
Je voudrais maintenant aborder deux questions majeures pour l'avenir immédiat des pôles : la sécurité et la coopération entre les pôles, à l'échelle française et internationale.
Vous l'avez compris, l'esprit qui doit nous animer maintenant, c'est celui de la coopération, c'est celui des réseaux.
A terme, il est plus que probable qu'avec la maturation des pôles, certains projets de recherche vont porter sur des sujets identiques.
On constate déjà des complémentarités de stratégies qui vont entrainer des rapprochements entre pôles.
Vous savez que je suis particulièrement attaché à la liberté que nous avons voulu laisser aux gouvernances des pôles. Je ne vais donc pas décréter cette mise en réseau. mais je veux mieux l'accompagner. Ici, à Sophia, le pôle SCS ne m'a pas attendu pour nouer des liens avec Transactions Electroniques Securisés, sous l'égide du Président de Telecom Valley cher Christian Tordo. A ce stade, je vous incite donc fortement à continuer dans cette voie, et pour les pôles qui n'auraient pas encore noué de contacts, de vous ouvrir à cette idée de coopération. C'est important : aider des projets concurrents reviendrait à un gâchis financier et une utilisation en doublon de nos capacités de recherche. C'est aller à l'encontre de nos objectifs.
Fort de ces exemples franco-français, je veux vous inciter très fortement à vous engager dans une politique de coopération au niveau européen. C'est la démarche qui au nom de la France j'ai proposé au Conseil des Ministres de l'aménagement du Territoire européens qui se tenait-il y a quelques jours à Lisbonne.
Il est essentiel que les pôles français n'arrivent pas en ordre dispersé sur la scène internationale. Cela brouillerait l'image de nos pôles et affaiblirait notre position.
Là encore, l'initiative d'une coordination incombe pôles eux-mêmes. Elle optimisera vos moyens, et vous rendra plus fort et plus crédibles à l'étranger.
Je sais que des pôles nationaux ont élaboré une stratégie de conquête des marchés étrangers avec un pôle mondial, jusqu'à définir un cahier des charges de représentation de leur image et des actions à l'exportation. C'est la voie que vous devez suivre.
Je souhaite que nous parvenions à une mise en réseau au niveau européen des pôles de compétitivité et des Clusters, de manière à atteindre une masse critique de recherche et développement suffisante pour renforcer la compétitivité du continent européen dans son ensemble. C'est le meilleur moyen de maintenir l'industrie européenne à sa place dans le concert mondial.
Un tel réseau permettrait d'identifier des projets industriels communs, de créer des outils financiers ou technologiques communs, et au-delà de constituer des plates-formes d'excellence. Ainsi, les résultats de ces recherches transnationales permettraient la réalisation d'économies d'échelle par effet d'intégration ou par effet d'apprentissage, et de mieux contrôler le risque concurrentiel des autres continents. Les avantages industriels que tous nous pourrions tirer d'un tel réseau sont évidents.
J'y vois d'autres avantages encore. Une telle coopération est à même de développer une identité culturelle européenne, tout en améliorant notre connaissance des autres cultures européennes. Cette dimension de coopération inter culturelle ne peut que favoriser le maintien de relations amicales entre les états. C'est sans doute la meilleure marque des démocraties avancées.
Mesdames et Messieurs, imaginons un instant la somme de savoir et de connaissances que les 25 États membres de l'Europe, avec ses 450 millions d'habitants représentent. Imaginons ce pourrait produire sa mise en réseau de cette somme qui n'a aucun équivalent au monde. Et ce, d'autant que la très grande majorité des thématiques de recherche qui fondent les Clusters ou pôles compétitivité s'intègrent parfaitement dans les principes directeurs de développement territorial durable du continent européen.
Évidemment, c'est aux entreprises membres des pôles d'identifier leurs futurs partenaires en vue de projets industriels transnationaux. C'est le gage d'une coopération productive et non pas motivée par l'effet d'aubaine, ce qui ne manquerait pas de se produire si elle était décrétée par les pouvoirs publics.
En second lieu, il faut recenser les capacités de recherche, mettre en place les outils favorisant leurs synergies. Ce qui implique un développement des échanges entre universités et centres de recherche, de manière à créer de véritables passerelles de formation.
En troisième lieu, il convient que les états mettent en oeuvre des processus d'initiation et de gestion des coopérations inter pôles, ceci en respectant la libre gouvernance des pôles. Il n'est pas question ces processus génèrent une superposition de démarches administratives. C'est en prenant en compte ces deux principes qu'en France nous avons instauré un fonds unique interministériel pour financer les projets de recherche et développement des pôles, ainsi qu'un guichet unique d'accès à ce fonds et autres possibilités de financement. La même volonté simplificatrice devra guider la coopération européenne des pôles.
Bien entendu, il faudra aussi veiller à l'ingénierie financière d'accompagnement de ces projets, donc développer les capacités de partenariat public-privé.
Les pôles de compétitivité français ont déjà développé des programmes de coopération avec des Clusters européens. Je songe au pôle « Aéronautique, Espace et systèmes embarqués » de Toulouse qui coopère étroitement avec le « Luftfahrtstandort » de Hambourg; ou au e pôle « Agroressources » de Picardie avec le pôle hongrois des biotechnologies de Szeged.
Je pourrai citer encore plus de 10 accords déjà conclus entre pôles français et clusters étrangers : Minalogic avec les Pays Bas, Photonique avec l'Espagne et l'Italie. Je ne peux passer sous silence l'action de M. LAFFITTE, sénateur et président du pôle Solutions Communicantes Sécurisées, qui va signer ce jour un accord de partenariat avec Torino Wireless.
De même, un projet important est en cours de finalisation visant à la création d'un institut franco allemand de recherche partenaire des pôles dont je salue la présence du directeur d'EURECOM dans cette salle.
Enfin, je souligne le travail soutenu de la fondation Sophia Antipolis qui a déjà signé deux accords avec l'Inde et Israël, et dont je salue les représentants présents à ce forum. Ces accords profitent déjà à des pôles de PACA.
J'ai l'intention d'amplifier cette dynamique. C'est pourquoi nous avons demandé à nos ambassades d'identifier les domaines de coopérations possibles et de soutenir les projets de partenariat. à Lisbonne et j'en ai profité pour initier de futures coopérations dans le domaine maritime ou de la céramique par exemple.
J'ajoute qu'au-delà du soutien des états concernés, nous pouvons aussi compter sur les instruments européens, communautaires ou non, pour soutenir ces partenariats. Je pense notamment au programme cadre de recherche et développement, au programme Eureka, aux bourses CURIE, au programme LEONARDO, ou encore aux fonds de coopération de l'Union européenne.
Je vous ai vanté les bienfaits de la coopération européenne. Mais je ne suis pas naïf. Pour coopérer égal à égal, il faut disposer de la même souplesse que ces partenaires et il faut maîtriser l'information qui donne l'avantage concurrentiel jusqu'au moment où on décide, en toute connaissance de cause, de la partager.
Pour vous aider, je vous proposerai en 2007 deux nouvelles démarches :
1) d'abord, dans la droite ligne de mon souci constant de simplifier les procédures de financement, j'ai souhaité avec François LOOS transformer le dispositif lourd et pratiquement inopérant d'exonérations de charges sociales en subventions supplémentaires au bénéfice des PME. Je rappelle au passage pour répondre à certaines critiques mal fondées, que les PME assurent le rôle de chef de file de 30 % des projets de recherche retenus au fond unique.
Le dispositif mis en place substitue à cet allégement un abondement de subvention dont bénéficieront les PME implantées dans une zone de R&D participant à un projet sélectionné par les appels à projets du fonds unique. Cet abondement conduira à porter de 30 à 45 % leur taux de subvention, atteignant ainsi le taux maximal autorisé par l'encadrement communautaire des aides à la R&D. Cette modification est mise en oeuvre à compter des projets retenus lors du deuxième appel à projets de 2006 du fonds unique interministériel.
D'autre part, OSEO-ANVAR attribuera une bonification de son soutien au PME implantées dans les zones de R&D et participant aux projets labellisées par les pôles que l'agence soutient : elle financera les projets à hauteur de 40 % de leur montant en avance remboursable et 15 % en subvention (soit 55 % au total). Ces PME recevront ainsi un équivalent subvention double du régime de droit commun des aides Oseo Anvar appliqué hors pôles.
La sécurité des pôles, des informations qu'ils détiennent, des projets de recherche qu'ils développent, a fait ces derniers jours l'objet de commentaires et d'analyses diverses, et d'ailleurs justifiés.
Des menaces réelles de piratage de nos pôles existent. Leurs projets suscitent des convoitises, ce qui est par ailleurs positif ! Minimiser les menaces serait une erreur, les ignorer une faute grave. La sécurité des pôles est une affaire sérieuse, qui doit être traitée de manière sérieuse.
Comme nous sommes dans l'action, j'ai voulu y répondre, tout de suite, par des mesures concrètes.
Nous devons prendre toutes les mesures utiles pour préserver notre patrimoine actuel de recherche, et protéger au mieux les résultats des 165 projets déjà labellisés à ce jour.
Assurer la sécurité des pôles revient à concilier le climat de confiance -qui doit nécessairement exister entre les partenaires des pôles pour co-innover et co-produire - avec la protection des savoir-faire stratégiques.
Tous les partenaires des pôles sont concernés : industriels ou chercheurs, et quelque soit leur dimension : grands groupes ou PME.
De la tentative de prédation financière au piratage des systèmes d'informations, une action est indispensable si nous voulons d'assurer cette protection.
C'est la raison pour laquelle, j'ai mis en oeuvre un projet pilote de sécurité économique des pôles, qui sera financée à 80% par la DIACT et à hauteur de 20% par chaque pôle candidat.
Ce projet, mené par le seul opérateur public privé disposant d'une expertise en intelligence économique, la société "France Intelligence Innovation", a été expérimenté sur 5 grandes régions (Bretagne (Valorial), Limousin (Elopsys), Pays de la Loire (Atlantic Biothérapies), Rhône-Alpes (Chimie-Environnement), et PACA (Préfecture de région ; Plateforme multi-pôles sécurisée), et a abouti à la réalisation de deux outils :
- un référentiel méthodologique permettant
. De détenir une connaissance exhaustive et dynamique des menaces environnementales, quelles que soient les formes qu'elles prennent.
. De développer le réseau de sécurité économique régional à partir des services spécialisés de l'État et des acteurs économiques locaux.
- deux logiciels ERIS et MARS, outils innovants de sécurité économique.
- ERIS, ou Equation de Résolution de l'Information Stratégique, permet d'évaluer des dossiers, des projets ou des produits, et de quantifier leur impact en termes de sécurité.
- MARS, ou Méthode d'Audit et de Référentiel de Sécurité, sert à analyser les points forts et les points faibles d'une organisation. MARS a été adapté pour l'organisation des pôles de compétitivité, et permet à ses utilisateurs un guidage pas à pas vers la protection. Mars est, de surcroît, un outil d'audit systématique de l'organisation actuelle du pôle car il permet d'entretenir la comparaison avec le référentiel optimal.
Cette expérimentation s'étant avérée concluante, j'ai donc décidé de la généraliser à tous les pôles. En 2007, les pôles candidats de 10 nouvelles régions se verront donc proposer un audit de sécurité, une formation adaptée à l'utilisation des outils opérationnels et un guide des bonnes pratiques.
Le référentiel méthodologique "sécurité économique" sera mutualisé au profit des pôles au travers d'une base de données collaborative animée par l'Institut National des Hautes Etudes de Sécurité INHES.
Ce programme sécurité vous donnera donc les informations et les conseils pour vous soutenir dans cet enjeu de la protection économique, et répondre ainsi à vos besoins.
Mesdames, Messieurs,
Avec les pôles de compétitivité, l'industrie française est en train de changer de braquet.
Et nous allons prendre en tête le premier grand virage du 21 siècle, celui du développement durable.
Nous sommes en phase avec une prise de conscience de nos concitoyens. C'est une chance historique que celle des pôles de compétitivité.
Mais la chance est un talent.
Un talent que vous avez.
Au nom de la France, j'ai déjà envie de vous remercier.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 22 novembre 2006