Discours de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur les convergences de vue entre le Royaume-Uni et la France sur la question énergétique, l'importance de limiter les émissions de CO2, le choix du nucléaire, Paris le 29 novembre 2006.

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Circonstance : Forum nucléaire franco-britannique à Paris le 29 novembre 2006

Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Lord Truscott,
Messieurs les députés,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de vous accueillir tous aujourd'hui, pour cette première session du Forum nucléaire franco-britannique. Et quand je parle de "première session du Forum nucléaire franco-britannique", trois questions viennent naturellement à l'esprit de chacun d'entre nous.
1. Pourquoi un forum nucléaire ?
2. Pourquoi avec nos amis britanniques ?
3. Pour parler de quoi ?
1. Pourquoi donc d'abord un forum sur le nucléaire ?
Nous sommes confrontés à deux grands challenges :
- Nos pays doivent d'abord veiller à garder leur indépendance énergétique à un niveau raisonnable (elle est actuellement de 50 % en France et de 110 % au Royaume-Uni, mais cette dernière aura tendance à diminuer fortement avec la fin de l'exploitation des gisements de gaz de la mer du nord). Nous ne pourrons en effet trouver suffisamment d'énergie à l'extérieur de nos pays si nous n'en produisons pas nous même. D'après l'AIE, la demande d'énergie ne va cesser de croître d'ici à 2030, de l'ordre de 60 %, les deux tiers provenant des pays émergents, et reposera à 85 % sur les trois énergies fossiles : pétrole, gaz, et charbon. Ceci ne fera qu'accroître les tensions sur ces ressources et les émissions de gaz à effet de serre. Aussi, nous avons besoin de miser sur d'autres formes d'énergies que les seuls hydrocarbures pour assurer nos propres besoins énergétiques ;
- Nous devons ensuite avoir à l'esprit que la lutte contre le réchauffement climatique doit être au centre de nos politiques de développement économique et énergétique. Il s'agit de protéger l'humanité contre les effets du dérèglement climatique tout en favorisant un développement économique international durable. Concernant l'énergie, il nous faut donc privilégier les sources faiblement émettrices de CO2.
Face à ces deux challenges, l'énergie nucléaire apporte une contribution essentielle. C'est pourquoi il nous a paru important d'en faire un sujet d'échange approfondi entre nos deux pays.
Quand nous regardons la situation française par rapport à ces trois axes (indépendance énergétique, croissance économique, et impact CO2,) nous mesurons d'ailleurs totalement le caractère essentiel de cette contribution à travers quelques données :
- En France, 58 réacteurs nucléaires assurent approximativement 80 % de la production d'électricité du pays ;
- Le poids de notre facture énergétique dans la richesse nationale est passé de 5 % de notre PIB en 1981 à 2,26 % en 2005 ;
- Notre taux d'indépendance énergétique a crû de 26 % en 1973 pour atteindre 50 % en 2005. Au niveau européen, la moyenne est de 21 % ;
- Notre politique énergétique nous permet enfin aujourd'hui de figurer parmi les pays de l'OCDE qui émettent le moins de dioxyde de carbone par unité de produit intérieur brut.
2. Pourquoi à présent tenir ce forum avec nos amis britanniques ?
a) Première raison : nous partageons une même vision du caractère essentiel de développer un mix énergétique limitant l'impact du CO2, et le nucléaire y apporte sa part
En effet le récent livre blanc de la politique énergétique au Royaume-Uni comme le mémorandum français sur l'énergie, que j'ai présenté à mes collègues européens en janvier dernier, mettent tous deux l'accent sur l'importance de limiter les émissions de CO2 liées à l'énergie ;
Par ailleurs, les conclusions du récent rapport « Stern » commandé par le gouvernement britannique et celles du rapport « de Boissieu », commandé par le gouvernement français, rappellent de façon éloquente l'urgence à agir concernant le changement climatique.
b) Deuxième raison : Le Royaume-Uni et la France sont deux pays industriels anciens, qui très tôt ont fait le choix de développer un parc d'installations et une industrie nucléaires.
Vous êtes tous le témoignage vivant de cet engagement, mesdames et messieurs, membres de grandes entreprises du secteur énergétique britannique et français, membres des autorités de contrôle et de sûreté, membres de l'administration et enfin experts du secteur, techniques et politiques, rassemblés ici aujourd'hui.
c) Troisième raison : Le Royaume-Uni et la France ont déjà établi des collaborations dans ce domaine que ce forum ne peut que renforcer.
Pour prendre des exemples, je citerai deux exemples qui me semblent révélatrices de ces contacts de longue date :
- Il existe un accord de reconnaissance mutuelle des agréments donnés par nos deux gouvernements à leurs transporteurs respectifs de matières nucléaires qui témoigne de ce travail de coopération de longue date existant déjà entre nous ;
- Depuis une dizaine d'année des échanges très réguliers de personnels ont lieu entre nos deux agences en charge du contrôle de la sécurité nucléaire, l'ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) en France, et le NII (Nuclear Installations Inspectorate) au Royaume Uni. Par ailleurs nos deux directeurs se rencontrent au moins une fois par an.
C'est donc tout naturellement que le président Jacques Chirac et le Premier ministre Tony Blair, lors du Sommet qui les a réunis le 9 juin dernier, ont souhaité inscrire ces travaux et nos politiques énergétiques dans une vision de long terme, en annonçant la mise en place d'un forum franco-britannique permanent sur le nucléaire.
3. De quoi allons-nous parler dans ce forum ?
Le premier thème pour les ateliers portera sur l'environnement politique et institutionnel. Y seront examinés les exigences citoyennes en matière de transparence et de sûreté et la visibilité à laquelle aspirent tant le public, que les industriels et les milieux économiques et financiers.
Le second thème sera celui des compétences nécessaires à la pérennité d'un programme industriel, à la fois pour identifier les besoins et pour recenser les offres disponibles ; cela concerne la formation initiale comme le maintien des compétences existantes.
Enfin, le troisième sera celui de l'environnement économique de l'énergie nucléaire, dont on sait que la particularité est qu'elle s'inscrit dans le long, voire le très long terme. Y seront abordés l'ensemble des questions liées au cycle du nucléaire, construction des sites, mais aussi démantèlement et gestion des déchets, ainsi que leur volet financier. Vous savez d'ailleurs que dans ce domaine précis, celui des déchets, la France vient de voter une nouvelle loi.
Je souhaite vivement que ces travaux conduisent à l'instauration de coopérations durables et fructueuses pour le développement durable dans nos deux pays. Un 2e rendez-vous est dès à présent prévu à Londres au printemps prochain pour faire le point des travaux qui commenceront aujourd'hui, et se poursuivront d'ici au printemps.
Je souhaite terminer en remerciant tout particulièrement les intervenants britanniques et français qui ont travaillé à l'établissement de ce forum et qui vont mettre leurs expériences et leurs savoirs au service de ce projet ambitieux. Je souhaite également indiquer que notre ambition en termes de discussions sur les sujets énergétiques communs est de promouvoir une vision d'ensemble. Aussi cette coopération ne se limitera-t-elle pas au nucléaire, mais s'étendra aussi à l'efficacité et à la diversification énergétique. Nous aurons ainsi une manifestation jumelle à celle d'aujourd'hui sur ce sujet à Londres à la mi-janvier 2007.
Merci pour votre attention et bon travaux à tous !
Source http://www.industrie.gouv.fr, le 30 novembre 2006