Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur l'audiovisuel, la diversité culturelle et la télévision numérique, Paris le 8 novembre 2006.

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Circonstance : Colloque "les champs de confrontation de l'audiovisuel de demain" à Paris le 8 novembre 2006

Texte intégral


Monsieur le Président du Conseil supérieur de l'Audiovisuel, cher Dominique Baudis,
Monsieur le Député, cher Emmanuel Hamelin,
Madame la Présidente, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Evoquer, tout au long de cette journée de réflexion, « les champs de confrontation de l'audiovisuel de demain » c'est reconnaître que le monde audiovisuel est entré de plain pied dans la révolution numérique. Bien plus que d'une simple innovation technologique, il s'agit d'une véritable révolution pour nos concitoyens. La numérisation permet d'améliorer la qualité de réception, elle permet de multiplier l'offre de programmes de télévision, elle modifie aussi la façon de regarder ces programmes. Grâce aux nouvelles technologies, les téléspectateurs gagnent en liberté : les enregistreurs à disque dur leur permettent un visionnage en différé, la vidéo à la demande autorise un vaste choix au sein d'un catalogue de programmes, bientôt la télévision mobile personnelle permettra de regarder les chaînes de télévision en situation de mobilité.
Face à ces évolutions, le cadre législatif et réglementaire doit s'adapter. Tel est l'enjeu de la révision de la directive « Télévision sans frontières », dont la Commission européenne a proposé d'étendre le champ d'application à l'ensemble des services de médias audiovisuels, c'est-à-dire non seulement à la télévision, comme c'est le cas de l'actuelle directive, mais également à l'ensemble des services dits, en langue bruxelloise, « non linéaires », autrement dit la « la vidéo à la demande » et ses avatars.
A mes yeux, cette extension du champ d'application de la directive est fondamentale. Dans le contexte actuel de la convergence, où les mêmes contenus peuvent être proposés sur des plates formes différentes, plus complémentaires que concurrentes, il s'agit de s'assurer que les règles du jeu sont égales pour tout le monde.
La promotion de la diversité culturelle, désormais inscrite et reconnue dans le droit international comme un principe d'action, est au coeur de notre politique. La Commission l'a inscrite comme l'un des objectifs s'appliquant à l'ensemble des services de médias audiovisuels. La révision de la directive constitue une formidable occasion pour traduire concrètement les objectifs que les États se sont fixés lors de l'adoption de la Convention sur la préservation et la promotion des expressions culturelles à l'UNESCO. Ainsi paraît-il normal et souhaitable que les nouveaux services, et notamment la vidéo à la demande, soient mis à contribution, selon des modalités propres, pour le soutien de la production audiovisuelle et cinématographique. Il ne s'agit pas de reproduire à l'identique le système de quotas qui existe pour les services de télévision classique, mais de prévoir des mécanismes adaptés aux caractéristiques de ces nouveaux médias. Je pense en particulier aux investissements dans la production européenne, et à l'exposition des oeuvres européennes dans les catalogues.
Alors qu'elle rencontrait de vives réticences de la part de certains de nos partenaires européens, l'extension du champ d'application de la directive, ainsi que l'objectif d'une contribution à la diversité culturelle par les nouveaux services, est en passe de recueillir l'adhésion du Parlement européen et de l'ensemble des Etats membres. Il s'agit d'une étape importante et je m'en réjouis. Mais rien n'est jamais acquis avant l'adoption définitive et il convient de rester vigilant. Soyez assurés que le Gouvernement français continue ses efforts en vue de consolider ces dispositions. Vous le savez, je ne manque pas d'énergie !
L'intitulé de votre colloque fait référence à des confrontations, des oppositions. Je préfère situer mon action dans la perspective d'une adaptation nécessaire et comprise par tous. C'est pourquoi, à l'heure où les modèles économiques se transforment, je suis convaincu de la nécessité de moderniser les modalités de contribution de la télévision payante au compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles. Une réflexion s'est engagée. Je souhaite qu'elle se poursuive et puisse aboutir.
Je souhaite également que l'accord sur la vidéo à la demande, qui est intervenu l'année dernière entre les ayants-droit et les fournisseurs d'accès, puisse être renouvelé et amélioré afin que se développe encore davantage une offre attractive et diversifiée de téléchargement légal de films, désormais rendue possible par la loi.
Venons-en maintenant à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui, je le sais, sont au coeur de vos préoccupations et de vos débats d'aujourd'hui.
J'ai présenté au conseil des ministres du 26 juillet dernier le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur. La conférence des présidents de la Haute Assemblée a permis que ce projet de loi puisse être examiné au Sénat les 20, 21 et 22 novembre. L'Assemblée nationale pourrait, pour sa part, l'examiner à la fin du mois de janvier prochain. Je tiens à souligner combien il est important que la loi soit votée début 2007. En effet, la France a déjà trop de retard par rapport à ses voisins européens en matière d'offres de programmes : elle est le seul grand pays européen où plus de 80 % des téléspectateurs ne regardent encore que six chaînes. Or le succès spectaculaire de la TNT, facilité par les choix qui ont été faits par le Gouvernement, témoigne que le public est en attente forte d'une offre gratuite beaucoup plus riche. Si la loi et le calendrier volontaire qu'elle fixe n'étaient pas adoptés au début de l'an prochain, la conséquence serait de retarder sans doute encore de plusieurs années la mutation de notre paysage audiovisuel. Les Français ne comprendraient pas qu'on les empêche de bénéficier d'une offre gratuite trois plus riche que celle dont ils disposent actuellement.
Deux principes fondent le projet de loi :
Premièrement, le basculement inéluctable de l'analogique vers le numérique ne peut avoir lieu que si pour chacun des Français les conditions pour qu'il reçoive la télévision numérique sont réunies, tant en termes de couverture du territoire que d'équipement. Tous les citoyens doivent pouvoir recevoir la télévision numérique ! Pour les plus démunis, qui n'ont pas les moyens de s'équiper, un fonds d'aide sera créé. Et le lancement d'une offre gratuite par satellite doit permettre à chacun de recevoir sans abonnement l'ensemble des chaînes gratuites de la TNT dans les zones où celle-ci ne sera pas diffusée par voie hertzienne terrestre. La couverture de l'ensemble du territoire métropolitain conditionne le basculement complet de l'analogique au numérique, et chaque moyen de diffusion, terrestre, satellitaire, adsl, aura son rôle à jouer.
Deuxièmement, le passage au numérique sous toutes ses formes, c'est-à-dire aussi bien la télévision numérique, en haute définition, que la télévision mobile personnelle, doivent contribuer au développement de la création audiovisuelle et cinématographique française.
L'extinction de la diffusion analogique suivra un calendrier démarrant en mars 2008 pour s'achever en novembre 2011. Le gouvernement a choisi de mettre en place un mécanisme incitatif. Le projet de loi prévoit que les autorisations des éditeurs TNT seront prolongées, dans la limite de cinq ans, en contrepartie d'engagements sur le déploiement de complément de couverture, au-delà des 115 émetteurs prévus par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Quant à l'extinction de la diffusion analogique, elle est indispensable au développement de nouveaux services. En effet, seul un basculement complet vers le tout numérique permettra de libérer l'ensemble des fréquences nécessaires au déploiement plein et entier de ces services. Je pense en particulier à la télévision mobile personnelle : si le CSA a pu identifier un réseau dit « M7 » sur lequel il serait possible de lancer des services de télévision mobile, sa couverture n'en reste pas moins limitée.
Les enjeux sont considérables, aussi bien pour nos concitoyens que pour la création et pour le dynamisme technologique de notre pays.
C'est pourquoi sans plus attendre, je vais lancer dans les jours qui viennent, avec mon collègue François Loos, une consultation publique afin de recueillir l'avis des acteurs sur la ou les normes qu'il convient de fixer pour la télévision mobile personnelle. Il s'agit, à l'heure où ces services se développent chez nos voisins, que l'Etat prenne ses responsabilité pour être au rendez-vous et permettre leur lancement en France dans les meilleurs délais.
Je pense également à la haute définition. La place rendue disponible par l'utilisation de la norme MPEG-4 par les chaînes payantes, que ce soit sur les multiplexes déjà en service ou le fameux « R5 », permettra certes de lancer un nombre significatif de chaînes en haute définition.
La mise en oeuvre volontaire et déterminée de ce basculement implique, comme l'a clairement indiqué le Conseil d'Etat, une compensation, de nature à permettre l'extinction anticipée des autorisations délivrées aux chaînes nationales en analogique. Il s'agit d'un canal additionnel qui leur sera attribué par le CSA, si elles le demandent, et si elles respectent le principe de pluralisme, au moment de l'extinction de l'analogique, en 2012. Dois-je rappeler l'intérêt de cette mesure, tant pour les téléspectateurs que pour la production audiovisuelle et cinématographique, puisque ces chaînes devront y contribuer ?
C'est parce que les contenus seront forts, attractifs et diversifiés que l'innovation technologique se diffusera à travers l'ensemble de la société. Mais pour que ces programmes soient attractifs, il est nécessaire que l'innovation technologique garantisse leur financement.
J'ai voulu que le projet de loi prenne pleinement en compte cet enjeu essentiel. Ce texte doit bénéficier à la création et à la diversité culturelle. C'est ainsi que la taxe abondant le compte de soutien à l'industrie des programmes sera majorée pour les éditeurs des chaînes de télévision en haute définition ou mobile, respectivement de 0,2% et de 0,1%. De même, pour l'autorisation des chaînes en haute définition, le premier critère portera sur les engagements en production de programmes. Je souhaite par ailleurs que le compte de soutien du CNC aide les productions en haute définition et celles destinées à la télévision mobile.
Le projet de loi prend en compte que l'innovation technologique permet l'apparition de programmes d'un genre inédit : il prévoit que le CSA réservera une part appropriée des fréquences disponibles à des services innovants. Il prévoit également, sous le contrôle du CSA, une adaptation progressive des formats aux nouvelles formes de télévision. Enfin, il préserve le « dividende numérique », en confiant au Premier ministre le soin de ré-affecter, au cas par cas, les fréquences ainsi libérées.
Un autre enjeu important, au coeur de ce projet de loi, est l'avenir de la télévision publique. Ne nous y trompons pas : celle-ci a un rôle majeur à jouer, aussi bien dans l'extension de la couverture de la TNT que dans le développement des nouvelles formes de télévision, notamment de la haute définition et de la télévision mobile personnelle. Ce sera l'un des axes importants des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et d'Arte, en cours de discussion et que l'Etat et les entreprises souhaitent finaliser avant la fin de l'année.
Telles sont les lignes de force de l'engagement de l'Etat, aux côtés de tous les acteurs du secteur, pour préparer, dès aujourd'hui, non pas les confrontations, mais la construction de l'audiovisuel de demain.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 9 novembre 2006