Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur l'activité de la direction des archives diplomatiques et la construction d'un nouveau bâtiment à La Courneuve pour le regroupement de ces archives, Paris le 22 novembre 2006.

Prononcé le

Circonstance : Intervention de Philippe Douste-Blazy devant la Commission des archives diplomatiques le 22 novembre 2006 à Paris

Texte intégral

Madame le Secrétaire Perpétuel,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d'intervenir à nouveau devant la Commission des archives diplomatiques - une commission renouvelée l'an dernier avec un mandat de 5 ans.
La conservation et la valorisation du patrimoine historique du Département sont des activités, vous le savez, essentielles. Je tiens, pour commencer, à remercier chacun d'entre vous pour sa contribution à ce qui est, au fond, la gestion raisonnée et inventive de la mémoire de notre pays.
Je veux saluer la présence fidèle des vice-présidents de la Commission, Mme Carrère d'Encausse et l'ambassadeur Robin. Ils ont une longue expérience des travaux de la Commission et leur participation active témoigne, si besoin était, de l'importance des questions qui y sont traitées.
Vous le savez, Mme Mireille Musso, appelée vers d'autres fonctions, quittera demain son poste, où elle sera remplacée par M. Jean Mendelson. Elle nous présentera tout à l'heure le bilan des activités de la Direction et je saisis cette occasion pour la remercier pour la contribution si précieuse qu'elle a apportée au cours de ces dernières années à la bonne marche des Archives et à l'action de modernisation qu'elle a conduite avec une très grande efficacité.
Je voudrais, pour ma part, revenir en détail sur quatre dossiers clés qui ont marqué, à mes yeux, la période 2005/2006.
Le premier, c'est la construction d'un nouveau bâtiment pour les archives diplomatiques sur le terrain acquis par le Département en 2000 à La Courneuve.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir ce projet se concrétiser, après des années de difficultés, d'hésitations, et même de craintes, puisque les 24 projets qui l'ont précédé ont été à chaque fois remis en cause.
C'est dans un bâtiment flambant neuf que seront enfin regroupées nos archives aujourd'hui éparpillées - outre le Quai d'Orsay - en huit lieux différents dans Paris. Puis les rejoindront les documents relatifs à la présence française en Allemagne et en Autriche après 1945, actuellement à Colmar.
Après l'appel d'offre lancé en début d'année, huit sociétés se sont portées candidates pour être maître d'ouvrage. C'est finalement le groupement ICADE/Léon Grosse qui a été sélectionné et j'ai entériné officiellement, en juillet dernier, cette proposition du jury.
La construction vient de démarrer. Elle devrait prendre deux ans. C'est donc, nous l'espérons tous, au printemps 2009 que la direction des Archives pourra procéder à l'immense et délicate opération du transfert : pas moins de 60 kms de fonds d'archives devront en effet être acheminés vers La Courneuve, depuis le Quai d'Orsay, la rue La Pérouse, la rue Monsieur, le boulevard Saint Germain et les autres dépôts parisiens, sans oublier Colmar et les 450 000 ouvrages de la bibliothèque du Département. C'est un projet évidemment considérable.
Par son importance, le nouveau bâtiment des archives diplomatiques sera donc le pivot d'un vaste aménagement de quartier par la municipalité, aménagement qui devrait notamment comporter de l'habitat privé, une résidence universitaire et des Archives du ministère de la Justice.
Et je souhaiterais d'ailleurs organiser probablement bientôt une visite sur place, peut-être d'ailleurs avec le ministre de la Rénovation urbaine. Nous pourrions effectuer un geste symbolique qui manifesterait ce que nous avons voulu faire dans le département de Seine-Saint-Denis.
Je veux attirer votre attention sur le caractère novateur du financement de ce projet puisqu'il est fondé sur un partenariat public-privé. Ce type de partenariat est essentiel, à mes yeux, non seulement parce qu'il présente pour l'Etat des avantages financiers, mais aussi parce qu'il témoigne d'une solidarité du secteur privé à l'égard des intérêts de notre pays, et de notre mémoire collective, qui ne peut être qu'encouragée.
Le coût du nouveau bâtiment a été fixé à 50 millions d'euros, au terme d'une concertation étroite entre la direction des Archives et le service des Affaires immobilières du Département. Sur ce terrain, l'architecte Gaudin a conçu un bâtiment de 28 000 m2 : il accueillera la centaine d'agents des Archives des bureaux parisiens, sans doute aussi quelques agents d'autres services, et naturellement les quelques 120 kms linéaires d'archives - soit, au total, une réserve d'espace prévue pour 30 ans minimum.
Toutes les conditions y seront réunies pour favoriser des recherches satisfaisantes, en particulier des moyens informatiques de pointe. Une salle d'exposition et un auditorium seront pour la direction des Archives deux atouts essentiels, capables de conquérir des publics nouveaux, notamment les jeunes. La Bibliothèque, enfin, pourra être ouverte au public.
Au-delà, le centre des Archives diplomatiques de Nantes conservera sa spécificité et continuera de recevoir les versements d'archives effectués par nos postes à l'étranger.
J'invite et encourage, bien sûr, les membres de la Commission des Archives diplomatiques à aller visiter le chantier des travaux.
Il est déjà prévu, pour les agents de la direction des Archives, l'organisation de visites régulières. C'est là une démarche nécessaire pour s'approprier peu à peu ce nouvel environnement spécialement conçu pour eux et pour la conservation optimale de nos précieux fonds.
Je le rappelle en effet : nos plus anciennes archives remontent au XVIe siècle - voire pour certaines d'entre elles au XIVe - mais leurs conditions de conservation doivent appartenir au XXIe et c'est ce que nous sommes en train de réaliser.
Pour préparer ce déménagement à bien des égards historique, la direction des Archives a mis en place une structure spécifique. Les détails de ces préparatifs vous seront présentés tout à l'heure par Mlle Constant.
Le deuxième sujet sur lequel je voudrais attirer votre attention, et qui me tient particulièrement à coeur, concerne l'action menée par la direction des Archives pour faire la lumière sur le sort des civils européens "disparus ou présumés disparus" en Algérie au cours des mois précédant ou suivant la fin de la souveraineté française en 1962-1963.
En 2004-2005, la direction des Archives a examiné 3 192 dossiers hérités du secrétariat d'Etat aux Affaires algériennes ou transmis par notre ambassade et nos consulats en Algérie. C'est à partir de ces dossiers qu'a été établie une liste de 2 281 noms de personnes disparues, c'est-à-dire en réalité hélas décédées pour la plupart, liste à laquelle s'est ajoutée une autre liste de 1408 personnes retrouvées ou libérées.
Depuis juillet 2004, cette liste de disparus peut être consultée en toute liberté sur le site Internet du Département. C'est là une avancée considérable pour la transparence de la mémoire et la recherche de la vérité historique.
Sur instructions du Premier ministre, une dérogation a même été accordée aux familles et aux ayants droit pour qu'une copie complète du dossier de la personne disparue leur soit fournie par la direction des Archives. Près de 400 familles ont demandé à ce jour communication d'un dossier, et ces demandes semblent aujourd'hui se tarir.
Je veux souligner ici le soutien des chercheurs dont la direction des Archives a pu bénéficier : je pense en particulier au général Faibvre, missionné par le Haut Conseil aux Rapatriés, et celui très actif de l'Agence nationale pour l'Indemnisation des Français d'Outre-Mer (ANIFOM) et de son directeur Alain Vauthier. C'est aussi à cette collaboration que nous devons l'établissement d'une base de données très complète, dont la consultation n'est actuellement pas publique en raison des délais légaux de 60 ans, mais qui pourrait l'être un jour.
Avec l'aide de l'ANIFOM, les listes de disparus et celles des retrouvés/libérés ont été révisées et une troisième version - sans doute définitive pour ce qui concerne les dossiers archivés au Département - sera mise en ligne sur le site du ministère dès les prochains jours.
Il restera à traiter des militaires disparus - ce qui relève des archives du ministère de la Défense - mais aussi du drame des Harkis.
Ces sujets sont, bien sûr, très douloureux. Ils pèsent encore lourdement sur la mémoire de toute une partie de la population de notre pays. Il était donc d'autant plus important, pour notre ministère, d'apporter toute sa contribution à une information plus claire et plus exacte, capable d'avancer, en quelque sorte, vers l'apaisement des consciences et la recherche de la vérité historique.
Plus anciens que la guerre d'Algérie, mais également présents à notre mémoire, sont les événements liés à la deuxième guerre mondiale et notamment les spoliations par les nazis de centaines de milliers d'oeuvres d'art en Europe.
La quasi-totalitéé des 67 000 oeuvres retrouvées en France, sur les 100 000 environ que l'on estime spoliées, ont été remises à leurs ayants droit dès la fin de la guerre.
D'autre part, depuis 1993, 109 autres oeuvres ont été restituées, grâce aux recherches entreprises par la direction des Archives, héritière des dossiers de l'Office des Biens et Intérêts privés, en liaison avec la direction des Musées de France.
C'est aussi en relation étroite avec celle-ci que la direction des Archives s'efforce, depuis plusieurs années, de mettre en oeuvre la dernière recommandation de la mission MATTEOLI : je veux parler de l'organisation, en Israël, d'une exposition des oeuvres spoliées dont les propriétaires ou les ayants droit n'ont pas été retrouvés.
La direction des Musées de France et le directeur du Musée d'Israël à Jérusalem sont aujourd'hui quasiment parvenus à un accord concernant la liste des oeuvres - une centaine environ - qui pourraient être exposées.
Il appartient maintenant au gouvernement israélien de faire voter par la Knesset une loi sur le caractère insaisissable des oeuvres d'art prêtées par des étrangers - Etat ou particulier. Il s'est aussi engagé à signer avec les autorités françaises l'accord intergouvernemental et la convention de prêt qui lui ont été soumis.
J'espère donc vivement que toutes les conditions seront bientôt réunies pour cette exposition : au-delà de son caractère artistique, il s'agit bien ici de mémoire, et aussi du témoignage de la politique active menée par la France - et en particulier ce ministère - en matière de restitution d'oeuvres d'art spoliées.
Je voudrais terminer sur une note peut-être un peu plus gaie, en me félicitant du succès remporté, cette année, par les quatre manifestations programmées par la direction des Archives dans le cadre de la célébration nationale de l'année 1856.
Il s'agissait, vous le savez, de commémorer conjointement le 150ème anniversaire de la construction du "Quai d'Orsay" et la signature du Traité de Paris.
- Tout d'abord, un colloque international s'est tenu en mars 2006 au Musée d'Orsay : quelque 200 auditeurs y ont participé.
- Les journées "Portes ouvertes" au Quai d'Orsay ont été un véritable succès public puisqu'elles ont accueilli, les 25 et 26 mars derniers, près de 4.000 personnes.
- Un très bel ouvrage sur "Napoléon III et l'Europe" a également été réalisé, avec les éditions de la Réunion des Musées nationaux.
- Enfin, je n'oublie pas la très intéressante exposition consacrée à 1856 et la politique extérieure de Napoléon III, qui se tient jusqu'à la fin de l'année au Musée de l'Armée : il s'agit là de la première exposition d'envergure "hors les murs" du ministère, organisée par la direction des Archives. Des milliers de spectateurs l'ont déjà visité ! Il serait bon, et de bonne logique, que cette exposition soit suivie par d'autres - je ne doute pas que le nouveau directeur des Archives saura nous faire des propositions en ce sens.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire pour évoquer les actions de la direction des Archives les plus significatives de ces mois écoulés.
Naturellement, je n'oublie pas les multiples missions qui sont le lot quotidien de ses agents : les inventaires, la conservation, la restauration et bien d'autres encore. Tout cela ne peut se faire qu'avec le concours d'agents de qualité, consciencieux, disponibles. Je salue leur travail, sur lequel Mme Mireille Musso et son adjointe Mlle Monique Constant vont maintenant nous présenter leurs commentaires.
Mais avant qu'elles ne s'expriment, je souhaite passer la parole à Mme Carrère d'Encausse, Secrétaire perpétuel de l'Académie française, qui désire nous dire quelques mots.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er décembre 2006