Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les enjeux et les objectifs du prochain Conseil européen, Paris le 12 décembre 2006.

Prononcé le

Circonstance : Débat préalable au Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 à l'Assemblée nationale le 12 décembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Cette fin de semaine, Catherine Colonna et moi-même accompagnerons le président de la République pour la réunion du Conseil européen de fin d'année.
Ce Conseil européen sera essentiellement consacré à la problématique de l'élargissement de l'Union. Nous pensons qu'il est impératif que les Européens mènent ensemble sur ce sujet, une réflexion approfondie et sérieuse, alors que s'achève le cinquième élargissement avec l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, 1er janvier prochain.
Chacun sait ici, qu'à la sortie des années de guerre en ex-Yougoslavie, l'Union européenne a pris, notamment lors du sommet de Zagreb en novembre 2000, des engagements à l'égard des Balkans occidentaux.
Mais ceci suppose deux choses : tout d'abord, les pays candidats doivent respecter scrupuleusement les conditions requises ; ensuite et c'est fondamental, l'Union européenne doit s'assurer qu'elle a la capacité d'accueillir de nouveaux membres, sans que soient compromis ni le fonctionnement des institutions, ni les politiques communes, ni leur financement, ni surtout, l'ambition du projet européen.
Mesdames et Messieurs les Députés, le message de la France lors de ce Conseil sera de dire que la poursuite de l'élargissement, souhaité par nombre de nos partenaires, ne pourra se faire sans le soutien plein et entier des citoyens européens. C'est vrai, en particulier de nos compatriotes qui seront, à l'avenir, consultés par référendum. En juillet dernier, sur notre impulsion, le Conseil européen l'a d'ailleurs fermement rappelé : le rythme de l'élargissement doit tenir compte de la capacité d'absorption de l'Union. Il convient à présent d'aller jusqu'au bout de cette démarche.
En ce qui concerne la Turquie, vous le savez, les négociations ont été ouvertes le 3 octobre 2005, l'avenir seul nous dira si la Turquie sera ou non capable de se réformer et de nous rejoindre en adhérant à toutes nos valeurs. Mais en 2006, chacun reconnaît que le rythme des réformes s'est ralenti dans ce pays. La Turquie ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu de l'accord d'association et de son protocole additionnel.
Il convient à présent d'en tirer les conséquences sur la conduite des négociations, conformément à ce que les Européens ont unanimement agréé dans une déclaration, le 21 septembre 2005.
Hier, le Conseil Affaires générales a débattu du message à adresser à la Turquie, suite au refus de ce pays de mettre en oeuvre ses obligations à l'égard de Chypre. Comme la France l'avait proposé, le Conseil a accepté le gel de l'ouverture de huit chapitres et le gel de toute fermeture provisoire de chapitres, tant que la Turquie n'aura pas respecté ses obligations.
Comme nous le souhaitions, il s'agit là d'un message de fermeté incitant la Turquie à respecter ses engagements.
Le deuxième enjeu qui sera discuté cette semaine, c'est l'enjeu de l'immigration. Les afflux de clandestins en Espagne, en Italie, à Malte et en Grèce, ont fait des questions migratoires un thème dominant de ce semestre. Devant ce phénomène massif qui ne connaît pas de frontières, l'Union européenne a su, et nous ne pouvons que nous en réjouir, faire la preuve de sa solidarité. C'est cet esprit de solidarité collective qui a commandé l'approche globale définie par le Conseil européen il y a un an.
L'important aujourd'hui, c'est d'approfondir cette approche globale et sa mise en oeuvre. La Commission européenne a récemment présenté plusieurs propositions en ce sens et nous pourrons en appuyer le plus grand nombre, qu'il s'agisse du renforcement des frontières maritimes, d'une meilleure articulation entre politiques migratoires et politiques de développement, de la mise en oeuvre du plan d'actions de Rabat ou encore, l'intensification du dialogue avec les pays d'origine et les pays de transit.
Mais il doit être clair que la responsabilité première en matière migratoire doit rester aux Etats qui doivent pouvoir décider, en fonction des caractéristiques qui leur sont propres, au regard de la situation de leur marché du travail et au regard de leurs capacités d'accueil. A ce titre, nous ne pouvons accepter une gestion commune ni une définition européenne des quotas.
Mesdames et Messieurs les Députés, à partir du 1er janvier prochain, l'Allemagne assurera la présidence de l'Union, l'Allemagne s'est fixé des objectifs concrets concernant l'achèvement du marché intérieur. Nous pouvons compter sur l'Allemagne pour renforcer la compétitivité de l'économie européenne. Nous soutiendrons les Allemands pleinement dans cette mission, dans le respect de l'acquis communautaire.
De plus, nous partageons bien des priorités de la présidence allemande, qu'il s'agisse des questions énergétiques qui seront aussi à l'ordre du jour du prochain Conseil européen, ou bien en matière de relations extérieures avec la nouvelle politique de voisinage renforcée qui inclue la Méditerranée, les Balkans occidentaux et l'Asie centrale.
S'agissant des questions institutionnelles, nous devons progresser dans nos débats, sur le Traité constitutionnel et sur les évolutions possibles. La présidence allemande devrait présenter, au cours du premier semestre 2007, un rapport relatif à ces débats concernant le Traité constitutionnel. Nous l'y invitons car il est essentiel que des décisions soient prises sur la réforme institutionnelle, au plus tard au deuxième semestre 2008, c'est-à-dire au cours de la présidence française.
Enfin, la future présidence allemande aura pour mission de préparer une déclaration politique qui sera adoptée par les responsables de l'Union à Berlin le 25 mars.
Mesdames et Messieurs les Députés, le Conseil européen abordera le problème de la politique énergétique et en premier lieu, de l'indépendance énergétique. Le Conseil européen devra ensuite aborder les questions de sécurité internationales, avec en priorité le Moyen-Orient et le Liban. S'agissant plus particulièrement du Liban, la France réaffirmera son attachement à un Liban souverain, indépendant et démocratique. Nous souhaitons que nos partenaires apportent un appui unanime au gouvernement de M. Siniora et qu'il prenne une part active au succès de la Conférence des donateurs de Paris III, le 25 janvier prochain.
S'agissant de l'Iran, qui sera également un thème évoqué lors du Conseil européen, nous aurons l'occasion de faire le point sur les travaux en cours au sein du Conseil de sécurité. Il s'agit pour nous d'adopter une résolution qui devrait marquer une première étape dans les mesures de sanctions contre le régime de Téhéran. Mais comme vous le savez, ces mesures sont proportionnelles, sont réversibles et progressives. Elles ne visent que le domaine nucléaire et balistique.
Monsieur le Président, au-delà de la question nucléaire iranienne, permettez-moi de redire ici ma condamnation la plus ferme de la conférence sur l'holocauste qui se tient actuellement à Téhéran. Nous assistons là à la résurgence des thèses négationnistes ou révisionnistes qui ne sont tout simplement pas acceptables.
En ce qui concerne le Proche-Orient, le Conseil européen devrait évoquer trois questions :
D'abord le soutien nécessaire à Abou Mazen, ensuite, l'attitude que devra adopter l'Union européenne en cas de formation d'un gouvernement reflétant les principes du quartet, et, enfin, les pistes de réflexion et les moyens qui permettront de relancer le processus de paix dans cette région du monde.
S'agissant de l'Afrique, le Conseil européen évoquera le chemin que nous avons parcouru, un an après le lancement de la stratégie de l'Union européenne pour l'Afrique au Conseil européen de décembre 2005. Le Conseil européen devrait saluer le bon déroulement du processus électoral en République démocratique du Congo, un processus électoral que l'Union a soutenu et accompagné en déployant notamment la mission Eurofor avec la mise en place d'un nouveau Parlement et l'investiture du président du Congo, M. Kabila.
L'année qui s'achève marque un nouveau départ. Le Conseil européen devra rappeler à cet égard la volonté de l'Union de rester engagée aux côtés de la République démocratique du Congo.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, les principaux enjeux et objectifs de la France à la veille du Conseil européen. Permettez-moi de conclure en rendant hommage à la présidence finlandaise qui a su conduire avec intelligence et efficacité les travaux de l'Union tout au long de ces derniers mois.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2006