Texte intégral
Monsieur le Président (Philippe MANGIN)
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs de Coopératives agricoles,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de participer à cette assemblée générale des coopératives agricoles françaises, réunies aujourd'hui par COOP de France à Paris. Je tiens à saluer votre engagement au service de notre agriculture, de nos emplois agricoles et de nos territoires et je me félicite, Monsieur le Président, que nous poursuivions des objectifs communs.
Les coopératives sont à mes yeux l'un des outils économiques et juridiques les plus appropriés, afin de renforcer le poids des producteurs, dans un marché qui évolue vers une plus grande libéralisation, et donc vers une plus grande pression sur les prix. Le système coopératif vise à offrir des prix rémunérateurs à ses adhérents, à défendre leurs intérêts sur les marchés, et à leur fournir des services au meilleur prix, dans un esprit de mutualisation et de solidarité.
L'organisation en coopératives est un atout, et pour répondre tout de suite à vos inquiétudes, soyez assurés que je suis déterminé à défendre notre modèle coopératif au niveau communautaire.
I. La modernisation des statuts de la coopération agricole
La Loi d'Orientation Agricole du 5 janvier 2006 a reconnu le rôle décisif que jouent les sociétés coopératives agricoles, dans la promotion de l'agriculture française et des territoires. A ce jour, 80% des décrets sont publiés, en instance de publication, en signature ou à l'examen du Conseil d'Etat. Dans l'élaboration des textes d'application de la Loi d'Orientation la large concertation, qui avait marqué l'élaboration de la loi, a été poursuivie.
Le statut de la coopération agricole est un dispositif ancien, qui a fait ses preuves avec le temps. C'est aussi un outil juridique et économique qui montre sa capacité d'évolution. Les modifications les plus récentes marquent l'aboutissement d'un travail engagé depuis trois ans à l'initiative de Jean-Pierre RAFFARIN, et accompli dans le cadre du Conseil Supérieur d'Orientation de la Coopération Agricole. L'ordonnance du 6 octobre 2006 relative à la coopération agricole, prise en application de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006, permet de modifier certaines dispositions du code rural, dans le but de clarifier, d'actualiser et de mettre en cohérence le statut de la coopération agricole avec les différentes évolutions législatives intervenues dans le droit commun des sociétés.
Elle prend en compte les évolutions intervenues en termes de transparence et de gouvernance des sociétés. Elle introduit également les conditions de mise en oeuvre des opérations de restructuration juridique des groupes coopératifs, aujourd'hui non prévues par le code rural. L'ampleur de certaines opérations en cours, la fréquence des rapprochements supposaient que soit clarifié le régime juridique de celles-ci, ne serait-ce que pour leur conférer la sécurité juridique nécessaire tant du point de vue des relations avec les adhérents que de celui d'un fonctionnement économique pérenne.
L'ensemble de ces mesures tend également à favoriser une meilleure implication de l'adhérent dans sa coopérative et à réaffirmer l'importance de la coopération agricole pour structurer l'amont agricole et les territoires.
Le projet de loi de ratification sera examiné très prochainement par la section des travaux publics du Conseil d'Etat.
Les nouveaux dispositifs respectent les principes coopératifs, et réaffirment toute l'importance de la coopération agricole, avec la structuration de l'amont agricole et leur contribution au développement des territoires. Nous devons être confiants dans cette modernisation des statuts de cet outil économique et juridique qu'est la forme coopérative.
[ 1.2. le Haut Conseil de la Coopération Agricole ]
La création du Haut conseil de la coopération agricole s'inscrit dans le cadre de la réflexion menée notamment depuis plusieurs années par Coop de France, sur la modernisation et l'adaptation des coopératives agricoles.
Il s'agit de doter la coopération agricole d'une instance unique et indépendante, qui sera chargée de contribuer à l'élaboration des orientations concernant les domaines juridique, économique et stratégique pour les coopératives agricoles. Comme vous l'avez souligné M. le Président, le Haut Conseil sera également chargé d'un travail de veille et de conseil.
Hier matin sont parus au Journal Officiel le décret fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du haut conseil et l'arrêté définissant le mode de désignation de ses membres. Je souhaite que cette nouvelle instance se mette en place très vite et soit parfaitement opérationnelle.
Mes services contribueront pour leur part à ce que la transition entre le dispositif actuel et la nouvelle organisation s'effectue progressivement dans les meilleures conditions. A cet égard, je confirme la promesse qui vous a été faite par Michel CADOT de mettre deux agents du ministère à disposition du haut Conseil pour l'assister dans sa phase de démarrage.
[ 1.3. La question du dispositif fiscal des coopératives ]
Monsieur le Président, vous avez évoqué la plainte dont la Commission européenne a été saisie, à l'encontre du régime fiscal des coopératives agricoles, en France. Cette plainte ne doit pas aboutir à la remise en cause pure et simple du régime fiscal des coopératives agricoles, comme certains le réclament. Mes services et ceux de la Direction de la législation fiscale, du Ministère de l'Economie et des Finances, sont très mobilisés sur le sujet. Nous avons rappelé à la Commission que ce régime fiscal intervient en contrepartie des spécificités et des contraintes propres aux coopératives. La Commission a reconnu le principe de régimes fiscaux dérogatoires, sous réserve que le bénéfice retiré soit proportionnel aux contraintes. Les derniers éléments de réponse envoyés par l'Etat à la Commission ont pour but de prouver le respect de ce principe de proportionnalité.
Depuis le mois de mars 2006, un retard est intervenu à la suite d'un recours introduit par une association de coopératives espagnoles, contre une décision de la Commission par laquelle les mesures de soutien aux coopératives agricoles étaient des aides, au sens de l'article 87 du Traité. Nous attendons le dénouement du cas espagnols pour nous prononcer à nouveau.
[ 1.4. le Système de Conseil Agricole (SCA) ]
La structure de conseil fait partie de l'esprit et de la tradition des coopératives. C'est grâce à un esprit de mutualisation du matériel et des services, et de formation continue, que l'organisation économique des coopératives pourra se renforcer.
Sur demande de la Commission, la France doit mettre en place d'ici le 1er janvier 2007 un système de conseil agricole (SCA) portant au minimum sur le champ de la conditionnalité. Afin de répondre à la fois aux obligations communautaires et aux attentes des agriculteurs, le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche a organisé, tout au long de l'année 2006, une série de consultations auprès des organisations professionnelles.
L'habilitation de ces réseaux se ferait par appel à projets. Un organisme ou un réseau non habilité pourrait continuer à délivrer du conseil aux agriculteurs, mais il ne bénéficierait pas de la labellisation « système de conseil agricole ». Dans tous les cas, le choix de l'agriculteur reste souverain : celui-ci choisit de faire appel ou non à un réseau d'organismes de conseil. Il choisit le réseau de son choix, lorsque plusieurs réseaux sont habilités. Il ne paye que les prestations réalisées. Ce n'est pas un abonnement à un ensemble de prestations présentées comme indissociables.
Ce scénario doit être approfondi avant que je ne prenne ma décision en concertation avec les organisations professionnelles agricoles. En tout état de cause, les coopératives ont naturellement vocation à jouer un rôle important, dans le schéma qui sera retenu.
II. Le contexte communautaire et international de l'économie agricole française
Le secteur coopératif est au coeur des évolutions actuelles. C'est en étant plus uni encore qu'il pourra peser davantage, et je me réjouis des actions de coordination, d'organisation ou de fusion qui sont intervenues en nombre cette année.
Avec 80 Mdrs d'euros de chiffre d'affaires, plus de 400 000 exploitations affiliées et 150 000 salariés, avec près du quart du chiffre d'affaires des industries agroalimentaires, le secteur coopératif est au coeur de notre économie agricole. Votre ambition de peser dans la définition de notre politique agricole et d'y contribuer utilement est tout à fait légitime.
Je me réjouis de constater que vous souhaitiez, pour nos exploitations et nos coopératives, une nouvelle ambition pour l'Europe agricole. Les défis qui nous attendent, vous les connaissez bien : croissance démographique au niveau mondial, développement économique fulgurant de pays comme la Chine et l'Inde, avec la question de la pérennité de leurs structures agricoles, accès aux marchés et sécurité des approvisionnements pour les pays pauvres, problème de l'appauvrissement des sols et de la raréfaction des ressources en eau, rôle de l'agriculture et de la sylviculture dans la lutte contre le changement climatique.
Ma conviction, c'est que l'agriculture remplit de nombreuses fonctions non-marchandes, et que la libéralisation des marchés ne suffit pas à conduire dans ces domaines une action efficace. Une politique agricole lucide et ambitieuse est plus que jamais nécessaire. La politique agricole européenne a rempli les objectifs qui lui ont été fixés, il y a cinquante ans. Elle a démontré sa capacité à évoluer, encore tout récemment avec la réforme de 2003. La politique agricole reste la première politique européenne. La raison n'en est pas que l'agriculture aurait une importance disproportionnée : l'Europe s'est en grande partie construite sur la base de l'autosuffisance alimentaire, des gains de productivité dans le secteur agricole, et de la prévention des risques sanitaires. Nous devons rester très vigilants et ne pas sacrifier ce qui nous semble aller de soi. L'agriculture européenne la simple variable d'ajustement du commerce mondial.
S'agissant de l'examen de la PAC prévu en 2008, je dois vous dire que je n'aime pas l'expression « bilan de santé », comme si nous avions affaire à un malade convalescent ! Les exploitations agricoles européennes peinent à intégrer les surcoûts liés à la réforme de la conditionnalité et nous ne pouvons accepter de nouveaux sacrifices. L'agriculture est l'un de ces nombreux domaines où, pour bien jouer, il faut jouer collectif. Le cadre communautaire est un atout d'autant plus fort que les agriculteurs français se voient évoluer depuis longtemps en pleine économie de marché et ne pensent plus en termes franco-français. Cependant, la politique agricole commune est souvent perçue de manière négative, à travers une évolution trop rapide et trop contraignante de la réglementation. Le bilan de 2008 pourrait être l'occasion de compléter la réforme de 2003 sur deux points :
2.1. Création de nouveaux outils de gestion de crise.
L'agriculture est fortement exposée à l'impact des changements climatiques, aux maladies émergentes et à la limitation de certaines ressources naturelles. Cette exposition aux risques exige davantage d'outils et de moyens, afin que les agriculteurs puissent se prémunir contre les risques et se protéger en situation de crise. La gestion de risque et de gestion de crise - il ne faut d'ailleurs par confondre ces deux aspects, car la bonne gestion du risque permet d'éviter les situations de crise - correspondent déjà à des dispositifs et opérationnels, en France ou à l'étranger. Il revient aux pouvoirs publics d'accompagner ces dispositifs, afin que nous puissions forger un véritable modèle français de gestion du risque agricole. La recherche d'une politique agricole plus efficace en la matière est abordée dans le memorandum « Fruits et légumes » et dans le memorandum « viticulture », que nous avons remis récemment à la Commission européenne.
Vous savez toute la place qu'occupe les coopératives dans les différentes filières. Nous avons besoin de coopératives fortes et bien structurées, en particulier lorsqu'il s'agit de traverser des crises profondes, comme celle qui touche actuellement la viticulture dans le Languedoc. Vous l'avez souligné, Monsieur le Président, les coopératives doivent aussi jouer un rôle moteur dans l'adaptation des filières au marché, en faisant porter les efforts sur la réactivité de la gestion, la modernisation des exploitations et des entreprises de transformation. On ne peut lutter aujourd'hui avec les mêmes outils technologiques qu'autrefois. C'est pourquoi vous avez raison de souligner, Monsieur le Président, que les aides publiques sont ciblées et destinées à soutenir les efforts de structuration et de modernisation.
2.2. Poursuite de l'effort de simplification.
Il s'agit de replacer l'agriculteur et son métier au coeur de ces démarches, ce qui doit nous conduire à poursuivre l'effort et notamment à solliciter toutes les propositions utiles qui pourront remonter du terrain. Nous devons ôter aux exploitants le fardeau de « l'impôt paperasse » qu'ils paient avec leur temps. J'ai évoqué ce point avec mon collègue allemand Horst SEEHOFER, qui doit prendre la présidence du Conseil Agriculture et pêche de l'Union Européenne à compter du 1er janvier prochain. Il m'a fait part de son intention de faire de la simplification l'un des grands chantiers de sa Présidence.
Les chefs d'Etat et de gouvernement ont convenu en décembre 2005 d'une clause de rendez-vous, concernant le budget européen. Il est clair que pour nous que ce débat ne signifie en aucune façon la modification d'un calendrier déjà décidé pour la période 2007-2013. La préparation de l'après-2013 doit nous mobiliser, mais ces réformes ne devront bien sûr intervenir qu'après 2013.
Concernant l'environnement international de notre agriculture, tirons la leçon de l'échec des négociations constaté fin juillet à Genève. Un déséquilibre flagrant, entre les concessions des différents acteurs, ne rendait pas possible l'accord souhaité par l'OMC. L'offre européenne, déjà très ambitieuse, n'avait pas reçu de réponse sérieuse. Concernant le cycle de Doha, il est temps d'en finir avec cette logique qui, pour reprendre l'expression de Peter MANDELSON lui-même, vise à faire de l'Union européenne et de sa politique agricole, en particulier, le « banquier du cycle ».
L'attitude de la France aura été déterminante pour sauvegarder les intérêts de notre agriculture. En réunissant autour d'elle une quinzaine d'Etats membres qui partagent ses convictions, la France a permis à la Commission de faire preuve de fermeté. Quel que soit le cours que prendra désormais l'OMC, le Gouvernement français restera particulièrement vigilant pour que l'agriculture garde la visibilité que la PAC réformée lui a donnée.
Les négociations sont suspendues depuis fin juillet. Les tentatives de relance n'ont pour l'instant pas abouti. Des discussions préliminaires sont en cours à Genève pour savoir si les négociations doivent être relancées, avec quel calendrier et quels objectifs. Cependant, sur le fond, aucune évolution des positions n'est à signaler par rapport à la situation qui nous a amené au blocage fin juillet.
En réalité, le déblocage des négociations dépendra largement de la capacité des Etats-Unis à revenir à la table de négociation avec des propositions concrètes. Or, le résultat des élections américaines est loin de simplifier la donne. La ?? fenêtre de tir » pour négocier est de toute façon très étroite, entre maintenant et le printemps 2007, date à laquelle expire le mandat sans lequel l'administration américaine ne pourra pas négocier concrètement.
L'Union européenne n'a pas eu de discussion interne récente au sujet du Cycle de Doha. La dernière discussion en Conseil des ministres de l'agriculture a eu lieu en septembre. A cette occasion, la position française de refus de toute nouvelle concession unilatérale a été soutenue par plus de dix Etats membres.
Le Gouvernement reste donc extrêmement vigilant et mobilisé.
Conclusion
Nous devons continuer d'agir en conformité avec les principes coopératifs : souci de la performance économique, solidarité de l'amont et de l'aval, contribution active au développement local, défense du pouvoir économique des agriculteurs. Ces principes sont un gage de développement et de réussite pour l'ensemble de la profession agricole. J'ajoute que seules l'équité et la transparence permettent de créer la confiance, qu'il s'agisse des adhérents ou des marchés : il faut continuer à cultiver ces valeurs.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 15 décembre 2006