Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la diversité culturelle de la Réunion, l'égalité des droits, la lutte contre les exclusions, l'attachement de l'île à l'Europe et son influence dans l'Océan indien, Saint-Denis-de-La-Réunion le 25 janvier 2001.

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Circonstance : Déplacement de M. Jospin à La Réunion et à Mayotte du 24 au 27 janvier 2001-réception des personnalités de La Réunion le 25

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Madame et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du conseil régional,
Monsieur le président du conseil général,
Monsieur le préfet, Madame,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de vous recevoir ce soir à la préfecture de la Réunion, au soir du premier jour de la visite que j'effectue dans l'île, accompagné du ministre délégué à la ville, M. Claude Bartolone, du secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Christian Paul et du secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, M. François Patriat.
Vous représentez collectivement la Réunion dans sa richesse et sa diversité, élus, magistrats, responsables des services civils et militaires de l'Etat, personnalités de ce qu'il est convenu d'appeler la société civile.
Je connais les Réunionnais, pour avoir effectué déjà plusieurs déplacement dans l'île, en tant que ministre de l'éducation nationale ou responsable politique. J'apprécie leur sérieux, leur courage, leur créativité.
La Réunion a de grands défis à relever et beaucoup d'atouts. Le Gouvernement est déterminé à lui apporter toute l'aide dont elle a besoin et qu'elle mérite.
L'attachement des Réunionnais à la République est profond, constamment invoqué, avec parfois une sorte de passion inquiète. La Réunion n'a aucune raison de douter de sa place dans la Nation. Elle est la France dans l'océan indien, porteuse des valeurs de la République. Dans sa diversité culturelle, elle illustre notre conception républicaine de la citoyenneté. De quelque partie du monde que leurs ancêtres soient venus à la Réunion, tous ses habitants sont égaux en droit, entre eux et avec leurs compatriotes de la métropole.
Cette affirmation emporte plusieurs conséquences.
La première, c'est que les règles fondamentales de notre démocratie doivent naturellement s'appliquer dans l'île, comme sur tout le territoire national. Le respect de l'état de droit par tous est la garantie de la liberté de chacun.
La deuxième c'est que l'égalité des droits doit s'appliquer dans tous les domaines et aussi dans les faits. C'est pourquoi l'égalité sociale, corollaire de la départementalisation et élément du pacte républicain pour l'outre-mer, ne peut souffrir d'exceptions ; c'est une question de dignité. Le Gouvernement a donc décidé que les dernières conquêtes de l'égalité sociale devraient s'inscrire dans la réalité dans les meilleurs délais. Ce sera fait à la fin de 2001 pour l'allocation du RMI.
Mais l'égalité, c'est aussi trouver du travail, ne pas être exclu, du fait de son âge, de son état de santé, de son handicap parfois, et pour les jeunes, si nombreux dans cette île, pouvoir s'insérer dans la société.
Telles sont les priorités de la politique nationale du Gouvernement. Les résultats en matière d'emploi sont tangibles en métropole. Plusieurs lois ont été votées ou sont en préparation pour lutter contre les exclusions. Nous devons obtenir les mêmes résultats à la Réunion, même si c'est plus difficile compte tenu de la situation de départ, de la démographie et de l'histoire. Pour mieux tenir compte des difficultés propres aux départements d'outre-mer, le Parlement a voté la loi d'orientation, qui prévoit un ensemble de mesures sans précédent pour le développement économique et social et donne de nouvelles responsabilités aux collectivités locales. Celles-ci, souvent en partenariat avec l'Etat, poursuivent les mêmes objectifs. Ensemble, nous les atteindrons.
Que la Réunion mobilise ses énergies ! Qu'elle ait confiance en elle, car le Gouvernement se mobilise pour la Réunion et il a confiance dans les Réunionnais.
Grâce à la formation des jeunes, pour laquelle des efforts considérables sont consentis par l'Etat, comme par les collectivités locales, grâce à la réalisation d'infrastructures nouvelles de communication, à la diversification agricole, à l'artisanat et aux PME, au secteur du tourisme, à un fort investissement dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui abolissent en partie les distances, le développement économique de la Réunion créera des emplois en plus grand nombre. L'encouragement à la mobilité pourra aussi contribuer à résorber le chômage des jeunes.
Ce développement doit être durable, respectueux de cet environnement d'une qualité exceptionnel qui est le patrimoine commun des Réunionnais. Je sais que les responsables de la Réunion y sont particulièrement attentifs. Je les encourage à conserver toujours cette exigence à l'esprit.
L'identité culturelle de la Réunion est une de ses richesses. Elle est aussi un enrichissement pour notre pays tout entier. Il convient de l'affirmer et de la valoriser. Vous le faites. Nous veillons à vous donner de nouveaux outils pour encourager la langue créole, ainsi que toutes les manifestations vivantes des cultures de l'île. Chacun ici peut être fier de sa culture ! La Réunion est, au sein de la République, porteuse d'une identité originale, qui s'est formée à partir de l'apport de diverses cultures.
La Réunion est française et, à ce titre, elle est européenne par les liens de solidarité que l'Union européenne a établis avec les régions qu'elle appelle ultrapériphériques. Les Réunionnais se sont faits connaître à Bruxelles par leur engagement européen et leur ténacité. Le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour que les départements d'outre-mer reçoivent de l'Union européenne tout le soutien nécessaire. Le doublement du montant des fonds structurels fournira, pour toute la durée du programme européen, une aide précieuse pour le développement de l'île. Nous avons su aussi, je le crois, tirer le meilleur parti du traité d'Amsterdam, au cours de la présidence française, ces six derniers mois.
Française, et donc européenne, la Réunion se situe aussi, bien sûr, dans l'océan indien. Elle doit y tenir toute sa place. Cette région est importante pour elle, pour ses échanges culturels, éducatifs et commerciaux. La coopération régionale est déjà active. Les collectivités locales y sont fortement engagées. La loi d'orientation leur offre de nouvelles responsabilités à cet égard. Le Gouvernement encourage le développement des relations entre la Réunion et les pays de la zone. C'est pourquoi, j'ai tenu à inviter les ambassadeurs de France dans ces pays à venir me rejoindre pendant ma visite, pour qu'ils puissent avoir, avec les élus de l'île, les ministres et moi-même, des échanges sur ce thème. Je les remercie d'être venus.
Mesdames et Messieurs, il y a dans votre île une beauté singulière et une authenticité d'une grande force. Les problèmes qu'il y faut résoudre sont souvent abrupts comme les parois de vos montagnes ; la société y bouillonne parfois comme votre volcan ; mais les femmes et les hommes de ce pays semblent avoir tiré de leur passé un mélange de sagesse et d'audace qui n'appartient qu'à cette terre. C'est sans doute pourquoi ceux qui la connaissent s'y attachent et ceux qui y passent ont envie d'y revenir. C'est toujours mon cas. C'est pourquoi aussi, j'en suis convaincu, les Réunionnais, avec l'appui de tout notre pays, sauront bâtir un avenir meilleur.
A nouveau, je voudrais vous exprimer mes encouragements : aux élus qui exercent une responsabilité si exigeante au service de nos concitoyens, aux magistrats, aux fonctionnaires civils et militaires, dont je connais le dévouement, aux chefs d'entreprises sur qui repose pour une large part la création d'emplois, aux responsables syndicaux et associatifs. De la qualité de l'engagement de chacun d'entre vous dépend le succès de la Réunion.
Je vous assure de mon propre engagement personnel et de celui de tout mon Gouvernement au service de nos concitoyens de la Réunion.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 31 janvier 2001)