Texte intégral
Monsieur le Président (Philippe MEURS)
Monsieur le Ministre (Claude ALLEGRE)
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de me trouver parmi vous à l'occasion de ces rencontres placées sous le signe de l'échange, de la convivialité, de la fête aussi : au pied de la Tour Eiffel, les jeunes agriculteurs présentent aux Parisiens, et aux touristes venus du monde entier, les produits de nos régions. Le caractère « agriculturel » de ces rencontres n'est pas un jeu de mots. En effet, l'agriculture est la marque de l'homme sur les territoires. C'est aussi l'acte de produire, la condition de l'acte de se nourrir : l'agriculture est au fondement de la culture.
L'agriculture française est guidée par le souci d'améliorer la qualité, la traçabilité et l'identité des produits, par le soin de valoriser les traditions et les terroirs, par l'ambition d'être réactive aux attentes de la société et des consommateurs. Vous avez pris aujourd'hui même, au cours des débats, la mesure de ces enjeux. C'est dans ce cadre exigeant que les jeunes devront développer une agriculture capable de fournir une nourriture de qualité, et de développer des productions respectueuses de l'environnement.
[ I. Je me réjouis que ces rencontres aient été organisées par de jeunes agriculteurs. ]
L'installation des jeunes agriculteurs est une nécessité pour notre pays. Je l'ai rappelé en septembre, lors des Championnats de Labour en Haute-Loire. Nos jeunes agriculteurs du XXI° siècle devront en effet relever de nombreux défis : le défi alimentaire, le défi de la puissance économique et le défi environnemental. Ne soyons pas optimistes ou pessimistes, soyons pragmatiques : la France est l'un des pays les mieux placés dans le monde pour disposer d'une agriculture performante et sûre. Je l'ai dit à plusieurs reprises, nous avons besoin d'une nouvelle ambition agricole pour la France et pour l'Europe. Nos jeunes agriculteurs porteront ce message pendant les événements démocratiques qui auront lieu en 2007 dans notre pays.
Les jeunes auront bien sûr pour mission de renforcer la compétitivité des exploitations, de participer à l'organisation des filières, de développer de nouvelles implications de l'agriculture au service des territoires et au service de nos concitoyens. Ils seront partie prenante de nos politiques publiques, qu'elles concernent l'alimentation, la santé, l'emploi et le développement rural.
Les pouvoirs publics quels qu'ils soient accompagnent ceux qui choisissent ce métier, parce qu'ils font le pari que c'est un métier d'avenir. Dans un contexte qui tend vers une plus grande libéralisation, et par conséquent vers une pression toujours plus forte sur les prix, les agriculteurs exercent un métier difficile. Les jeunes ne seront pas seuls. Ils disposent de nombreux interlocuteurs, partout sur le territoire, notamment grâce au réseau des établissements d'enseignement agricole. Je pense aux enseignants et aux responsables d'exploitations des lycées publics et privés, mais aussi, cher Jean-Michel LUMINEAU, aux formateurs des Maisons familiales et rurales. Je n'oublie pas les représentants syndicaux, Monsieur le Président, cher Philippe MEURS, les associés des exploitations et des coopératives, les élus, les agents du Ministère de l'Agriculture et des collectivités locales.
Etre agriculteur, c'est d'abord choisir un métier et une passion. Je veux l'encourager. Sur le terrain, les dispositifs de la récente Loi d'orientation agricole ont amélioré les conditions de travail : à titre d'exemple, la possibilité d'être remplacé temporairement sur l'exploitation a déjà permis le recrutement de nombreux agents de remplacement, et nous attendons près de 4000 emplois équivalent temps plein. Les formalités administratives ont été simplifiées : il ne faut en aucun cas asphyxier le travail par le poids de réglementations et des contraintes. Notre politique agricole est une politique complexe, qui reflète une histoire, la diversité du monde agricole, et des exigences multiples. Mais cette politique n'aurait pas de sens si elle ne profitait pas aux agriculteurs.
Les mesures favorables à l'installation des jeunes agriculteurs et à la transmission des exploitations ont porté leurs fruits. Comme l'a rappelé hier le Premier Ministre Dominique de VILLEPIN, quand nous avons inauguré les stands de la Planète Terroir, on comptait quatre départs pour une installation, en 1990, alors qu'aujourd'hui le rapport tend vers deux départs seulement pour une installation.L'installation est la concrétisation d'un projet professionnel et d'un projet de vie. Les jeunes agriculteurs sont les acteurs d'une évolution profonde de notre société et de nos territoires. La physionomie du monde rural connaît une évolution en profondeur, comme a montré Bertrand HERVIEU, et les agriculteurs y ont toute leur place. Avec l'aide des organisations professionnelles, nous continuerons à faciliter la transmission et l'installation.
Nous pouvons être fiers de nos jeunes au sortir de l'enseignement agricole. Ils sont plus de 85 % à trouver un emploi en moins d'un an, au moment où l'entrée des jeunes sur le marché du travail devient de plus en plus difficile. Etre agriculteur exige un haut niveau de technicité dans des domaines variés : compétences en gestion, connaissances sanitaires, maîtrise des cycles de vie et de production, etc. Les formations répondent à ce besoin d'excellence et participent à la modernité de notre agriculture.
[ II. Nous devons anticiper les défis de l'agriculture d'aujourd'hui et de demain. ]
[ 1.1. Le défi de la performance économique et de l'emploi ]
Je ne citerai que quelques chiffres significatifs : la production agricole française représente 65 milliards d'euros, pour 370 000 exploitations professionnelles. Un million huit cent mille personnes, en France, travaillent dans les secteurs de l'agriculture, des industries agroalimentaires (IAA), de la sylviculture et de la pêche. Cela représente 13% de nos emplois en comptant les IAA. Il n'y a pas d'industrie agro-alimentaires qui serait déconnectée d'une production agricole dynamique.
Nous avons besoin d'une politique agricole moderne, capable d'affronter la concurrence, mais aussi capable de relever les défis d'ordre social et environnemental. Au regard des enjeux mondiaux, l'agriculture ne peut être caractérisée comme une activité du passé, comme l'avait affirmé Tony BLAIR. Les agriculteurs sont d'abord des chefs d'entreprise modernes. Nous avons tout à gagner d'une agriculture solide, prospère, innovante. Un emploi agricole, c'est au moins un emploi induit en milieu rural. C'est très important pour nos territoires.
Le monde agricole a construit sa propre organisation économique, principalement à travers la forme coopérative, comme l'a rappelé Alain ETCHEGOYEN ; il a élaboré son système de protection sociale, et il dispose d'un système syndical que peuvent lui envier tous les autres secteurs de l'économie française. Le monde agricole, c'est aussi les valeurs de la solidarité, de la coopération et du mutualisme, des valeurs qui marchent.
[ 1.2. le défi alimentaire ]
Comme vous l'avez rappelé aujourd'hui, la production alimentaire mondiale devra doubler en moins d'un demi-siècle, ce qui fait de l'agriculture l'un des principaux défis du XXI° siècle.
L'eau et les terres disponibles deviennent plus rares, la productivité reste faible sur la majorité des terres cultivées. La France doit être volontaire, et même volontariste, pour préserver son potentiel agronomique et agricole, assurer l'approvisionnement en Europe et donner un coup de main aux pays qui ne peuvent subvenir à leurs besoins alimentaires.
Aujourd'hui, en particulier grâce à l'initiative « Tout sauf les armes », l'Union européenne absorbe 80% des exportations en provenance des pays pauvres. Il faut insister pour que l'ensemble des pays développés, et si possible les grands pays émergents, adoptent des mesures préférentielles au moins comparables. Jean-Paul BETBEZE avait rappelé, lors des Assises de l'Agriculture, que certains facteurs sont susceptibles de modifier durablement l'équilibre entre l'offre et la demande mondiales de produits alimentaires, et que le marché est loin de converger vers une situation d'équilibre. J'en conclu avec vous qu'il est important de conduire dans les pays développés, comme dans les pays en développement, des politiques agricoles volontaristes afin que chaque pays puisse assurer au mieux sa souveraineté alimentaire. Le Brésil, l'Argentine et la Nouvelle-Zélande ne pourront pas nourrir seuls la planète. Les Etats-Unis ne l'ont pas oublié, eux qui accordent tant d'importance au « pouvoir vert ».
Dans nos pays avancés, le défi alimentaire ne se pose pas dans les mêmes termes que dans les pays pauvres ou en développement, mais l'avenir de l'alimentation est une question tout aussi préoccupante. C'est par ce biais que nos concitoyens se saisissent le plus souvent des enjeux agricoles, et réclament avant tout une agriculture de qualité, capable de fournir des produits sûrs et sains.
Je souligne que sans la maîtrise de notre politique agricole, nous n'aurions pas de moyen d'améliorer l'alimentation, dont tout le monde reconnaît, après votre seconde table-ronde, qu'elle est à la base de la santé. Les Français restent exigeants sur le goût - c'est une bonne chose - et font confiance aux produits agricoles ou transformés vendus sous ce que l'on appelle les signes de l'origine et de la qualité (AOC, labels, etc.). C'est une feuille de route exigeante, c'est un atout pour l'agriculture française que nous développerons encore avec l'appui de l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO) qui fait peau neuve à partir du 1er janvier. Dans un contexte de mondialisation accélérée, nous devons défendre notre modèle d'alimentation, à la française et à l'européenne, qui repose sur la diversité et l'équilibre.
Vous avez évoqué l'agriculture source d'énergie, à travers la valorisation de la biomasse et les biocarburants. Vous avez entendu Claude ROY sur les perspectives nouvelles offertes dans le secteur de l'énergie. Un conflit pourrait-il naître entre les usages alimentaires et non-alimentaires de produits agricoles ? Nous aurons besoin de 2 millions d'hectares sur les 18 que compte notre pays, en terres arables, pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés, soit 7 % d'incorporation des biocarburants dans les carburants classiques en 2010. Le développement des cultures énergétiques se fera principalement par la remise en culture d'une partie des jachères, qui représentent plus de 1,3 million d'hectares, et par la réduction de certaines cultures destinées à l'exportation, c'est déjà le cas pour le sucre, compte tenu de la réforme de l'Organisation Commune de Marché. L'agriculture ne doit pas être la variable d'ajustement du commerce mondial, et je trouve légitime que les agriculteurs puissent s'investir sur des marchés lucratifs et s'organiser pour en tirer profit. Aujourd'hui, je rappelle que l'alimentation ne représente que 14% du budget des ménages, et que la part consacrée aux matières premières agricoles, dans ce budget, est également faible (de l'ordre de 20%).
[ 1.3. Le défi territorial et environnemental ]
L'agriculture est une force structurante de nos territoires. Depuis quelques années, le monde rural français est stimulé par la qualité de son cadre de vie - à condition d'y trouver les services auxquels nous sommes habitués. Une nouvelle politique de la ruralité a été mise en oeuvre depuis 2002, avec Jean-Pierre RAFFARIN puis Dominique de VILLEPIN, Brice HORTEFEUX et Christian ESTROSI. La tendance démographique s'inverse, le moindre bâtiment rural s'arrache à prix d'or, de nouvelles dynamiques se mettent en place à travers les Pôles d'excellence rurale. Nous avons été débordés par le succès des Pôles, au point que le Gouvernement a dû revoir à la hausse le nombre de projets labellisés, aujourd'hui plus de 400. Il ne reste guère que la Champagne-Ardenne pour perdre des habitants, mais le TGV Est devrait enrayer la tendance.
Je rappelle que notre agriculture fait vivre les espaces ruraux, notamment les plus fragiles, qui auraient pu sinon tomber en déshérence. Le second pilier de la PAC, consacré au développement rural, joue un rôle important. Les jeunes agriculteurs doivent être pleinement associés aux mutations du monde rural. Ils ont la maîtrise de la terre et des paysages, même s'il faut résister à la pression qui s'exerce sur le foncier agricole, éviter le mitage de nos territoires et conserver l'authenticité de nos régions.
En matière écologique, les agriculteurs ont aussi un rôle essentiel à jouer, comme votre dernière table-ronde l'a montré. Je partage avec vous la conviction que le progrès passe par l'innovation. Comme vous le soulignez Monsieur le Ministre (Claude ALLEGRE) nous devons nous appuyer sur l'innovation afin de relever le défi écologique. Il est inacceptable que nos chercheurs découragés par la destruction de parcelles expérimentales émigrent aux Etats-Unis ou en Argentine. Nous avons pourtant de précieux atouts : je viens d'inaugurer Sup'Agro Montpellier et Paris Agro Tech, qui seront demain des centres d'excellence au niveau européen et mondial.
Il faut encourager l'agriculture à jouer pleinement son rôle écologique. La même chose vaut pour la sylviculture, les choses vont très vite en ce moment pour la forêt. Le défi est de faire un meilleur usage de nos bio-ressources. Cela demande des connaissances, pour s'adapter aux contraintes climatiques, pour faire face à des ressources réduites en eau, pour réduire l'usage des pesticides en ne les utilisant qu'à bon escient, et là où il faut. Les solutions les plus efficaces au défi environnemental viendront du domaine de la recherche agronomique et de l'écologie scientifique. Nous avons besoin de démarches partenariales fortes, entre les agriculteurs, la recherche et les industriels, afin de fédérer les énergies et les compétences.
[ 1.4. Le défi de l'action collective et de l'action publique ]
Je ne voudrais pas conclure sans avoir souligné l'importance de la dimension politique, au sens non partisan du terme, l'agriculture. J'encourage vivement les agriculteurs à être des militants de la démocratie locale. Il nous faut des émules de Julien BIGAND, que vous venez d'entendre, Julien est agriculteur et maire de son village en Franche-Comté, il a vingt-six ans.
Quelle société voulons-nous ? Si nous voulons relever les principaux défis qui nous attendent, la logique du marché me paraît insuffisante. Il est rarement question de normes environnementales ou sociales à l'OMC, alors que les attentes de nos sociétés sont très fortes en la matière. Qui acceptera demain d'investir dans un secteur marqué par de fortes incertitudes - aléas climatiques, volatilité des prix - si le secteur ne dispose d'aucune prévisibilité ? Les dispositifs de gestion de crise et les dispositifs assurantiels, qui concourent à la sécurisation des revenus, sont essentiels à la bonne marche de l'agriculture. C'est la raison pour laquelle la France se bat. Ce sera encore une fois le sens de ma démarche à Bruxelles, la semaine qui vient.
Recentrage sur la qualité, reconnaissance des agriculteurs comme acteurs des territoires, défense de notre potentiel agronomique et de la propriété foncière agricole, défense aussi de la propriété intellectuelle, à travers les signes d'origine et de qualité : telles sont les directions qui se dégagent aujourd'hui des attentes des agriculteurs et de la société française dans son ensemble. Nous ne pouvons pas céder à ces pressions mondiales qui conduisent à un nivellement par le bas. Il faut donner à l'agriculture une forte valeur ajoutée.
Conclusion
Les débats conduits aujourd'hui sont un signe très encourageant. Les Jeunes Agriculteurs savent que nous avons besoin d'une action aussi éclairée et responsable que possible. La période du printemps sera un moment très important pour notre démocratie : les jeunes agriculteurs devront faire connaître leurs choix aux candidats à la présidentielle et aux législatives.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 28 décembre 2006
Monsieur le Ministre (Claude ALLEGRE)
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de me trouver parmi vous à l'occasion de ces rencontres placées sous le signe de l'échange, de la convivialité, de la fête aussi : au pied de la Tour Eiffel, les jeunes agriculteurs présentent aux Parisiens, et aux touristes venus du monde entier, les produits de nos régions. Le caractère « agriculturel » de ces rencontres n'est pas un jeu de mots. En effet, l'agriculture est la marque de l'homme sur les territoires. C'est aussi l'acte de produire, la condition de l'acte de se nourrir : l'agriculture est au fondement de la culture.
L'agriculture française est guidée par le souci d'améliorer la qualité, la traçabilité et l'identité des produits, par le soin de valoriser les traditions et les terroirs, par l'ambition d'être réactive aux attentes de la société et des consommateurs. Vous avez pris aujourd'hui même, au cours des débats, la mesure de ces enjeux. C'est dans ce cadre exigeant que les jeunes devront développer une agriculture capable de fournir une nourriture de qualité, et de développer des productions respectueuses de l'environnement.
[ I. Je me réjouis que ces rencontres aient été organisées par de jeunes agriculteurs. ]
L'installation des jeunes agriculteurs est une nécessité pour notre pays. Je l'ai rappelé en septembre, lors des Championnats de Labour en Haute-Loire. Nos jeunes agriculteurs du XXI° siècle devront en effet relever de nombreux défis : le défi alimentaire, le défi de la puissance économique et le défi environnemental. Ne soyons pas optimistes ou pessimistes, soyons pragmatiques : la France est l'un des pays les mieux placés dans le monde pour disposer d'une agriculture performante et sûre. Je l'ai dit à plusieurs reprises, nous avons besoin d'une nouvelle ambition agricole pour la France et pour l'Europe. Nos jeunes agriculteurs porteront ce message pendant les événements démocratiques qui auront lieu en 2007 dans notre pays.
Les jeunes auront bien sûr pour mission de renforcer la compétitivité des exploitations, de participer à l'organisation des filières, de développer de nouvelles implications de l'agriculture au service des territoires et au service de nos concitoyens. Ils seront partie prenante de nos politiques publiques, qu'elles concernent l'alimentation, la santé, l'emploi et le développement rural.
Les pouvoirs publics quels qu'ils soient accompagnent ceux qui choisissent ce métier, parce qu'ils font le pari que c'est un métier d'avenir. Dans un contexte qui tend vers une plus grande libéralisation, et par conséquent vers une pression toujours plus forte sur les prix, les agriculteurs exercent un métier difficile. Les jeunes ne seront pas seuls. Ils disposent de nombreux interlocuteurs, partout sur le territoire, notamment grâce au réseau des établissements d'enseignement agricole. Je pense aux enseignants et aux responsables d'exploitations des lycées publics et privés, mais aussi, cher Jean-Michel LUMINEAU, aux formateurs des Maisons familiales et rurales. Je n'oublie pas les représentants syndicaux, Monsieur le Président, cher Philippe MEURS, les associés des exploitations et des coopératives, les élus, les agents du Ministère de l'Agriculture et des collectivités locales.
Etre agriculteur, c'est d'abord choisir un métier et une passion. Je veux l'encourager. Sur le terrain, les dispositifs de la récente Loi d'orientation agricole ont amélioré les conditions de travail : à titre d'exemple, la possibilité d'être remplacé temporairement sur l'exploitation a déjà permis le recrutement de nombreux agents de remplacement, et nous attendons près de 4000 emplois équivalent temps plein. Les formalités administratives ont été simplifiées : il ne faut en aucun cas asphyxier le travail par le poids de réglementations et des contraintes. Notre politique agricole est une politique complexe, qui reflète une histoire, la diversité du monde agricole, et des exigences multiples. Mais cette politique n'aurait pas de sens si elle ne profitait pas aux agriculteurs.
Les mesures favorables à l'installation des jeunes agriculteurs et à la transmission des exploitations ont porté leurs fruits. Comme l'a rappelé hier le Premier Ministre Dominique de VILLEPIN, quand nous avons inauguré les stands de la Planète Terroir, on comptait quatre départs pour une installation, en 1990, alors qu'aujourd'hui le rapport tend vers deux départs seulement pour une installation.L'installation est la concrétisation d'un projet professionnel et d'un projet de vie. Les jeunes agriculteurs sont les acteurs d'une évolution profonde de notre société et de nos territoires. La physionomie du monde rural connaît une évolution en profondeur, comme a montré Bertrand HERVIEU, et les agriculteurs y ont toute leur place. Avec l'aide des organisations professionnelles, nous continuerons à faciliter la transmission et l'installation.
Nous pouvons être fiers de nos jeunes au sortir de l'enseignement agricole. Ils sont plus de 85 % à trouver un emploi en moins d'un an, au moment où l'entrée des jeunes sur le marché du travail devient de plus en plus difficile. Etre agriculteur exige un haut niveau de technicité dans des domaines variés : compétences en gestion, connaissances sanitaires, maîtrise des cycles de vie et de production, etc. Les formations répondent à ce besoin d'excellence et participent à la modernité de notre agriculture.
[ II. Nous devons anticiper les défis de l'agriculture d'aujourd'hui et de demain. ]
[ 1.1. Le défi de la performance économique et de l'emploi ]
Je ne citerai que quelques chiffres significatifs : la production agricole française représente 65 milliards d'euros, pour 370 000 exploitations professionnelles. Un million huit cent mille personnes, en France, travaillent dans les secteurs de l'agriculture, des industries agroalimentaires (IAA), de la sylviculture et de la pêche. Cela représente 13% de nos emplois en comptant les IAA. Il n'y a pas d'industrie agro-alimentaires qui serait déconnectée d'une production agricole dynamique.
Nous avons besoin d'une politique agricole moderne, capable d'affronter la concurrence, mais aussi capable de relever les défis d'ordre social et environnemental. Au regard des enjeux mondiaux, l'agriculture ne peut être caractérisée comme une activité du passé, comme l'avait affirmé Tony BLAIR. Les agriculteurs sont d'abord des chefs d'entreprise modernes. Nous avons tout à gagner d'une agriculture solide, prospère, innovante. Un emploi agricole, c'est au moins un emploi induit en milieu rural. C'est très important pour nos territoires.
Le monde agricole a construit sa propre organisation économique, principalement à travers la forme coopérative, comme l'a rappelé Alain ETCHEGOYEN ; il a élaboré son système de protection sociale, et il dispose d'un système syndical que peuvent lui envier tous les autres secteurs de l'économie française. Le monde agricole, c'est aussi les valeurs de la solidarité, de la coopération et du mutualisme, des valeurs qui marchent.
[ 1.2. le défi alimentaire ]
Comme vous l'avez rappelé aujourd'hui, la production alimentaire mondiale devra doubler en moins d'un demi-siècle, ce qui fait de l'agriculture l'un des principaux défis du XXI° siècle.
L'eau et les terres disponibles deviennent plus rares, la productivité reste faible sur la majorité des terres cultivées. La France doit être volontaire, et même volontariste, pour préserver son potentiel agronomique et agricole, assurer l'approvisionnement en Europe et donner un coup de main aux pays qui ne peuvent subvenir à leurs besoins alimentaires.
Aujourd'hui, en particulier grâce à l'initiative « Tout sauf les armes », l'Union européenne absorbe 80% des exportations en provenance des pays pauvres. Il faut insister pour que l'ensemble des pays développés, et si possible les grands pays émergents, adoptent des mesures préférentielles au moins comparables. Jean-Paul BETBEZE avait rappelé, lors des Assises de l'Agriculture, que certains facteurs sont susceptibles de modifier durablement l'équilibre entre l'offre et la demande mondiales de produits alimentaires, et que le marché est loin de converger vers une situation d'équilibre. J'en conclu avec vous qu'il est important de conduire dans les pays développés, comme dans les pays en développement, des politiques agricoles volontaristes afin que chaque pays puisse assurer au mieux sa souveraineté alimentaire. Le Brésil, l'Argentine et la Nouvelle-Zélande ne pourront pas nourrir seuls la planète. Les Etats-Unis ne l'ont pas oublié, eux qui accordent tant d'importance au « pouvoir vert ».
Dans nos pays avancés, le défi alimentaire ne se pose pas dans les mêmes termes que dans les pays pauvres ou en développement, mais l'avenir de l'alimentation est une question tout aussi préoccupante. C'est par ce biais que nos concitoyens se saisissent le plus souvent des enjeux agricoles, et réclament avant tout une agriculture de qualité, capable de fournir des produits sûrs et sains.
Je souligne que sans la maîtrise de notre politique agricole, nous n'aurions pas de moyen d'améliorer l'alimentation, dont tout le monde reconnaît, après votre seconde table-ronde, qu'elle est à la base de la santé. Les Français restent exigeants sur le goût - c'est une bonne chose - et font confiance aux produits agricoles ou transformés vendus sous ce que l'on appelle les signes de l'origine et de la qualité (AOC, labels, etc.). C'est une feuille de route exigeante, c'est un atout pour l'agriculture française que nous développerons encore avec l'appui de l'Institut National des Appellations d'Origine (INAO) qui fait peau neuve à partir du 1er janvier. Dans un contexte de mondialisation accélérée, nous devons défendre notre modèle d'alimentation, à la française et à l'européenne, qui repose sur la diversité et l'équilibre.
Vous avez évoqué l'agriculture source d'énergie, à travers la valorisation de la biomasse et les biocarburants. Vous avez entendu Claude ROY sur les perspectives nouvelles offertes dans le secteur de l'énergie. Un conflit pourrait-il naître entre les usages alimentaires et non-alimentaires de produits agricoles ? Nous aurons besoin de 2 millions d'hectares sur les 18 que compte notre pays, en terres arables, pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés, soit 7 % d'incorporation des biocarburants dans les carburants classiques en 2010. Le développement des cultures énergétiques se fera principalement par la remise en culture d'une partie des jachères, qui représentent plus de 1,3 million d'hectares, et par la réduction de certaines cultures destinées à l'exportation, c'est déjà le cas pour le sucre, compte tenu de la réforme de l'Organisation Commune de Marché. L'agriculture ne doit pas être la variable d'ajustement du commerce mondial, et je trouve légitime que les agriculteurs puissent s'investir sur des marchés lucratifs et s'organiser pour en tirer profit. Aujourd'hui, je rappelle que l'alimentation ne représente que 14% du budget des ménages, et que la part consacrée aux matières premières agricoles, dans ce budget, est également faible (de l'ordre de 20%).
[ 1.3. Le défi territorial et environnemental ]
L'agriculture est une force structurante de nos territoires. Depuis quelques années, le monde rural français est stimulé par la qualité de son cadre de vie - à condition d'y trouver les services auxquels nous sommes habitués. Une nouvelle politique de la ruralité a été mise en oeuvre depuis 2002, avec Jean-Pierre RAFFARIN puis Dominique de VILLEPIN, Brice HORTEFEUX et Christian ESTROSI. La tendance démographique s'inverse, le moindre bâtiment rural s'arrache à prix d'or, de nouvelles dynamiques se mettent en place à travers les Pôles d'excellence rurale. Nous avons été débordés par le succès des Pôles, au point que le Gouvernement a dû revoir à la hausse le nombre de projets labellisés, aujourd'hui plus de 400. Il ne reste guère que la Champagne-Ardenne pour perdre des habitants, mais le TGV Est devrait enrayer la tendance.
Je rappelle que notre agriculture fait vivre les espaces ruraux, notamment les plus fragiles, qui auraient pu sinon tomber en déshérence. Le second pilier de la PAC, consacré au développement rural, joue un rôle important. Les jeunes agriculteurs doivent être pleinement associés aux mutations du monde rural. Ils ont la maîtrise de la terre et des paysages, même s'il faut résister à la pression qui s'exerce sur le foncier agricole, éviter le mitage de nos territoires et conserver l'authenticité de nos régions.
En matière écologique, les agriculteurs ont aussi un rôle essentiel à jouer, comme votre dernière table-ronde l'a montré. Je partage avec vous la conviction que le progrès passe par l'innovation. Comme vous le soulignez Monsieur le Ministre (Claude ALLEGRE) nous devons nous appuyer sur l'innovation afin de relever le défi écologique. Il est inacceptable que nos chercheurs découragés par la destruction de parcelles expérimentales émigrent aux Etats-Unis ou en Argentine. Nous avons pourtant de précieux atouts : je viens d'inaugurer Sup'Agro Montpellier et Paris Agro Tech, qui seront demain des centres d'excellence au niveau européen et mondial.
Il faut encourager l'agriculture à jouer pleinement son rôle écologique. La même chose vaut pour la sylviculture, les choses vont très vite en ce moment pour la forêt. Le défi est de faire un meilleur usage de nos bio-ressources. Cela demande des connaissances, pour s'adapter aux contraintes climatiques, pour faire face à des ressources réduites en eau, pour réduire l'usage des pesticides en ne les utilisant qu'à bon escient, et là où il faut. Les solutions les plus efficaces au défi environnemental viendront du domaine de la recherche agronomique et de l'écologie scientifique. Nous avons besoin de démarches partenariales fortes, entre les agriculteurs, la recherche et les industriels, afin de fédérer les énergies et les compétences.
[ 1.4. Le défi de l'action collective et de l'action publique ]
Je ne voudrais pas conclure sans avoir souligné l'importance de la dimension politique, au sens non partisan du terme, l'agriculture. J'encourage vivement les agriculteurs à être des militants de la démocratie locale. Il nous faut des émules de Julien BIGAND, que vous venez d'entendre, Julien est agriculteur et maire de son village en Franche-Comté, il a vingt-six ans.
Quelle société voulons-nous ? Si nous voulons relever les principaux défis qui nous attendent, la logique du marché me paraît insuffisante. Il est rarement question de normes environnementales ou sociales à l'OMC, alors que les attentes de nos sociétés sont très fortes en la matière. Qui acceptera demain d'investir dans un secteur marqué par de fortes incertitudes - aléas climatiques, volatilité des prix - si le secteur ne dispose d'aucune prévisibilité ? Les dispositifs de gestion de crise et les dispositifs assurantiels, qui concourent à la sécurisation des revenus, sont essentiels à la bonne marche de l'agriculture. C'est la raison pour laquelle la France se bat. Ce sera encore une fois le sens de ma démarche à Bruxelles, la semaine qui vient.
Recentrage sur la qualité, reconnaissance des agriculteurs comme acteurs des territoires, défense de notre potentiel agronomique et de la propriété foncière agricole, défense aussi de la propriété intellectuelle, à travers les signes d'origine et de qualité : telles sont les directions qui se dégagent aujourd'hui des attentes des agriculteurs et de la société française dans son ensemble. Nous ne pouvons pas céder à ces pressions mondiales qui conduisent à un nivellement par le bas. Il faut donner à l'agriculture une forte valeur ajoutée.
Conclusion
Les débats conduits aujourd'hui sont un signe très encourageant. Les Jeunes Agriculteurs savent que nous avons besoin d'une action aussi éclairée et responsable que possible. La période du printemps sera un moment très important pour notre démocratie : les jeunes agriculteurs devront faire connaître leurs choix aux candidats à la présidentielle et aux législatives.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 28 décembre 2006