Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, sur "RTL" le 22 décembre 2006, sur la banalisation de la violence à l'école, sur l'hébergement des SDF, sur l'exil fiscal de Johnny Hallyday .

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Bonjour Jean François Copé.
R - Bonjour.
Q - Vous serez tout à l'heure au collège Albert Camus dans la ville de Meaux dont vous êtes le maire, pour rencontrer la Principale de ce collège ainsi que la famille de ce jeune collégien de 12 ans mort hier à la suite d'une bagarre. Et on appris à cette occasion que depuis plusieurs semaines, les enseignants de ce collège alertaient les autorités rectorales pour dire : la violence monte chez nous. Donnez-nous des postes que vous nous avez promis, qui ne l'étaient pas. C'est un manque de vigilance qui peut expliquer ce drame, Jean François Copé ?
R - La mort de ce petit garçon de 12 ans est une tragédie et je dois vous dire que nous avons été tous bouleversés par ce qui s'est passé, même si je dois aussi vous dire qu'on ne connaît pas exactement précisément les circonstances dans lesquelles ce petit garçon est décédé. L'enquête est en cours et notamment nous n'avons pas les résultats de l'autopsie. Donc, je crois qu'il faut être prudent sur l'interprétation de tout cela. Par ailleurs, je me permets de dire qu'il ne faut pas faire à ce stade d'amalgame par rapport à la question des moyens. Il se trouve que naturellement je connais bien ce collège puisque je suis maire de Meaux, qu'il est classé ...
Q - Il y avait un problème de moyens ?
R - Y'avait un problème de moyens mais sur lequel y'a eu des réponses, c'est-à-dire qu'il est classé à ma demande dans la partie ambition réussie du programme de l'Education Nationale par Gilles de Robien. Donc, il y a eu des moyens supplémentaires. Il se trouve que ce collège est en ZEP, qu'il a besoin, qu'il avait besoin de moyens. On peut toujours avoir besoin de plus de personnel. Je ne suis pas certain qu'il y ait un lien entre ce qui s'est passé, hier, et le problème plus général des moyens d'autant qu'à mon sens, ça n'est pas toujours un problème de moyens qui se posent dans les collèges surtout dans ces quartiers. C'est plus généralement la réflexion que nous devons avoir sur la violence qui nous engage tous, qui est une question qui concerne, sans doute, les responsables publiques, mais aussi les parents, les enseignants. Et c'est pour ça que dans ce collège en particulier, l'équipe pédagogique qui est tout à fait remarquable a engagé tout un travail de dialogue avec les élèves, avec les parents. Et donc, ce travail il est au quotidien.
Q - L'auditeur que nous avons entendu avant que nous ne prenions la parole, Jean François Coppé parlait de banalisation de la violence et il disait, au fond, les responsables publiques ne font pas grand chose contre cette banalisation.
R - Je crois qu'il a raison de parler de banalisation. C'est un sujet sur lequel les uns et les autres, nous devons être sans cesse extrêmement attentifs. Cette banalisation, elle tient à la vie quotidienne des enfants de France. Aujourd'hui, c'est les game boys, parfois, qui dans la violence donnent dans l'imaginaire des enfants, des effets un peu particuliers. C'est parfois la télévision. C'est plus généralement ...
Q - Et la politique ne peut pas grand chose pour contrer tout ça ?
R - Je ne suis pas d'accord avec vous. Je pense que ça doit être les messages qui sont adressés. Ca doit être la sanction quand c'est nécessaire ; et dans ce collège, Dieu sait s'il y a bien souvent des sanctions qui font réfléchir les enfants et qui a beaucoup joué aussi du côté positif parce qu'il ne faut pas se tromper. Dans ce quartier que je connais bien, il y a aussi à constater une baisse de la délinquance. Donc, ça fait partie aussi de ces situations si difficiles dans nos quartiers : des jours où on gagne, mais des jours aussi où on perd et où on verse des larmes.
Q - En 2002, la sécurité était la première priorité du candidat qui a finalement été élu dans l'élection présidentielle. On n'a pas l'impression qu'en 5 ans, les choses se soient beaucoup arrangées dans la société française ?
R - Mais moi, je ne partage pas tout à fait votre avis. Je veux le dire et je le dirai tout au long de cette campagne électorale. Je pense qu'au contraire, les choses ont beaucoup changé. D'abord parce que les chiffres de la délinquance ont vraiment beaucoup baissé en 5 ans ; et ensuite, parce que ce qui est important de voir aujourd'hui, c'est qu'il y a certains actes de violence qui n'existaient pas il y a quelques années, qui existent aujourd'hui, qu'il nous faut combattre, qui frappe les esprits, qui inquiète les Français et sur lesquels il faut continuer naturellement d'être mobilisés. Mais pour autant, il y a eu beaucoup de réponses et il y a beaucoup de réponses qui n'existaient pas il y a quelques années contre la violence au quotidien.
Q - Dominique de Villepin, Premier ministre, a passé 17 heures, hier, dans le bureau des juges qui enquêtent sur l'affaire Clearstream. Il a répondu à 155 questions. Les juges en font-ils trop, Jean François Copé ?
R - Je crois que les choses ne peuvent pas se poser en ces termes. La Justice fait son travail. Dominique de Villepin depuis de nombreux mois, indiquait qu'il souhaitait être entendu par les juges. Ca a été chose faite et je crois que c'était important. Il avait, à plusieurs reprises, eu l'occasion de dire qu'il le souhaitait aussi pour tordre le cou à la rumeur qui lui a fait beaucoup de mal, bien sûr.
Q - Cette affaire, cette audition affaiblissent-elles son autorité politique ?
R - Non, je crois qu'au contraire, c'est une manière pour lui de dire les choses en direct et non pas comme il en a beaucoup souffert, de le lire souvent dans la presse.
Q - Pendant qu'il était dans le bureau des juges, l'UMP tenait son 3ème forum. Au fond, cette conjonction des choses dit tout de sa situation politique à Dominique de Villepin ?
R - Non. Je crois qu'il continue d'être Premier ministre. Le fait qu'il ait répondu aux questions de la Justice montre que l'Etat de droit fonctionne. Et quant au forum de l'UMP, c'est une bonne manière aussi de débattre de toutes les choses qui intéressent les Français.
Q - On a enregistré, hier, le ralliement de beaucoup de responsables politiques dont Jean Pierre Raffarin, par exemple, à Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy c'est votre candidat aussi, Jean François Copé ? Comment allez-vous faire avec votre candidat pour empêcher d'ici deux ans, réduire, faire disparaître -c'est l'engagement qu'a pris Nicolas Sarkozy- les sans abris dans les rues de notre pays ?
R - D'abord, je voudrais dire que dans ce domaine-là non plus, on ne part pas de rien. Pour avoir une expérience en tant que maire de Meaux, et puis aussi en tant que ministre, je vois bien que la prise en charge de l'accompagnement des personnes qui sont précaires aujourd'hui, a complètement changé. D'abord parce qu'aujourd'hui nous avons compris qu'il faut en avoir une vision personnalisée. Un Sans Domicile Fixe n'est pas égal à un autre Sant Domicile Fixe. Chacun a son histoire personnelle.
Q - Mais ZERO SDF en deux ans, c'est pas possible ?
R - Enfin, en tout cas, si c'est pas ZERO, en tout cas ce qui est vrai c'est que l'objectif est qu'il y en a toujours trop dès lors qu'il y en a encore.
Q - C'est pas une promesse de campagne, ça ? C'est pas quelque chose qui ne sera pas tenue, si on se retrouve dans deux ans ?
R - Le moins que l'on puisse dire c'est qu'en 5 ans, nous avons considérablement accru les places disponibles d'hébergement. Et aujourd'hui, y'a la situation d'en accueillir beaucoup plus qu'il y a 5 ans. Et vous le voyez d'ailleurs, la mobilisation des Pouvoirs Publics est beaucoup plus importante. Elle est en amont. Elle est organisée. Là aussi , nous avons progressé. Disons les choses, Monsieur Aphatie, n'importe quel gouvernement aurait sans doute fait ce travail. Je ne suis pas l?? en train de dire : y'en a qui font mieux ou moins bien. Dans ce domaine, c'est un combat où on est tous engagés. C'est pour ça que les procès d'intentions et les polémiques ne me paraissent pas être le mieux placés sur ces sujets.
Q - Depuis avant hier soir, Johnny Hallyday est installé à Gdstaat en Suisse, il est donc exilé fiscale. L'administration fiscale que vous dirigez, Jean François Copé, surveille-t-elle vraiment qu'un citoyen français installé à l'Etranger passe six mois et un jour dans ce nouveau pays qu'il a choisi ?
R - Oui, c'est son travail que de vérifier qu'effectivement, il n'y a pas de fraude à la domiciliation, bien sûr. Et de ce point de vue, l'administration fiscale a reçu de ma part des instructions très précises, c'est-à-dire qu'il s'agit en clair de présumer de bonne foi les Français parce qu'en réalité, il y a 98 ou 99 % des Français qui sont des contribuables de bonne foi. C'est pour ça que la charte du contribuable que j'ai mise en place, elle est là pour respecter les choses.
Q - Mais moi, je vous parle du 1%. Johnny Hallyday, vous surveillerez qu'il passe six mois et un jour en Suisse ?
R - J'y arrive. Pour autant, le 1% de Français ou 2% qui effectivement, pourrait être tenté d'être un multirécidiviste de la fraude, est particulièrement sanctionné.
Q - Vous surveillez Johnny Hallyday ? Vous allez surveiller qu'il passe six mois et un jour en Suisse ?
R - Toutes les personnes pour lesquelles il y a des signes -je dis tout de suite qu'il n'y a aucune personnalisation sur Johnny Hallyday- mais toute personne qui s'est expatriée et dont on pourrait penser qu'il vit plus souvent qu'il ne le dit en France, et qui pourrait donc être contribuable français, est évidemment vérifié. Ce qui est tout à fait normal.
Q - Dans Paris Match, Johnny Hallyday le dit : il est comme vous, il vote Sarkozy.
R - Oui.
Q - C'est embêtant ?
R - Mais non. Pourquoi ce serait embêtant ?
Q - ... qu'un exilé fiscale vote comme vous ?
R - Oh mais attendez ! Attention ! Je crois ... j'ai bien compris que c'était un phénomène de société cette affaire de Johnny Hallyday. Mais enfin, il faut remettre les choses à leur juste proportion : chacun est libre de faire ce qu'il souhaite. Ce que je dis simplement, c'est qu'on a mis en place aujourd'hui des mesures fiscales qui permettent de rester en France, et notamment ce bouclier fiscal en place à compter du 1er janvier. Peut-être que Johnny Hallyday, du coup, aura envie de rentrer.
Q - Le bouclier fiscal n'était pas ma question mais c'était votre réponse, Jean François Copé.


source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 29 décembre 2006