Texte intégral
Q - La France a toujours fait progresser la santé dans le monde. Comment comptez-vous perpétuer cette tradition ?
R - Vous avez raison de souligner que la France a toujours considéré la santé comme un pilier du développement. C'est son honneur ! La France est le premier contributeur du Fonds européen de développement. Dès 1997, le président de la République a plaidé pour un accès universel aux traitements dans la lutte contre le VIH/sida et pour la mise en place d'un Fonds thérapeutique international.
Pour ma part, je n'ai cessé de multiplier les initiatives pour faire progresser l'accès aux soins et aux médicaments dans le monde. La France a accueilli le Haut Forum mondial pour la santé, elle a plaidé lors du dernier G8 pour la mise en place de moyens accrus dans la lutte contre les pandémies. Enfin, notre diplomatie a été en pointe dans la promotion de la facilité internationale d'achat de médicaments fondée sur la mise en oeuvre de financements innovants. UNITAID, idée portée par la France, est la première démarche citoyenne mondiale pour lutter contre la première conséquence de la pauvreté : la mortalité infantile.
Q - Pouvez-vous nous dresser un premier bilan d'UNITAID ?
R - C'est une des grandes réussites de notre diplomatie et de notre action internationale. UNITAID a été créé le 19 septembre 2006 avec la signature de l'accord constitutif entre les cinq pays fondateurs (Brésil, Chili, France, Norvège et Royaume-Uni). En privilégiant des financements pérennes, il s'agit de renforcer les moyens dans la lutte contre les trois pandémies majeures que sont le sida, la tuberculose et le paludisme. En France, la contribution sur les billets d'avion votée en juillet 2006 abonde d'ores et déjà le fonds d'UNITAID. Les engagements s'élèvent à 65 millions de dollars en 2006 et atteindront 300 millions de dollars à partir de 2007.
Une série d'interventions prioritaires ont déjà été identifiées. Elles concernent les antirétroviraux pédiatriques destinés à couvrir 100.000 enfants dans 30 pays dès 2006, mais aussi les antirétroviraux de seconde ligne pour 100.000 patients. La lutte contre le paludisme et la tuberculose n'est pas oubliée : des traitements à base d'artémisinine ainsi que de formulations d'antituberculeux pédiatriques permettant de couvrir 17 % des 900.000 enfants atteints seront financés en 2007. Le premier bilan est donc très positif. Mais il faut aller plus loin. A ce jour, 19 pays sont décidés à mettre en oeuvre une contribution affectée à UNITAID.
Q - La France consacre 4 % du budget "aide publique au développement" à la santé contre 11 % dans l'OCDE. Que comptez-vous faire pour rattraper ce retard ?
R - Je ne souhaite pas entrer dans une querelle de chiffres. Mais il faut être clair : l'aide publique au développement en santé qui était de 200 millions d'euros en 2004 sera de 600 millions d'euros en 1007, en incluant les effets de la mise en place d'UNITAID. On peut certes regretter que, sur une aide publique au développement d'environ 8 milliards d'euros, il n'y ait que 600 millions pour la santé. Mais l'aide publique au développement inclut aussi les annulations de dettes et les contributions multilatérales indifférenciées. Une part importante de ces contributions est donc de facto destinée à la santé. Mais, c'est vrai, il faut faire davantage et mieux. La France a triplé son aide au développement en matière de santé. Cet effort a porté essentiellement sur les contributions aux organismes multilatéraux, et notamment au Fonds mondial dont nous sommes désormais le premier contributeur. Nous n'avons pas, pour autant, "déserté" le partenariat direct avec des pays amis. Toutefois, la réévaluation de ces aides bilatérales est pour moi l'un des chantiers essentiels de la période à venir.
Q - Comment aider les pays pauvres à renforcer leurs ressources humaines médicales ?
R - La situation critique des ressources humaines pour la santé, notamment en Afrique, doit concentrer toute notre attention. A cet égard, la France a rejoint l'Alliance mondiale pour les ressources humaines créée à l'initiative de l'OMS. En outre, j'ai récemment évoqué cette problématique avec le président de la Banque mondiale. Nous réfléchissons à l'idée suivante : choisir 4 ou 5 pays et les accompagner à reconstruire tout leur système de santé avec des dispensaires, des hôpitaux ruraux, des hôpitaux de brousse. Il faudrait sans doute former des médecins de brousse. En concentrant ainsi nos efforts, nous pourrions faire la preuve qu'il est payant d'investir dans ce domaine. Aujourd'hui, l'accès à la santé est un élément essentiel de la géopolitique mondiale. Un pays qui n'a ni système de santé, ni garanties sur l'avenir de ses enfants est sujet à toutes les déstabilisations.
Q - Le recrutement de médecins étrangers risque de s'accroître pour compenser notre démographie médicale. Cela ne va-t-il pas priver les pays en développement ?
R - Je reconnais que la situation critique des effectifs médicaux à conduit ces dernières années au recrutement de praticiens originaires de pays hors d'Europe. Ils ont été, et sont encore indispensables au fonctionnement de nombreux services hospitaliers. Mais il faut insister sur le caractère transitoire de cette situation. Nous n'avons jamais utilisé l'immigration médicale comme une réponse à nos difficultés. La France connaît une proportion faible de personnels de santé originaires des pays en développement, à peine 3 % pour les médecins, alors qu'on atteint des chiffres de 20 % au Royaume-Uni ou en Irlande.
Je me suis donc attaché, en tant que ministre de la Santé, à relever le numerus clausus. Cette politique a été poursuivie par Xavier Bertrand. Pour faire face à la crise démographique, il convient de renforcer les vocations médicales. Mais il faut également renforcer nos moyens de coopération, accroître nos investissements dans le secteur de la formation des personnels de santé, médecins et paramédicaux. Nous devons certes faire plus, mais nous ne pourrons plus faire tout seuls. Ce chantier doit engager la communauté internationale.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 janvier 2007
R - Vous avez raison de souligner que la France a toujours considéré la santé comme un pilier du développement. C'est son honneur ! La France est le premier contributeur du Fonds européen de développement. Dès 1997, le président de la République a plaidé pour un accès universel aux traitements dans la lutte contre le VIH/sida et pour la mise en place d'un Fonds thérapeutique international.
Pour ma part, je n'ai cessé de multiplier les initiatives pour faire progresser l'accès aux soins et aux médicaments dans le monde. La France a accueilli le Haut Forum mondial pour la santé, elle a plaidé lors du dernier G8 pour la mise en place de moyens accrus dans la lutte contre les pandémies. Enfin, notre diplomatie a été en pointe dans la promotion de la facilité internationale d'achat de médicaments fondée sur la mise en oeuvre de financements innovants. UNITAID, idée portée par la France, est la première démarche citoyenne mondiale pour lutter contre la première conséquence de la pauvreté : la mortalité infantile.
Q - Pouvez-vous nous dresser un premier bilan d'UNITAID ?
R - C'est une des grandes réussites de notre diplomatie et de notre action internationale. UNITAID a été créé le 19 septembre 2006 avec la signature de l'accord constitutif entre les cinq pays fondateurs (Brésil, Chili, France, Norvège et Royaume-Uni). En privilégiant des financements pérennes, il s'agit de renforcer les moyens dans la lutte contre les trois pandémies majeures que sont le sida, la tuberculose et le paludisme. En France, la contribution sur les billets d'avion votée en juillet 2006 abonde d'ores et déjà le fonds d'UNITAID. Les engagements s'élèvent à 65 millions de dollars en 2006 et atteindront 300 millions de dollars à partir de 2007.
Une série d'interventions prioritaires ont déjà été identifiées. Elles concernent les antirétroviraux pédiatriques destinés à couvrir 100.000 enfants dans 30 pays dès 2006, mais aussi les antirétroviraux de seconde ligne pour 100.000 patients. La lutte contre le paludisme et la tuberculose n'est pas oubliée : des traitements à base d'artémisinine ainsi que de formulations d'antituberculeux pédiatriques permettant de couvrir 17 % des 900.000 enfants atteints seront financés en 2007. Le premier bilan est donc très positif. Mais il faut aller plus loin. A ce jour, 19 pays sont décidés à mettre en oeuvre une contribution affectée à UNITAID.
Q - La France consacre 4 % du budget "aide publique au développement" à la santé contre 11 % dans l'OCDE. Que comptez-vous faire pour rattraper ce retard ?
R - Je ne souhaite pas entrer dans une querelle de chiffres. Mais il faut être clair : l'aide publique au développement en santé qui était de 200 millions d'euros en 2004 sera de 600 millions d'euros en 1007, en incluant les effets de la mise en place d'UNITAID. On peut certes regretter que, sur une aide publique au développement d'environ 8 milliards d'euros, il n'y ait que 600 millions pour la santé. Mais l'aide publique au développement inclut aussi les annulations de dettes et les contributions multilatérales indifférenciées. Une part importante de ces contributions est donc de facto destinée à la santé. Mais, c'est vrai, il faut faire davantage et mieux. La France a triplé son aide au développement en matière de santé. Cet effort a porté essentiellement sur les contributions aux organismes multilatéraux, et notamment au Fonds mondial dont nous sommes désormais le premier contributeur. Nous n'avons pas, pour autant, "déserté" le partenariat direct avec des pays amis. Toutefois, la réévaluation de ces aides bilatérales est pour moi l'un des chantiers essentiels de la période à venir.
Q - Comment aider les pays pauvres à renforcer leurs ressources humaines médicales ?
R - La situation critique des ressources humaines pour la santé, notamment en Afrique, doit concentrer toute notre attention. A cet égard, la France a rejoint l'Alliance mondiale pour les ressources humaines créée à l'initiative de l'OMS. En outre, j'ai récemment évoqué cette problématique avec le président de la Banque mondiale. Nous réfléchissons à l'idée suivante : choisir 4 ou 5 pays et les accompagner à reconstruire tout leur système de santé avec des dispensaires, des hôpitaux ruraux, des hôpitaux de brousse. Il faudrait sans doute former des médecins de brousse. En concentrant ainsi nos efforts, nous pourrions faire la preuve qu'il est payant d'investir dans ce domaine. Aujourd'hui, l'accès à la santé est un élément essentiel de la géopolitique mondiale. Un pays qui n'a ni système de santé, ni garanties sur l'avenir de ses enfants est sujet à toutes les déstabilisations.
Q - Le recrutement de médecins étrangers risque de s'accroître pour compenser notre démographie médicale. Cela ne va-t-il pas priver les pays en développement ?
R - Je reconnais que la situation critique des effectifs médicaux à conduit ces dernières années au recrutement de praticiens originaires de pays hors d'Europe. Ils ont été, et sont encore indispensables au fonctionnement de nombreux services hospitaliers. Mais il faut insister sur le caractère transitoire de cette situation. Nous n'avons jamais utilisé l'immigration médicale comme une réponse à nos difficultés. La France connaît une proportion faible de personnels de santé originaires des pays en développement, à peine 3 % pour les médecins, alors qu'on atteint des chiffres de 20 % au Royaume-Uni ou en Irlande.
Je me suis donc attaché, en tant que ministre de la Santé, à relever le numerus clausus. Cette politique a été poursuivie par Xavier Bertrand. Pour faire face à la crise démographique, il convient de renforcer les vocations médicales. Mais il faut également renforcer nos moyens de coopération, accroître nos investissements dans le secteur de la formation des personnels de santé, médecins et paramédicaux. Nous devons certes faire plus, mais nous ne pourrons plus faire tout seuls. Ce chantier doit engager la communauté internationale.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 janvier 2007