Texte intégral
Monsieur le Président, Cher Bruno Fanucchi,
Mesdames,
Messieurs,
Je tiens à vous remercier pour les voeux chaleureux que vous venez d'adresser à Catherine Colonna et à moi-même. Je tiens à excuser Brigitte Girardin, retenue par un déplacement au Laos et au Cambodge et qui n'a pu être des nôtres aujourd'hui. Je tiens à mon tour à vous transmettre à vous tous, ainsi qu'à vos proches et à l'ensemble de vos collègues, mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Mesdames, Messieurs,
Vous êtes les témoins et les "interprètes" de l'actualité internationale. Malheureusement, du témoin à l'acteur, la frontière est ténue.
Votre métier est risqué et il l'est chaque jour davantage, dans des contextes où les formes prises par les conflits touchent directement et de plus en plus souvent le quotidien des civils. 81 journalistes ont été tués dans le monde en 2006. 32 de leurs collaborateurs ont également trouvé la mort. C'est une année terriblement meurtrière pour votre profession.
Certes, l'Irak a largement contribué à ce lourd bilan, mais en réalité, aucun continent n'a été épargné. La tendance est à la dégradation des conditions d'exercice du métier de journaliste. Votre collègue Didier François peut en témoigner. J'ai également une pensée pour Jaime Razuri, photographe à l'AFP, dont j'ai accueilli avec beaucoup de soulagement l'annonce de la libération le 7 janvier dernier, au terme d'une semaine d'enlèvement à Gaza.
Comment ne pas avoir présentes à l'esprit les menaces qui pèsent sur certains de vos confrères, le sort de ceux qui sont injustement détenus ou tout simplement empêchés de parole.
Vous pouvez compter sur ma mobilisation et mon engagement pour la question des libertés fondamentales. Je saisis toutes les occasions qui me sont données dans mes contacts avec mes homologues, pour évoquer, lorsque c'est nécessaire, ces situations inacceptables. Mais pour être efficaces, ces démarches doivent rester discrètes. Ceux d'entre vous qui m'ont accompagné dans certains de mes déplacements savent tout le prix que j'attache à ce sujet. Je n'en dirai pas plus sur ce chapitre, sauf pour évoquer comme vous la mémoire d'Anna Politkovskaïa. Son assassinat doit être élucidé, c'est une exigence qui s'impose à tous. Nous lui devons, à elle, à ses enfants et au nom des idéaux qu'elle défendait avec une élégance et une passion inégalables.
L'insécurité croissante dans laquelle vous exercez votre métier et la préservation de la liberté d'expression, la liberté d'information dans les zones plus instables, voire les plus dangereuses de la planète, exigeaient une réponse adaptée de la communauté internationale.
J'ai donc souhaité que le Conseil de sécurité des Nations unies soit saisi de la question de la sécurité des journalistes dans les conflits armés. La mobilisation de Reporters Sans Frontières et de son président, Robert Ménard, que je salue ici, ainsi que celle des parlementaires, a été décisive, Pierre Lellouche, François Loncle.
Le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité la résolution 1738 dont vous venez de parler sur la protection des journalistes dans les conflits armés, dont nous avions pris l'initiative avec mon homologue grec.
Cette résolution rappelle à toutes les parties à des conflits leurs obligations en matière de protection et de sécurité des journalistes.
- Elle réaffirme l'obligation pour les Etats de prévenir les crimes perpétrés à l'encontre des journalistes et, quand ces crimes sont commis, d'enquêter, d'appréhender les responsables, et de les juger.
- Elle affirme solennellement notre engagement commun à respecter l'indépendance des journalistes.
- Enfin, elle demande au Secrétaire général des Nations unies de se saisir systématiquement de la question de la sécurité des journalistes, professionnels des médias et personnels associés, dans le cadre de ses rapports réguliers sur la situation des populations civiles dans les conflits armés.
Certains diront que c'est une résolution de plus, d'autres qu'il s'agit d'engagements et de promesses qui seront sans effet sur le terrain. Je ne le pense pas. Cette résolution marque une prise de conscience de la communauté internationale. Cette résolution constitue un progrès vers davantage de responsabilité et d'engagement en faveur de la liberté de la presse. Je peux vous assurer que la France veillera, conformément à son engagement initial, à la stricte application de la résolution 1738.
Mesdames et Messieurs,
Cette année sera, chacun le sait bien, une année particulière en raison d'importantes échéances électorales nationales.
Mais l'action diplomatique que je mène, sous l'autorité du président de la République et du Premier ministre, ne saurait faire une pause tant les mois qui viennent exigeront de ce ministère une mobilisation sans faille et une capacité d'initiative constante.
Mon propos n'est pas ici de dresser un état des lieux complet à l'aube de cette nouvelle année. Je souhaiterais vous dire quelques mots du Proche et du Moyen-Orient, de l'Afrique et bien sûr de l'Europe.
Le dossier nucléaire iranien continuera, malheureusement, à rester une des priorités de notre action. L'adoption de sanctions à l'unanimité par le Conseil de sécurité, le 23 décembre dernier, a marqué une étape importante :
- nous sommes parvenus à préserver l'unité de la communauté internationale qui renforce le poids du message direct adressé à Téhéran ;
- ce message est clair : soit l'Iran coopère avec la communauté internationale, soit l'Iran décide de choisir la voix d'un isolement croissant. J'espère que les autorités iraniennes feront le choix du dialogue.
La situation actuelle dans les Territoires palestiniens prouve également l'importance de ne pas relâcher nos efforts dans les mois qui viennent. La rencontre entre Ehud Olmert et Mahmoud Abbas a été un signal politique important. Mais, là encore, un engagement constant reste nécessaire pour éviter une nouvelle dégradation de la situation :
- il faut favoriser l'émergence d'interlocuteurs bénéficiant du soutien de tous les Palestiniens, capables d'éviter un conflit interne destructeur pour l'Autorité palestinienne, capables également de reprendre le dialogue avec Israël ;
- il faut créer par ailleurs les conditions d'une nouvelle dynamique politique. Le Conseil européen des 14 et 15 décembre, Catherine, a montré l'unité des Européens sur la question du Processus de paix. Il a également abouti au constat partagé du rôle indispensable de l'Union européenne au Proche-Orient.
Sur le Liban, la Conférence qui se réunira à Paris la semaine prochaine, le 25 janvier, sous l'autorité du président sera l'occasion, pour tous les pays et les organisations qui seront présents, d'apporter un appui essentiel à la reconstruction du pays et à la reconquête de sa souveraineté. Reste à sortir de la crise politique actuelle : il faut pour cela faire confiance aux Libanais, au gouvernement de M. Siniora et aux pays amis du Liban pour trouver la voie d'une solution durable à la situation actuelle de blocage. Cela se fera en respectant les principes qui doivent en permanence guider dans notre action vis-à-vis de ce pays, c'est-à-dire préserver son unité, son intégrité et sa souveraineté. Ces principes valent non seulement pour le Liban mais aussi pour l'Irak et nombre d'autres pays de la région, sous peine de voir les forces de division l'emporter sur les forces de paix et bien sûr de stabilité.
Sur l'Afrique, il y aurait tant à dire. Je voudrais mentionner simplement aujourd'hui la situation au Darfour et en Somalie.
Sur le Darfour, avec l'accord donné récemment par le président Bachir au déploiement d'une force mixte des Nations unies et de l'Union africaine mais aussi et surtout, permettez-moi de le dire, son acceptation des conclusions de la réunion d'Addis-Abeba présidée par Kofi Annan et de celle d'Abuja, nous disposons désormais d'un cadre unique pour le règlement de crise.
C'est un dossier sur lequel, vous le savez, la France s'est engagée avec résolution. Je me suis rendu récemment à Khartoum à la mi-novembre, pour plaider en faveur d'une telle solution. Il faut aujourd'hui poursuivre notre action. La situation humanitaire continue d'être préoccupante ; il faut encore obtenir un cessez-le-feu effectif et un accord politique élargi.
En Somalie, ce qui est en jeu c'est la stabilité et l'avenir de la Corne de l'Afrique. Là aussi, la solution ne sera pas militaire mais passera par un dialogue entre toutes les parties au conflit.
Enfin, sur l'Europe, vous tous qui suivez les affaires internationales mesurez l'importance des travaux qui seront menés par la Présidence allemande sur l'avenir institutionnel de l'Union. Le Conseil européen de juin prochain devra définir une ligne de conduite pour sortir de la situation actuelle que vous venez d'exposer. Nous y travaillerons activement avec nos amis allemands en vue de la Présidence française en 2008 et Angela Merkel est aujourd'hui même au Parlement européen pour présenter le programme de la Présidence allemande.
Mais au-delà, au-delà de la construction européenne, au-delà des crises régionales, l'action que je mène, l'action que poursuit ce ministère, entend aussi répondre à des défis transversaux, notamment à faire face à la "fracture sanitaire" qui divise aujourd'hui les pays du Sud et ceux du Nord.
La facilité internationale d'accès aux médicaments, UNITAID, est une réponse innovante à cet enjeu, qui est aujourd'hui une question géopolitique de premier ordre qui engage la stabilité des Etats. Elle permet de dégager des financements durables pour combattre le paludisme, pour combattre la tuberculose et le sida.
UNITAID a déjà démarré ses premières actions. Pour 2007, la France s'engage à verser 160 millions d'euros à cette facilité d'achat aux côtés des autres contributeurs que sont le Royaume-Uni, le Brésil, le Chili et la Norvège, ainsi que tous les pays qui commencent à mettre en place des contributions de solidarité sur des billets d'avion comme nous l'avons fait nous-mêmes. Je veux parler de la Corée du Sud, je veux parler de Chypre, de Madagascar, de Maurice, et de bien d'autres encore qui nous ont rejoints.
L'objectif d'UNITAID est de mettre sous traitement 250.000 enfants d'ici la fin de l'année qui n'avaient pas un droit à ces médicaments avant UNITAID.
2006 a été l'année de naissance d'UNITAID. 2007 sera celle de son développement, avec de nouveaux membres, de nouvelles actions, en partenariat avec les grandes organisations internationales, mais aussi avec les fondations privées américaines que sont la Fondation Clinton et la Fondation Gates qui ont accepté de venir au conseil d'administration d'UNITAID. C'est un succès de notre diplomatie, c'est aussi une volonté politique claire : celle de placer la France aux avant-postes des "nouveaux fronts" de l'action internationale et je voudrais rendre ici hommage à la vision du président de la République lorsqu'il était seul, avec le président Lula, à penser aux financements innovants contre la pauvreté.
Enfin, pour terminer, je voudrais vous dire que nous ne pourrons faire face cette année, comme les précédentes, à l'ensemble de ces défis si ce ministère n'est pas en ordre de marche. Les nouvelles "fractures du monde", les nouvelles réalités géopolitiques exigent une adaptation permanente ; elles supposent un ministère efficace et mobilisé.
Sous ma responsabilité, des progrès considérables ont été accomplis ces derniers mois.
- Nous avons été le premier ministère à signer un contrat de modernisation avec le ministère délégué au Budget. Ce contrat nous a donné de la visibilité sur nos budgets de personnel, de fonctionnement courant et d'investissement pendant trois ans.
- Le ministère des Affaires étrangères a été le premier à mettre en oeuvre les instructions du Premier ministre concernant le recrutement de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme. Nous avons ainsi embauché en 2006 10 jeunes en PACTE, des jeunes qui, sans cette mesure, n'auraient aucun emploi. Et je suis particulièrement fier de cette promotion de la diversité et je souhaite que de telles embauches puissent être poursuivies en 2007.
- La politique immobilière de ce ministère aussi a été complètement revue ces derniers mois, avec l'autofinancement de nos travaux pendant trois ans grâce au produit des ventes que nous réalisons à l'étranger ; avec le développement du recours à des financements innovants, que ce soit pour le futur pôle diplomatique de La Courneuve, destiné en particulier à accueillir les archives diplomatiques, ou pour la construction de nouveaux lycées français à l'étranger. J'ai aussi décidé du regroupement des services parisiens du Département, aujourd'hui répartis sur une dizaine de sites et que je souhaite ramener à deux sites seulement. Il s'agit là d'une opération emblématique de la réforme de l'Etat ; je me réjouis que ce ministère soit à la pointe de cette ambition.
- La modernisation aussi de notre réseau a par ailleurs été bien engagée. Des redéploiements ont été lancés et je m'en félicite. Il n'y a aucune raison que notre diplomatie ne puisse évoluer comme l'ont fait les réseaux du Royaume-Uni ou des Etats-Unis. Nous devons réorienter notre présence et peser davantage dans les grands pays émergents, la Chine - où, par exemple, les effectifs consulaires ont été accrus de 30 % durant l'année 2006 -, ou encore l'Inde ou le Brésil.
- Un dernier chantier me tient particulièrement à coeur, que j'avais lancé officiellement en mai dernier : il s'agit de la refondation de notre action culturelle extérieure avec la création des agences Campus France et Cultures France. Ces deux projets ont bien avancé en 2006 et verront leur aboutissement en 2007 : Cultures France devra être transformée en Etablissement public industriel et commercial ; Campus France devrait voir le jour très vite maintenant, d'abord sous la forme juridique d'un Groupement d'intérêt public. Ne sous estimons pas l'importance de ces premiers pas : la promotion de la connaissance, la promotion de l'intelligence et la création sont des domaines stratégiques pour l'attractivité de notre pays.
Avec ces nouvelles structures, le mode de fonctionnement de notre diplomatie évolue, notamment en direction du secteur privé, avec un double objectif :
D'une part, attirer des financements vers des objectifs partagés, comme j'ai souhaité le faire en créant l'Alliance pour le Développement, qui rassemble l'Agence française de Développement, ce ministère, mais également l'Institut Pasteur, des sociétés privées comme Veolia ou Sanofi Aventis autour de projets concrets définis en commun. Il n'y a aucune raison que le public et le privé ne travaillent pas ensemble au service de la France dans ce ministère.
D'autre part, échanger nos expériences et porter plus efficacement les intérêts économiques et commerciaux de la France à l'étranger. La "journée Entreprises", que j'ai présidée le 26 avril dernier, a été appréciée de tous, je crois, et s'est traduite par une implication accrue de nos diplomates dans la promotion de nos intérêts économiques.
Enfin, je ne serais pas complet si je ne parlais pas de la gestion des crises par les agents de ce Département surtout à l'issue d'une année comme 2006 marquée par la crise libanaise. J'ai souhaité rendre un hommage particulier aux agents de tous les ministères et aux membres de la société civile qui ont contribué à assister nos compatriotes pendant cette période difficile en organisant une cérémonie de remise de la médaille d'honneur des Affaires étrangères, le 6 décembre dernier. Pendant les vacances de l'été, la mobilisation de tous a été exemplaire, à Beyrouth, à Chypre, à Tel Aviv comme à Paris. Vous étiez pour certains d'entre vous sur place, et vous avez pu mesurer cet engagement et ce sens du service de l'Etat. Je sais que vous vous associez à cet hommage.
Et puis, puisque nous sommes dans une période électorale, permettez-moi d'avoir un petit mot sur la politique française et la politique intérieure, vue du Quai d'Orsay.
Au moment où vous parliez de bravitude et où vous parliez de muraille de Chine, je crois que c'est au moment où Ségolène Royal a déambulé sur la Grande Muraille que l'on a révélé ses failles.
Défendre une politique influente de la France en Chine, ce n'est pas se taire devant les dirigeants chinois un jour et se poser en défenseur vertueux des droits humains le lendemain.
Défendre l'accès du marché chinois pour les entreprises françaises, ce n'est pas les critiquer un jour et les inviter à transférer leur technologie en Chine un autre jour.
Préserver les positions de la France au Moyen-Orient, ce n'est pas tenir un langage de candeur à Gaza et un langage de fermeté à Tel Aviv.
Gouverner, et en particulier, Monsieur le Président, dans cette maison, gouverner, c'est d'abord choisir, bien sûr. C'est décider, toujours. Mais c'est aussi le faire en sachant comment, quand, avec qui et pourquoi. Or le problème de Ségolène Royal est qu'elle ne choisit pas et lorsqu'elle le fait, cela peut entraîner des dommages collatéraux, en particulier vis-à-vis de la communauté internationale. Je pense à la remise en question du Traité de non-prolifération. Si elle était élue, ce serait le seul chef de l'Etat au monde à avoir remis en cause le Traité de non-prolifération.
Enfin, pour conclure, je dirais que la candidate du parti socialiste a deux équipes de campagne, manifestement, mais elle n'a pas de projet.
Face à l'expérience des réalités et aux propositions concrètes de Nicolas Sarkozy, je trouve que Ségolène Royal ne propose en réalité que le flou de sa pensée.
Mesdames et Messieurs,
En conclusion, je tiens à vous redire le plaisir que j'ai à travailler avec vous ainsi que la disponibilité de ce ministère et notamment de la direction de la Communication et de l'Information, que je salue tout particulièrement, en particulier Monsieur Jean-Baptiste Mattéi, pour favoriser votre travail au quotidien. A l'heure de la mondialisation et de l'information planétaire, la compréhension des enjeux internationaux est aujourd'hui plus qu'une exigence, c'est une nécessité. Les Affaires étrangères ne sont pas si étrangères à la France et aux Français. Les affaires du monde sont devenues des questions de politique intérieure. Elles méritent d'être expliquées, entendues et comprises par nos concitoyens, quelle que soit la période. Encore une fois, je vous présente mes meilleurs voeux du fond du coeur pour vous, vos familles et surtout une très très bonne année 2007.source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2007
Mesdames,
Messieurs,
Je tiens à vous remercier pour les voeux chaleureux que vous venez d'adresser à Catherine Colonna et à moi-même. Je tiens à excuser Brigitte Girardin, retenue par un déplacement au Laos et au Cambodge et qui n'a pu être des nôtres aujourd'hui. Je tiens à mon tour à vous transmettre à vous tous, ainsi qu'à vos proches et à l'ensemble de vos collègues, mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Mesdames, Messieurs,
Vous êtes les témoins et les "interprètes" de l'actualité internationale. Malheureusement, du témoin à l'acteur, la frontière est ténue.
Votre métier est risqué et il l'est chaque jour davantage, dans des contextes où les formes prises par les conflits touchent directement et de plus en plus souvent le quotidien des civils. 81 journalistes ont été tués dans le monde en 2006. 32 de leurs collaborateurs ont également trouvé la mort. C'est une année terriblement meurtrière pour votre profession.
Certes, l'Irak a largement contribué à ce lourd bilan, mais en réalité, aucun continent n'a été épargné. La tendance est à la dégradation des conditions d'exercice du métier de journaliste. Votre collègue Didier François peut en témoigner. J'ai également une pensée pour Jaime Razuri, photographe à l'AFP, dont j'ai accueilli avec beaucoup de soulagement l'annonce de la libération le 7 janvier dernier, au terme d'une semaine d'enlèvement à Gaza.
Comment ne pas avoir présentes à l'esprit les menaces qui pèsent sur certains de vos confrères, le sort de ceux qui sont injustement détenus ou tout simplement empêchés de parole.
Vous pouvez compter sur ma mobilisation et mon engagement pour la question des libertés fondamentales. Je saisis toutes les occasions qui me sont données dans mes contacts avec mes homologues, pour évoquer, lorsque c'est nécessaire, ces situations inacceptables. Mais pour être efficaces, ces démarches doivent rester discrètes. Ceux d'entre vous qui m'ont accompagné dans certains de mes déplacements savent tout le prix que j'attache à ce sujet. Je n'en dirai pas plus sur ce chapitre, sauf pour évoquer comme vous la mémoire d'Anna Politkovskaïa. Son assassinat doit être élucidé, c'est une exigence qui s'impose à tous. Nous lui devons, à elle, à ses enfants et au nom des idéaux qu'elle défendait avec une élégance et une passion inégalables.
L'insécurité croissante dans laquelle vous exercez votre métier et la préservation de la liberté d'expression, la liberté d'information dans les zones plus instables, voire les plus dangereuses de la planète, exigeaient une réponse adaptée de la communauté internationale.
J'ai donc souhaité que le Conseil de sécurité des Nations unies soit saisi de la question de la sécurité des journalistes dans les conflits armés. La mobilisation de Reporters Sans Frontières et de son président, Robert Ménard, que je salue ici, ainsi que celle des parlementaires, a été décisive, Pierre Lellouche, François Loncle.
Le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité la résolution 1738 dont vous venez de parler sur la protection des journalistes dans les conflits armés, dont nous avions pris l'initiative avec mon homologue grec.
Cette résolution rappelle à toutes les parties à des conflits leurs obligations en matière de protection et de sécurité des journalistes.
- Elle réaffirme l'obligation pour les Etats de prévenir les crimes perpétrés à l'encontre des journalistes et, quand ces crimes sont commis, d'enquêter, d'appréhender les responsables, et de les juger.
- Elle affirme solennellement notre engagement commun à respecter l'indépendance des journalistes.
- Enfin, elle demande au Secrétaire général des Nations unies de se saisir systématiquement de la question de la sécurité des journalistes, professionnels des médias et personnels associés, dans le cadre de ses rapports réguliers sur la situation des populations civiles dans les conflits armés.
Certains diront que c'est une résolution de plus, d'autres qu'il s'agit d'engagements et de promesses qui seront sans effet sur le terrain. Je ne le pense pas. Cette résolution marque une prise de conscience de la communauté internationale. Cette résolution constitue un progrès vers davantage de responsabilité et d'engagement en faveur de la liberté de la presse. Je peux vous assurer que la France veillera, conformément à son engagement initial, à la stricte application de la résolution 1738.
Mesdames et Messieurs,
Cette année sera, chacun le sait bien, une année particulière en raison d'importantes échéances électorales nationales.
Mais l'action diplomatique que je mène, sous l'autorité du président de la République et du Premier ministre, ne saurait faire une pause tant les mois qui viennent exigeront de ce ministère une mobilisation sans faille et une capacité d'initiative constante.
Mon propos n'est pas ici de dresser un état des lieux complet à l'aube de cette nouvelle année. Je souhaiterais vous dire quelques mots du Proche et du Moyen-Orient, de l'Afrique et bien sûr de l'Europe.
Le dossier nucléaire iranien continuera, malheureusement, à rester une des priorités de notre action. L'adoption de sanctions à l'unanimité par le Conseil de sécurité, le 23 décembre dernier, a marqué une étape importante :
- nous sommes parvenus à préserver l'unité de la communauté internationale qui renforce le poids du message direct adressé à Téhéran ;
- ce message est clair : soit l'Iran coopère avec la communauté internationale, soit l'Iran décide de choisir la voix d'un isolement croissant. J'espère que les autorités iraniennes feront le choix du dialogue.
La situation actuelle dans les Territoires palestiniens prouve également l'importance de ne pas relâcher nos efforts dans les mois qui viennent. La rencontre entre Ehud Olmert et Mahmoud Abbas a été un signal politique important. Mais, là encore, un engagement constant reste nécessaire pour éviter une nouvelle dégradation de la situation :
- il faut favoriser l'émergence d'interlocuteurs bénéficiant du soutien de tous les Palestiniens, capables d'éviter un conflit interne destructeur pour l'Autorité palestinienne, capables également de reprendre le dialogue avec Israël ;
- il faut créer par ailleurs les conditions d'une nouvelle dynamique politique. Le Conseil européen des 14 et 15 décembre, Catherine, a montré l'unité des Européens sur la question du Processus de paix. Il a également abouti au constat partagé du rôle indispensable de l'Union européenne au Proche-Orient.
Sur le Liban, la Conférence qui se réunira à Paris la semaine prochaine, le 25 janvier, sous l'autorité du président sera l'occasion, pour tous les pays et les organisations qui seront présents, d'apporter un appui essentiel à la reconstruction du pays et à la reconquête de sa souveraineté. Reste à sortir de la crise politique actuelle : il faut pour cela faire confiance aux Libanais, au gouvernement de M. Siniora et aux pays amis du Liban pour trouver la voie d'une solution durable à la situation actuelle de blocage. Cela se fera en respectant les principes qui doivent en permanence guider dans notre action vis-à-vis de ce pays, c'est-à-dire préserver son unité, son intégrité et sa souveraineté. Ces principes valent non seulement pour le Liban mais aussi pour l'Irak et nombre d'autres pays de la région, sous peine de voir les forces de division l'emporter sur les forces de paix et bien sûr de stabilité.
Sur l'Afrique, il y aurait tant à dire. Je voudrais mentionner simplement aujourd'hui la situation au Darfour et en Somalie.
Sur le Darfour, avec l'accord donné récemment par le président Bachir au déploiement d'une force mixte des Nations unies et de l'Union africaine mais aussi et surtout, permettez-moi de le dire, son acceptation des conclusions de la réunion d'Addis-Abeba présidée par Kofi Annan et de celle d'Abuja, nous disposons désormais d'un cadre unique pour le règlement de crise.
C'est un dossier sur lequel, vous le savez, la France s'est engagée avec résolution. Je me suis rendu récemment à Khartoum à la mi-novembre, pour plaider en faveur d'une telle solution. Il faut aujourd'hui poursuivre notre action. La situation humanitaire continue d'être préoccupante ; il faut encore obtenir un cessez-le-feu effectif et un accord politique élargi.
En Somalie, ce qui est en jeu c'est la stabilité et l'avenir de la Corne de l'Afrique. Là aussi, la solution ne sera pas militaire mais passera par un dialogue entre toutes les parties au conflit.
Enfin, sur l'Europe, vous tous qui suivez les affaires internationales mesurez l'importance des travaux qui seront menés par la Présidence allemande sur l'avenir institutionnel de l'Union. Le Conseil européen de juin prochain devra définir une ligne de conduite pour sortir de la situation actuelle que vous venez d'exposer. Nous y travaillerons activement avec nos amis allemands en vue de la Présidence française en 2008 et Angela Merkel est aujourd'hui même au Parlement européen pour présenter le programme de la Présidence allemande.
Mais au-delà, au-delà de la construction européenne, au-delà des crises régionales, l'action que je mène, l'action que poursuit ce ministère, entend aussi répondre à des défis transversaux, notamment à faire face à la "fracture sanitaire" qui divise aujourd'hui les pays du Sud et ceux du Nord.
La facilité internationale d'accès aux médicaments, UNITAID, est une réponse innovante à cet enjeu, qui est aujourd'hui une question géopolitique de premier ordre qui engage la stabilité des Etats. Elle permet de dégager des financements durables pour combattre le paludisme, pour combattre la tuberculose et le sida.
UNITAID a déjà démarré ses premières actions. Pour 2007, la France s'engage à verser 160 millions d'euros à cette facilité d'achat aux côtés des autres contributeurs que sont le Royaume-Uni, le Brésil, le Chili et la Norvège, ainsi que tous les pays qui commencent à mettre en place des contributions de solidarité sur des billets d'avion comme nous l'avons fait nous-mêmes. Je veux parler de la Corée du Sud, je veux parler de Chypre, de Madagascar, de Maurice, et de bien d'autres encore qui nous ont rejoints.
L'objectif d'UNITAID est de mettre sous traitement 250.000 enfants d'ici la fin de l'année qui n'avaient pas un droit à ces médicaments avant UNITAID.
2006 a été l'année de naissance d'UNITAID. 2007 sera celle de son développement, avec de nouveaux membres, de nouvelles actions, en partenariat avec les grandes organisations internationales, mais aussi avec les fondations privées américaines que sont la Fondation Clinton et la Fondation Gates qui ont accepté de venir au conseil d'administration d'UNITAID. C'est un succès de notre diplomatie, c'est aussi une volonté politique claire : celle de placer la France aux avant-postes des "nouveaux fronts" de l'action internationale et je voudrais rendre ici hommage à la vision du président de la République lorsqu'il était seul, avec le président Lula, à penser aux financements innovants contre la pauvreté.
Enfin, pour terminer, je voudrais vous dire que nous ne pourrons faire face cette année, comme les précédentes, à l'ensemble de ces défis si ce ministère n'est pas en ordre de marche. Les nouvelles "fractures du monde", les nouvelles réalités géopolitiques exigent une adaptation permanente ; elles supposent un ministère efficace et mobilisé.
Sous ma responsabilité, des progrès considérables ont été accomplis ces derniers mois.
- Nous avons été le premier ministère à signer un contrat de modernisation avec le ministère délégué au Budget. Ce contrat nous a donné de la visibilité sur nos budgets de personnel, de fonctionnement courant et d'investissement pendant trois ans.
- Le ministère des Affaires étrangères a été le premier à mettre en oeuvre les instructions du Premier ministre concernant le recrutement de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme. Nous avons ainsi embauché en 2006 10 jeunes en PACTE, des jeunes qui, sans cette mesure, n'auraient aucun emploi. Et je suis particulièrement fier de cette promotion de la diversité et je souhaite que de telles embauches puissent être poursuivies en 2007.
- La politique immobilière de ce ministère aussi a été complètement revue ces derniers mois, avec l'autofinancement de nos travaux pendant trois ans grâce au produit des ventes que nous réalisons à l'étranger ; avec le développement du recours à des financements innovants, que ce soit pour le futur pôle diplomatique de La Courneuve, destiné en particulier à accueillir les archives diplomatiques, ou pour la construction de nouveaux lycées français à l'étranger. J'ai aussi décidé du regroupement des services parisiens du Département, aujourd'hui répartis sur une dizaine de sites et que je souhaite ramener à deux sites seulement. Il s'agit là d'une opération emblématique de la réforme de l'Etat ; je me réjouis que ce ministère soit à la pointe de cette ambition.
- La modernisation aussi de notre réseau a par ailleurs été bien engagée. Des redéploiements ont été lancés et je m'en félicite. Il n'y a aucune raison que notre diplomatie ne puisse évoluer comme l'ont fait les réseaux du Royaume-Uni ou des Etats-Unis. Nous devons réorienter notre présence et peser davantage dans les grands pays émergents, la Chine - où, par exemple, les effectifs consulaires ont été accrus de 30 % durant l'année 2006 -, ou encore l'Inde ou le Brésil.
- Un dernier chantier me tient particulièrement à coeur, que j'avais lancé officiellement en mai dernier : il s'agit de la refondation de notre action culturelle extérieure avec la création des agences Campus France et Cultures France. Ces deux projets ont bien avancé en 2006 et verront leur aboutissement en 2007 : Cultures France devra être transformée en Etablissement public industriel et commercial ; Campus France devrait voir le jour très vite maintenant, d'abord sous la forme juridique d'un Groupement d'intérêt public. Ne sous estimons pas l'importance de ces premiers pas : la promotion de la connaissance, la promotion de l'intelligence et la création sont des domaines stratégiques pour l'attractivité de notre pays.
Avec ces nouvelles structures, le mode de fonctionnement de notre diplomatie évolue, notamment en direction du secteur privé, avec un double objectif :
D'une part, attirer des financements vers des objectifs partagés, comme j'ai souhaité le faire en créant l'Alliance pour le Développement, qui rassemble l'Agence française de Développement, ce ministère, mais également l'Institut Pasteur, des sociétés privées comme Veolia ou Sanofi Aventis autour de projets concrets définis en commun. Il n'y a aucune raison que le public et le privé ne travaillent pas ensemble au service de la France dans ce ministère.
D'autre part, échanger nos expériences et porter plus efficacement les intérêts économiques et commerciaux de la France à l'étranger. La "journée Entreprises", que j'ai présidée le 26 avril dernier, a été appréciée de tous, je crois, et s'est traduite par une implication accrue de nos diplomates dans la promotion de nos intérêts économiques.
Enfin, je ne serais pas complet si je ne parlais pas de la gestion des crises par les agents de ce Département surtout à l'issue d'une année comme 2006 marquée par la crise libanaise. J'ai souhaité rendre un hommage particulier aux agents de tous les ministères et aux membres de la société civile qui ont contribué à assister nos compatriotes pendant cette période difficile en organisant une cérémonie de remise de la médaille d'honneur des Affaires étrangères, le 6 décembre dernier. Pendant les vacances de l'été, la mobilisation de tous a été exemplaire, à Beyrouth, à Chypre, à Tel Aviv comme à Paris. Vous étiez pour certains d'entre vous sur place, et vous avez pu mesurer cet engagement et ce sens du service de l'Etat. Je sais que vous vous associez à cet hommage.
Et puis, puisque nous sommes dans une période électorale, permettez-moi d'avoir un petit mot sur la politique française et la politique intérieure, vue du Quai d'Orsay.
Au moment où vous parliez de bravitude et où vous parliez de muraille de Chine, je crois que c'est au moment où Ségolène Royal a déambulé sur la Grande Muraille que l'on a révélé ses failles.
Défendre une politique influente de la France en Chine, ce n'est pas se taire devant les dirigeants chinois un jour et se poser en défenseur vertueux des droits humains le lendemain.
Défendre l'accès du marché chinois pour les entreprises françaises, ce n'est pas les critiquer un jour et les inviter à transférer leur technologie en Chine un autre jour.
Préserver les positions de la France au Moyen-Orient, ce n'est pas tenir un langage de candeur à Gaza et un langage de fermeté à Tel Aviv.
Gouverner, et en particulier, Monsieur le Président, dans cette maison, gouverner, c'est d'abord choisir, bien sûr. C'est décider, toujours. Mais c'est aussi le faire en sachant comment, quand, avec qui et pourquoi. Or le problème de Ségolène Royal est qu'elle ne choisit pas et lorsqu'elle le fait, cela peut entraîner des dommages collatéraux, en particulier vis-à-vis de la communauté internationale. Je pense à la remise en question du Traité de non-prolifération. Si elle était élue, ce serait le seul chef de l'Etat au monde à avoir remis en cause le Traité de non-prolifération.
Enfin, pour conclure, je dirais que la candidate du parti socialiste a deux équipes de campagne, manifestement, mais elle n'a pas de projet.
Face à l'expérience des réalités et aux propositions concrètes de Nicolas Sarkozy, je trouve que Ségolène Royal ne propose en réalité que le flou de sa pensée.
Mesdames et Messieurs,
En conclusion, je tiens à vous redire le plaisir que j'ai à travailler avec vous ainsi que la disponibilité de ce ministère et notamment de la direction de la Communication et de l'Information, que je salue tout particulièrement, en particulier Monsieur Jean-Baptiste Mattéi, pour favoriser votre travail au quotidien. A l'heure de la mondialisation et de l'information planétaire, la compréhension des enjeux internationaux est aujourd'hui plus qu'une exigence, c'est une nécessité. Les Affaires étrangères ne sont pas si étrangères à la France et aux Français. Les affaires du monde sont devenues des questions de politique intérieure. Elles méritent d'être expliquées, entendues et comprises par nos concitoyens, quelle que soit la période. Encore une fois, je vous présente mes meilleurs voeux du fond du coeur pour vous, vos familles et surtout une très très bonne année 2007.source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2007