Interview de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, à "RTL" le 5 février 2007, sur les craintes suscitées par le retour de la grippe aviaire en Europe, sur la campagne électorale et la candidature de M. François Bayrou, président de l'UDF.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- La grippe aviaire est de retour en Europe, en Hongrie d'abord, en Angleterre ensuite. Inévitablement en France bientôt, D. Bussereau ?
R- Non, on ne peut pas dire ça. Ce qui est préoccupant, c'est qu'elle est de retour en effet sur le sol de l'Union européenne : d'abord la Hongrie, ce week-end en Angleterre et l'an passé, l'Angleterre n'avait été atteinte que par un animal sauvage et puis un autre virus qui est le H7. Donc, ça veut dire non pas être préoccupé mais être très attentif. J'ai demandé avec mon collègue de la Santé, l'avis de l'Afssa...
Q- Que vous aurez aujourd'hui ?
R- Que nous aurons cet après-midi et cet après-midi également, l'Union européenne va se réunir pour voir les mesures que nous allons prendre au niveau communautaire. Donc très grande vigilance mais pas d'affolement.
Q- Tout de même, c'est spectaculaire. En Angleterre, cet élevage était confiné, il n'y avait aucune raison qu'on voit réapparaître le H5N1 et pourtant on y est...
R- Oui, vous savez, l'année dernière, l'élevage qui a été touché en France le 23 février à Versailleux, dans le département de l'Ain, était également confiné. Alors on a su après qu'il y avait eu des passages de boue, de terre, etc. Là, on ne sait pas. Monsieur Matthiews, qui est le propriétaire de cet élevage, a également un élevage en Hongrie, donc petite réflexion Hongrie-Grande Bretagne ; deuxièmement, il peut y avoir un animal, un oiseau de l'avifaune qui est rentrée par un tuyau, par une porte quelque part. Voilà, donc, on attend des autorités anglaises des précisions et nous allons bien sûr, dès que l'avis de l'Afssa sera connu, adapter notre dispositif...
Q- Qu'est-ce que ça veut dire "adapter notre dispositif ?"
R- Ca veut dire, si vous voulez, qu'on a des niveaux d'alerte. Pour l'instant, on était en risque négligeable 2, je ne vais pas entrer dans la technique ; selon l'avis de l'Afssa, on passera à un risque au-delà... ça veut dire que l'on peut, par exemple, interdire l'usage des appelants pendant les semaines qui viennent ou prendre des mesures sur les zones humides. J'ajoute qu'on était déjà en zone de précaution puisque abreuver les volailles, les nourrir en plein air était interdit, et que nous avions tout le réseau des vétérinaires, des chasseurs, enfin tous les gens qui sont sur le terrain, qui surveillaient très attentivement l'avifaune sauvage.
Q- L'auditeur qui a précédé notre dialogue disait "Faut pas dramatiser", il a raison ou il a tort ?
R- Ecoutez... il faut pas dramatiser mais il faut dire la vérité. Je crois que l'an passé, la France a été touchée par 66 cas de grippe aviaire - 62 dans l'Ain, et puis trois autres, enfin, trois autres dans l'Ain et puis un en Camargue... Le fait que nous disions la vérité, le fait que se mobilisent les éleveurs, toute la filière, le réseau vétérinaire a fait que la crise a été difficile pour les éleveurs, difficile pour les industries en amont, difficiles également pour les vendeurs ou vendeurs de volailles, les marchés, etc., mais que c'est en France que la consommation a repris le plus vite. Donc je crois que lorsqu'il y a un problème sanitaire, il faut dire la vérité, pas s'affoler, expliquer ce qu'on fait, expliquer les précautions que l'on prend et ensuite continuer d'avancer, je dirais, paisiblement puisqu'on a fait ce qu'il fallait faire.
Q- Je le disais, le cas anglais a surpris tout le monde et il semblerait que les Anglais aient mis du temps à mettre en place la zone de confinement...
R- Disons qu'il y a eu... Le télégraphe a pris un peu de temps pour fonctionner entre les deux rives du Chanel et qu'il y a eu une journée qui aurait pu être utilisée à nous informer plus tôt...
Q- Ça peut porter préjudice ?
R- Non, ça n'aurait rien modifié puisque les Anglais ont pris tout de suite les mesures qu'il faut : zone interdite autour ; zone de précaution ; zone de surveillance... Tout l'élevage de Monsieur Matthiews va être complètement carbonisé, c'est déjà quasiment fait...
Q- C'est en cours...
R- Donc les Anglais ont fait ce qu'il fallait, simplement maintenant nous allons nous adapter en terme de précaution, mais je le répète sur votre antenne ce matin et avec un peu de solennité : pas d'affolement.
Q- Bon, on poursuivra le dialogue avec les auditeurs, tout à l'heure à 8h30, Dominique Bussereau...
R- Avec plaisir.
Q- Campagne électorale ?
R- Campagne électorale bien sûr.
Q- Vous soutenez N. Sarkozy ?
R- Je soutiens N. Sarkozy. J'ai écouté hier soir avec beaucoup d'intérêt,
sur votre antenne, F. Fillon...
Q- Qui disait "J'en suis sûr, J. Chirac ne se représentera pas". Vous partagez son avis, D. Bussereau ?
R- Ecoutez, je n'en sais fichtre rien...
Q- Ben lui non plus mais c'était juste une intuition. Quelle est la vôtre ?
R- Ecoutez, j'ai plutôt le sentiment que le président de la République ne sera pas candidat pour un autre mandat. Ceci étant, c'est à lui qu'il appartient de le dire, de choisir le moment. J'ai parfois le sentiment qu'ils ont parlé de tout ça, N. Sarkozy et lui, et qu'il y aura moins de surprise que certains s'y attendent.
Q- Et vous pensez que J. Chirac nous le dira avant le 22 avril ?
R- Je n'en sais strictement rien mais par rapport à la date du 22... sur la date, pardon, vous avez été plus rapide que moi, sur la date avant le 22 avril certainement, c'est la date qu'il choisira. Vous savez, le président de la République, il faut qu'il aille au bout de son mandat, qu'il le fasse dans les meilleures conditions possibles, je ne vois pas pourquoi il dirait trop tôt ce qu'il fera et je pense que le moment où il le fera, ce sera tellement important dans la campagne que ce sera l'événement très solennel.
Q- C'est dur de mener une campagne électorale. N. Sarkozy disait vendredi soir "l'Education nationale est en faillite". G. de Robien lui a dit "Dites ! Il ne faut pas raconter n'importe quoi quand même"... Qui est-ce qui a raison dans cette polémique, D. Bussereau.
R- Je trouve que N. Sarkozy a raison de s'adresser à des publics auxquels la droite ne s'adressait pas. C'est d'ailleurs ce que nous lui avons dit, avec J.-P. Raffarin à plusieurs reprises : il faut aller au-delà de l'électorat de la droite et du centre ; si on veut gagner l'élection présidentielle, il faut aller chercher et parler à d'autres Français. Donc il parle aux ouvriers, il parle aux enseignants, il dit des choses... Alors que ça puisse plaire ou ne pas plaire, ça fait partie, je dirais, des modalités de la campagne. Je pense que G. de Robien est un ministre réformateur, donc il faut... il n'y a pas de raison d'être dur avec lui, mais dire qu'il faut toucher à l'école, alors ça, je peux vous dire, si vous discutez avec n'importe quelle famille de Français, vous aurez naturellement cette envie. Donc N. Sarkozy parle à des tas de gens, nouveaux, auxquels la droite ne parlait pas, je trouve ça un événement de campagne important. Cela se traduit, A. Duhamel l'a très bien dit tout à l'heure, ça se traduit dans les sondages.
Q- En parler est une chose, ça dépend ce qu'on leur dit. L'école est en faillite aujourd'hui, D. Bussereau ?
R- Ecoutez, je ne suis pas un spécialiste des questions scolaires. Je pense...
Q- C'est dur de naviguer...
R- Non, non, je n'aime pas... je vais vous dire une chose : moi, dans mon département de Charente-Maritime que vous connaissez bien, J.- M. Aphatie, j'assiste pour la première fois cette année à des réouvertures de classes dans des communes rurales où la classe rurale avait fermé il y a un demi-siècle... ben je trouve que pour l'école républicaine, c'est quand même superbe.
Q- Bon, donc j'aurai pas la réponse exacte à ma question...
R- Non...
Q- Pas ce matin.
R- Pas ce matin.
Q- Le baromètre TNS-Sofrès - vous êtes un ancien de l'UDF vous - note une spectaculaire montée de F. Bayrou... Alors vous lui souhaitez bonne chance à F. Bayrou ou ça vous ennuie ?
R- Ecoutez, je ne trouve pas ça antipathique. Je préfère une montée de F. Bayrou à une montée de J.-M. Le Pen même si je crois, toujours comme A. Duhamel, que Le Pen est un peu sous-estimé dans les sondages. Je pense qu'il y a pas mal d'électeurs de gauche qui se prononcent pour S. Royal, on est un peu à un moment dans sa campagne où le carrosse est redevenu citrouille - c'est P. Besson qui a utilisé cette jolie formule dans Le Point. Donc il y a des choses qui ne vont pas. Donc il y a des gens de gauche, il y a aussi des gens de droite qui, pour telle ou telle raison, ne soutiennent pas pour l'instant N. Sarkozy, qui vont vers F. Bayrou, d'où un bon score.
Q- Et vous, vous trouvez ça sympathique ? Vous l'aimez bien F. Bayrou, D. Bussereau.
R- Ecoutez, moi, je suis quelqu'un qui, en politique, met l'amitié avant les étiquettes. J'ai travaillé avec F. Bayrou et V. Giscard d'Estaing donc je n'ai aucune antipathie pour F. Bayrou. Je trouve, comme le disait hier soir F. Fillon d'ailleurs, qu'il est parfois trop agressif. Il peut très bien être sur un créneau "ni gauche ni droite" sans engueuler ni la gauche ni la droite, on peut être positif. Et deuxièmement, il faut qu'il précise son programme. Et quand j'observe son programme, très franchement, il est plus près du nôtre que de celui de S. Royal. Mais qu'il pique, pardon l'expression, des électeurs à S. Royal, ça ne me fait pas de peine, vous vous en doutez bien.
Q- Vous pourriez voter F. Bayrou ?
R- Oh, écoutez, j'ai déjà voté pour lui mais cette fois-ci je voterai pour N. Sarkozy. Vous savez, on a voulu un grand parti de droite et du centre à côté d'un grand parti social démocrate. Je trouve que cette élection qui amène les deux candidats d'une bipolarisation moderne à la française en tête, est intéressant, et F. Bayrou c'est plus la faillite de la gauche que l'apparition d'une troisième force, en tout cas c'est comme ça que je l'analyse.