Interview de M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, à France-Inter le 9 février 2007, sur la fonction publique notamment le renouvellement des départs à la retraite, la rémunération et les carrières.

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Média : France Inter

Texte intégral

QUESTION : Vous êtes ministre de la Fonction publique, j'ai une question très claire à vous poser, très simple et très directe : est-il possible oui ou non de ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires de l'Etat qui partent à la retraite ?
Christian JACOB : La question ne se pose pas comme pas comme ça.
QUESTION : Vous n'allez pas nous jouez le politique.
Christian JACOB : Je le suis un peu.
QUESTION : Oui vous l'êtes un peu mais justement, on vous demande de parler vrai.
Christian JACOB : Tout à fait. 40 % de départs à la retraite dans les dix ans qui viennent, l'approche que nous avons toujours eue, c'est une approche pragmatique, c'est-à-dire, ce qui compte avant tout c'est le service qui est rendu à nos concitoyens et le service qu'ils attendent. A partir de là, est-ce que l'on peut rendre la même qualité de service avec autant d'agents, avec plus d'agents ou avec moins d'agents ? Eh bien cela dépend des secteurs parce qu'il y a un certain nombre de secteurs où nos concitoyens sont en attente de plus d'effectifs, d'autres ont, du fait de la décentralisation, du fait des nouvelles techniques, de l'information et de la communication...Prenons par exemple les feuilles d'impôts, qui aujourd'hui sont plus pour plus de 50 % d'entre elles pré remplies. Effectivement, il y a besoin de moins d'agents pour les préparer, c'est une évidence. Dans d'autres cas, par exemple, celui de la sécurité, il y a eu encore cette année, une augmentation du nombre d'effectifs en matière de sécurité, parce que c'était une demande forte des Français. En revanche sur l'enseignement, trois cas de figure : l'école primaire, il y a plus d'élèves à la prochaine rentrée 2007, eh bien il y aura une augmentation des enseignants. En revanche, sur le secondaire, il y a une diminution du nombre d'élèves, il y aura moins d'enseignants. Sur le supérieur : il y a une augmentation et une volonté politique du président de la République et du Premier ministre de renforcer le secteur de la recherche, il y en aura davantage. Donc voilà, on ne peut pas toujours répondre par oui ou par non.
QUESTION : D'accord, mais quand même ! On ne peut pas répondre par oui ou par non mais il y a des candidats qui s'engagent. F. Bayrou, N. Sarkozy, c'est votre candidat N. Sarkozy ?
Christian JACOB : Moi je ne suis pas candidat.
QUESTION : C'est votre candidat N. Sarkozy ?
Christian JACOB : C'est clair, bien évidemment.
QUESTION : Parce que vous ne vous étiez pas prononcé pour l'instant, vous allez attendre le président de la République. Je sais que vous êtes un proche de J. Chirac. Mais quand même, je vous repose la question : c'est possible ou pas de ne remplacer que la moitié des fonctionnaires de l'Etat qui partent à la retraite ?
Christian JACOB : Cela peut être possible dans certains secteurs, cela ne le sera pas dans d'autres.
QUESTION : Oui mais globalement, cela paraît excessif.
Christian JACOB : On ne peut pas tout mélanger.
QUESTION : Donc, cela veut dire que N. Sarkozy mélange tout ?
Christian JACOB : Non, on ne peut pas tout mélanger. On ne peut pas mélanger l'agent au service de l'Etat civil dans ma mairie à Provins avec l'enseignant dans le supérieur, avec le policier, avec l'infirmière. Tous sont fonctionnaires mais il faut regarder service par service et encore une fois, faire en sorte d'avoir un service public de qualité. C'est ce à quoi s'est engagé le Gouvernement de D. de Villepin, j'ai plutôt le sentiment qu'il a réussi.
QUESTION : Bien. Autre question, et là, je prends une proposition de L. Parisot, que vous connaissez bien, présidente du Medef.
Christian JACOB : Plus dans son précédent poste que dans l'actuel.
QUESTION : Alors, dans la fonction publique, faut-il oui ou non abandonner la garantie de l'emploi à vie comme ça s'est fait au Canada ? Elle dit oui.
Christian JACOB : Oui mais je ne partage pas ce point de vue aujourd'hui, je ne dis pas que les choses n'évolueront pas un jour mais on ne peut pas changer sans contrepartie, sans avoir une approche plus fine le statut de la fonction publique. C'est certain que dans un certain nombre de cas, on peut imaginer des rapports de mission mais aujourd'hui, ce n'est vraiment pas un sujet d'actualité.
QUESTION : Bien, est-ce qu'on est assez bien payé dans la fonction publique, franchement ?
Christian JACOB : Non, notamment chez les cadres et les cadres supérieurs. Globalement, si on compare entre le secteur privé et le secteur public... Je me méfie toujours des comparaisons en masse, mais on a maintenant un document qui est présenté chaque année aux partenaires sociaux, qui est l'Observatoire de l'emploi public, où l'on voit que sur les premiers postes, globalement, on est plutôt un peu mieux payé dans la fonction publique que dans le secteur privé. En revanche, le personnel d'encadrement est moins bien payé. Ce sont les chiffres qui nous sont donnés par cet Observatoire de l'emploi public et qui sont à la disposition de tout le monde.
QUESTION : Il faut bien distinguer pour que les auditeurs et les téléspectateurs comprennent bien qu'il y a trois fonctions publiques : la fonction publique d'Etat, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale. Je regardais les chiffres de l'Insee : les salaires moyens dans la fonction publique territoriale sont inférieurs de 25 % à ceux de la fonction publique d'Etat.
Christian JACOB : Oui, parce que dans la fonction publique territoriale, vous avec une majorité da catégorie C. Il y a globalement trois catégories de fonctionnaires...
QUESTION : C'est compliqué !
Christian JACOB : Oui, je n'y peux rien.
QUESTION : On va changer cela, on pourrait changer cela ou pas ?
Christian JACOB : On est en train d'évoluer. Vous savez qu'il existait dans la fonction publique d'Etat mille corps. C'est-à-dire que dans chaque corps de métier, vous avez un concours spécifique d'entrée, un régime indiciaire qui est la base de la rémunération, un régime indemnitaire différent. On a décidé de fusionner les corps. Depuis vingt ans, on en fusionne deux à trois par an. Cette année, à la demande de D. de Villepin, ce sont 234 corps qui ont été fusionnés, c'est plus de 20 %, 25 % des corps qui ont été fusionnés. Donc on avance dans ce sens-là. Mais globalement, vous avez trois catégories d'agents : les agents d'exécution, qui sont plutôt dans les cadres C, même s'il y a aussi des postes de management en catégorie C. Ensuite, les catégories B et les catégories A qui sont les cadres supérieurs. Dans la territoriale, il y a plus de C, c'est pour cela que les niveaux de salaire sont en moyenne moins élevés.
QUESTION : Vous offrez 0,8 % d'augmentation au 1er février...
Christian JACOB : ...Qui s'ajoute à 0,5 % au 1er juillet, et à 0,2 % au 1er novembre, ce qui fait donc 1,5 sur les neuf derniers mois, ce qui est l'équivalent de l'inflation sur les douze mois 2006.
QUESTION : Rien de plus avant la présidentielle ?
Christian JACOB : Non.
QUESTION : Il y aura une loi de finances particulière ?
Christian JACOB : Pas de promesses.
QUESTION : Rien de plus avant la fin de l'année ?
Christian JACOB : Non. On est à trois mois d'une échéance majeure qui sera suivie par une loi de finances rectificative. Donc ce n'est pas aujourd'hui que l'on va ouvrir des négociations ?
QUESTION : Quel est le problème dans la fonction publique, est-ce que les fonctionnaires se sentent un peu déconsidérés dans ce pays ? Est-ce qu'il y a un divorce entre le privé et le public, très prononcé, et que l'on entend, il suffit de rencontrer les uns et les autres pour le comprendre.
Christian JACOB : Je pense qu'il y a deux problèmes : on a un premier problème d'attractivité, parce que je suis convaincu que 40 % de départs à la retraite dans les dix ans qui viennent, il faut se poser la question de l'attractivité sur le secteur public. Et donc, à partir de là, redonner davantage de perspective de carrière. Un des drames de la fonction publique, c'est que bien souvent, au bout de quinze ans, vingt ans d'activité professionnelle, on n'est plus capable d'offrir des perspectives à nos agents. Et cela, ce n'est pas normal. Cela veut dire que l'Etat employeur n'a pas rempli son rôle depuis les quinze, vingt dernières années.
QUESTION : Donc revaloriser les métiers de la fonction publique et attirer des jeunes ?
Christian JACOB : Et surtout, donner des perspectives d'un déroulement de carrière, c'est-à- dire de dire qu'au bout de quinze ans, je peux avoir quelque chose de supplémentaire. A la demande du président de la République, lorsque l'on a mis en place la reconnaissance de l'expérience professionnelle - c'est-à-dire que dans la fonction publique, tout est régi par des concours - eh bien au bout de quinze ans ou de vingt ans d'activités professionnelles, on n'est pas souvent dans les meilleures conditions pour passer un concours qui est souvent très académique, et en gros, ceux qui sortent de l'école seront toujours les mieux placés. Et pourtant, il y a un vrai savoir-faire qu'on ne valorise pas. Et donc, ce que nous mettons en place, reconnaissance de l'expérience professionnelle, validation des acquis de l'expérience, sont de moyens de pouvoir avancer. De la même façon que l'on double les promotions de catégorie C vars la catégorie B, de la catégorie B vers la catégorie A, là aussi, pour permettre d'avancer, pour montrer qu'on peut évoluer et que l'on a de formidables métiers dans la fonction publique et que dans bien des domaines, la fonction publique n'a rien à envier au secteur privé. Il faut arrêter de battre sa coulpe en permanence sur la fonction publique ! On n'est pas dans un secteur qui est poussiéreux, arriéré, pas du tout ! Dans beaucoup de domaines, au contraire, c'est moderne.
[...]Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 février 2007