Texte intégral
Travailleuses,
travailleurs,
camarades et amis
« Les profs n'ont jamais été autant courtisés », affirme aujourd'hui le titre d'un quotidien.
Les deux candidats, que la télévision et la grande presse présentent comme les vedettes du spectacle présidentiel, sont entourés de conseillers avisés en publicité. La publicité ciblée est en direction des enseignants la semaine où ceux-ci comptent faire entendre leur mécontentement le 8 février.
Les enseignants ont toutes les raisons d'être mécontents. La suppression de postes à l'Education nationale, une des raisons du mécontentement à côté des revendications salariales et la dégradation des conditions de travail, concerne toute la population. Car il y a bien une crise à l'Education nationale, une crise qui ne date pas d'aujourd'hui. Ses causes sont parfaitement connues : depuis des années, des décennies même, l'État ne consacre pas sur son budget le financement nécessaire pour que l'Education nationale puisse faire face convenablement à ses responsabilités.
Les enseignants sont en nombre insuffisant et au lieu d'embaucher, on supprime des postes. Il y a des réductions drastiques dans le personnel non enseignant dont l'activité est tout aussi indispensable pour que les écoles fonctionnent correctement, des maternelles aux collèges et aux lycées : surveillants, infirmières, assistantes sociales, personnel administratif et technique. Pas assez de locaux et pas toujours correctement entretenus. Résultat : une grande partie des enfants et des adolescents est laissée à l'abandon, n'accède plus à un minimum de culture et même pas à l'apprentissage de la vie en société. Et ce manque d'effectifs en enseignants, et plus généralement en adultes, concerne essentiellement les quartiers populaires, les enfants et les adolescents qui ne peuvent trouver que rarement dans le milieu familial de quoi suppléer les carences des écoles. C'est à l'école de s'adapter et d'augmenter ses moyens en fonction des besoins, et pas l'inverse !
C'est une évolution dramatique car l'avenir dépend de cette jeunesse en devenir.
Je suis, bien entendu, solidaire de l'action des enseignants, des salariés de la fonction publique
et territoriale, des hospitaliers participant au mouvement, ainsi que des cheminots qui manifestent le même jour. J'appelle tous nos amis et camarades des secteurs concernés à participer à la grève et aux manifestations. Il faut qu'elles soient un succès.
Il n'y a aucune raison d'accorder la moindre confiance aux promesses, aussi verbeuses que vagues, de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal . L'un comme l'autre essaient de faire le beau pour séduire la clientèle électorale. Mais leurs partis respectifs sont ceux qui se relaient au pouvoir depuis trente ans et sont les responsables directs de la grande misère de l'Education nationale !
Ni l'un ni l'autre n'ont été avares de « réformes » faisant mine de changer tantôt les méthodes d'enseignement, tantôt l'organisation générale du système éducatif. Mais s'il n'y a pas le personnel en nombre suffisant, c'est-à-dire le budget pour l'assurer, ces réformes, c'est de la poudre aux yeux !
Pour disputer à la gauche l'électorat des enseignants, Sarkozy n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Il promet des « revalorisations de salaires » et même une « révolution de l'école ».
Lui qui se posait la semaine dernière en représentant des travailleurs, le voilà à lever l'étendard de la révolution ! Oh, il n'y a pas de quoi faire trembler : qu'on apprécie le culot de l'acteur ou pas, ce n'est de toute façon que du spectacle. Ce qui ne l'est pas, ce sont les coups qu'il réserve au monde du travail.
Le projet de créer un nouveau contrat qui permettrait aux patrons de licencier quand et comme ils veulent. La limitation du droit de grève. Le projet de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux mis à la retraite, ce qui signifie encore moins d'enseignants, mais aussi moins de postiers ou d'infirmières.
La nouveau de la semaine -si l'on peut dire-, c'est le projet d'augmenter la TVA, cet impôt particulièrement injuste car non proportionnel au revenu.
Et il fait cette proposition qui va augmenter l'imposition des pauvres alors qu'il annonce une baisse des impôts pour les plus riches. Il veut réduire encore plus, voire supprimer la fiscalité sur les successions. Il veut abaisser le plafond de 60 % à 50 % au-delà duquel un riche n'a pas à payer les impôts qui lui incombent. Il veut même intégrer la CSG dans ce bouclier fiscal. Ce qui signifie en clair que, même un salarié précaire ou un retraité au minimum vieillesse continuera à payer la CSG ; mais, en revanche, un milliardaire en sera exempté.
Il parle cependant quand même d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés. Comment ? Par les heures supplémentaires. Pour les travailleurs, c'est le droit de se crever au travail pour augmenter son salaire trop bas. Et pour le patron, le droit de ne payer aucun impôt ni aucune charge sociale sur la part du salaire censée payer les heures supplémentaires. C'est un beau cadeau mais il est pour les patrons. C'est aussi un encouragement pour les inciter à allonger la journée de travail de leurs effectifs déjà en poste plutôt que d'embaucher du personnel supplémentaire. Si, toutefois, les patrons en ont besoin, car de toute façon ce sont eux qui décident d'imposer des heures supplémentaires quand cela les arrange. Ce ne sont pas les travailleurs qui en décident. Et, accessoirement, ces heures supplémentaires sur lesquelles on ne paie pas de cotisations sociales ne seront pas comptées pour la retraite.
L'intensité du travail augmente partout depuis plusieurs années. Augmenter, en plus, la durée, c'est user les travailleurs et les rendre inaptes au travail en quelques années et quel que soit l'âge.
Je dis qu'il est criminel d'imposer des heures supplémentaires à ceux qui ont du travail. Ce qu'il faut faire c'est empêcher le patronat de licencier ou de recourir aux contrats précaires. Il faut remplacer les heures supplémentaires par des emplois supplémentaires.
Alors, la « feuille de route » de Sarkozy, s'il est élu, est claire. Ce sera la même politique que pendant les cinq ans écoulés, en plus grave encore. Car à la durée s'ajoutera la multiplication des mesures anti-ouvrières. La politique poursuivie pendant ces cinq ans a été désastreuse pour les travailleurs. Recul de l'âge de la retraite et pensions diminuées. Augmentation des cotisations à l'assurance maladie et remboursements sans cesse diminués. Précarité généralisée.
Le Premier ministre Villepin a eu le culot de se vanter de la diminution du chômage en prétendant qu'il est à son niveau le plus bas depuis sept ans ! C'est un mensonge grossier. Le gouvernement ne peut ni ne veut empêcher les patrons de licencier. Alors, il enlève à tour de bras des chômeurs des statistiques. Il n'y a jamais eu autant de radiations à l'ANPE.
Voilà l'avenir que voudrait nous réserver Sarkozy.
Mais est-ce que les travailleurs, les classes populaires, peuvent espérer mieux avec Ségolène Royal ? Oh, il y aura peut-être quelques mesures qui les différencieront l'un de l'autre !
Mais que fera-t-elle contre le chômage ? Que fera-t-elle contre la précarité ? Que fera-t-elle pour que les impôts servent aux services publics et compensent un tant soit peu les inégalités du système économique ?
La réponse est donnée aussi bien par le passé que par ce que dit Ségolène Royal aujourd'hui, et surtout par ce qu'elle ne dit pas.
Pendant le quart de siècle écoulé, la gauche et la droite ont passé à peu près le même temps au pouvoir. Il n'y a jamais eu rupture de continuité à l'occasion des changements de majorité. Il n'y a eu qu'aggravation plus ou moins brutale pour la condition ouvrière. Et, en se remémorant ce quart de siècle, on a du mal à se rappeler qui a porté tel ou tel coup contre le monde du travail. Elles en ont porté toutes les deux, l'une après l'autre ou ensemble.
En dernier, c'est le gouvernement Jospin, dont Ségolène Royal a fait partie, qui a tellement déçu le monde du travail que deux millions et demi d'électeurs de son propre électorat l'ont abandonné au premier tour de la présidentielle de 2002.
La droite comme la gauche ont contribué à une régression sociale profonde, aggravée encore par le recul des services publics, par leur détérioration : des services de grands hôpitaux fermés, des maternités ou des hôpitaux de proximité supprimés, des lignes locales de chemin de fer abandonnées, des bureaux de poste de village ou de quartier disparus.
Et à quoi Ségolène Royal s'engage-t-elle pour l'avenir ?
Elle veut revaloriser le Smic à 1500 euros brut, c'est-à-dire 1200 euros net d'ici cinq ans. Tout au plus, ajoute-t-elle ou l'ajoutent pour elle les dirigeants du PS, fera-t-on plus vite si c'est possible. 1200 euros net dans cinq ans ? Mais d'ici là, combien de salariés au Smic seront tombés dans la misère et ne pourront payer ni leur loyer ni le gaz ni l'électricité ?
Et c'est la même chose pour le logement. Ségolène Royal promet de faire construire 600.000 logements sociaux d'ici cinq ans. Mais rien que pour satisfaire ceux qui ont déposé une demande de logement en HLM, souvent depuis des années, il faudrait 1.200.000 logements, c'est-à-dire le double. Au rythme de Ségolène Royal, il faudrait donc dix ans pour que chaque demandeur ait un logement. Mais d'ici là, même si elle est élue en 2007, elle ne sera peut-être plus présidente, et son engagement n'engagera personne. Mais, surtout, que deviendront pendant ces dix ans ceux qui, aujourd'hui déjà, vivent dans des taudis ?
Quant à la fiscalité, à peine Hollande a-t-il proposé d'augmenter les impôts de ceux qui gagnent plus de 4.000 euros net par mois, ce qui aurait été une bonne initiative, qu'il s'est fait taper sur les doigts par la candidate !
Mais le fond du problème n'est même pas là. Les dirigeants politiques, quand bien même ils promettent, ne peuvent tenir leurs promesses. Car le véritable pouvoir ne leur appartient pas. On nous convie à élire un président de la République, puis des députés, dont émanera le prochain gouvernement, en prétendant que c'est cela, la démocratie et qu'avec leurs bulletins de vote, les électeurs ont leur avenir entre leurs mains.
Mais c'est une fumisterie. Président et ministres ne font qu'exécuter ce que leur demandent ceux qui assurent le véritable pouvoir dans ce pays, ceux qui possèdent les capitaux, les propriétaires des plus grosses entreprises, que personne n'a élus.
Le domaine social et le domaine économique sont intimement liés. C'est l'économie qui domine le pays, y compris les hommes politiques. Les grandes entreprises peuvent ruiner une ville, une région, ou au moins menacer de le faire, et les hommes politiques s'inclinent.
Aussi je tiens à affirmer bien haut dans cette campagne, et je serai la seule à le faire, que sans s'en prendre aux pouvoirs du grand patronat, on ne peut rien faire pour améliorer le sort des classes populaires, on ne peut même pas arrêter la dégradation de leurs conditions d'existence.
Derrière les dirigeants politiques et leurs discours mensongers, il y a le grand patronat et le système économique qu'il dirige et qui fonctionne à son profit ou au profit de ses mandataires, les financiers qui manipulent des capitaux énormes.
Dans ce système économique, c'est la concurrence, c'est la recherche du profit qui déterminent tout, y compris le choix de ce qu'on produit et de ce qu'on ne produit pas. Même ce qui est nécessaire à une vie normale n'est fabriqué en quantité suffisante que si sa production rapporte du profit. Et lorsqu'elle n'en rapporte pas assez, on l'abandonne.
Les hommes politiques, les médias et jusqu'à l'enseignement contribuent à inculquer l'idée que le profit est indispensable pour faire tourner l'économie. On nous dit que les profits élevés signifieraient que les entreprises sont en bonne santé et que des entreprises en bonne santé, c'est bon pour toute la société !
C'est une contre-vérité, un mensonge cynique, qu'on fait passer pour une vérité première. Car la société n'a aucun contrôle sur ces profits et sur l'usage qui en est fait. Ils sont, pour une large part, dilapidés par les classes riches en dépenses de luxe, yachts, jets privés, résidences secondaires, pierres précieuses ou oeuvres d'art. L'industrie du luxe est le seul secteur de l'économie qui marche bien.
Il est injuste et révoltant qu'un privilégié possède de multiples résidences qu'il n'habite pas alors qu'il y a des gens qui meurent de froid parce qu'ils sont contraints de dormir dans la rue. Il est injuste et révoltant que certains puissent payer bien plus pour une bouteille de vin millésimé qu'un salarié normal pour la nourriture de toute sa famille un mois durant. Mais le pire n'est même pas là.
Le pire, c'est la guerre que se livrent les grandes entreprises pour assurer le maximum de profits à leurs actionnaires, qui se traduit par un immense gâchis des ressources et du travail humain. Le pire, c'est que ce soit la Bourse et ses fluctuations, la spéculation financière, qui rythment la vie de la société et qui fait à un pôle la fortune extravagante de quelques-uns et à l'autre pôle ruine la vie de milliers d'autres.
La société n'exerce aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Ni directement ni par l'intermédiaire de l'État. Les conseils d'administration ont les mains libres de mener ce que par euphémisme on appelle la concurrence, mais qui est en réalité une guerre économique. Et peu importe à ceux qui dirigent la société que cette guerre économique soit menée comme toutes les guerres avec la peau de la population ! Peu leur importe que le duel entre deux grandes entreprises pour gagner l'une sur l'autre des parts de marché ou, comme c'est à la mode depuis plusieurs années, de se racheter les unes les autres, se traduit par des milliers de victimes ! Oh, pas des morts, en tout cas pas tout de suite, mais d'abord des chômeurs puis souvent des SDF !
Et le drame, c'est que ceux qui détiennent le pouvoir économique, c'est-à-dire le pouvoir tout court, n'utilisent pas leurs énormes profits pour des investissements productifs créateurs d'emplois. Ils appellent « investissements » le fait de se racheter les uns les autres. Mais non seulement ces rachats, ces OPA, ne représentent pas une force productive supplémentaire pour la société, ne créent pas d'emplois, mais ils se traduisent en général par des licenciements. C'est un immense gâchis pour toute la société !
Dans ce monde dominé par la finance, il n'y a pas de place pour les intérêts des classes populaires. Et c'est toute la société qui va droit dans le mur si ce sont ces gens-là qui continuent à décider du sort de tous, de notre sort.
La première des choses à faire, celle qui conditionne le reste, c'est de ne pas laisser aux mains des dirigeants des grandes sociétés la direction du pays et le sort des populations.
La première mesure qu'il faut imposer, c'est que la société, la collectivité, instituent un contrôle sur les comptabilités de toutes les grandes sociétés, et cela au jour le jour. Il ne s'agit pas seulement de donner le bilan qu'elles donnent aux comités d'entreprise, il s'agit d'élargir les moyens des comités d'entreprise, leur droit de contrôler les comptabilités, de désigner eux-mêmes des comptables et des experts qui contrôlent les comptes de ces géants qui dominent la société. Il faut contrôler les comptes en banque de ces sociétés mais aussi ceux de leurs dirigeants ou de leurs actionnaires et de leurs proches.
Il faut leur donner aussi le droit de rendre public tout cela, il faut aussi que la collectivité, la société civile, puissent jeter un oeil sur ce qui se passe dans les conseils d'administration, sur les projets à court terme ou à long terme qui concernent toute la population.
Je parle des comités d'entreprise, mais en réalité il faut que leur mode de désignation soit bien plus large afin que non seulement les salariés des entreprises mais aussi les consommateurs et toute la population puissent participer à ce contrôle.
Il faut libérer l'ensemble des salariés d'une entreprise du secret professionnel. On nous opposera le secret commercial, mais ce secret commercial est une fumisterie. Il n'y a pas de secret commercial entre les grandes sociétés, comme il n'y a pas entre elles de secret bancaire.
Le dirigeant d'une entreprise connaît tout sur les revenus de ses salariés. La justice, c'est que les salariés connaissent tout sur les revenus de leur patron, et pas seulement sa paie théorique.
Si l'on fait ce contrôle, vérifier d'où vient l'argent, par où il passe, et où il va, vérifier la valeur ajoutée, vérifier si les investissements qui figurent au bilan ne sont pas de simples rachats d'autres entreprises sans créer de force productive nouvelle, on verra qu'on peut satisfaire bien des revendications indispensables au monde du travail et, plus généralement, à la population.
D'abord, au lieu d'utiliser les profits à des rachats d'entreprises, on verrait qu'on peut les utiliser à des investissements dans des domaines indispensables à la société, investissements qui créeraient en même temps des emplois. On verrait aussi qu'on peut largement augmenter les salaires et les cotisations sociales du patronat. Les cotisations sociales font partie intégrante du salaire et il n'y a aucune raison de les diminuer.
Voilà les principales revendications indispensables au monde du travail.
Mes autres objectifs découlent de ce qui précède. On peut et on doit augmenter les retraites. On peut et on doit imposer le droit à un accès gratuit à la totalité des soins.
Un des problèmes majeurs pour les classes populaires est la question du logement. Cent mille personnes sans domicile. Un million qui n'ont pas de logement à elles et qui vivent dans des caravanes, des campings ou qui sont hébergées par des tiers. Plus de trois millions d'autres qui sont mal logées, obligées de vivre dans des logements dépourvus de salle d'eau, de WC ou de système de chauffage - voilà le bilan du « mal-logement » donné par la fondation de l'abbé Pierre. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, un million deux cent mille personnes sont sur des listes d'attente de HLM.
C'est une situation dramatique pour toutes les familles concernées. Elle exige une réponse immédiate. Elle est à portée de main. Les bras ne manquent pas pour construire. L'État pourrait prendre en charge un vaste programme de construction en réquisitionnant les terrains nécessaires, en créant lui-même un office national pour embaucher directement des architectes, des maçons, des plombiers, des électriciens, sans passer par les promoteurs immobiliers ou des bétonneurs à la Bouygues et sans leur verser un profit.
Quant au financement, la solution est tout aussi à portée de main. Toute la presse a fait écho à cette information d'un rapport officiel qui chiffre le montant total des « aides publiques aux entreprises » à 65 milliards d'euros. Cela représente tous les dégrèvements de charges sociales, toutes les réductions fiscales consenties aux entreprises, c'est-à-dire à leurs propriétaires et actionnaires. 65 milliards, cela représente plus que le budget de l'Education nationale et plus de six fois le trou de la Sécurité sociale.
Si cette somme était consacrée à construire des logements sociaux, en deux ans, toutes les demandes de HLM pourraient être satisfaites ! Mais cela implique qu'on cesse de faire des cadeaux à fonds perdus au grand patronat.
Alors, si je me présente, c'est pour dire aux miens, au monde du travail, qu'il ne faut pas être dupe des marionnettes politiques qui occupent le devant de la scène et qui nous jouent la comédie du pouvoir, alors que, derrière la scène, c'est le grand patronat qui tire les ficelles, quelle que soit la couleur des marionnettes.
Et cela, personne d'autre ne le dira dans cette campagne, et surtout aucun des deux candidats dont toute la presse répète qu'ils s'affronteront au deuxième tour et que c'est l'un d'eux qui inévitablement sera le président de la République.
Que Sarkozy ne le dise pas, c'est dans la nature de la droite. Mais son adversaire désignée, Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste, ne le dira pas plus.
Sarkozy, et la droite qu'il représente, est plus près du coeur et du porte-monnaie de la grande bourgeoisie parce qu'il se présente drapeau déployé comme son meilleur représentant. Mais Ségolène Royal est parfaitement acceptée par la bourgeoisie comme une alternative valable.
Mais même les candidats qui se veulent sur la gauche du PS ne défendent pas l'idée qu'il faut avoir le courage politique de s'en prendre au grand patronat !
Marie-George Buffet, bien qu'elle veuille regagner une partie du million et demi de votes de l'électorat du PC perdu à la suite des années Jospin et qui radicalise un peu son langage afin de se différencier un peu de Ségolène Royal, n'en souffle mot.
Certains de ses engagements, tels que les a publiés L'Humanité il y a quelques jours, sont pourtant bien tièdes. Sur le logement, si Marie-George Buffet parle de la création d'un « service public du logement et de l'habitat » et si elle propose que les loyers soient plafonnés à 20 % des revenus des ménages, elle ne dit pas qui obligera les propriétaires à louer à ces prix-là. Et, pour ce qui est de la construction des logements sociaux, elle parle, comme Ségolène Royal, de 600.000 logements en cinq ans.
Même tiédeur pour le Smic. Oh, elle s'engage à porter le Smic à 1500 euros dès l'été 2007, mais elle parle elle aussi de 1500 euros brut, en ajoutant seulement « pour aller rapidement à 1500 euros net ».
Sur ces questions, il faut lire ces engagements avec des yeux très attentifs pour y déceler une différence avec Ségolène Royal.
Pour le reste, pour les salaires supérieurs au Smic, pour ce qu'elle appelle la « sécurisation de l'emploi », elle renvoie à des « conférences nationales », c'est-à-dire à des négociations avec le patronat, qui auraient de quoi satisfaire les dirigeants syndicaux mais certainement pas les salariés.
Oh, il y a quand même quelques engagements plus nets comme l'abrogation de la loi Fillon et des décrets Balladur et le rétablissement du droit à la retraite à 60 ans à taux plein avec 37 annuités et demie de cotisation !
Mais, en réalité, ses promesses n'engagent qu'elle car elle a beau se présenter dans sa campagne comme la représentante d'une « gauche radicale de gouvernement », le seul gouvernement dont elle pourrait faire partie, le cas échéant, sera un gouvernement socialiste. Un tel gouvernement sera sous l'autorité de Ségolène Royal. Et Marie-George Buffet ne pourra que se taire ou démissionner, et elle ne fera pas plus que ce qu'elle a fait pendant les cinq ans où elle a été ministre du gouvernement Jospin.
Voter pour Marie-George Buffet, ce n'est que voter par procuration pour Ségolène Royal et la politique de cette dernière.
José Bové, qui vient d'annoncer sa candidature à l'élection présidentielle, ne dira pas, non plus, ce que je dis.
Ce n'est pas moi qui reprocherais à José Bové de se présenter. Et ce n'est pas moi non plus qui voudrait trancher qui, de lui ou de Marie-George Buffet, représente le mieux le conglomérat fumeux qui se revendique de « l'antilibéralisme », étiquette dont je ne me suis jamais revendiquée. Je ne me sens pas du tout en concurrence avec José Bové car mon combat ne se situe pas sur le même terrain. Je combats ceux qui possèdent l'économie. Ce sont eux qui sont responsables de l'anarchie du marché capitaliste. C'est ce que je serai la seule à dire.
Rien que pour revenir en arrière sur la régression sociale des dernières années, il faudra que les travailleurs imposent un certain nombre de revendications. Interdire les licenciements dans toutes les entreprises, à commencer par celles qui font du profit pour stopper la progression du chômage réel et de la précarité. Augmenter tous les salaires d'au moins 300 euros. Imposer un salaire minimum de 1500 euros net et qu'aucun salaire ne puisse y être inférieur quel que soit l'horaire. Transformer tous les contrats précaires en CDI.
Comme il faut imposer la suppression de toutes les mesures contre la retraite et les retraités prises par Balladur, maintenues par Jospin et aggravées par Raffarin, avec une pension qui soit au minimum égale au Smic réévalué.
Il faut aussi annuler toutes les privatisations dans les secteurs qui ont été des services publics ou qui devraient le devenir.
Pour financer l'amélioration indispensable des services publics, pour donner l'argent nécessaire aux écoles des quartiers populaires, aux hôpitaux, aux transports publics, il faut une progressivité importante des impôts sur le revenu en y incluant tous les revenus, en particulier ceux du capital et sans aucun « bouclier fiscal ». Il faut rétablir l'impôt sur les sociétés au moins à ce qu'il était sous Giscard, c'est-à-dire 50 % des bénéfices, et ne pas tolérer les niches fiscales.
Il faut rétablir les droits de succession au-dessus d'un certain seuil. Mais, en revanche, il faut supprimer ou au moins réduire notablement la TVA sur les produits consommés par les classes populaires.
Il faut réduire les taxes sur les carburants et j'ajouterai qu'il faut que l'État finance euro par euro toutes les charges qu'il a mises au compte des collectivités locales.
Ce ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là. Ce ne sont que les mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent leurs conditions d'existence d'il y a trente ans, où pourtant, déjà, la vie n'était pas rose pour le monde du travail.
Dans le passé, je parlais de « mesures d'urgence », d'un « plan d'urgence ». L'urgence est plus grande encore aujourd'hui, parce que la situation du monde du travail s'est encore aggravée. Eh oui, je me répète parce que, si les choses ont changé depuis trente ans, c'est en pire ! Mais les autres ne changent que leur vocabulaire et ils ont des conseillers spéciaux pour cela.
Le patronat comme les dirigeants de l'État, quelle que soit leur étiquette, nous diront que tout cela, ce n'est pas possible.
Les dirigeants de l'État nous répètent par exemple qu'il n'est pas possible de partir en retraite au même âge qu'il y a trente ans, Leur argument est qu'il y a de moins en moins d'actifs pour financer les caisses de retraites. Mais qu'ils donnent donc du travail à tous ceux qui n'en trouvent pas, le nombre d'actif serait augmenté au bas mot de trois millions de personnes actuellement au chômage ! Et puis, tous ceux qui sortent ce genre d'arguments feignent oublier que s'il y a moins d'actifs, la productivité de chacun d'eux a été plus que suffisamment augmentée pour assurer une retraite correcte à un âge où on peut encore en profiter. Il n'y a pas de raison que seuls les possédants tirent profit de l'accroissement de la productivité !
Les patrons, de leur côté, expliquent à chaque licenciement collectif que s'ils suppriment des emplois, c'est pour en sauver d'autres, qu'ils n'ont pas le choix, que c'est la concurrence ou que c'est la mondialisation.
Voilà pourquoi, même pour leur imposer les modestes objectifs que je viens d'énumérer, il faut que les travailleurs, que les consommateurs, que la population concernée, puissent contrôler le fonctionnement des entreprises, surtout leurs finances et leurs stratégies.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
Sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie, on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage,. Sans cela, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse. On ne peut disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre voulu pour donner un enseignement adapté à chacun.
Je sais que nombreux sont dans les classes populaires celles et ceux qui veulent avant tout que Sarkozy ne soit pas élu. Je sais que ce qui leur apparaît le plus urgent, c'est de se débarrasser du pouvoir de la droite.
Et moi-même, je peux affirmer que si, après le deuxième tour, Sarkozy était obligé de remballer sa morgue et sa hargne contre les classes populaires, cela me ferait bien plaisir.
Mais ce plaisir ne suffit pas. Ce n'est pas avec cela qu'on pourra payer son loyer, assurer l'éducation des enfants, se soigner ou trouver un travail ou un logement quand on n'en a pas.
Il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Cette politique de droite pourra être reprise à son compte aussi bien par un gouvernement de gauche, pour la bonne raison que c'est la politique exigée par le grand patronat. Depuis trente ans que la gauche et la droite se relaient à la tête de l'État, seules changent les équipes qui dirigent, pas la politique qu'elles mènent. Une politique destinée à réduire, toujours plus, la part des salariés pour accroître celle des possesseurs de capitaux.
Je me présente dans cette campagne pour que les travailleurs, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les enseignants, les techniciens, les chômeurs, les retraités et bien d'autres, puissent dire qu'ils ne se laisseront pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche. Il faut que les travailleurs puissent affirmer par leurs votes qu'ils ne se font aucune illusion sur les dirigeants politiques, qu'ils n'en attendent pas de solution à leurs véritables problèmes.
Je sais, bien sûr, que je ne peux pas être élue. Ne peuvent être élus dans le cadre des lois électorales que ceux qui sont appuyés par le grand capital, son argent, ses appareils politiques, son influence sur les chaînes de télévision.
Une candidate qui combat leur système n'a qu'une seule chance d'être élue : être portée par un très puissant mouvement social.
Mais, même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que le mouvement social se prolonge bien au-delà des élections et puisse imposer au patronat les décisions qui pourraient, qui devraient être prises contre leurs intérêts privés afin de sauver les intérêts de la collectivité.
Il faut que le mouvement social soit assez puissant pour briser la résistance du patronat lui-même.
Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. Mais je me présente pour indiquer au monde du travail cette voie, la seule pour renverser le mur de l'argent et tous ceux qui le protègent.
Plus il y aura de votes contestataires d'extrême gauche, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre.
Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient ceux qui, dans les classes populaires, en votant pour ma candidature, montrent qu'ils partagent les idées que je viens de défendre. Qu'ils montrent que, s'ils rejettent la droite, porte-parole et serviteur attitré du grand patronat, ils ne font pas pour autant confiance à la gauche qui a toujours trahi ceux qui l'ont élue par refus de toucher au grand patronat et à ses intérêts.
Et, surtout, il faut que les votes en faveur de l'extrême gauche qui conteste l'ordre social soient suffisamment nombreux pour que le grand patronat et ses serviteurs s'inquiètent de l'évolution de l'état d'esprit des classes populaires et qu'ils aient des raisons d'y entrevoir le mouvement social indispensable pour changer l'avenir, notre avenir à tous !
travailleurs,
camarades et amis
« Les profs n'ont jamais été autant courtisés », affirme aujourd'hui le titre d'un quotidien.
Les deux candidats, que la télévision et la grande presse présentent comme les vedettes du spectacle présidentiel, sont entourés de conseillers avisés en publicité. La publicité ciblée est en direction des enseignants la semaine où ceux-ci comptent faire entendre leur mécontentement le 8 février.
Les enseignants ont toutes les raisons d'être mécontents. La suppression de postes à l'Education nationale, une des raisons du mécontentement à côté des revendications salariales et la dégradation des conditions de travail, concerne toute la population. Car il y a bien une crise à l'Education nationale, une crise qui ne date pas d'aujourd'hui. Ses causes sont parfaitement connues : depuis des années, des décennies même, l'État ne consacre pas sur son budget le financement nécessaire pour que l'Education nationale puisse faire face convenablement à ses responsabilités.
Les enseignants sont en nombre insuffisant et au lieu d'embaucher, on supprime des postes. Il y a des réductions drastiques dans le personnel non enseignant dont l'activité est tout aussi indispensable pour que les écoles fonctionnent correctement, des maternelles aux collèges et aux lycées : surveillants, infirmières, assistantes sociales, personnel administratif et technique. Pas assez de locaux et pas toujours correctement entretenus. Résultat : une grande partie des enfants et des adolescents est laissée à l'abandon, n'accède plus à un minimum de culture et même pas à l'apprentissage de la vie en société. Et ce manque d'effectifs en enseignants, et plus généralement en adultes, concerne essentiellement les quartiers populaires, les enfants et les adolescents qui ne peuvent trouver que rarement dans le milieu familial de quoi suppléer les carences des écoles. C'est à l'école de s'adapter et d'augmenter ses moyens en fonction des besoins, et pas l'inverse !
C'est une évolution dramatique car l'avenir dépend de cette jeunesse en devenir.
Je suis, bien entendu, solidaire de l'action des enseignants, des salariés de la fonction publique
et territoriale, des hospitaliers participant au mouvement, ainsi que des cheminots qui manifestent le même jour. J'appelle tous nos amis et camarades des secteurs concernés à participer à la grève et aux manifestations. Il faut qu'elles soient un succès.
Il n'y a aucune raison d'accorder la moindre confiance aux promesses, aussi verbeuses que vagues, de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal . L'un comme l'autre essaient de faire le beau pour séduire la clientèle électorale. Mais leurs partis respectifs sont ceux qui se relaient au pouvoir depuis trente ans et sont les responsables directs de la grande misère de l'Education nationale !
Ni l'un ni l'autre n'ont été avares de « réformes » faisant mine de changer tantôt les méthodes d'enseignement, tantôt l'organisation générale du système éducatif. Mais s'il n'y a pas le personnel en nombre suffisant, c'est-à-dire le budget pour l'assurer, ces réformes, c'est de la poudre aux yeux !
Pour disputer à la gauche l'électorat des enseignants, Sarkozy n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Il promet des « revalorisations de salaires » et même une « révolution de l'école ».
Lui qui se posait la semaine dernière en représentant des travailleurs, le voilà à lever l'étendard de la révolution ! Oh, il n'y a pas de quoi faire trembler : qu'on apprécie le culot de l'acteur ou pas, ce n'est de toute façon que du spectacle. Ce qui ne l'est pas, ce sont les coups qu'il réserve au monde du travail.
Le projet de créer un nouveau contrat qui permettrait aux patrons de licencier quand et comme ils veulent. La limitation du droit de grève. Le projet de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux mis à la retraite, ce qui signifie encore moins d'enseignants, mais aussi moins de postiers ou d'infirmières.
La nouveau de la semaine -si l'on peut dire-, c'est le projet d'augmenter la TVA, cet impôt particulièrement injuste car non proportionnel au revenu.
Et il fait cette proposition qui va augmenter l'imposition des pauvres alors qu'il annonce une baisse des impôts pour les plus riches. Il veut réduire encore plus, voire supprimer la fiscalité sur les successions. Il veut abaisser le plafond de 60 % à 50 % au-delà duquel un riche n'a pas à payer les impôts qui lui incombent. Il veut même intégrer la CSG dans ce bouclier fiscal. Ce qui signifie en clair que, même un salarié précaire ou un retraité au minimum vieillesse continuera à payer la CSG ; mais, en revanche, un milliardaire en sera exempté.
Il parle cependant quand même d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés. Comment ? Par les heures supplémentaires. Pour les travailleurs, c'est le droit de se crever au travail pour augmenter son salaire trop bas. Et pour le patron, le droit de ne payer aucun impôt ni aucune charge sociale sur la part du salaire censée payer les heures supplémentaires. C'est un beau cadeau mais il est pour les patrons. C'est aussi un encouragement pour les inciter à allonger la journée de travail de leurs effectifs déjà en poste plutôt que d'embaucher du personnel supplémentaire. Si, toutefois, les patrons en ont besoin, car de toute façon ce sont eux qui décident d'imposer des heures supplémentaires quand cela les arrange. Ce ne sont pas les travailleurs qui en décident. Et, accessoirement, ces heures supplémentaires sur lesquelles on ne paie pas de cotisations sociales ne seront pas comptées pour la retraite.
L'intensité du travail augmente partout depuis plusieurs années. Augmenter, en plus, la durée, c'est user les travailleurs et les rendre inaptes au travail en quelques années et quel que soit l'âge.
Je dis qu'il est criminel d'imposer des heures supplémentaires à ceux qui ont du travail. Ce qu'il faut faire c'est empêcher le patronat de licencier ou de recourir aux contrats précaires. Il faut remplacer les heures supplémentaires par des emplois supplémentaires.
Alors, la « feuille de route » de Sarkozy, s'il est élu, est claire. Ce sera la même politique que pendant les cinq ans écoulés, en plus grave encore. Car à la durée s'ajoutera la multiplication des mesures anti-ouvrières. La politique poursuivie pendant ces cinq ans a été désastreuse pour les travailleurs. Recul de l'âge de la retraite et pensions diminuées. Augmentation des cotisations à l'assurance maladie et remboursements sans cesse diminués. Précarité généralisée.
Le Premier ministre Villepin a eu le culot de se vanter de la diminution du chômage en prétendant qu'il est à son niveau le plus bas depuis sept ans ! C'est un mensonge grossier. Le gouvernement ne peut ni ne veut empêcher les patrons de licencier. Alors, il enlève à tour de bras des chômeurs des statistiques. Il n'y a jamais eu autant de radiations à l'ANPE.
Voilà l'avenir que voudrait nous réserver Sarkozy.
Mais est-ce que les travailleurs, les classes populaires, peuvent espérer mieux avec Ségolène Royal ? Oh, il y aura peut-être quelques mesures qui les différencieront l'un de l'autre !
Mais que fera-t-elle contre le chômage ? Que fera-t-elle contre la précarité ? Que fera-t-elle pour que les impôts servent aux services publics et compensent un tant soit peu les inégalités du système économique ?
La réponse est donnée aussi bien par le passé que par ce que dit Ségolène Royal aujourd'hui, et surtout par ce qu'elle ne dit pas.
Pendant le quart de siècle écoulé, la gauche et la droite ont passé à peu près le même temps au pouvoir. Il n'y a jamais eu rupture de continuité à l'occasion des changements de majorité. Il n'y a eu qu'aggravation plus ou moins brutale pour la condition ouvrière. Et, en se remémorant ce quart de siècle, on a du mal à se rappeler qui a porté tel ou tel coup contre le monde du travail. Elles en ont porté toutes les deux, l'une après l'autre ou ensemble.
En dernier, c'est le gouvernement Jospin, dont Ségolène Royal a fait partie, qui a tellement déçu le monde du travail que deux millions et demi d'électeurs de son propre électorat l'ont abandonné au premier tour de la présidentielle de 2002.
La droite comme la gauche ont contribué à une régression sociale profonde, aggravée encore par le recul des services publics, par leur détérioration : des services de grands hôpitaux fermés, des maternités ou des hôpitaux de proximité supprimés, des lignes locales de chemin de fer abandonnées, des bureaux de poste de village ou de quartier disparus.
Et à quoi Ségolène Royal s'engage-t-elle pour l'avenir ?
Elle veut revaloriser le Smic à 1500 euros brut, c'est-à-dire 1200 euros net d'ici cinq ans. Tout au plus, ajoute-t-elle ou l'ajoutent pour elle les dirigeants du PS, fera-t-on plus vite si c'est possible. 1200 euros net dans cinq ans ? Mais d'ici là, combien de salariés au Smic seront tombés dans la misère et ne pourront payer ni leur loyer ni le gaz ni l'électricité ?
Et c'est la même chose pour le logement. Ségolène Royal promet de faire construire 600.000 logements sociaux d'ici cinq ans. Mais rien que pour satisfaire ceux qui ont déposé une demande de logement en HLM, souvent depuis des années, il faudrait 1.200.000 logements, c'est-à-dire le double. Au rythme de Ségolène Royal, il faudrait donc dix ans pour que chaque demandeur ait un logement. Mais d'ici là, même si elle est élue en 2007, elle ne sera peut-être plus présidente, et son engagement n'engagera personne. Mais, surtout, que deviendront pendant ces dix ans ceux qui, aujourd'hui déjà, vivent dans des taudis ?
Quant à la fiscalité, à peine Hollande a-t-il proposé d'augmenter les impôts de ceux qui gagnent plus de 4.000 euros net par mois, ce qui aurait été une bonne initiative, qu'il s'est fait taper sur les doigts par la candidate !
Mais le fond du problème n'est même pas là. Les dirigeants politiques, quand bien même ils promettent, ne peuvent tenir leurs promesses. Car le véritable pouvoir ne leur appartient pas. On nous convie à élire un président de la République, puis des députés, dont émanera le prochain gouvernement, en prétendant que c'est cela, la démocratie et qu'avec leurs bulletins de vote, les électeurs ont leur avenir entre leurs mains.
Mais c'est une fumisterie. Président et ministres ne font qu'exécuter ce que leur demandent ceux qui assurent le véritable pouvoir dans ce pays, ceux qui possèdent les capitaux, les propriétaires des plus grosses entreprises, que personne n'a élus.
Le domaine social et le domaine économique sont intimement liés. C'est l'économie qui domine le pays, y compris les hommes politiques. Les grandes entreprises peuvent ruiner une ville, une région, ou au moins menacer de le faire, et les hommes politiques s'inclinent.
Aussi je tiens à affirmer bien haut dans cette campagne, et je serai la seule à le faire, que sans s'en prendre aux pouvoirs du grand patronat, on ne peut rien faire pour améliorer le sort des classes populaires, on ne peut même pas arrêter la dégradation de leurs conditions d'existence.
Derrière les dirigeants politiques et leurs discours mensongers, il y a le grand patronat et le système économique qu'il dirige et qui fonctionne à son profit ou au profit de ses mandataires, les financiers qui manipulent des capitaux énormes.
Dans ce système économique, c'est la concurrence, c'est la recherche du profit qui déterminent tout, y compris le choix de ce qu'on produit et de ce qu'on ne produit pas. Même ce qui est nécessaire à une vie normale n'est fabriqué en quantité suffisante que si sa production rapporte du profit. Et lorsqu'elle n'en rapporte pas assez, on l'abandonne.
Les hommes politiques, les médias et jusqu'à l'enseignement contribuent à inculquer l'idée que le profit est indispensable pour faire tourner l'économie. On nous dit que les profits élevés signifieraient que les entreprises sont en bonne santé et que des entreprises en bonne santé, c'est bon pour toute la société !
C'est une contre-vérité, un mensonge cynique, qu'on fait passer pour une vérité première. Car la société n'a aucun contrôle sur ces profits et sur l'usage qui en est fait. Ils sont, pour une large part, dilapidés par les classes riches en dépenses de luxe, yachts, jets privés, résidences secondaires, pierres précieuses ou oeuvres d'art. L'industrie du luxe est le seul secteur de l'économie qui marche bien.
Il est injuste et révoltant qu'un privilégié possède de multiples résidences qu'il n'habite pas alors qu'il y a des gens qui meurent de froid parce qu'ils sont contraints de dormir dans la rue. Il est injuste et révoltant que certains puissent payer bien plus pour une bouteille de vin millésimé qu'un salarié normal pour la nourriture de toute sa famille un mois durant. Mais le pire n'est même pas là.
Le pire, c'est la guerre que se livrent les grandes entreprises pour assurer le maximum de profits à leurs actionnaires, qui se traduit par un immense gâchis des ressources et du travail humain. Le pire, c'est que ce soit la Bourse et ses fluctuations, la spéculation financière, qui rythment la vie de la société et qui fait à un pôle la fortune extravagante de quelques-uns et à l'autre pôle ruine la vie de milliers d'autres.
La société n'exerce aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Ni directement ni par l'intermédiaire de l'État. Les conseils d'administration ont les mains libres de mener ce que par euphémisme on appelle la concurrence, mais qui est en réalité une guerre économique. Et peu importe à ceux qui dirigent la société que cette guerre économique soit menée comme toutes les guerres avec la peau de la population ! Peu leur importe que le duel entre deux grandes entreprises pour gagner l'une sur l'autre des parts de marché ou, comme c'est à la mode depuis plusieurs années, de se racheter les unes les autres, se traduit par des milliers de victimes ! Oh, pas des morts, en tout cas pas tout de suite, mais d'abord des chômeurs puis souvent des SDF !
Et le drame, c'est que ceux qui détiennent le pouvoir économique, c'est-à-dire le pouvoir tout court, n'utilisent pas leurs énormes profits pour des investissements productifs créateurs d'emplois. Ils appellent « investissements » le fait de se racheter les uns les autres. Mais non seulement ces rachats, ces OPA, ne représentent pas une force productive supplémentaire pour la société, ne créent pas d'emplois, mais ils se traduisent en général par des licenciements. C'est un immense gâchis pour toute la société !
Dans ce monde dominé par la finance, il n'y a pas de place pour les intérêts des classes populaires. Et c'est toute la société qui va droit dans le mur si ce sont ces gens-là qui continuent à décider du sort de tous, de notre sort.
La première des choses à faire, celle qui conditionne le reste, c'est de ne pas laisser aux mains des dirigeants des grandes sociétés la direction du pays et le sort des populations.
La première mesure qu'il faut imposer, c'est que la société, la collectivité, instituent un contrôle sur les comptabilités de toutes les grandes sociétés, et cela au jour le jour. Il ne s'agit pas seulement de donner le bilan qu'elles donnent aux comités d'entreprise, il s'agit d'élargir les moyens des comités d'entreprise, leur droit de contrôler les comptabilités, de désigner eux-mêmes des comptables et des experts qui contrôlent les comptes de ces géants qui dominent la société. Il faut contrôler les comptes en banque de ces sociétés mais aussi ceux de leurs dirigeants ou de leurs actionnaires et de leurs proches.
Il faut leur donner aussi le droit de rendre public tout cela, il faut aussi que la collectivité, la société civile, puissent jeter un oeil sur ce qui se passe dans les conseils d'administration, sur les projets à court terme ou à long terme qui concernent toute la population.
Je parle des comités d'entreprise, mais en réalité il faut que leur mode de désignation soit bien plus large afin que non seulement les salariés des entreprises mais aussi les consommateurs et toute la population puissent participer à ce contrôle.
Il faut libérer l'ensemble des salariés d'une entreprise du secret professionnel. On nous opposera le secret commercial, mais ce secret commercial est une fumisterie. Il n'y a pas de secret commercial entre les grandes sociétés, comme il n'y a pas entre elles de secret bancaire.
Le dirigeant d'une entreprise connaît tout sur les revenus de ses salariés. La justice, c'est que les salariés connaissent tout sur les revenus de leur patron, et pas seulement sa paie théorique.
Si l'on fait ce contrôle, vérifier d'où vient l'argent, par où il passe, et où il va, vérifier la valeur ajoutée, vérifier si les investissements qui figurent au bilan ne sont pas de simples rachats d'autres entreprises sans créer de force productive nouvelle, on verra qu'on peut satisfaire bien des revendications indispensables au monde du travail et, plus généralement, à la population.
D'abord, au lieu d'utiliser les profits à des rachats d'entreprises, on verrait qu'on peut les utiliser à des investissements dans des domaines indispensables à la société, investissements qui créeraient en même temps des emplois. On verrait aussi qu'on peut largement augmenter les salaires et les cotisations sociales du patronat. Les cotisations sociales font partie intégrante du salaire et il n'y a aucune raison de les diminuer.
Voilà les principales revendications indispensables au monde du travail.
Mes autres objectifs découlent de ce qui précède. On peut et on doit augmenter les retraites. On peut et on doit imposer le droit à un accès gratuit à la totalité des soins.
Un des problèmes majeurs pour les classes populaires est la question du logement. Cent mille personnes sans domicile. Un million qui n'ont pas de logement à elles et qui vivent dans des caravanes, des campings ou qui sont hébergées par des tiers. Plus de trois millions d'autres qui sont mal logées, obligées de vivre dans des logements dépourvus de salle d'eau, de WC ou de système de chauffage - voilà le bilan du « mal-logement » donné par la fondation de l'abbé Pierre. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, un million deux cent mille personnes sont sur des listes d'attente de HLM.
C'est une situation dramatique pour toutes les familles concernées. Elle exige une réponse immédiate. Elle est à portée de main. Les bras ne manquent pas pour construire. L'État pourrait prendre en charge un vaste programme de construction en réquisitionnant les terrains nécessaires, en créant lui-même un office national pour embaucher directement des architectes, des maçons, des plombiers, des électriciens, sans passer par les promoteurs immobiliers ou des bétonneurs à la Bouygues et sans leur verser un profit.
Quant au financement, la solution est tout aussi à portée de main. Toute la presse a fait écho à cette information d'un rapport officiel qui chiffre le montant total des « aides publiques aux entreprises » à 65 milliards d'euros. Cela représente tous les dégrèvements de charges sociales, toutes les réductions fiscales consenties aux entreprises, c'est-à-dire à leurs propriétaires et actionnaires. 65 milliards, cela représente plus que le budget de l'Education nationale et plus de six fois le trou de la Sécurité sociale.
Si cette somme était consacrée à construire des logements sociaux, en deux ans, toutes les demandes de HLM pourraient être satisfaites ! Mais cela implique qu'on cesse de faire des cadeaux à fonds perdus au grand patronat.
Alors, si je me présente, c'est pour dire aux miens, au monde du travail, qu'il ne faut pas être dupe des marionnettes politiques qui occupent le devant de la scène et qui nous jouent la comédie du pouvoir, alors que, derrière la scène, c'est le grand patronat qui tire les ficelles, quelle que soit la couleur des marionnettes.
Et cela, personne d'autre ne le dira dans cette campagne, et surtout aucun des deux candidats dont toute la presse répète qu'ils s'affronteront au deuxième tour et que c'est l'un d'eux qui inévitablement sera le président de la République.
Que Sarkozy ne le dise pas, c'est dans la nature de la droite. Mais son adversaire désignée, Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste, ne le dira pas plus.
Sarkozy, et la droite qu'il représente, est plus près du coeur et du porte-monnaie de la grande bourgeoisie parce qu'il se présente drapeau déployé comme son meilleur représentant. Mais Ségolène Royal est parfaitement acceptée par la bourgeoisie comme une alternative valable.
Mais même les candidats qui se veulent sur la gauche du PS ne défendent pas l'idée qu'il faut avoir le courage politique de s'en prendre au grand patronat !
Marie-George Buffet, bien qu'elle veuille regagner une partie du million et demi de votes de l'électorat du PC perdu à la suite des années Jospin et qui radicalise un peu son langage afin de se différencier un peu de Ségolène Royal, n'en souffle mot.
Certains de ses engagements, tels que les a publiés L'Humanité il y a quelques jours, sont pourtant bien tièdes. Sur le logement, si Marie-George Buffet parle de la création d'un « service public du logement et de l'habitat » et si elle propose que les loyers soient plafonnés à 20 % des revenus des ménages, elle ne dit pas qui obligera les propriétaires à louer à ces prix-là. Et, pour ce qui est de la construction des logements sociaux, elle parle, comme Ségolène Royal, de 600.000 logements en cinq ans.
Même tiédeur pour le Smic. Oh, elle s'engage à porter le Smic à 1500 euros dès l'été 2007, mais elle parle elle aussi de 1500 euros brut, en ajoutant seulement « pour aller rapidement à 1500 euros net ».
Sur ces questions, il faut lire ces engagements avec des yeux très attentifs pour y déceler une différence avec Ségolène Royal.
Pour le reste, pour les salaires supérieurs au Smic, pour ce qu'elle appelle la « sécurisation de l'emploi », elle renvoie à des « conférences nationales », c'est-à-dire à des négociations avec le patronat, qui auraient de quoi satisfaire les dirigeants syndicaux mais certainement pas les salariés.
Oh, il y a quand même quelques engagements plus nets comme l'abrogation de la loi Fillon et des décrets Balladur et le rétablissement du droit à la retraite à 60 ans à taux plein avec 37 annuités et demie de cotisation !
Mais, en réalité, ses promesses n'engagent qu'elle car elle a beau se présenter dans sa campagne comme la représentante d'une « gauche radicale de gouvernement », le seul gouvernement dont elle pourrait faire partie, le cas échéant, sera un gouvernement socialiste. Un tel gouvernement sera sous l'autorité de Ségolène Royal. Et Marie-George Buffet ne pourra que se taire ou démissionner, et elle ne fera pas plus que ce qu'elle a fait pendant les cinq ans où elle a été ministre du gouvernement Jospin.
Voter pour Marie-George Buffet, ce n'est que voter par procuration pour Ségolène Royal et la politique de cette dernière.
José Bové, qui vient d'annoncer sa candidature à l'élection présidentielle, ne dira pas, non plus, ce que je dis.
Ce n'est pas moi qui reprocherais à José Bové de se présenter. Et ce n'est pas moi non plus qui voudrait trancher qui, de lui ou de Marie-George Buffet, représente le mieux le conglomérat fumeux qui se revendique de « l'antilibéralisme », étiquette dont je ne me suis jamais revendiquée. Je ne me sens pas du tout en concurrence avec José Bové car mon combat ne se situe pas sur le même terrain. Je combats ceux qui possèdent l'économie. Ce sont eux qui sont responsables de l'anarchie du marché capitaliste. C'est ce que je serai la seule à dire.
Rien que pour revenir en arrière sur la régression sociale des dernières années, il faudra que les travailleurs imposent un certain nombre de revendications. Interdire les licenciements dans toutes les entreprises, à commencer par celles qui font du profit pour stopper la progression du chômage réel et de la précarité. Augmenter tous les salaires d'au moins 300 euros. Imposer un salaire minimum de 1500 euros net et qu'aucun salaire ne puisse y être inférieur quel que soit l'horaire. Transformer tous les contrats précaires en CDI.
Comme il faut imposer la suppression de toutes les mesures contre la retraite et les retraités prises par Balladur, maintenues par Jospin et aggravées par Raffarin, avec une pension qui soit au minimum égale au Smic réévalué.
Il faut aussi annuler toutes les privatisations dans les secteurs qui ont été des services publics ou qui devraient le devenir.
Pour financer l'amélioration indispensable des services publics, pour donner l'argent nécessaire aux écoles des quartiers populaires, aux hôpitaux, aux transports publics, il faut une progressivité importante des impôts sur le revenu en y incluant tous les revenus, en particulier ceux du capital et sans aucun « bouclier fiscal ». Il faut rétablir l'impôt sur les sociétés au moins à ce qu'il était sous Giscard, c'est-à-dire 50 % des bénéfices, et ne pas tolérer les niches fiscales.
Il faut rétablir les droits de succession au-dessus d'un certain seuil. Mais, en revanche, il faut supprimer ou au moins réduire notablement la TVA sur les produits consommés par les classes populaires.
Il faut réduire les taxes sur les carburants et j'ajouterai qu'il faut que l'État finance euro par euro toutes les charges qu'il a mises au compte des collectivités locales.
Ce ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là. Ce ne sont que les mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent leurs conditions d'existence d'il y a trente ans, où pourtant, déjà, la vie n'était pas rose pour le monde du travail.
Dans le passé, je parlais de « mesures d'urgence », d'un « plan d'urgence ». L'urgence est plus grande encore aujourd'hui, parce que la situation du monde du travail s'est encore aggravée. Eh oui, je me répète parce que, si les choses ont changé depuis trente ans, c'est en pire ! Mais les autres ne changent que leur vocabulaire et ils ont des conseillers spéciaux pour cela.
Le patronat comme les dirigeants de l'État, quelle que soit leur étiquette, nous diront que tout cela, ce n'est pas possible.
Les dirigeants de l'État nous répètent par exemple qu'il n'est pas possible de partir en retraite au même âge qu'il y a trente ans, Leur argument est qu'il y a de moins en moins d'actifs pour financer les caisses de retraites. Mais qu'ils donnent donc du travail à tous ceux qui n'en trouvent pas, le nombre d'actif serait augmenté au bas mot de trois millions de personnes actuellement au chômage ! Et puis, tous ceux qui sortent ce genre d'arguments feignent oublier que s'il y a moins d'actifs, la productivité de chacun d'eux a été plus que suffisamment augmentée pour assurer une retraite correcte à un âge où on peut encore en profiter. Il n'y a pas de raison que seuls les possédants tirent profit de l'accroissement de la productivité !
Les patrons, de leur côté, expliquent à chaque licenciement collectif que s'ils suppriment des emplois, c'est pour en sauver d'autres, qu'ils n'ont pas le choix, que c'est la concurrence ou que c'est la mondialisation.
Voilà pourquoi, même pour leur imposer les modestes objectifs que je viens d'énumérer, il faut que les travailleurs, que les consommateurs, que la population concernée, puissent contrôler le fonctionnement des entreprises, surtout leurs finances et leurs stratégies.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
Sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie, on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage,. Sans cela, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse. On ne peut disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre voulu pour donner un enseignement adapté à chacun.
Je sais que nombreux sont dans les classes populaires celles et ceux qui veulent avant tout que Sarkozy ne soit pas élu. Je sais que ce qui leur apparaît le plus urgent, c'est de se débarrasser du pouvoir de la droite.
Et moi-même, je peux affirmer que si, après le deuxième tour, Sarkozy était obligé de remballer sa morgue et sa hargne contre les classes populaires, cela me ferait bien plaisir.
Mais ce plaisir ne suffit pas. Ce n'est pas avec cela qu'on pourra payer son loyer, assurer l'éducation des enfants, se soigner ou trouver un travail ou un logement quand on n'en a pas.
Il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Cette politique de droite pourra être reprise à son compte aussi bien par un gouvernement de gauche, pour la bonne raison que c'est la politique exigée par le grand patronat. Depuis trente ans que la gauche et la droite se relaient à la tête de l'État, seules changent les équipes qui dirigent, pas la politique qu'elles mènent. Une politique destinée à réduire, toujours plus, la part des salariés pour accroître celle des possesseurs de capitaux.
Je me présente dans cette campagne pour que les travailleurs, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les enseignants, les techniciens, les chômeurs, les retraités et bien d'autres, puissent dire qu'ils ne se laisseront pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche. Il faut que les travailleurs puissent affirmer par leurs votes qu'ils ne se font aucune illusion sur les dirigeants politiques, qu'ils n'en attendent pas de solution à leurs véritables problèmes.
Je sais, bien sûr, que je ne peux pas être élue. Ne peuvent être élus dans le cadre des lois électorales que ceux qui sont appuyés par le grand capital, son argent, ses appareils politiques, son influence sur les chaînes de télévision.
Une candidate qui combat leur système n'a qu'une seule chance d'être élue : être portée par un très puissant mouvement social.
Mais, même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que le mouvement social se prolonge bien au-delà des élections et puisse imposer au patronat les décisions qui pourraient, qui devraient être prises contre leurs intérêts privés afin de sauver les intérêts de la collectivité.
Il faut que le mouvement social soit assez puissant pour briser la résistance du patronat lui-même.
Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. Mais je me présente pour indiquer au monde du travail cette voie, la seule pour renverser le mur de l'argent et tous ceux qui le protègent.
Plus il y aura de votes contestataires d'extrême gauche, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre.
Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient ceux qui, dans les classes populaires, en votant pour ma candidature, montrent qu'ils partagent les idées que je viens de défendre. Qu'ils montrent que, s'ils rejettent la droite, porte-parole et serviteur attitré du grand patronat, ils ne font pas pour autant confiance à la gauche qui a toujours trahi ceux qui l'ont élue par refus de toucher au grand patronat et à ses intérêts.
Et, surtout, il faut que les votes en faveur de l'extrême gauche qui conteste l'ordre social soient suffisamment nombreux pour que le grand patronat et ses serviteurs s'inquiètent de l'évolution de l'état d'esprit des classes populaires et qu'ils aient des raisons d'y entrevoir le mouvement social indispensable pour changer l'avenir, notre avenir à tous !