Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres, Mes Chers Collègues,
Madame la Directrice générale,
Madame la Représente spéciale du Secrétaire général des Nations unies
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Nous voici réunis aujourd'hui à Paris pour traiter un sujet majeur, avec Ann Venemann, directrice générale de l'UNICEF, qui nous fait l'honneur de coprésider cette conférence. Je salue les très nombreux représentants des Etats et des organisations internationales et je me réjouis aussi de la présence de nombreux experts d'organisations non gouvernementales, ainsi que de "grands témoins".
Entre 250.000 et 300.000 enfants de notre planète sont aujourd'hui associés aux forces et groupes armés. Le chiffre exact n'est pas connu. Agés de moins de dix-huit ans, ces filles et ces garçons ne sont pas seulement des combattants. Ils servent aussi d'auxiliaires, de messagers, ils sont chargés de rançonner, d'espionner, ils sont souvent utilisés à des fins sexuelles.
Ils deviennent alors des enfants perdus pour la paix, perdus pour le développement de leur pays. Car même si les conflits s'achèvent, leur réinsertion dans la société civile est trop souvent exclue. N'oublions pas qu'à dix-huit ans, beaucoup de ces jeunes ont déjà parcouru la moitié de leur vie, dans des pays où l'espérance de vie dépasse rarement quarante ans. Les enjeux de cette situation inacceptable sont multiples. A la fois humains, sécuritaires et économiques. Il est aujourd'hui de notre responsabilité première, de notre intérêt commun, de briser ce cercle vicieux, qui continue d'alimenter dans une quasi-indifférence l'enlisement et la contagion des conflits, et handicape profondément toute perspective de développement durable.
Au cours de ces deux journées, vous entendrez les témoignages essentiels de jeunes qui sont parvenus à surmonter ces épreuves, avec une détermination inouïe et une capacité d'espérance qui nous dépasse tous. Vous entendrez aussi ceux des grands témoins qui les ont rencontrés, côtoyés, appuyés sans relâche dans cette épreuve, puis dans cet élan.
Si j'ai souhaité que nous soyons tous ici aujourd'hui réunis à Paris, dix ans après l'adoption des principes du Cap, un an jour pour jour après m'être rendu moi-même sur le terrain en Ouganda et au Burundi, c'est parce que je suis convaincu qu'ensemble, nous devons et nous pouvons enclencher un processus vertueux.
Car, pour moi, la responsabilité première du politique, la seule, d'une certaine façon, qui lui incombe en propre, c'est de tracer des perspectives.
A première vue, celles-ci ne sont guère encourageantes. Pour beaucoup d'observateurs, l'enfant qui n'a connu que la guerre, l'enfant pour qui la kalachnikov est le seul gagne-pain, et le maquis la plus accueillante des communautés, c'est un enfant perdu à jamais pour la paix et le développement. Je conteste cette fatalité. Nous avons les moyens de la vaincre. Nous pouvons faire mieux. Et c'est tout le sens de notre réunion. A ces enfants, à ces jeunes, il est essentiel de prouver qu'une autre vie est possible.
Depuis vingt ans, l'UNICEF, avec d'autres institutions internationales, et de nombreuses ONG, et grâce au soutien de nombreux Etats ici présents, dont la France, ont accompli avec dévouement un travail majeur sur le terrain.
La communauté internationale s'est saisie de cette question sur le plan normatif. La mise en place d'un Représentant spécial du Secrétaire général a été une avancée. Mme Coomaraswamy (Koumarasouami), qui occupe ce poste depuis un an et qui nous fait l'honneur d'être parmi nous, nous parlera de son action. Il y a dix ans, en Afrique du Sud, sous l'impulsion de Graça Machel, dont l'action en faveur des enfants est connue de tous, l'UNICEF et plusieurs ONG ont mis au point un premier document intitulé "Les Principes du Cap", qui a tracé les premiers axes d'une vaste campagne sur le terrain en faveur de la démobilisation, du désarmement et de la réinsertion de ces enfants. Dix ans après, nous sommes ici réunis, cette fois avec les représentants des Etats, pour confirmer ces engagements, les élargir, et leur donner une force politique.
Au cours de ces dix dernières années, les ONG ont effectué sans relâche sur le terrain un travail difficile et courageux. La création en 1998 de la "Coalition pour mettre fin à l'utilisation des enfants soldats" leur a permis de se regrouper pour renforcer leur efficacité. Mme Forbes Adam en témoignera. Grâce à vos efforts conjugués et constants, plusieurs avancées juridiques se sont produites ces dernières années :
- En 1999, la Convention 182 de l'Organisation internationale du Travail a été adoptée. Celle-ci définit l'emploi d'enfants de moins de 18 ans dans les conflits armés comme l'une des pires formes d'exploitation. En 2002, le Protocole additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant sur les enfants dans les conflits armés, dans lequel l'âge minimal de recrutement à une partie du conflit est relevé à 18 ans, est enfin entré en vigueur. A ce jour, 110 pays l'ont ratifié. Ce chiffre n'est pas suffisant. Nous devons obtenir une adhésion de la communauté internationale toute entière à ce Protocole dans les meilleurs délais.
Il y a aussi le travail récent et déterminé de la Cour Pénale Internationale, sous l'impulsion de Luis Moreno-Ocampo, procureur général de la Cour Pénale Internationale, que je remercie d'être présent aujourd'hui. La Cour sanctionne ceux qui commettent des crimes de guerre en enrôlant des enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés ou commettent des violences sexuelles contre ces enfants. Le premier procès qu'engagera la CPI est justement celui d'un chef de milice qui recrutait des enfants de moins de quinze ans.
Sous l'impulsion de la France et d'autres Etats, dont le Bénin, le Conseil de Sécurité a inscrit depuis 1999 la question des enfants soldats dans les conflits armés à son ordre du jour. Six résolutions ont été adoptées pour accroître progressivement la pression sur les responsables de violation des droits des enfants. Avec les résolutions 1539 et 1612, nous disposons désormais des instruments juridiques nécessaires. Un réseau de surveillance et d'alerte a été mis en place dans plusieurs pays en conflit, permettant la collecte, la vérification et la synthèse des informations.
Enfin, sous l'impulsion de la France, un groupe de travail spécifique a été mis en place sur un Conseil de sécurité en novembre 2005. C'est la France qui le préside, avec notre représentant Permanent, Jean-Marc Rochereau de la Sablière. Je souhaite ici rendre un hommage particulier à son opiniâtreté et à sa persévérance.
Mon pays a décidé d'augmenter sensiblement son appui à la problématique des enfants dans les conflits armés, en liaison avec l'UNICEF, le HCR et les ONG les plus immédiatement concernées, et avec un accent particulier sur la réinsertion. Nous avons ainsi achevé en janvier 2006 un programme trisannuel de coopération avec l'UNICEF en Afrique de l'Ouest et centrale. Nous allons mettre en place un nouveau programme de deux millions d'euros, et déployer des assistants techniques régionaux dans les zones les plus concernées. Le premier sera basé dans la région des Grands Lacs.
Mais le chemin qui reste à parcourir est considérable. En dépit des progrès réalisés depuis dix ans, l'enrôlement des enfants demeure une réalité lourde. Il est donc essentiel de renforcer la cohérence de nos programmes actuels, d'harmoniser les nouveaux principes avec les normes juridiques internationales d'aujourd'hui, et surtout de tirer la leçon des expériences acquises sur le terrain. Nous n'avons pas encore, loin de là, brisé ce cercle vicieux de l'économie de guerre et de violence, qui fait que l'enfant a plus intérêt à utiliser la kalachnikov que le cartable d'écolier. Cela nécessite un processus intégré, en plusieurs étapes, indissociables si on veut être efficace.
Je vous propose de les examiner à travers trois tables rondes auxquelles j'espère que vous pourrez tous participer ou vous associer.
La première session est intitulée "Libération, nécessité sans condition". Elle a pour objectif de définir les besoins spécifiques en matière de démobilisation d'enfants et de préciser les différentes pistes possibles. En application des règles de Droit de l'Homme et de Droit humanitaire auxquelles nous sommes attachés, il nous paraît essentiel d'obtenir la libération inconditionnelle des enfants à tout moment, avant, pendant et après un conflit. Le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo a bien voulu introduire avec d'autres la discussion sur ce thème. Je l'en remercie.
La deuxième session est intitulée "Réinsertion : urgence et développement". Elle a pour but de souligner l'importance et la complexité du processus de réinsertion des enfants dans leur famille, dans leur communauté. Je remercie le ministre de l'Education du Liberia d'avoir accepté d'introduire la discussion sur ce thème. De mon point de vue, il est central, car, sans réinsertion en perspective, toute action de démobilisation et de désarmement est vouée à l'échec.
La troisième session est intitulée "Stratégies pour prévenir le recrutement ou l'utilisation des enfants". Le débat est centré autour de plusieurs questions fondamentales : la responsabilité criminelle personnelle des recruteurs devant les instances nationales ; la responsabilité politique des chefs des groupes armés ; et enfin, la construction d'un environnement plus protecteur pour les enfants, leur procurant de réelles opportunités socio-économiques. Il est impératif que nous réduisions l'attrait que peuvent exercer sur beaucoup de ces jeunes les forces et les groupes armés.
A cet effet nous devons, là encore, renforcer notre action, mieux réintégrer ces jeunes, en leur permettant en particulier de se réinsérer dans un contexte civil. C'est un objectif à la fois prioritaire et difficile. Il convient tout particulièrement aujourd'hui de mieux appréhender les besoins spécifiques des filles. Violées, souvent devenues mères d'enfants nés de ces viols, considérées alors comme "impures" par leur communauté, elles deviennent, pour le restant de leur vie, des exclues.
A l'issue de cette réunion, nous vous proposerons de quitter Paris avec deux textes.
D'abord, dix ans après les "Principes du Cap", les "Principes de Paris". Ceux-ci viennent d'être élaborés depuis plusieurs mois par les experts de l'UNICEF, des ONG et d'organisations internationales, au terme d'une étroite concertation. Ils constituent un document destiné essentiellement à ceux qui travaillent sur le terrain pour faciliter leurs décisions au quotidien. Ces Principes sont fondés sur des années d'expérience et de travail dans les zones de conflits armés. Ils représentent un guide pratique destiné à assurer la cohérence des actions engagées sur l'ensemble de la planète. Les "Principes de Paris" prennent notamment en compte la problématique spécifique des filles et des jeunes mères, les questions judiciaires et celles des enfants réfugiés ou déplacés.
Ensuite, je proposerai demain à mes homologues d'adopter les "Engagements de Paris". Il s'agit d'une déclaration politique, la première du genre, visant à saluer et à appuyer la diffusion des "Principes de Paris", dont le texte leur a été soumis. Par ces engagements, nous, représentants des Etats, nous nous engagerons à tout mettre en oeuvre pour mettre fin à l'utilisation illégale et inacceptable des enfants dans les forces et groupes armés.
Face à cet enjeu essentiel qui nous concerne tous, puisse cette conférence apporter de réelles perspectives. Envers ces enfants, qui sont l'avenir de notre humanité commune, il y va de notre crédibilité, de notre responsabilité et de notre intérêt à tous.
"Libérons-les de la guerre" !
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 février 2007
Madame la Directrice générale,
Madame la Représente spéciale du Secrétaire général des Nations unies
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Nous voici réunis aujourd'hui à Paris pour traiter un sujet majeur, avec Ann Venemann, directrice générale de l'UNICEF, qui nous fait l'honneur de coprésider cette conférence. Je salue les très nombreux représentants des Etats et des organisations internationales et je me réjouis aussi de la présence de nombreux experts d'organisations non gouvernementales, ainsi que de "grands témoins".
Entre 250.000 et 300.000 enfants de notre planète sont aujourd'hui associés aux forces et groupes armés. Le chiffre exact n'est pas connu. Agés de moins de dix-huit ans, ces filles et ces garçons ne sont pas seulement des combattants. Ils servent aussi d'auxiliaires, de messagers, ils sont chargés de rançonner, d'espionner, ils sont souvent utilisés à des fins sexuelles.
Ils deviennent alors des enfants perdus pour la paix, perdus pour le développement de leur pays. Car même si les conflits s'achèvent, leur réinsertion dans la société civile est trop souvent exclue. N'oublions pas qu'à dix-huit ans, beaucoup de ces jeunes ont déjà parcouru la moitié de leur vie, dans des pays où l'espérance de vie dépasse rarement quarante ans. Les enjeux de cette situation inacceptable sont multiples. A la fois humains, sécuritaires et économiques. Il est aujourd'hui de notre responsabilité première, de notre intérêt commun, de briser ce cercle vicieux, qui continue d'alimenter dans une quasi-indifférence l'enlisement et la contagion des conflits, et handicape profondément toute perspective de développement durable.
Au cours de ces deux journées, vous entendrez les témoignages essentiels de jeunes qui sont parvenus à surmonter ces épreuves, avec une détermination inouïe et une capacité d'espérance qui nous dépasse tous. Vous entendrez aussi ceux des grands témoins qui les ont rencontrés, côtoyés, appuyés sans relâche dans cette épreuve, puis dans cet élan.
Si j'ai souhaité que nous soyons tous ici aujourd'hui réunis à Paris, dix ans après l'adoption des principes du Cap, un an jour pour jour après m'être rendu moi-même sur le terrain en Ouganda et au Burundi, c'est parce que je suis convaincu qu'ensemble, nous devons et nous pouvons enclencher un processus vertueux.
Car, pour moi, la responsabilité première du politique, la seule, d'une certaine façon, qui lui incombe en propre, c'est de tracer des perspectives.
A première vue, celles-ci ne sont guère encourageantes. Pour beaucoup d'observateurs, l'enfant qui n'a connu que la guerre, l'enfant pour qui la kalachnikov est le seul gagne-pain, et le maquis la plus accueillante des communautés, c'est un enfant perdu à jamais pour la paix et le développement. Je conteste cette fatalité. Nous avons les moyens de la vaincre. Nous pouvons faire mieux. Et c'est tout le sens de notre réunion. A ces enfants, à ces jeunes, il est essentiel de prouver qu'une autre vie est possible.
Depuis vingt ans, l'UNICEF, avec d'autres institutions internationales, et de nombreuses ONG, et grâce au soutien de nombreux Etats ici présents, dont la France, ont accompli avec dévouement un travail majeur sur le terrain.
La communauté internationale s'est saisie de cette question sur le plan normatif. La mise en place d'un Représentant spécial du Secrétaire général a été une avancée. Mme Coomaraswamy (Koumarasouami), qui occupe ce poste depuis un an et qui nous fait l'honneur d'être parmi nous, nous parlera de son action. Il y a dix ans, en Afrique du Sud, sous l'impulsion de Graça Machel, dont l'action en faveur des enfants est connue de tous, l'UNICEF et plusieurs ONG ont mis au point un premier document intitulé "Les Principes du Cap", qui a tracé les premiers axes d'une vaste campagne sur le terrain en faveur de la démobilisation, du désarmement et de la réinsertion de ces enfants. Dix ans après, nous sommes ici réunis, cette fois avec les représentants des Etats, pour confirmer ces engagements, les élargir, et leur donner une force politique.
Au cours de ces dix dernières années, les ONG ont effectué sans relâche sur le terrain un travail difficile et courageux. La création en 1998 de la "Coalition pour mettre fin à l'utilisation des enfants soldats" leur a permis de se regrouper pour renforcer leur efficacité. Mme Forbes Adam en témoignera. Grâce à vos efforts conjugués et constants, plusieurs avancées juridiques se sont produites ces dernières années :
- En 1999, la Convention 182 de l'Organisation internationale du Travail a été adoptée. Celle-ci définit l'emploi d'enfants de moins de 18 ans dans les conflits armés comme l'une des pires formes d'exploitation. En 2002, le Protocole additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant sur les enfants dans les conflits armés, dans lequel l'âge minimal de recrutement à une partie du conflit est relevé à 18 ans, est enfin entré en vigueur. A ce jour, 110 pays l'ont ratifié. Ce chiffre n'est pas suffisant. Nous devons obtenir une adhésion de la communauté internationale toute entière à ce Protocole dans les meilleurs délais.
Il y a aussi le travail récent et déterminé de la Cour Pénale Internationale, sous l'impulsion de Luis Moreno-Ocampo, procureur général de la Cour Pénale Internationale, que je remercie d'être présent aujourd'hui. La Cour sanctionne ceux qui commettent des crimes de guerre en enrôlant des enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés ou commettent des violences sexuelles contre ces enfants. Le premier procès qu'engagera la CPI est justement celui d'un chef de milice qui recrutait des enfants de moins de quinze ans.
Sous l'impulsion de la France et d'autres Etats, dont le Bénin, le Conseil de Sécurité a inscrit depuis 1999 la question des enfants soldats dans les conflits armés à son ordre du jour. Six résolutions ont été adoptées pour accroître progressivement la pression sur les responsables de violation des droits des enfants. Avec les résolutions 1539 et 1612, nous disposons désormais des instruments juridiques nécessaires. Un réseau de surveillance et d'alerte a été mis en place dans plusieurs pays en conflit, permettant la collecte, la vérification et la synthèse des informations.
Enfin, sous l'impulsion de la France, un groupe de travail spécifique a été mis en place sur un Conseil de sécurité en novembre 2005. C'est la France qui le préside, avec notre représentant Permanent, Jean-Marc Rochereau de la Sablière. Je souhaite ici rendre un hommage particulier à son opiniâtreté et à sa persévérance.
Mon pays a décidé d'augmenter sensiblement son appui à la problématique des enfants dans les conflits armés, en liaison avec l'UNICEF, le HCR et les ONG les plus immédiatement concernées, et avec un accent particulier sur la réinsertion. Nous avons ainsi achevé en janvier 2006 un programme trisannuel de coopération avec l'UNICEF en Afrique de l'Ouest et centrale. Nous allons mettre en place un nouveau programme de deux millions d'euros, et déployer des assistants techniques régionaux dans les zones les plus concernées. Le premier sera basé dans la région des Grands Lacs.
Mais le chemin qui reste à parcourir est considérable. En dépit des progrès réalisés depuis dix ans, l'enrôlement des enfants demeure une réalité lourde. Il est donc essentiel de renforcer la cohérence de nos programmes actuels, d'harmoniser les nouveaux principes avec les normes juridiques internationales d'aujourd'hui, et surtout de tirer la leçon des expériences acquises sur le terrain. Nous n'avons pas encore, loin de là, brisé ce cercle vicieux de l'économie de guerre et de violence, qui fait que l'enfant a plus intérêt à utiliser la kalachnikov que le cartable d'écolier. Cela nécessite un processus intégré, en plusieurs étapes, indissociables si on veut être efficace.
Je vous propose de les examiner à travers trois tables rondes auxquelles j'espère que vous pourrez tous participer ou vous associer.
La première session est intitulée "Libération, nécessité sans condition". Elle a pour objectif de définir les besoins spécifiques en matière de démobilisation d'enfants et de préciser les différentes pistes possibles. En application des règles de Droit de l'Homme et de Droit humanitaire auxquelles nous sommes attachés, il nous paraît essentiel d'obtenir la libération inconditionnelle des enfants à tout moment, avant, pendant et après un conflit. Le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo a bien voulu introduire avec d'autres la discussion sur ce thème. Je l'en remercie.
La deuxième session est intitulée "Réinsertion : urgence et développement". Elle a pour but de souligner l'importance et la complexité du processus de réinsertion des enfants dans leur famille, dans leur communauté. Je remercie le ministre de l'Education du Liberia d'avoir accepté d'introduire la discussion sur ce thème. De mon point de vue, il est central, car, sans réinsertion en perspective, toute action de démobilisation et de désarmement est vouée à l'échec.
La troisième session est intitulée "Stratégies pour prévenir le recrutement ou l'utilisation des enfants". Le débat est centré autour de plusieurs questions fondamentales : la responsabilité criminelle personnelle des recruteurs devant les instances nationales ; la responsabilité politique des chefs des groupes armés ; et enfin, la construction d'un environnement plus protecteur pour les enfants, leur procurant de réelles opportunités socio-économiques. Il est impératif que nous réduisions l'attrait que peuvent exercer sur beaucoup de ces jeunes les forces et les groupes armés.
A cet effet nous devons, là encore, renforcer notre action, mieux réintégrer ces jeunes, en leur permettant en particulier de se réinsérer dans un contexte civil. C'est un objectif à la fois prioritaire et difficile. Il convient tout particulièrement aujourd'hui de mieux appréhender les besoins spécifiques des filles. Violées, souvent devenues mères d'enfants nés de ces viols, considérées alors comme "impures" par leur communauté, elles deviennent, pour le restant de leur vie, des exclues.
A l'issue de cette réunion, nous vous proposerons de quitter Paris avec deux textes.
D'abord, dix ans après les "Principes du Cap", les "Principes de Paris". Ceux-ci viennent d'être élaborés depuis plusieurs mois par les experts de l'UNICEF, des ONG et d'organisations internationales, au terme d'une étroite concertation. Ils constituent un document destiné essentiellement à ceux qui travaillent sur le terrain pour faciliter leurs décisions au quotidien. Ces Principes sont fondés sur des années d'expérience et de travail dans les zones de conflits armés. Ils représentent un guide pratique destiné à assurer la cohérence des actions engagées sur l'ensemble de la planète. Les "Principes de Paris" prennent notamment en compte la problématique spécifique des filles et des jeunes mères, les questions judiciaires et celles des enfants réfugiés ou déplacés.
Ensuite, je proposerai demain à mes homologues d'adopter les "Engagements de Paris". Il s'agit d'une déclaration politique, la première du genre, visant à saluer et à appuyer la diffusion des "Principes de Paris", dont le texte leur a été soumis. Par ces engagements, nous, représentants des Etats, nous nous engagerons à tout mettre en oeuvre pour mettre fin à l'utilisation illégale et inacceptable des enfants dans les forces et groupes armés.
Face à cet enjeu essentiel qui nous concerne tous, puisse cette conférence apporter de réelles perspectives. Envers ces enfants, qui sont l'avenir de notre humanité commune, il y va de notre crédibilité, de notre responsabilité et de notre intérêt à tous.
"Libérons-les de la guerre" !
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 février 2007