Déclaration de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national et candidat à l'élection présidentielle, sur les éléments de son programme électoral concernant la chasse et la ruralité, Paris le 20 février 2007.

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Circonstance : Forum "Chasse en campagne" à Paris le 20 février 2007

Texte intégral

Monsieur le Président Charles-Henri de Ponchabon,
Messieurs les vice-Présidents : Henri Sabarot et Bernard Mathieu
Mesdames, Messieurs,
Merci de votre invitation à ce forum sur "chasse en campagne" que je décrypte comme la "chasse dans la ruralité".
De votre invitation adressée à tous les candidats, sans aucune exclusive, à la différence de la pratique de nombre d'organisations et de sociétés de pensée qui n'ont pas ce comportement républicain, je tire, Messieurs, un premier enseignement : vous ne pratiquez pas au moins la "chasse aux sorcières".
J'ai donc déjà là une raison de venir à votre rencontre aujourd'hui, après avoir fait des travaux pratiques sur le terrain, la semaine dernière, en Picardie, dans la Somme, avec les chasseurs de gibier d'eau.
Mais si je suis là avec plus que de la sympathie pour ceux qui ont de la terre des champs à leurs bottes et à leurs "pataugas", c'est pour des raisons profondes.
Je vais vous les exposer avant de vous exposer, bien sûr, ce que vous attendez évidemment de moi, à savoir le programme "Chasse et ruralité" de Jean-Marie Le Pen à l'Elysée.
D'abord :
les raisons de ma présence (I) ici chez vous, vous les acteurs au coeur de la ruralité
Et ensuite :
le programme de ma présidence pour vous, les femmes et les hommes de la ruralité (II)
I - LES RAISONS DE MA PRESENCE ICI
Je sais bien que vous représentez, en 70 000 associations et 10 000 associations communales de chasses agréées, bien plus que 1,3 million de chasseurs. Mais à mes yeux, votre importance et surtout votre nécessité ne se réduisent pas à un secteur économique de 23 000 emplois directs et de 2,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans l'armurerie, l'élevage, le petit commerce, l'hôtellerie, la venaison ou même la littérature. Parce que, de la "Gloire de mon père" chez Pagnol à Raboliot en Sologne, les histoires de chasse, sur les bartavelles ou les palombes, ça fait vendre. Et ça fait voter... aussi !
D'où l'intérêt que vous suscitez chaque cinq ans, où l'on vient vous lisser les plumes et vous caresser le poil. Avant, malheureusement, que les mêmes, une fois aux affaires, ne viennent vous tirer à Bruxelles à coups de directives...
Pour moi, vous êtes avec les paysans, que vous êtes d'ailleurs vous-mêmes professionnellement, les acteurs clefs de la ruralité. Or les racines de la France étant d'abord là, dans ses campagnes, la défense de la France dont vous savez qu'elle est le point nodal de mon combat national, passe forcément par votre défense d'acteurs de la ruralité.
Je suis donc ici à votre rendez-vous à la fois :
en réaction contre ce que vous subissez (A)
et en adhésion à ce que vous représentez (B)
A - Ma présence de réaction
Si je vous dis que je ne supporte ni la caricature, ni l'injustice, vous me croirez sur parole tant vous savez que je suis dans le monde politique celui que l'on a le plus violemment caricaturé et le plus injustement dénigré.
Eh bien ! Pour y être passé depuis vingt ans, je suis d'abord ici
contre la caricature qui est faites de vous (1°)
et contre l'injustice que vous subissez (2°).
1°) La caricature des chasseurs et des ruraux
Si on les écoute, m'sieurs dames de la France des plateaux, je veux dire les plateaux de télévision et non les plateaux de la cantine, les paysans sont des pollueurs et des empoisonneurs. Les éleveurs, eux, sont des "tortureurs" de poulets et de cochons. Les vignerons sont des "saoûleurs" et donc des fabricants de chauffards, pendant que vous, les chasseurs, vous seriez des "viandards", des tueurs de Bamby ou de "Rox et Roucky".
On vit dans une société qui a de la compréhension et de la compassion pour toutes les passions, surtout si elles ont un fumet de perversion.
On admet tout. On comprend tout. On pardonne tout, même les 15 000 piqûres annuelles qui tuent, dans les hôpitaux, au nom de l'euthanasie, mais le chasseur qui tire devrait, lui, faire repentance. Au nom de la mièvrerie d'aujourd'hui.
C'est là qu'est :
2°) L'injustice faites aux ruraux
Je sais bien que la dérive liberticide affecte tout le monde : les chauffeurs, les permis à points, les radars, la cigarette interdite, le vin mis en examen, le tube de dentifrice ou le flacon de parfum que l'on ne peut plus avoir sur soi dans un avion, la liste est sans fin des interdits d'aujourd'hui.
Plus les tabous tombent et plus les interdits montent.
Sous cet angle-là, les chasseurs seraient logés à la même enseigne de notre société où les "soixante-huitards" qui voulaient tout libérer sont en train de tout enrégimenter.
Mais c'est pire pour les chasseurs qui subissent trois injustices révoltantes :
a) 1ère injustice : celle sur les armes
Des armes de guerre peuvent circuler sans contrôle dans les banlieues, mais les fusils de chasse, eux, font l'objet de 20 décrets et arrêtés pour les réglementer.
b) 2ème injustice : celle sur l'environnement et l'éconconditionnalité
Dans les années 60, les pouvoirs publics, avec Edgar Pisani, ministre de l'agriculture, ont fait un désastre écologique à coups de remembrement et d'extermination des haies et des bocages. Toutes les inondations en Bretagne sont sorties de là.
Or, vous, les chasseurs, qui êtes les derniers "méharistes" à parcourir le désert rural français, parce que l'on désertifie nos campagnes à coups d'élimination d'une ferme chaque 15 minutes, depuis 20 ans, voilà que l'on vous condamne.
Vous faites au quotidien de l'écologie, du terrain. Quand les écologistes professionnels ne s'intéressent qu'à l'exceptionnel, l'ours dans les Pyrénées, le loup dans le Mercantour, vous, vous gérez la nature en vraie : la grive, la palombe, le canard, le perdreau ou le lièvre, et on vous attaque.
Le terrain, c'est vous !
La défense de la nature, c'est vous !
Les vigies dans les forêts et les campagnes, c'est vous !
Et on vous traite de pirates...
Le protecteur de la nature accusé d'en être le destructeur, c'est fort dans l'injustice...
c) 3ème injustice : celle sur les conditions de vie
Tout le monde aurait le droit de vivre sa vie, ses coutumes, son régime alimentaire sans cochon, ses lieux de prière, ses foulards, sa barbe, ses horaires de piscine. Mais pour les chasseurs, eux, pour les paysans chez eux sur leurs terres, on ne comprend pas en revanche qu'ils puissent tirer leurs perdreaux dans les vignes du Languedoc ou leurs palombes dans les Landes.
Dans le Marais de Paris, on peut chasser le chapon sans date d'ouverture ou de fermeture, mais dans le marais de Picardie, on ne peut plus chasser le canard en février.
Cette discrimination faite aux ruraux, dans leur condition de vie, chez eux, est inadmissible.
B - Mon soutien d'adhésion
À la cause rurale :
il est quasi génétique (1°)
et profondément politique (2°)
1°) Ma génétique me rend cynégétique
Mon père et mon grand-père, patrons pêcheurs exceptés en effet, des deux côtés des Le Pen, aussi loin que l'on remonte, on est paysans de père en fils. Donc ruraux. Donc le plus souvent chasseurs.
Les miens sont les vôtres. Et quand je dis les miens, c'est ma famille, politique compris. Parce qu'à Bruxelles et Strasbourg, au Parlement européen, ce sont les miens qui vous défendent depuis vingt ans.
C'est déjà vous dire que
2°) Ma politique est bâtie sur la ruralité
J'ai présenté un plan rural pour "le matin des paysans", un plan Sully, en quelque sorte. Ce plan repose sur un principe : je le cite :
"Agriculture et ruralité : priorité nationale absolue".
Les mesures de ce programme agricole et rural, je vous les expose ici.
II - LE PROGRAMME RURAL DE MA PRESIDENCE
Mes mesures concernent :
d'une part l'agriculture et la ruralité globalement (B)
et d'autre part la chasse spécifiquement (A).
A - Mes mesures pour les chasseurs acteurs de la ruralité
Il y a les mesures à prendre à Paris (1°)
et celles à négocier, sinon imposer, à Bruxelles (2°).
1°) Les mesures à prendre à Paris
a) D'abord, les mesures institutionnelles
La chasse ne peut pas être rattachée au ministère de l'écologie avec son esprit de défiance et de sanction. Car c'est de la confiance qu'il faut rétablir au profit des chasseurs et des ruraux, avec le respect de ces hommes, de leurs traditions et de leurs libertés.
C'est pour cela que je rattacherai la chasse à un grand ministère de l'agriculture et de la nature.
De l'agriculture, parce que les chasseurs sont souvent agriculteurs ou toujours voisins d'agriculteurs. Et un ministère aussi de la nature parce que les chasseurs sont les arpenteurs, les connaisseurs et les protecteurs de la nature.
La chasse, qui relève à la base des Directions Départementales de l'Agriculture, doit relever aussi, en haut, du ministère de l'agriculture et de la nature. C'est une question de cohérence administrative.
b) Ma 2ème mesure sera l'élagage des réglementations
Je vais éclaircir, comme on dit pour un arbre, le droit de la chasse spécialement, mais aussi le droit français en général. Car la France, "mère des arts et des armes" doit redevenir "mère des lois". Ce qui veut dire tailler dans le maquis des sous-bois législatifs.
Permettez-moi un seul exemple d'actualité, en ce mois de février, au moment où nous payons notre tiers et où nous allons déclarer nos revenus 2006. Alors que des codes fiscaux modernes, en Russie, au Brésil et même au Maroc depuis cette année, fonctionnent avec 200 à 500 articles, notre Code Général des Impôts, en France, a 4 624 articles. Sans parler de tous les autres articles fiscaux qui sont éparpillés dans tous les autres codes, de l'urbanisme à la santé.
Il faut nettoyer cela. À chacun son "Kärcher". Moi, c'est sur le mur du droit que je vais nettoyer l'empilement des règlements pour que notre société puisse respirer.
Par exemple, quand il y a des centaines de milliers de cormorans, qui ne comprend qu'il faut alléger le règlement qui interdit leur chasse ?
Il faut donc simplifie à Paris, mais à Bruxelles aussi.
2°) Les mesures à prendre à Bruxelles
Tout le monde voit trois mesures. Il y en a en réalité une quatrième.
a) Il faut d'abord simplifier les deux directives oiseaux. Celle de 1979 et celle de 1992.
La première a une trentaine d'années. Elle est à toiletter.
La deuxième est célèbre. C'est la directive Natura 2000 de 1992. Elle concerne les habitats, mais parle aussi des oiseaux. Il faut simplifier. Déréglementer.
b) Plus généralement, il suffit de tailler dans la forêt du droit communautaire.
La névrose sanitaire de l'Europe du nord, qui voit partout des salmonelles et des listeria, empêche nos ruraux de vivre tranquillement. Et les vignerons en savent quelque chose avec la loi Evin.
c) Mais le plus symbolique, vous le savez, ce sont les dates de la chasse.
Avant, pour les espèces migratoires, on allait du 14 juillet au 28 février. Maintenant, on va de la fin août à fin janvier. Et si on continue, on n'ira nulle part.
Tout cela sans que des études scientifiques indépendantes aient été faites. Et tout cela sans tenir compte du principe de subsidiarité.
Et c'est là où la 4ème mesure est à prendre à Bruxelles.
d) La 4ème mesure essentielle, c'est de ne plus décider à Bruxelles.
Au nom de la subsidiarité, au nom de la souveraineté, au nom de laisser vivre les gens en paix, je dis aux 33 000 fonctionnaires de Bruxelles, à 15 000 euros mensuels, qu'ils s'occupent de ce qui les regarde.
Et je le dis au nom du principe que charbonnier est maître chez soi. Au nom du fait qu'on n'a qu'une vie. Qu'elle ne dure que 700 000 heures et qu'on en a déjà trop perdues depuis que le 29 mai 2005 on a voté non à ce carcan européen sans que ce non ait été respecté.
C'est vrai pour la chasse. Vous le savez. C'est vrai pour la ruralité en général.
B - Mon plan pour la ruralité
Il est fait de quatre mesures, je vous les énumère (1°),
et d'une perspective d'avenir que je vous révèle (2°).
1°) L'énumération de mes 4 mesures rurales
Je l'ai dit et écrit au Président de l'Association des maires ruraux. À l'Elysée, je prendrai les quatre mesures clefs suivantes pour la ruralité :
a) Création d'un Fonds d'Intervention pour la Ruralité (FIR), sur le modèle du Fonds d'Intervention pour la Ville (FIV).
Ce Fonds d'Intervention pour la Ruralité aura pour mission d'assurer l'équité territoriale en France de telle façon que les habitants des communes rurales :
jeunes
mères de famille
personnes âgées
bénéficient de la même qualité de services publics et de solidarité que celle qui est offerte en milieu urbain.
b) Création d'une Dotation Rurale d'Equité Sociale (DRES)
Aujourd'hui, au titre des concours financiers de l'Etat, les communes rurales s'alimentent avec des dotations. Il faut les compléter par une nouvelle dotation que j'appellerai Dotation Rurale d'Equité Sociale (DRES).
C'est cette dotation qui va financer notamment les services à la personne, pour les jeunes, les personnes âgées, les mères de famille. C'est elle qui devra financer les "Maisons de vie rurale" où je regrouperai au minimum au niveau cantonal, tous les services publics nécessaires à la vie rurale, avec crèches, permanences sanitaires, gardes pharmaceutiques, assistance à domicile, transports médicalisés d'urgence, services publics de base...
Il n'est pas acceptable que nos communes de la Creuse, la Lozère, de tout le Sud-Ouest ou nos communes de montagne se trouvent démunies, oubliées, pour ne pas dire abandonnées, et en état de sous-développement durable.
Cette Dotation Rurale d'Equité Sociale, instituée par la France, devra, lors de la présidence française de l'Union européenne, de juillet à décembre 2008, être mise sur le tapis des négociations européennes.
c) Création d'un Conservatoire du vignoble
Ce Conservatoire du vignoble sera bâti sur le modèle du Conservatoire du littoral. Avec le même budget de 35 millions d'euros et deux missions :
- conserver l'outil viticole contre les promoteurs
- financer une forte politique de mise en marché
d) Chèque de rupture du contrat de la préférence communautaire
Mon gouvernement négociera à Bruxelles un "chèque agricole", annuel, de compensation de la dette agricole, bâti sur le modèle du "chèque britannique" obtenu par Mme Thatcher à Fontainebleau en juin 1985. Vous vous souvenez de sa formule : "Je veux qu'on me rende ma monnaie...".
Eh bien ! Ce sera pareil pour nous. Je veux qu'on indemnise nos agriculteurs, souvent chasseurs, pour rupture du contrat de préférence communautaire.
Voilà pourquoi il faut indemniser cette rupture de contrat avec le "chèque agricole". Il servira à financer une Caisse de compensation de la dette agricole, créée sur le modèle de l'établissement public où a été cantonnée la dette du Crédit Lyonnais.
Ce chèque sera égal à la multiplication des valeurs des importations agricoles européennes par un coefficient d'indemnisation à négocier.
Mais l'essentiel pour moi n'est pas là. Pour moi, l'essentiel, c'est :
2°) La proclamation du Matin des paysans
Chacun croit que nos paysans sont condamnés inéluctablement. Et la ruralité avec. On a même la date de disparition : 2014. Là, c'est la fin des quotas laitiers, la fin de l'OCM sucre et la fin du budget agricole sanctuarisé jusqu'en 2013.
À l'OMC, Bruxelles a bien passé un accord planétaire où l'on échange la disparition de notre agriculture exportatrice au profit de l'hémisphère sud pour obtenir, dit-on, en échange l'ouverture de notre marché, de l'Amérique latine par exemple, au profit de notre industrie des services (assurance, banque, grande distribution...).
C'est cet accord planétaire sur le dos de nos ruraux que je récuse. Parce que c'est une sottise stratégique.
En effet, bientôt il va falloir faire face à un énorme appel d'offre alimentaire de la Chine et de l'Inde.
L'Inde va être importatrice massive parce que sa révolution verte a échoué et qu'elle va rajouter 600 millions de consommateurs.
La Chine va être aussi importatrice massive de produits agricoles parce que son hyper développement mange les terres et les paysans et que l'élévation de son niveau de vie se traduira par des importations massives de produits agricoles de qualité.
Un matin des paysans arrive donc. Mais qui répondra à cet appel d'offre planétaire ? Le Brésil est sur les rangs pour être la ferme du monde.
Moi, je veux que nos paysans soient toujours là, après 2013, pour sinon conquérir ce marché, du moins en avoir une grande part.
Alors voilà pourquoi, Messieurs mes amis, je suis ici.
Pour vous dire : tenez bon ! Le matin des paysans arrive et chacun sait que c'est au petit matin, quand le jour est en train de se lever, que l'on part tranquillement sur les chemins des bois ou des champs pour aller chasser. Avec à chacun son gibier. La conquête du marché alimentaire chinois et indien, c'est vraiment du gros gibier...
source http://www.frontnational.com, le 21 février 2007