Texte intégral
France Inter il est 8 heures 16 et je vous rappelle que c'est aujourd'hui Ségolène Royal qui se met en quatre. Bonjour madame.
Ségolène Royal
Bonjour.
Nicolas Demorand
On est ensemble jusqu'à 9 heures. Je vous rappelle les quatre moments de cette matinale spéciale. 8 heures 16, 17, dans quelques secondes, entretien sur votre programme dans cette campagne présidentielle, sur le moment politique aussi dans lequel on se trouve. A mes côtés Hélène Jouan, chef du service politique de France Inter. 8 heures 30 votre revue de presse. Vous êtes dans les locaux de France inter depuis l'aube pour lire les journaux et vous nous proposerez donc tout à l'heure votre analyse de la presse du jour. 8 heures 40 l'invité de l'invité. Vous êtes venue accompagner pour nous faire rencontrer quelqu'un dont vous vous sentez proche. Vous nous direz qui tout à l'heure. Et puis dernier moment 8 heures 50, c'est Inter Activ. Les auditeurs de France Inter ont la main et le micro pour vous interroger. Numéro de téléphone 01 45 24 70 00. Je vous le dis d'ores et déjà, il y a énormément d'appels ce matin. Alors commençons donc la première étape de cette matinée. Ces dernières semaines la presse, les commentateurs, les sondages vous donnaient perdante. C'était plié selon l'expression. Et désormais les choses semblent évoluer différemment. Comment vivez-vous ce contraste ? La campagne est-t-elle, d'après vous, à un tournant ?
Ségolène Royal
Oui en effet c'est une nouvelle étape qui s'ouvre. Tout simplement parce que c'est le déroulement de ce que j'avais prévu. Il y a d'abord une phase d'écoute, de démocratie participative, une nouvelle façon de faire de la politique tout simplement parce que je pense qu'il n'est plus possible de faire autrement, au sens où la gouvernance d'une société complexe nécessite cette phase d'écoute et cette compréhension de la façon dont les gens vivent tout simplement leur vie quotidienne et ce qu'ils attendent aujourd'hui de la politique. Je crois qu'il y a une montée des insécurités, des inquiétudes, des frustrations, de l'attente désespérée de quelque chose qui ne vient pas. Les Français ont le sentiment d'être tirés vers le bas et ils veulent d'abord et avant tout, que l'échéance présidentielle mette un coup d'arrêt à ce sentiment d'être tirés vers le bas et ensuite que la France se relève. Je suis la seule candidate à avoir pris du temps pour cette phase d'écoute. Elle m'a été d'ailleurs beaucoup reproché, donc il y a eu une attente. Les Français se sont parfois demandés si j'avais disparu et donc aujourd'hui ils me retrouvent avec mon pacte présidentiel. Pourquoi un pacte et pas un projet ou un programme ? Parce que ce pacte m'engage dans la mesure où je l'ai construit avec les Français et eux aussi, je leur demande de s'engager car je crois profondément que si chaque citoyen est à sa place avec son talent, son potentiel, sa volonté d'aller de l'avant, c'est comme ça que la France se redressera.
Nicolas Demorand
Aviez-vous perdu confiance ces dernières semaines quand on parlait de trou d'air, de cafouillage ? La scoumoune en quelque sorte dans l'équipe présidentielle.
Ségolène Royal
J'ai eu des interrogations parce que justement, je suis une femme politique qui écoute et qui est toujours en éveil et en adaptation. Et en même temps, je savais comment me raccrocher à mes convictions profondes sur la façon de changer la politique et donc j'ai décidé de tenir bon. Et j'ai eu raison.
Nicolas Demorand
Et pourquoi avez-vous éprouvé le besoin d'aller voir et ramener dans votre campagne un certain nombre de poids lourds du Parti socialiste alors que vous êtes arrivée à la position de candidate en vous portant, précisément, à la marge du Parti socialiste ? Pour quelles raisons donc avoir ramené les éléphants, comme on dit, dans la campagne?
Ségolène Royal
Parce que je crois que c'est nécessaire de rassembler sa famille. Je l'ai fais sur mes bases, c'est à dire après avoir arrêté et proposé le pacte présidentiel sur à la fois les valeurs socialistes, les valeurs de gauche mais aussi ma façon de voir la société française telle qu'elle est. Le souci d'un socialisme moderne qui regarde la réalité en face, qui ne s'enferme pas dans des dogmes mais qui, au contraire, assume une mutation de la pensée, des idées et des façons de faire. Avec ce que j'appelle, la morale de l'action. Je crois que les gans attendent une très forte efficacité et en même temps, qu'on soit au clair et fidèle à ces valeurs. C'est à dire à al fois assumer les clivages entre la droite et la gauche mais en même temps ne pas les proclamer mais les prouver. Et donc le moment était venu de rassembler toutes les énergies, les talents, les compétences.
Nicolas Demorand
Faire du neuf avec du vieux quand même non ?
Ségolène Royal
Ecoutez je crois que d'abord les militants socialistes et les électeurs de gauche attendaient ce rassemblement. Je pense, personnellement, que pour rassembler les socialistes la gauche et au-delà de la gauche tous ceux qui veulent que ça change en profondeur et que ça change durablement et que ça change vite. Alors à ce moment-la, il faut en effet rassembler et voilà qui est fait.
Nicolas Demorand
Encore une question de contexte. Est-ce que François Bayrou vous fait peur ?
Ségolène Royal
C'est pas vraiment le cas, il n'est pas un homme qui effraie, qui fait peur. Mais je comprends bien le sens de votre question.
Nicolas Demorand
J'ai plutôt l'impression qu'il vous fait rire, à vous entendre.
Ségolène Royal
Non parce que vous savez moi je respecte mes adversaires politiques. Et en même temps, je comprends qu'il y a un certain discours qui plait à une partie de l'opinion au sens où il y a un tel discrédit parfois sur la politique, qu'un responsable politique qui dit et ce n'est pas la première fois d'ailleurs, à chaque élection il avance cet argument, il y a plus de droite, il y a plus de gauche, mettons tous les gens de bonne volonté ensemble. C'est une espèce de discours de bons sens et je comprends que ce discours plaise. Seulement ce qu'il faut regarder lorsqu'on est un responsable politique, c'est comment se transforme le discours à l'épreuve des faits. Et moi je regarde les faits. Je suis présidente d'une région, vous le savez. Il y a beaucoup de chefs d'exécutif que ce soit dans les départements, les communes ou les régions et j'observe que nulle part, les élus de l'UDF ne viennent en appui des politiques de gauche lorsqu'elles sont conduites dans l'intérêt général.
Nicolas Demorand
L'UDF c'est la droite pour vous ?
Ségolène Royal
Les élus UDF est toujours et votent toujours avec la droite et font des campagnes de droite.
Nicolas Demorand
Et l'idée d'une grande coalition que lançait Daniel Cohn Bendit ici même , en disant justement que les gens de bonne volonté de l'UDF, du Parti socialiste et des Verts travaillent ensemble dans cette présidentielle à recomposer le paysage politique français, ça, ça vous semble aussi une idée à pousser de côté ?
Ségolène Royal
Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger, que la politique n'a rien à gagner dans le ramollissement des identités politiques. Qu'il y ait des rassemblements d'idées lorsqu'une majorité est au pouvoir et fait des choses intéressantes et qu'à ce moment-la l'Assemblée nationale ait des votes convergents. Quand j'ai, par exemple, créé le congé de paternité ou quand j'ai fais des réformes fondamentales sur les politiques familiales, j'ai observé qu'un certain nombre de parlementaires UDF ou UMP avaient soutenu un certain nombre de dispositions et réciproquement. Il arrive aux socialistes de voter les dispositions législatives qui ont intéressantes pour l'ensemble des Français qui dépassent les clivages politiques.
Nicolas Demorand
Mais pas formaliser ça dans une alliance ou une coalition à la française ?
Ségolène Royal
Je pense même que c'est assez dangereux. C'est très dangereux.
Nicolas Demorand
Pourquoi ?
Ségolène Royal
Parce qu'une fois de plus dans ce discours de la confusion, on cherche à empêcher les Français de choisir entre deux modèles de société, deux visions qui s'opposent et qui ne correspondent pas au même choix politique en profondeur. Et en particulier, je considère et ce n'est ni le cas du candidat de l'UMP, ni le cas du candidat de l'UDF, aujourd'hui que la relance économique de la France dépend de la capacité que nous aurons à sécuriser les salariés dans leur travail et non pas l'inverse. Je crois qu'on avancera pas avec la France en mettant une pincée de social dans un océan de libéralisme, ce que proposent les deux candidats de droite, mais bien au contraire en relançant la machine économique sur les trois piliers à égalité que sont le progrès économique, le progrès social et le progrès environnemental. Et ça c'est une mutation majeure que je propose à la France.
Nicolas Demorand
Encore un mot avant de passer la parole à Hélène Jouan. Quand on regarde les raisons qui poussent un certain nombre d'électeurs et même de gauche à se décider éventuellement pour François Bayrou, alors ceux de droite disent, Nicolas Sarkozy fait peur et ceux de gauche disent, nous jugeons que Segolene Royal n'est peut-être pas taillée pour le job, qu'elle n'est pas compétente pour être présidente de la République. Alors ça, ça vous suit depuis le début de votre ascension, depuis les primaires et même aujourd'hui dans la campagne. Alors qu'est-ce que vous répondez à cette critique récurrente sur votre capacité ou non à assumer la fonction présidentielle ?
Ségolène Royal
D'abord j'observe que si on m'attaque à titre personnel, c'est qu'on n'a pas grand chose à reprocher aux propositions et aux idées que j'avance. Je crois que je suis la seule, avoir été la seule à prendre le temps d'écouter les Français, à proposer des solutions, c'est à dire une vision différente de ce qui se passe aujourd'hui à l'échelle du monde et de la mondialisation à l'échelle de l'Europe avec les propositions de relance de l'Europe et à l'échelle de la France sur une autre façon d'engager le redressement du pays comme je viens de le préciser à l'instant. Donc du coup...
Nicolas Demorand
Mais comment tordre le coup à cette chose-la pour vous, politiquement ?
Ségolène Royal
D'abord je pense qu'il y a une grande part de misogynie dans ces attaques qui sont faites.
Nicolas Demorand
Vous croyez vraiment ?
Ségolène Royal
Je le pense. Je pense que n'importe quel homme politique qui aurait l'itinéraire politique que j'ai conduit, que j'ai construit, y compris sur déjà mes références de diplômes même si je pense que l'on peut faire de la politique sans diplômes mais enfin, la réalité est là. Je suis une ancienne élève de l'Ecole nationale d'administration, je suis diplômée d'économie, j'ai passé sept ans auprès de François Mitterand donc je connais les rouages de l'Etat et j'ai participé...
Nicolas Demorand
Et pourtant on dit, elle n'est pas taillée pour le job.
Ségolène Royal
Ecoutez je prouverais le contraire et en particulier parce que mon expérience politique est parfois supérieure à ceux qui me font ces attaques. J'ai été trois fois ministre, quatre fois parlementaire. Je suis présidente de région et tout ça en mettant quatre enfants au monde. Et en les élevant bien. Donc je pense que je n'ai d'abord aucune auto justification à faire et que ce sont les électeurs qui décident.
Nicolas Demorand
Hélène Jouan
Hélène Jouan
Dans une interview au Parisien hier, Ségolène Royal, vous disiez " il reste 71 jours avant l'élection ". Ca veut dire que vous êtes convaincue aujourd'hui d'être au second tour, qu'il n'y a pas de possibilités de 21 avril à nouveau ?
Ségolène Royal
Mais rien n'est écrit à l'avance. Tout se mérite. Et tout se mérite, surtout aujourd'hui dans un contexte où les Français sont extrêmement exigeants. Je l'ai compris, je l'ai vu. Dans ces milliers de débats participatifs. Ils ont raisons d'être exigeants parce qu'ils ont souvent été déçus. Ils savent aussi que la situation est difficile. Vous savez les Français ont la perception, même les plus modestes d'entre eux, de la situation d'endettement de la France, du déficit du commerce extérieur, des déficits des comptes sociaux. Ils savent que ce sera difficile et moi, je ne veux pas leur dire le contraire.
Hélène Jouan
Mais ça veut dire qu'il y a encore un risque Le Pen ou pas ?
Ségolène Royal
Je pense qu'il y a un risque d'un 21 avril à nouveau si il y a une dispersion des voix. Je crois que dans les sondages, l'extrême droite est sous estimée. On le sait puisqu'un certain nombre de personnes interrogées n'osent pas forcément dire qu'ils votent pour l'extrême droite. On en a eu la preuve lors des scrutins précédents. Et donc en effet, je pense que cette dernière ligne droite de campagne électorale est tout à fait importante pour convaincre les Français qu'il y a des solutions. Moi je ne veux pas d'un pays où les gens sont désespérés et ne croient plus dans la politique. Je pense que la politique a encore des marges de manoeuvre très importantes et en particulier comme je le propose, si l'on investit massivement dans la ressource humaine, dans la formation professionnelle, dans le dialogue social, dans la recherche, dans l'éducation, dans la culture, dans l'environnement parce que cela fait partie aussi de la densité de l'humanité, je crois que si on fait ces choix comme l'ont fait les pays du Nord de l'Europe qui ont réussi à sortir des déficits, à relancer la croissance économique et à rétablir l'équilibre extérieur, je crois que c'est possible. Et que la volonté politique, en tous cas, je l'ai pour redresser la France.
Nicolas Demorand
Helene.
Hélène Jouan
Un de vos problèmes, c'est aussi le manque de dynamique à gauche pour l'instant. Est-ce que vous n'avez pas envie de tendre la main à certains petits candidats entre guillemets de gauche qui, en plus, ont du mal à avoir les parrainages ? Est-ce que dire à José Bové, à Dominique Voynet, venez avec moi pour être plus fort, est-ce que ça c'est envisageable aujourd'hui ?
Ségolène Royal
Comment dirais-je, le rassemblement ou la convergence d'un certain nombre de sensibilités ou de partis dès le premier tour est tout à fait possible et en même temps, ils ont leur liberté et la possibilité d'être candidats au premier tour si ils le souhaitent.
Hélène Jouan
Mais est-ce qu'aujourd'hui, vous discutez avec eux pour essayer de savoir si vous pouvez pas vous retrouver dès le premier tour ?
Ségolène Royal
Non je crois que c'est à eux de voir ce qu'ils ont envie de faire. Ce que je pense, c'est que la façon et les convictions qui sont les leurs se retrouvent largement dans mon pacte présidentiel, que ce soit l'excellence environnementale ou le regard sur l'alter mondialisme et sur une autre façon de concevoir le développement à l'échelle de la planète et en particulier la nécessité de réduire les écarts entre le Nord et le Sud. Et bien évidemment, si ces candidats veulent converger dès le premier tour, je crois que ce ne sera pas quelque chose qui pourrait leur être reproché.
Nicolas Demorand
Un dernier mot. On entendait Jamel Debouze dans le journal de 8 heures tout à l'heure, il était sur France Inter pour dire sa déception que son film " Indigènes " n'ait pas reçu d'Oscar. Il a dit de transmettre ce message à Segolene Royal, c'était sur les ondes, on l'a entendu. " Dites à Ségolène Royal que je la kiffe grave ". Vous lui répondez quoi à Jamel Debouze ?
Ségolène Royal
Qu'est-ce que je lui r??ponds ? D'abord que je kiffe le film " Indigènes ". Je trouve déjà formidable qu'il ait été sélectionné parce que ce n'est que justice. J'ai rappelé ici qu'il a fallu attendre ce film pour faire justice aux tirailleurs sénégalais, à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord. Donc là il y a à la fois une oeuvre artistique et en même temps, une oeuvre politique qui était attendue.
Nicolas Demorand
Voilà Ségolène Royal se met en quatre donc ce matin sur France Inter. (...) Avec un petit peu de retard donc, la revue de presse de Ségolène Royal. C'est à vous.
Ségolène Royal
La campagne s'invite sur le plan social. Ainsi titre Les Echos à propos d'Alcatel Lucent et d'Airbus et les suppressions d'emploi chez ces fleurons de l'industrie, j'ai d'ailleurs rencontré à la fois les salariés d'Alcatel à Rennes la semaine dernière ainsi que ceux d'Airbus précédemment. C'est vrai qu'ils m'ont fait part de leur colère et de leur incompréhension. Plusieurs journaux, La Tribune, La Croix, braquent leurs projecteurs sur les suppressions de poste prévues par l'équipementier télécoms et sur la modernisation des salariés qui ne comprennent pas et ils ont raison, que soient délocalisées maintenant nos industries de pointe. A noter d'ailleurs à propos d'Airbus, cette exclamation dans l'Humanité, " les salariés refusent d'être bradés, la colère monte d'un cran. Nul doute que l'avenir industriel et social de la France seront aux avant poste de l'actualité dans les semaines qui viennent ". Pour Bernard Thibault, les questions sociales demeurent centrales. Dans un entretien accordé au journal, il estime qu'il ne faut pas laisser le monde des affaires décider des affaires du monde. Une enquête du Parisien Aujourd'hui en France met l'accent sur la conséquence principale du stress au travail. L'absentéisme, le stress, les maladies professionnelles en France, beaucoup plus qu'ailleurs, sont le fruit des insécurités au travail au sens large et là aussi, il n'y a pas de fatalité dans ce domaine et d'autres façons de faire. Enfin plusieurs journaux font leur Une sur les candidats. Sans commentaires. Pour les raisons que vous comprendrez, je me borne à les citer. Libération " Musulmans, Sarkozy à la pêche aux voix ". Enquête sur la stratégie communautariste du ministre de l'Intérieur candidat qui n'a d'ailleurs pas beaucoup remporté beaucoup de voix à en croire l'éditorialiste de ce journal. Et pour Le figaro, " Le Pen durcit le ton ". L'Afrique occupe aussi beaucoup de vos journaux, je m'en réjouis. Bien sûr avec l'attente des résultats des élections présidentielles mais c'est surtout l'occasion de faire un portrait de ce pays auquel m'attachent des liens particuliers puisque c'est mon pays natal, vous le savez. Et donc on voit aussi que ce pays mérite de connaître le développement économique avec une jeunesse très impatiente de trouver de l'activité, de l'emploi et de l'éducation. Libération consacre un portrait à la seule femme secrétaire générale d'un syndicat en Afrique, madame Rabiatou Serah, l'intrépide de Guinée, qui incarne malgré les intimidations la résistance syndicale et populaire de ce pays. Et le même journal annonce l'ouverture aujourd'hui, au Mali, du forum pour la souveraineté alimentaire qui réunit des ONG et des organisations paysannes. Le coordinateur de ce forum note qu'aujourd'hui, 850 millions de personnes souffrent de la faim. Cette question n'a pas fini de nous prendre à la gorge. Si les choses ne changent pas entre les pays du Nord et ceux du Sud et là se trouve, vous savez c'est une de mes convictions profondes aussi, notre avenir. Vos journaux accordent une place particulière à deux menaces internationales, l'Iran et le terrorisme. D'abord la menace nucléaire iranienne avec la réunion à Londres des membres permanents du Conseil de sécurité. Le Figaro titre " Nouvelle sanction à l'étude contre l'Iran " et Dominique Moisi dans Ouest France souligne que la prolifération généralisée du nucléaire militaire entraînerait la multiplication des risques de marche vers l'abîme. Dans La Nouvelle République du centre Ouest, Daniel Llobregat écrit " Le régime iranien n'a aucunement évolué quant à son rejet absolu de l'Etat d'Israël ". Et il s'alarme de la perspective inquiétante que l'Iran parvienne à se doter un jour de l'arme nucléaire. Heureuse nouvelle cependant du côté de l'Iran. La libération de notre compatriote Stéphane Lherbier qui était emprisonné depuis quinze mois et auquel mon conseiller spécial Jack Lang avait rendu visite en prison. Quant au Parisien aujourd'hui en France, il titre sur la nouvelle menace terroriste avec une double page sur l'accroissement, selon les spécialistes, de la menace pendant la campagne présidentielle. Mais heureusement des bonnes coopérations entre les services des différents pays concernés. Tous vos journaux évidemment mettent en exergue la terrible épreuve que vivent nos compatriotes de La Réunion. Ce cyclone dévastateur. J'ai lancé hier un appel à la solidarité nationale pour que très rapidement, La Réunion puisse se relever de cette catastrophe. Et plusieurs journaux tirent la sonnette d'alarme sur les retards de la recherche française et de l'enseignement supérieur. L'Humanité, Les Echos, La Tribune A noter notamment deux interviews passionnantes, l'une d'Alain Fischer connu pour ses travaux sur les maladies génétiques dans Les Echos. Alain Fischer que j'ai récemment rencontré, lance un appel au renforcement de la culture scientifique en France. Et puis l'interview de François Heisbourg, président de l'institut international pour les études stratégiques de Londres. Dans La Tribune, il pose avec éclat la question suivante, " Que peut t-on faire pour éviter que la classe ouvrière ne soit la victime de la mondialisation pendant que d'autres se remplissent les poches avec des bonus immérités ? ". Réponse, " suivre l'exemple financier qui consacre une part substantielle de son PIB à la recherche, à l'éducation et à la reconversion professionnelle ". Et François Heisbourg ajoute ceci, " Un enseignant en Finlande c'est quelqu'un qui a été soigneusement sélectionné, qui est bien payé et qui bénéficie de la considération de la société ". Et je pense qu'en France, en effet, les enseignants ont soif de reconnaissance. La culture est t-elle aussi au coeur d'une vision nouvelle de la société ? Les intermittents, source vivante de la création, se sont une fois de plus invités dans l'actualité, notamment à la cérémonie des César. Pascale Ferran a interpellé le gouvernement avec éclat et l'Humanité titre " Les intermittents exigent plus qu'un César ". Enfin comme chaque lundi, le sport tient une place importante dans vos journaux qui reviennent notamment sur la douche froide subie par le PSG, pour reprendre le titre de L'Equipe. Au titre des bonnes nouvelles, Le Figaro se réjouit de la victoire des Bleus au rugby. La Charente Libre titre en Une " Les Bleus prennent date pour Twickenham ". Une appréciation plus nuancée de L'Equipe. " Les bleus affichent des lacunes malgré leur évidente montée en puissance ". Et pour finir, revenons à la campagne. Dans le journal Elle, Marion Ruggieri relève, je le cite, " qu'on n'avait pas vu ça depuis 25 ans. Les émissions politiques font une entrée en force dans la campagne audiovisuelle et raflent toutes les audiences ". Et concluons par cette note humoristique de Francis Brochet dans Le Progrès qui invite à la modestie au sujet des enquêtes d'opinion et des sondages. " N'oublions pas la leçon du 21 avril 2002. En campagne c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses ".
Nicolas Demorand
C'était la revue de presse de Ségolene Royal.
Nicolas Demorand
Quelques questions supplémentaires sur le rapport justement à la presse et aux médias. Vous avez durement critiqué le traitement médiatique dont vous étiez l'objet, dans cette campagne présidentielle, avec des accusations assez graves pour le travail des confrères. Qui visiez-vous exactement ? Et que reprochez-vous exactement donc au traitement médiatique dont vous êtes l'objet ?
Ségolène Royal
Je me souviens pas avoir durement attaqué les médias.
Nicolas Demorand
C'était en meeting. On l'a entendu ici même au journal de 8 heures. Des extraits disant très durement, voilà il y a des puissances médiatiques etc.
Ségolène Royal
Vous savez bien qu'il y a eu toute une phase dans la campagne où il y avait des sondages absolument tous les jours, où on prédisait mon décrochage, où on m'a traitée de tous les noms. Je ne voudrais pas les répéter ici. Et donc voilà c'était une phase et il faut savoir réagir en effet contre un système médiatique qui, de temps en temps, vous porte aux nues, de temps en temps vous met plus bas que terre. Et à un moment il faut savoir se faire entendre et réagir.
Nicolas Demorand
Dans votre revue de presse, vous n'avez pas noté ce pourtant très drôle dessin de Willem qui vous montre en meneuse de revue avec Laurent Fabius, Lionel Jospin et Dominique Strauss Kahn et leurs petits canotiers et vous dites-vous, voilà ce qu'il vous met dans la bouche, " On ne change pas une équipe qui gagne ".
Ségolène Royal
C'est très important l'humour en politique, ça permet de prendre de la distance.
Nicolas Demorand
Non ça ne vous inspire pas de commentaire politique sur la suite ?
Ségolène Royal
Il faut en rire mais en même temps, je crois que les choses sont aussi également sérieuses, je vous l'ai dis tout à l'heure. Je crois que c'est très important à ce moment de la campagne qu'il y ait un rassemblement et que tous les talents qui veulent nous soutenir, sont les bienvenus.
Nicolas Demorand
Alors " Ségolène bien sûr ", c'est le titre de la chronique de Jacques Julliard, toujours dans Libération. Voilà ce qu'il écrit, " Si la gauche intellectuelle n'était pas affectée d'un génie pour compliquer les données très simples, elle aurait déjà réalisé que pour éliminer Sarkozy il faut soutenir Ségolène ". Commentaire ?
Ségolène Royal
C'est exact.
Nicolas Demorand
Et votre rapport aux intellectuels ?
Ségolène Royal
Il est bon.
Nicolas Demorand
Il est suivi, soutenu ?
Ségolène Royal
Il est bon oui, vous le verrez d'ailleurs dans les prochains jours. Et d'ailleurs mon invité fait partie de ces intellectuels qui s'engagent.
Nicolas Demorand
Encore une question d'Hélène Jouan.
Hélène Jouan
Juste sur François Bayrou qui propose, lui une loi, si il est élu, pour interdire aux grands groupes qui feraient affaire avec l'Etat de détenir des organes de presse. Est-ce que pour vous, c'est effectivement un problème en France ça, cette collusion entre grands groupes et médias ?
Ségolène Royal
Je crois que cette question de la concentration entre les médias et le pouvoir financier est en effet un problème, tout simplement parce que les lecteurs ne sont pas forcément au courant de ces enjeux. Et que la démocratie aurait à gagner déjà dans une première étape un progrès dans la transparence, de qui détient quel journal. Et en même temps, je veux dire par respect pour les journalistes, je crois qu'ils ont aussi leur liberté de conscience, leur liberté surtout d'expression et qu'ils sont suffisamment aguerris pour défendre leur liberté d'expression lorsque celle ci est menacée, même si les enjeux financiers, on le sait, pèsent très lourdement sur les financements des organes de presse.
Nicolas Demorand
Il est 8 heures 42 et je vous rappelle que c'est Segolene Royal qui se met en quatre ce matin sur France Inter. Après l'interview et la revue de presse, troisième moment, l'invité de l'invitée. Qui avez-vous souhaité nous faire rencontrer ?
Ségolène Royal
Michel Broue qui est un mathématicien de renommée mondiale, qui appartient à la brillante école française des mathématiques et qui est directeur de l'Institut Henri Poincaré qui réunit régulièrement les meilleurs spécialistes du monde en mathématiques, en physique théorique. C'est en même temps un combattant des libertés puisqu'il a animé naguère la campagne internationale pour la liberté de Leonid Plioutch. Mais c'est surtout quelqu'un qui est resté au contact des enseignants qui sont en première ligne dans les classes, dans les collèges et dans les lycées, au contact des élèves. Et donc je crois que c'est cette alliance entre l'excellence d'un côté et en même temps, la connaissance du travail au quotidien des enseignants dont je veux, ici, reconstruire la reconnaissance, la dignité et ré affirmer le rôle central qu'ils occupent dans le pacte présidentiel que je défends. Savoir aussi parce que je crois qu'il a un regard très aigu sur les élèves, comment est-ce que l'on peut lutter contre l'ennui des élèves et contre l'attirance pour les mathématiques et pour les matières scientifiques dont notre pays a besoin. Enfin vous le savez, la France souffre énormément depuis plusieurs années, ces dernières années, du recul des efforts dans le domaine de la recherche. Les jeunes chercheurs fuient notre pays et je pense que c'est extrêmement dangereux. Je veux non seulement faire revenir la matière grise en France et en Europe mais surtout, donner envie à des jeunes de s'engager dans le domaine de l'éducation et de la recherche et d'articuler très étroitement éducation, recherche, industrie et développement économique. Je crois que c'est là que se trouvent les clés du relèvement de la France.
Nicolas Demorand
Alors la matière grise a rougi devant tant d'éloges. Michel Broue bonjour.
Michel Broue
Bonjour.
Nicolas Demorand
C'est le Michel Broue qui était proche de Lionel Jospin en 2002 qui est dans ce studio ?
Michel Broue
Oui bien sûr.
Nicolas Demorand
Voilà donc on prend les mêmes .
Michel Broue
Si vous voulez. Il y a une continuité oui, bien sûr.
Nicolas Demorand
Donc chercheur, mathématicien. L'état de la recherche en France aujourd'hui, votre analyse ?
Michel Broue
L'état de la recherche en France n'est pas encore dramatique mais va le devenir très vite. Et je voudrais ajouter à ce qu'a dit Ségolène Royal qu'on le sait, il faut le répéter, l'état d'un pays, son activité, son avenir dépend de manière absolument essentielle aujourd'hui, de la recherche et entre autre de la recherche théorique. Y compris parfois de la recherche la plus pure. Il faut savoir ici que tout dans notre vie quotidienne aujourd'hui dépend du travail des chercheurs. Par exemple lorsqu'un avion atterrit et lorsqu'il calcule son point d'atterrissage sur l'aéroport, il utilise un système GPS qui lui-même utilise des données de la théorie de la relativité générale. C'est à dire la partie de la théorie d'Einstein la plus théorique, la plus difficile, la plus lointaine.
Nicolas Demorand
La plus inutile a priori.
Michel Broue
Vous voyez bien que justement...
Nicolas Demorand
Vous vouliez éviter le terme mais je suis là pour le dire.
Michel Broue
Mais justement il est contradictoire avec ce que je dis. Si on n'utilisait pas la relativité générale, l'avion atterrirait à 300 mètres de sa piste d'atterrissage. Ce serait dommage.
Nicolas Demorand
Ce qui arrive quand même parfois. Mais alors donc il faut d'après vous fonder, vous avez évidemment le droit Ségolène Royal de poser des questions, il faut d'après vous fonder la croissance de demain sur ce qu'on a appelé, je crois que c'était Nicolas Sarkozy, l'économie de l'intelligence ?
Michel Broue
C'est pas qu'il faut la fonder, c'est qu'elle est fondée, elle en dépend de manière essentielle. Si la France ne redresse pas la politique de recherche et d'éducation et entre nous, Nicolas Sarkozy est quand même mal placé lui qui était le ministre du Budget lors du mouvement des chercheurs en 2004, il est quand même mal placé pour venir nous dire maintenant, nous parler politique de l'intelligence. C'est pas qu'il faut la fonder, c'est qu'elle l'est et que si la France ne redresse pas dans ce domaine-la, on fera du service, on créera plus rien. On fera du service au milliard. J'ai rien contre le service au milliard vous comprenez ce que je veux dire mais on fera une activité de service, on ne fera plus de production d'industrie. On sera à la traîne par rapport à l'Inde, par rapport à la Chine et certainement par rapport aux Etats Unis.
Nicolas Demorand
Segolene Royal
Ségolène Royal
Oui je crois que le défi qui nous est lancé, c'est comme le disaient les chercheurs dans les laboratoires que j'ai visités récemment à Rennes, c'est de garder un coup d'avance. Elle est là la bataille internationale. Et pour garder ce coup d'avance, il faut remettre de l'excellence sur l'ensemble de la chaîne, c'est à dire nous aurons des chercheurs brillants si le système éducatif scolaire est remis à niveau. Je précise qu'en cinq ans, le gouvernement de la droite a supprimé 125 000 postes dans l'éducation, réduit un certain nombre de moyens et donc je remettrais en place un plan pluri annuel de création d'emploi de l'école maternelle jusqu'à l'enseignement supérieur. On sait aussi que l'université, malgré l'effort de ces enseignants, et sa réputation internationale est aujourd'hui en grande difficulté matérielle. C'est pourquoi j'ai décidé de faire en sorte que la remise à niveau des universités, matérielle, sera confiée aux régions. L'Etat leur donnera les moyens financiers de remettre, de refaire cette mise à niveau. Et je voudrais interroger peut-être Michel Broue sur la façon dont on peut remettre les enseignants au coeur du système, au coeur de la société française par rapport au défi qui est le leur, au changement aussi des jeunes. Le métier d'enseignant est devenu aujourd'hui plus difficile. Les familles attendent beaucoup, il y a des pressions très fortes sur l'école. Donc il faut à la fois régler les problèmes sociaux, les problèmes urbains qui sont à l'entour, aux alentours de l'école, donc redonner aussi des moyens en terme de médecine scolaire, de logements, de services sociaux aux familles. Mettre le soutien scolaire individuel gratuit dans l'école, c'est un de mes objectifs. Et je voudrais justement l'interroger sur la question des vocations scientifiques dans l'école pour les encourager, notamment chez les filles.
Nicolas Demorand
Michel Broue.
Michel Broue
Oui les vocations scientifiques c'est un problème dramatique dans notre pays. Aujourd'hui c'est lié d'abord aux conditions, je dirais, matérielles de fonctionnement de la science. La France a, est encore dans la pointe internationale sur la qualité de son enseignement, sur la qualité de sa recherche mais nous voyons aujourd'hui et nous ne crions pas au loup, le loup est là, nous voyons les chercheurs quitter le pays parce que les conditions de travail sont ce qu'elles sont, parce que les salaires des chercheurs, un chercheur qui a fait dix ans d'études après le bac, qui est au niveau international, ne peut pas se loger à Paris aujourd'hui. Je veux pas faire pleurer sur les chercheurs. Des centaines de milliers de gens ne peuvent pas se loger à Paris aujourd'hui. Mais dans ce domaine-la où la concurrence est terrible, aujourd'hui la France perd des plumes. Les vocations scientifiques, elles sont aussi la victime disons de l'ambiance générale du pays, de l'ambiance générale internationale. Il faut la combattre cette ambiance internationale qui veut qu'on n'est plus respecté si on fait du fric que si on comprend, que si on crée. La vocation scientifique des filles, ça s'est beaucoup redressé.
Nicolas Demorand
Ca c'est un vrai problème.
Michel Broue
Non ça c'est beaucoup redressé.
Nicolas Demorand
On parle des femmes dans la classe politique, en sciences c'est pas mal non plus.
Michel Broue
Voyez, ça dépend aussi d'une forme de sexisme qui est tout aussi inadmissible en sciences qu'elle l'est en politique. C'est à dire qu'on dénie le droit aux femmes d'avoir de l'intérêt. Une femme scientifique est par définition pas séduisante, pas féminine, pas compétente etc. Ce qui est évidemment faux. Donc là aussi, il faut lutter contre un certain nombre de ringardise de notre société.
Nicolas Demorand
J'ai sous les yeux un texte de vous publié dans Le Monde à la date du vendredi 19 avril 2002. Je suis pas mathématicien mais ça fait donc deux jours avant le 21 avril. Cette tribune écrite avec Bernard Murat, metteur en scène, était intitulée de la manière suivante " A nos amis de gauche qui deviennent fous ". J'en cite un extrait, " Etes-vous devenus fous ? Le Pen talonne Jospin dans certains sondages ! ". Et c'est à ma connaissance le seul texte qui deux jours avant le 21 avril, pointait le risque justement du 21 avril. Quel constat faites-vous pour 2007 ?
MIchel Broue
Le constat que je fais, c'est que j'ai pas envie d'écrire un texte inutile trois jours avant le premier tour. Et par conséquent, je suis content de vous annoncer aujourd'hui que dans quelques jours, dans Le Nouvel Observateur qui sortira jeudi, il y aura un appel d'un certain nombre d'intellectuels, d'intellectuels, des vrais, pas des intellectuels paillette, pas Doc Gynéco, enfin je sais pas si qui que ce soit appelle Doc Gynéco un intellectuel. Mais enfin en tous cas, des vrais intellectuels qui appellent à voter Ségolène Royal au premier tour. J'en suis. J'ai été un des initiateurs de cet appel. On le sait maintenant que le deuxième tour se joue dès le premier tour. On sait aujourd'hui qu'on a en face la droite qui n'est pas n'importe quelle droite. C'est une droite dangereuse. Le mélange de Berlusconi et des institutions de la Vème République me fait peur et je suis pas le seul. Et je n'en veux pas et moi je sais qu'il faut voter Ségolène Royal au premier tour.
Nicolas Demorand
Merci Michel Broue d'avoir été l'invité de Ségolène Royal. Michel Broue mathématicien qui dirige l'Institut Henri Poincaré. 8 heures 51 bienvenue dans Inter Activ. Je vous rappelle que Segolene Royal se met en quatre ce matin sur France Inter. Après l'interview, la revue de presse et le dialogue donc avec Michel Broue à l'instant, dernier moment, les questions des auditeurs. Vous avez la parole jusqu'à 9 heures au 01 45 24 7000. Enormément de questions au standard. On commence avec Stéphane qui nous appelle de l'Eure. Bonjour à vous et bienvenue à l'antenne.
Stephane
Bonjour madame Royal, bonjour monsieur Demorand. Madame Royal je voudrais savoir si vous étiez favorable à un régime présidentiel fort comme c'était le cas par exemple sous Valery Giscard d'Estaing ? Ou si dans le cas où vous seriez élue, vous préfèreriez confier la politique du gouvernement au Premier ministre ?
Ségolène Royal
Je pense que la société française a changé, que la politique doit profondément changer et ma vision nouvelle de l'équilibre des pouvoirs est la suivante, je crois qu'il faut un Etat fort puisque aujourd'hui nous vivons dans un monde d'insécurité, à la fois à l'échelle planétaire on l'a vu tout à l'heure par exemple avec la prolifération nucléaire, la montée des intégrismes, du terrorisme. Il y a aussi des insécurités à l'intérieur du pays avec l'ensemble des précarités. Et puis il y a un travail considérable à faire pour que l'Europe puisse se relever. Et enfin les Français sont très attachés à l'égalité et donc l'Etat fort doit assurer l'égalité de développement sur l'ensemble du territoire national. Et en même temps, je pense qu'un Etat pour être efficace doit engager une nouvelle phase de la régionalisation parce que ça permettra à la fois d'économiser les gaspillages de fond public en étant plus efficace, c'est à dire en rapprochant la dépense publique des problèmes tels qu'ils se posent dans le domaine des aides économiques aux entreprises par exemple, de la remise à niveau des universités pour ne prendre que ces sujets très importants. Et donc je crois que c'est l'articulation entre un Etat fort et une régionalisation bien pensée et dynamique qui permettront un nouvel élan.
Nicolas Demorand
Sur la question du style présidentiel, on sait qu'une fois que les candidats sont élus, ils disent en général qu'ils vont baisser le train de vie de l'Etat, défendre l'Etat modeste etc. Mais comment faites-vous vivre ce qui a fait aussi votre succès dans cette campagne, à savoir l'idée de démocratie participative ? Une fois que vous êtes élue à l'Elysée, si vous l'êtes, comment continuez-vous à résoudre le problème de lien social que vous avez diagnostiqué dans votre campagne ?
Ségolène Royal
Mais j'ai avancé l'idée d'une réforme institutionnelle profonde qui s'appuiera sur trois piliers, la réforme de la démocratie parlementaire avec un renforcement de pouvoir de contrôle du Parlement et en même temps une réforme très importante qui est la fin du cumul des mandats. Une réforme du Sénat aussi, qui n'aura plus le droit de veto. Et la suppression du 49.3 qui permettra à une démocratie parlementaire de vivre correctement. Il y a le deuxième pilier qui est la démocratie sociale. Je crois profondément que c'est la modernisation du dialogue social dans l'entreprise, là aussi comme c'est le cas dans les pays du Nord de l'Europe où parce qu'on peut anticiper les mutations industrielles grâce à une transparence des comptes, à une visibilité pour les représentants des salariés de ce qui va se passer et donc à leurs capacités de faire des compromis sociaux gagnant gagnant pour que l'entreprise soit compétitive, les salariés soient sécurisés et bien payés et bien formés. Et donc ça va dans l'intérêt du pays. Et enfin le troisième pilier, c'est la démocratie participative avec la création d'un référendum d'initiatives populaires. Il suffira qu'un million de citoyens et avec Internet c'est très rapide, demandent l'inscription d'un texte de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée pour que ce soit possible. Il y a aussi, vous le savez, les jurys citoyens. C'est à dire les chefs des exécutifs régionaux puisqu'à partir du moment où je donnerais plus de responsabilités aux élus locaux, les maires, les présidents de conseils généraux et de régions, en contre partie je veux que les citoyens aient aussi davantage la parole et de droit de regard sur l'évaluation des politiques publiques.
Nicolas Demorand
Mais alors où sera le centre de gravité des pouvoirs ? C'est la question aussi que vous posait cet auditeur ? Plutôt à l'Elysée, plutôt à Matignon ? Où exactement ? On sait bien que dans la Vème République, c'est un poids qui est relatif et qui évolue en fonction des personnalités de chacun.
Ségolène Royal
Le nouvel équilibre de pouvoir, il est assez simple. Il part aussi du principe que désormais, la démocratie participative va prendre toute sa place. Et donc il y a un nouvel équilibre de pouvoir à la fois au plan local puisque c'est là que se font les choses, que se nouent les dynamiques économiques de relance et au niveau national où l'Etat, le chef de l'Etat, si j'ai cette confiance des Français, assumera très fortement ses responsabilités pour assurer d'une part la mise en place du pacte présidentiel, pour donner un élan national pour faire en sorte que la France aussi tienne son rang à l'échelle internationale. Et en même temps, pour assurer par une péréquation, c'est à dire une redistribution à l'échelle nationale des moyens pour que les Français aient le sentiment que les conditions de développement économique et de réussite soient les mêmes , quel que soit l'endroit où ils habitent.
Nicolas Demorand
Hugues nous appelle de Lyon. Bonjour à vous et bienvenue sur France Inter.
Hugues
Bonjour madame Royal, bonjour monsieur Demorand. Je suis directeur d'une intercommunalité pas très loin de Lyon et on travaille jour après jour avec les agents de la collectivité pour répondre aux attentes des maires et de la population. Et j'ai lu dernièrement que monsieur Sarkozy si il était élu, ferait revenir le nombre de fonctionnaires au niveau de 92 quand François Mitterand était président de la République et que lorsque personne ne disait que la France était sous administrée. Quelle est votre réaction s'il vous plait, à ce sujet-la ?
Ségolène Royal
Ma réaction, c'est qu'on ne gère pas la Fonction publique avec une calculette. Ce qui est important c'est la qualité du service rendu par les agents publics et les besoins des citoyens. Je pense qu'il faut redéployer peut-être les agents publics, là où on en a le plus besoin. Mais quand j'entends en effet monsieur Sarkozy dire qu'il va supprimer un départ à la retraite sur deux et qu'ensuite lorsqu'on l'interroge, mais dans quel domaine va t-il supprimer le nombre d'agents publics, là il a beaucoup de mal à répondre. Ce que je vois c'est qu'il y a des besoins considérables dans le domaine de la santé par exemple. Ce que j'observe aussi c'est que dans le domaine de l'éducation, de la formation, de la recherche, on vient de le voir, il y a aussi des manques très importants qui affaiblissent la compétitivité de la France. J'observe également que dans le domaine de la sécurité, le ministre de l'Intérieur après avoir supprimé la police de proximité vient de donner un rapport, à moins de 80 jours de son départ du gouvernement, sur le rétablissement de la police de quartier, reprenant ainsi d'ailleurs une des propositions du pacte présidentiel que je propose. Et donc je crois que ça n'est pas sérieux. Pour gérer sérieusement les ressources publiques, il faut d'abord identifier où sont les besoins et les besoins ils sont considérables. Et donc mettre les besoins en terme de service public là où, en effet, le lien social s'est délité. On sait aussi que la question des banlieues n'est absolument pas résolue.
Nicolas Demorand
Vous y allez demain d'ailleurs.
Ségolène Royal
Je vais demain à Clichy-sous-Bois, il y a même des tensions extrêmement vives, je dirais même très dangereuses, et je crois que c'est en remettant du service public de proximité, aussi, que l'on réglera un bon nombre de problèmes. Cela dit, la fonction publique doit toujours se remettre en cause, se réformer, pour être toujours plus efficace, au service des usagers.
Nicolas Demorand
Michel de Paris : envisagez-vous une nouvelle politique sociale avec d'anciens ministres ? Ségolène Royal.
Ségolène Royal
Vous savez, je l'ai déjà dis, par respect pour les électeurs, je ne compose pas un gouvernement avant les résultats de l'élection présidentielle, vous me connaissez maintenant, chaque chose en son temps, les étapes doivent se dérouler de façon cohérente et logique, et aujourd'hui encore les Français réfléchissent, un français sur trois, semble-t-il, n'a pas encore fait son choix, donc ils attendent d'être convaincus, et moi je conçois la morale politique d'abord comme une exigence de conviction et de pédagogie, et je veux que les Français qui viendront voter pour moi aient la certitude que les engagements que je prends, que le pacte présidentiel qu'ils ont construit avec moi et qui m'oblige, et qui m'engage, sera tenu.
Nicolas Demorand
Une dernière question pour la route. Antoine de Seine-et-Marne vous demande quand allez-vous cesser d'invoquer votre féminitude pour contourner ou éviter les questions qui fâchent ?
Ségolène Royal
Il conviendra que ça m'est difficile de la cacher.
Nicolas Demorand
Votre féminitude ?
Ségolène Royal
Oui.
Nicolas Demorand
C'est vrai, mais quand allez-vous cesser d'être donc dans " l'invocationnitude " de votre féminitude, Ségolène Royal ?
Ségolène Royal
Mais ce n'est pas moi qui l'invoque, ce sont les autres, et en général pour me contester un certain nombre de compétences, ce que je dis-là, toutes les femmes le comprennent. Vous savez, dans un pays comme la France, alors qu'il y a une loi sur l'égalité salariale, et qu'à diplôme égal, y compris à la sortie même des écoles, les filles se voient proposer des salaires de près de 30% inférieurs à celui des garçons, je dis que le pacte social est rompu, et qu'en voilà assez de considérer que parce qu'une femme est femme, et tout simplement parce qu'elle a peut-être des aléas dus aux futures grossesses, on considère que par avance on va la payer moins chère. Je voudrais rappeler ici que le nombre d'arrêts de travail pour maladie chez les hommes, est supérieur à celui des femmes, et cela n'a jamais justifié une diminution de leur salaire de départ. Alors voilà qui suffit aujourd'hui, et au nom des femmes qui subissent ces discriminations, qui subissent aussi ces brutalités, ces violences, et je me suis engagée, vous le savez, à faire en sorte que la première loi qui sera déposée au Parlement sera une loi contre les violences faites aux femmes, et je voudrais rappeler ici, dans la France, pays des droits de l'homme, une femme tous les trois jours meurt sous les coups de son conjoint, que ces violences-la sont cachées, que ce sont les femmes qui sont victimes des précarités, des bas salaires, 80% des travailleurs pauvres sont des femmes. Alors maintenant ça suffit, et moi je vais m'occuper des femmes, et en particulier des femmes seules, qui sont aujourd'hui en souffrance, par rapport à la précarité, par rapport aux bas salaires et par rapport aux difficultés qu'elles ont d'éduquer leurs enfants.
Nicolas Demorand
Vous avez la " confiancitude " pour les semaines qui viennent ?
Ségolène ROYAL
Exactement.
Nicolas Demorand
Exactement...
Ségolène Royal
Exactitude.
Nicolas Demorand
Exactitude. Parfait, merci Ségolène Royal de vous être mise en quatre ce matin.
Source http://www.desirdavenir.org, le 27 février 2007
Ségolène Royal
Bonjour.
Nicolas Demorand
On est ensemble jusqu'à 9 heures. Je vous rappelle les quatre moments de cette matinale spéciale. 8 heures 16, 17, dans quelques secondes, entretien sur votre programme dans cette campagne présidentielle, sur le moment politique aussi dans lequel on se trouve. A mes côtés Hélène Jouan, chef du service politique de France Inter. 8 heures 30 votre revue de presse. Vous êtes dans les locaux de France inter depuis l'aube pour lire les journaux et vous nous proposerez donc tout à l'heure votre analyse de la presse du jour. 8 heures 40 l'invité de l'invité. Vous êtes venue accompagner pour nous faire rencontrer quelqu'un dont vous vous sentez proche. Vous nous direz qui tout à l'heure. Et puis dernier moment 8 heures 50, c'est Inter Activ. Les auditeurs de France Inter ont la main et le micro pour vous interroger. Numéro de téléphone 01 45 24 70 00. Je vous le dis d'ores et déjà, il y a énormément d'appels ce matin. Alors commençons donc la première étape de cette matinée. Ces dernières semaines la presse, les commentateurs, les sondages vous donnaient perdante. C'était plié selon l'expression. Et désormais les choses semblent évoluer différemment. Comment vivez-vous ce contraste ? La campagne est-t-elle, d'après vous, à un tournant ?
Ségolène Royal
Oui en effet c'est une nouvelle étape qui s'ouvre. Tout simplement parce que c'est le déroulement de ce que j'avais prévu. Il y a d'abord une phase d'écoute, de démocratie participative, une nouvelle façon de faire de la politique tout simplement parce que je pense qu'il n'est plus possible de faire autrement, au sens où la gouvernance d'une société complexe nécessite cette phase d'écoute et cette compréhension de la façon dont les gens vivent tout simplement leur vie quotidienne et ce qu'ils attendent aujourd'hui de la politique. Je crois qu'il y a une montée des insécurités, des inquiétudes, des frustrations, de l'attente désespérée de quelque chose qui ne vient pas. Les Français ont le sentiment d'être tirés vers le bas et ils veulent d'abord et avant tout, que l'échéance présidentielle mette un coup d'arrêt à ce sentiment d'être tirés vers le bas et ensuite que la France se relève. Je suis la seule candidate à avoir pris du temps pour cette phase d'écoute. Elle m'a été d'ailleurs beaucoup reproché, donc il y a eu une attente. Les Français se sont parfois demandés si j'avais disparu et donc aujourd'hui ils me retrouvent avec mon pacte présidentiel. Pourquoi un pacte et pas un projet ou un programme ? Parce que ce pacte m'engage dans la mesure où je l'ai construit avec les Français et eux aussi, je leur demande de s'engager car je crois profondément que si chaque citoyen est à sa place avec son talent, son potentiel, sa volonté d'aller de l'avant, c'est comme ça que la France se redressera.
Nicolas Demorand
Aviez-vous perdu confiance ces dernières semaines quand on parlait de trou d'air, de cafouillage ? La scoumoune en quelque sorte dans l'équipe présidentielle.
Ségolène Royal
J'ai eu des interrogations parce que justement, je suis une femme politique qui écoute et qui est toujours en éveil et en adaptation. Et en même temps, je savais comment me raccrocher à mes convictions profondes sur la façon de changer la politique et donc j'ai décidé de tenir bon. Et j'ai eu raison.
Nicolas Demorand
Et pourquoi avez-vous éprouvé le besoin d'aller voir et ramener dans votre campagne un certain nombre de poids lourds du Parti socialiste alors que vous êtes arrivée à la position de candidate en vous portant, précisément, à la marge du Parti socialiste ? Pour quelles raisons donc avoir ramené les éléphants, comme on dit, dans la campagne?
Ségolène Royal
Parce que je crois que c'est nécessaire de rassembler sa famille. Je l'ai fais sur mes bases, c'est à dire après avoir arrêté et proposé le pacte présidentiel sur à la fois les valeurs socialistes, les valeurs de gauche mais aussi ma façon de voir la société française telle qu'elle est. Le souci d'un socialisme moderne qui regarde la réalité en face, qui ne s'enferme pas dans des dogmes mais qui, au contraire, assume une mutation de la pensée, des idées et des façons de faire. Avec ce que j'appelle, la morale de l'action. Je crois que les gans attendent une très forte efficacité et en même temps, qu'on soit au clair et fidèle à ces valeurs. C'est à dire à al fois assumer les clivages entre la droite et la gauche mais en même temps ne pas les proclamer mais les prouver. Et donc le moment était venu de rassembler toutes les énergies, les talents, les compétences.
Nicolas Demorand
Faire du neuf avec du vieux quand même non ?
Ségolène Royal
Ecoutez je crois que d'abord les militants socialistes et les électeurs de gauche attendaient ce rassemblement. Je pense, personnellement, que pour rassembler les socialistes la gauche et au-delà de la gauche tous ceux qui veulent que ça change en profondeur et que ça change durablement et que ça change vite. Alors à ce moment-la, il faut en effet rassembler et voilà qui est fait.
Nicolas Demorand
Encore une question de contexte. Est-ce que François Bayrou vous fait peur ?
Ségolène Royal
C'est pas vraiment le cas, il n'est pas un homme qui effraie, qui fait peur. Mais je comprends bien le sens de votre question.
Nicolas Demorand
J'ai plutôt l'impression qu'il vous fait rire, à vous entendre.
Ségolène Royal
Non parce que vous savez moi je respecte mes adversaires politiques. Et en même temps, je comprends qu'il y a un certain discours qui plait à une partie de l'opinion au sens où il y a un tel discrédit parfois sur la politique, qu'un responsable politique qui dit et ce n'est pas la première fois d'ailleurs, à chaque élection il avance cet argument, il y a plus de droite, il y a plus de gauche, mettons tous les gens de bonne volonté ensemble. C'est une espèce de discours de bons sens et je comprends que ce discours plaise. Seulement ce qu'il faut regarder lorsqu'on est un responsable politique, c'est comment se transforme le discours à l'épreuve des faits. Et moi je regarde les faits. Je suis présidente d'une région, vous le savez. Il y a beaucoup de chefs d'exécutif que ce soit dans les départements, les communes ou les régions et j'observe que nulle part, les élus de l'UDF ne viennent en appui des politiques de gauche lorsqu'elles sont conduites dans l'intérêt général.
Nicolas Demorand
L'UDF c'est la droite pour vous ?
Ségolène Royal
Les élus UDF est toujours et votent toujours avec la droite et font des campagnes de droite.
Nicolas Demorand
Et l'idée d'une grande coalition que lançait Daniel Cohn Bendit ici même , en disant justement que les gens de bonne volonté de l'UDF, du Parti socialiste et des Verts travaillent ensemble dans cette présidentielle à recomposer le paysage politique français, ça, ça vous semble aussi une idée à pousser de côté ?
Ségolène Royal
Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger, que la politique n'a rien à gagner dans le ramollissement des identités politiques. Qu'il y ait des rassemblements d'idées lorsqu'une majorité est au pouvoir et fait des choses intéressantes et qu'à ce moment-la l'Assemblée nationale ait des votes convergents. Quand j'ai, par exemple, créé le congé de paternité ou quand j'ai fais des réformes fondamentales sur les politiques familiales, j'ai observé qu'un certain nombre de parlementaires UDF ou UMP avaient soutenu un certain nombre de dispositions et réciproquement. Il arrive aux socialistes de voter les dispositions législatives qui ont intéressantes pour l'ensemble des Français qui dépassent les clivages politiques.
Nicolas Demorand
Mais pas formaliser ça dans une alliance ou une coalition à la française ?
Ségolène Royal
Je pense même que c'est assez dangereux. C'est très dangereux.
Nicolas Demorand
Pourquoi ?
Ségolène Royal
Parce qu'une fois de plus dans ce discours de la confusion, on cherche à empêcher les Français de choisir entre deux modèles de société, deux visions qui s'opposent et qui ne correspondent pas au même choix politique en profondeur. Et en particulier, je considère et ce n'est ni le cas du candidat de l'UMP, ni le cas du candidat de l'UDF, aujourd'hui que la relance économique de la France dépend de la capacité que nous aurons à sécuriser les salariés dans leur travail et non pas l'inverse. Je crois qu'on avancera pas avec la France en mettant une pincée de social dans un océan de libéralisme, ce que proposent les deux candidats de droite, mais bien au contraire en relançant la machine économique sur les trois piliers à égalité que sont le progrès économique, le progrès social et le progrès environnemental. Et ça c'est une mutation majeure que je propose à la France.
Nicolas Demorand
Encore un mot avant de passer la parole à Hélène Jouan. Quand on regarde les raisons qui poussent un certain nombre d'électeurs et même de gauche à se décider éventuellement pour François Bayrou, alors ceux de droite disent, Nicolas Sarkozy fait peur et ceux de gauche disent, nous jugeons que Segolene Royal n'est peut-être pas taillée pour le job, qu'elle n'est pas compétente pour être présidente de la République. Alors ça, ça vous suit depuis le début de votre ascension, depuis les primaires et même aujourd'hui dans la campagne. Alors qu'est-ce que vous répondez à cette critique récurrente sur votre capacité ou non à assumer la fonction présidentielle ?
Ségolène Royal
D'abord j'observe que si on m'attaque à titre personnel, c'est qu'on n'a pas grand chose à reprocher aux propositions et aux idées que j'avance. Je crois que je suis la seule, avoir été la seule à prendre le temps d'écouter les Français, à proposer des solutions, c'est à dire une vision différente de ce qui se passe aujourd'hui à l'échelle du monde et de la mondialisation à l'échelle de l'Europe avec les propositions de relance de l'Europe et à l'échelle de la France sur une autre façon d'engager le redressement du pays comme je viens de le préciser à l'instant. Donc du coup...
Nicolas Demorand
Mais comment tordre le coup à cette chose-la pour vous, politiquement ?
Ségolène Royal
D'abord je pense qu'il y a une grande part de misogynie dans ces attaques qui sont faites.
Nicolas Demorand
Vous croyez vraiment ?
Ségolène Royal
Je le pense. Je pense que n'importe quel homme politique qui aurait l'itinéraire politique que j'ai conduit, que j'ai construit, y compris sur déjà mes références de diplômes même si je pense que l'on peut faire de la politique sans diplômes mais enfin, la réalité est là. Je suis une ancienne élève de l'Ecole nationale d'administration, je suis diplômée d'économie, j'ai passé sept ans auprès de François Mitterand donc je connais les rouages de l'Etat et j'ai participé...
Nicolas Demorand
Et pourtant on dit, elle n'est pas taillée pour le job.
Ségolène Royal
Ecoutez je prouverais le contraire et en particulier parce que mon expérience politique est parfois supérieure à ceux qui me font ces attaques. J'ai été trois fois ministre, quatre fois parlementaire. Je suis présidente de région et tout ça en mettant quatre enfants au monde. Et en les élevant bien. Donc je pense que je n'ai d'abord aucune auto justification à faire et que ce sont les électeurs qui décident.
Nicolas Demorand
Hélène Jouan
Hélène Jouan
Dans une interview au Parisien hier, Ségolène Royal, vous disiez " il reste 71 jours avant l'élection ". Ca veut dire que vous êtes convaincue aujourd'hui d'être au second tour, qu'il n'y a pas de possibilités de 21 avril à nouveau ?
Ségolène Royal
Mais rien n'est écrit à l'avance. Tout se mérite. Et tout se mérite, surtout aujourd'hui dans un contexte où les Français sont extrêmement exigeants. Je l'ai compris, je l'ai vu. Dans ces milliers de débats participatifs. Ils ont raisons d'être exigeants parce qu'ils ont souvent été déçus. Ils savent aussi que la situation est difficile. Vous savez les Français ont la perception, même les plus modestes d'entre eux, de la situation d'endettement de la France, du déficit du commerce extérieur, des déficits des comptes sociaux. Ils savent que ce sera difficile et moi, je ne veux pas leur dire le contraire.
Hélène Jouan
Mais ça veut dire qu'il y a encore un risque Le Pen ou pas ?
Ségolène Royal
Je pense qu'il y a un risque d'un 21 avril à nouveau si il y a une dispersion des voix. Je crois que dans les sondages, l'extrême droite est sous estimée. On le sait puisqu'un certain nombre de personnes interrogées n'osent pas forcément dire qu'ils votent pour l'extrême droite. On en a eu la preuve lors des scrutins précédents. Et donc en effet, je pense que cette dernière ligne droite de campagne électorale est tout à fait importante pour convaincre les Français qu'il y a des solutions. Moi je ne veux pas d'un pays où les gens sont désespérés et ne croient plus dans la politique. Je pense que la politique a encore des marges de manoeuvre très importantes et en particulier comme je le propose, si l'on investit massivement dans la ressource humaine, dans la formation professionnelle, dans le dialogue social, dans la recherche, dans l'éducation, dans la culture, dans l'environnement parce que cela fait partie aussi de la densité de l'humanité, je crois que si on fait ces choix comme l'ont fait les pays du Nord de l'Europe qui ont réussi à sortir des déficits, à relancer la croissance économique et à rétablir l'équilibre extérieur, je crois que c'est possible. Et que la volonté politique, en tous cas, je l'ai pour redresser la France.
Nicolas Demorand
Helene.
Hélène Jouan
Un de vos problèmes, c'est aussi le manque de dynamique à gauche pour l'instant. Est-ce que vous n'avez pas envie de tendre la main à certains petits candidats entre guillemets de gauche qui, en plus, ont du mal à avoir les parrainages ? Est-ce que dire à José Bové, à Dominique Voynet, venez avec moi pour être plus fort, est-ce que ça c'est envisageable aujourd'hui ?
Ségolène Royal
Comment dirais-je, le rassemblement ou la convergence d'un certain nombre de sensibilités ou de partis dès le premier tour est tout à fait possible et en même temps, ils ont leur liberté et la possibilité d'être candidats au premier tour si ils le souhaitent.
Hélène Jouan
Mais est-ce qu'aujourd'hui, vous discutez avec eux pour essayer de savoir si vous pouvez pas vous retrouver dès le premier tour ?
Ségolène Royal
Non je crois que c'est à eux de voir ce qu'ils ont envie de faire. Ce que je pense, c'est que la façon et les convictions qui sont les leurs se retrouvent largement dans mon pacte présidentiel, que ce soit l'excellence environnementale ou le regard sur l'alter mondialisme et sur une autre façon de concevoir le développement à l'échelle de la planète et en particulier la nécessité de réduire les écarts entre le Nord et le Sud. Et bien évidemment, si ces candidats veulent converger dès le premier tour, je crois que ce ne sera pas quelque chose qui pourrait leur être reproché.
Nicolas Demorand
Un dernier mot. On entendait Jamel Debouze dans le journal de 8 heures tout à l'heure, il était sur France Inter pour dire sa déception que son film " Indigènes " n'ait pas reçu d'Oscar. Il a dit de transmettre ce message à Segolene Royal, c'était sur les ondes, on l'a entendu. " Dites à Ségolène Royal que je la kiffe grave ". Vous lui répondez quoi à Jamel Debouze ?
Ségolène Royal
Qu'est-ce que je lui r??ponds ? D'abord que je kiffe le film " Indigènes ". Je trouve déjà formidable qu'il ait été sélectionné parce que ce n'est que justice. J'ai rappelé ici qu'il a fallu attendre ce film pour faire justice aux tirailleurs sénégalais, à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord. Donc là il y a à la fois une oeuvre artistique et en même temps, une oeuvre politique qui était attendue.
Nicolas Demorand
Voilà Ségolène Royal se met en quatre donc ce matin sur France Inter. (...) Avec un petit peu de retard donc, la revue de presse de Ségolène Royal. C'est à vous.
Ségolène Royal
La campagne s'invite sur le plan social. Ainsi titre Les Echos à propos d'Alcatel Lucent et d'Airbus et les suppressions d'emploi chez ces fleurons de l'industrie, j'ai d'ailleurs rencontré à la fois les salariés d'Alcatel à Rennes la semaine dernière ainsi que ceux d'Airbus précédemment. C'est vrai qu'ils m'ont fait part de leur colère et de leur incompréhension. Plusieurs journaux, La Tribune, La Croix, braquent leurs projecteurs sur les suppressions de poste prévues par l'équipementier télécoms et sur la modernisation des salariés qui ne comprennent pas et ils ont raison, que soient délocalisées maintenant nos industries de pointe. A noter d'ailleurs à propos d'Airbus, cette exclamation dans l'Humanité, " les salariés refusent d'être bradés, la colère monte d'un cran. Nul doute que l'avenir industriel et social de la France seront aux avant poste de l'actualité dans les semaines qui viennent ". Pour Bernard Thibault, les questions sociales demeurent centrales. Dans un entretien accordé au journal, il estime qu'il ne faut pas laisser le monde des affaires décider des affaires du monde. Une enquête du Parisien Aujourd'hui en France met l'accent sur la conséquence principale du stress au travail. L'absentéisme, le stress, les maladies professionnelles en France, beaucoup plus qu'ailleurs, sont le fruit des insécurités au travail au sens large et là aussi, il n'y a pas de fatalité dans ce domaine et d'autres façons de faire. Enfin plusieurs journaux font leur Une sur les candidats. Sans commentaires. Pour les raisons que vous comprendrez, je me borne à les citer. Libération " Musulmans, Sarkozy à la pêche aux voix ". Enquête sur la stratégie communautariste du ministre de l'Intérieur candidat qui n'a d'ailleurs pas beaucoup remporté beaucoup de voix à en croire l'éditorialiste de ce journal. Et pour Le figaro, " Le Pen durcit le ton ". L'Afrique occupe aussi beaucoup de vos journaux, je m'en réjouis. Bien sûr avec l'attente des résultats des élections présidentielles mais c'est surtout l'occasion de faire un portrait de ce pays auquel m'attachent des liens particuliers puisque c'est mon pays natal, vous le savez. Et donc on voit aussi que ce pays mérite de connaître le développement économique avec une jeunesse très impatiente de trouver de l'activité, de l'emploi et de l'éducation. Libération consacre un portrait à la seule femme secrétaire générale d'un syndicat en Afrique, madame Rabiatou Serah, l'intrépide de Guinée, qui incarne malgré les intimidations la résistance syndicale et populaire de ce pays. Et le même journal annonce l'ouverture aujourd'hui, au Mali, du forum pour la souveraineté alimentaire qui réunit des ONG et des organisations paysannes. Le coordinateur de ce forum note qu'aujourd'hui, 850 millions de personnes souffrent de la faim. Cette question n'a pas fini de nous prendre à la gorge. Si les choses ne changent pas entre les pays du Nord et ceux du Sud et là se trouve, vous savez c'est une de mes convictions profondes aussi, notre avenir. Vos journaux accordent une place particulière à deux menaces internationales, l'Iran et le terrorisme. D'abord la menace nucléaire iranienne avec la réunion à Londres des membres permanents du Conseil de sécurité. Le Figaro titre " Nouvelle sanction à l'étude contre l'Iran " et Dominique Moisi dans Ouest France souligne que la prolifération généralisée du nucléaire militaire entraînerait la multiplication des risques de marche vers l'abîme. Dans La Nouvelle République du centre Ouest, Daniel Llobregat écrit " Le régime iranien n'a aucunement évolué quant à son rejet absolu de l'Etat d'Israël ". Et il s'alarme de la perspective inquiétante que l'Iran parvienne à se doter un jour de l'arme nucléaire. Heureuse nouvelle cependant du côté de l'Iran. La libération de notre compatriote Stéphane Lherbier qui était emprisonné depuis quinze mois et auquel mon conseiller spécial Jack Lang avait rendu visite en prison. Quant au Parisien aujourd'hui en France, il titre sur la nouvelle menace terroriste avec une double page sur l'accroissement, selon les spécialistes, de la menace pendant la campagne présidentielle. Mais heureusement des bonnes coopérations entre les services des différents pays concernés. Tous vos journaux évidemment mettent en exergue la terrible épreuve que vivent nos compatriotes de La Réunion. Ce cyclone dévastateur. J'ai lancé hier un appel à la solidarité nationale pour que très rapidement, La Réunion puisse se relever de cette catastrophe. Et plusieurs journaux tirent la sonnette d'alarme sur les retards de la recherche française et de l'enseignement supérieur. L'Humanité, Les Echos, La Tribune A noter notamment deux interviews passionnantes, l'une d'Alain Fischer connu pour ses travaux sur les maladies génétiques dans Les Echos. Alain Fischer que j'ai récemment rencontré, lance un appel au renforcement de la culture scientifique en France. Et puis l'interview de François Heisbourg, président de l'institut international pour les études stratégiques de Londres. Dans La Tribune, il pose avec éclat la question suivante, " Que peut t-on faire pour éviter que la classe ouvrière ne soit la victime de la mondialisation pendant que d'autres se remplissent les poches avec des bonus immérités ? ". Réponse, " suivre l'exemple financier qui consacre une part substantielle de son PIB à la recherche, à l'éducation et à la reconversion professionnelle ". Et François Heisbourg ajoute ceci, " Un enseignant en Finlande c'est quelqu'un qui a été soigneusement sélectionné, qui est bien payé et qui bénéficie de la considération de la société ". Et je pense qu'en France, en effet, les enseignants ont soif de reconnaissance. La culture est t-elle aussi au coeur d'une vision nouvelle de la société ? Les intermittents, source vivante de la création, se sont une fois de plus invités dans l'actualité, notamment à la cérémonie des César. Pascale Ferran a interpellé le gouvernement avec éclat et l'Humanité titre " Les intermittents exigent plus qu'un César ". Enfin comme chaque lundi, le sport tient une place importante dans vos journaux qui reviennent notamment sur la douche froide subie par le PSG, pour reprendre le titre de L'Equipe. Au titre des bonnes nouvelles, Le Figaro se réjouit de la victoire des Bleus au rugby. La Charente Libre titre en Une " Les Bleus prennent date pour Twickenham ". Une appréciation plus nuancée de L'Equipe. " Les bleus affichent des lacunes malgré leur évidente montée en puissance ". Et pour finir, revenons à la campagne. Dans le journal Elle, Marion Ruggieri relève, je le cite, " qu'on n'avait pas vu ça depuis 25 ans. Les émissions politiques font une entrée en force dans la campagne audiovisuelle et raflent toutes les audiences ". Et concluons par cette note humoristique de Francis Brochet dans Le Progrès qui invite à la modestie au sujet des enquêtes d'opinion et des sondages. " N'oublions pas la leçon du 21 avril 2002. En campagne c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses ".
Nicolas Demorand
C'était la revue de presse de Ségolene Royal.
Nicolas Demorand
Quelques questions supplémentaires sur le rapport justement à la presse et aux médias. Vous avez durement critiqué le traitement médiatique dont vous étiez l'objet, dans cette campagne présidentielle, avec des accusations assez graves pour le travail des confrères. Qui visiez-vous exactement ? Et que reprochez-vous exactement donc au traitement médiatique dont vous êtes l'objet ?
Ségolène Royal
Je me souviens pas avoir durement attaqué les médias.
Nicolas Demorand
C'était en meeting. On l'a entendu ici même au journal de 8 heures. Des extraits disant très durement, voilà il y a des puissances médiatiques etc.
Ségolène Royal
Vous savez bien qu'il y a eu toute une phase dans la campagne où il y avait des sondages absolument tous les jours, où on prédisait mon décrochage, où on m'a traitée de tous les noms. Je ne voudrais pas les répéter ici. Et donc voilà c'était une phase et il faut savoir réagir en effet contre un système médiatique qui, de temps en temps, vous porte aux nues, de temps en temps vous met plus bas que terre. Et à un moment il faut savoir se faire entendre et réagir.
Nicolas Demorand
Dans votre revue de presse, vous n'avez pas noté ce pourtant très drôle dessin de Willem qui vous montre en meneuse de revue avec Laurent Fabius, Lionel Jospin et Dominique Strauss Kahn et leurs petits canotiers et vous dites-vous, voilà ce qu'il vous met dans la bouche, " On ne change pas une équipe qui gagne ".
Ségolène Royal
C'est très important l'humour en politique, ça permet de prendre de la distance.
Nicolas Demorand
Non ça ne vous inspire pas de commentaire politique sur la suite ?
Ségolène Royal
Il faut en rire mais en même temps, je crois que les choses sont aussi également sérieuses, je vous l'ai dis tout à l'heure. Je crois que c'est très important à ce moment de la campagne qu'il y ait un rassemblement et que tous les talents qui veulent nous soutenir, sont les bienvenus.
Nicolas Demorand
Alors " Ségolène bien sûr ", c'est le titre de la chronique de Jacques Julliard, toujours dans Libération. Voilà ce qu'il écrit, " Si la gauche intellectuelle n'était pas affectée d'un génie pour compliquer les données très simples, elle aurait déjà réalisé que pour éliminer Sarkozy il faut soutenir Ségolène ". Commentaire ?
Ségolène Royal
C'est exact.
Nicolas Demorand
Et votre rapport aux intellectuels ?
Ségolène Royal
Il est bon.
Nicolas Demorand
Il est suivi, soutenu ?
Ségolène Royal
Il est bon oui, vous le verrez d'ailleurs dans les prochains jours. Et d'ailleurs mon invité fait partie de ces intellectuels qui s'engagent.
Nicolas Demorand
Encore une question d'Hélène Jouan.
Hélène Jouan
Juste sur François Bayrou qui propose, lui une loi, si il est élu, pour interdire aux grands groupes qui feraient affaire avec l'Etat de détenir des organes de presse. Est-ce que pour vous, c'est effectivement un problème en France ça, cette collusion entre grands groupes et médias ?
Ségolène Royal
Je crois que cette question de la concentration entre les médias et le pouvoir financier est en effet un problème, tout simplement parce que les lecteurs ne sont pas forcément au courant de ces enjeux. Et que la démocratie aurait à gagner déjà dans une première étape un progrès dans la transparence, de qui détient quel journal. Et en même temps, je veux dire par respect pour les journalistes, je crois qu'ils ont aussi leur liberté de conscience, leur liberté surtout d'expression et qu'ils sont suffisamment aguerris pour défendre leur liberté d'expression lorsque celle ci est menacée, même si les enjeux financiers, on le sait, pèsent très lourdement sur les financements des organes de presse.
Nicolas Demorand
Il est 8 heures 42 et je vous rappelle que c'est Segolene Royal qui se met en quatre ce matin sur France Inter. Après l'interview et la revue de presse, troisième moment, l'invité de l'invitée. Qui avez-vous souhaité nous faire rencontrer ?
Ségolène Royal
Michel Broue qui est un mathématicien de renommée mondiale, qui appartient à la brillante école française des mathématiques et qui est directeur de l'Institut Henri Poincaré qui réunit régulièrement les meilleurs spécialistes du monde en mathématiques, en physique théorique. C'est en même temps un combattant des libertés puisqu'il a animé naguère la campagne internationale pour la liberté de Leonid Plioutch. Mais c'est surtout quelqu'un qui est resté au contact des enseignants qui sont en première ligne dans les classes, dans les collèges et dans les lycées, au contact des élèves. Et donc je crois que c'est cette alliance entre l'excellence d'un côté et en même temps, la connaissance du travail au quotidien des enseignants dont je veux, ici, reconstruire la reconnaissance, la dignité et ré affirmer le rôle central qu'ils occupent dans le pacte présidentiel que je défends. Savoir aussi parce que je crois qu'il a un regard très aigu sur les élèves, comment est-ce que l'on peut lutter contre l'ennui des élèves et contre l'attirance pour les mathématiques et pour les matières scientifiques dont notre pays a besoin. Enfin vous le savez, la France souffre énormément depuis plusieurs années, ces dernières années, du recul des efforts dans le domaine de la recherche. Les jeunes chercheurs fuient notre pays et je pense que c'est extrêmement dangereux. Je veux non seulement faire revenir la matière grise en France et en Europe mais surtout, donner envie à des jeunes de s'engager dans le domaine de l'éducation et de la recherche et d'articuler très étroitement éducation, recherche, industrie et développement économique. Je crois que c'est là que se trouvent les clés du relèvement de la France.
Nicolas Demorand
Alors la matière grise a rougi devant tant d'éloges. Michel Broue bonjour.
Michel Broue
Bonjour.
Nicolas Demorand
C'est le Michel Broue qui était proche de Lionel Jospin en 2002 qui est dans ce studio ?
Michel Broue
Oui bien sûr.
Nicolas Demorand
Voilà donc on prend les mêmes .
Michel Broue
Si vous voulez. Il y a une continuité oui, bien sûr.
Nicolas Demorand
Donc chercheur, mathématicien. L'état de la recherche en France aujourd'hui, votre analyse ?
Michel Broue
L'état de la recherche en France n'est pas encore dramatique mais va le devenir très vite. Et je voudrais ajouter à ce qu'a dit Ségolène Royal qu'on le sait, il faut le répéter, l'état d'un pays, son activité, son avenir dépend de manière absolument essentielle aujourd'hui, de la recherche et entre autre de la recherche théorique. Y compris parfois de la recherche la plus pure. Il faut savoir ici que tout dans notre vie quotidienne aujourd'hui dépend du travail des chercheurs. Par exemple lorsqu'un avion atterrit et lorsqu'il calcule son point d'atterrissage sur l'aéroport, il utilise un système GPS qui lui-même utilise des données de la théorie de la relativité générale. C'est à dire la partie de la théorie d'Einstein la plus théorique, la plus difficile, la plus lointaine.
Nicolas Demorand
La plus inutile a priori.
Michel Broue
Vous voyez bien que justement...
Nicolas Demorand
Vous vouliez éviter le terme mais je suis là pour le dire.
Michel Broue
Mais justement il est contradictoire avec ce que je dis. Si on n'utilisait pas la relativité générale, l'avion atterrirait à 300 mètres de sa piste d'atterrissage. Ce serait dommage.
Nicolas Demorand
Ce qui arrive quand même parfois. Mais alors donc il faut d'après vous fonder, vous avez évidemment le droit Ségolène Royal de poser des questions, il faut d'après vous fonder la croissance de demain sur ce qu'on a appelé, je crois que c'était Nicolas Sarkozy, l'économie de l'intelligence ?
Michel Broue
C'est pas qu'il faut la fonder, c'est qu'elle est fondée, elle en dépend de manière essentielle. Si la France ne redresse pas la politique de recherche et d'éducation et entre nous, Nicolas Sarkozy est quand même mal placé lui qui était le ministre du Budget lors du mouvement des chercheurs en 2004, il est quand même mal placé pour venir nous dire maintenant, nous parler politique de l'intelligence. C'est pas qu'il faut la fonder, c'est qu'elle l'est et que si la France ne redresse pas dans ce domaine-la, on fera du service, on créera plus rien. On fera du service au milliard. J'ai rien contre le service au milliard vous comprenez ce que je veux dire mais on fera une activité de service, on ne fera plus de production d'industrie. On sera à la traîne par rapport à l'Inde, par rapport à la Chine et certainement par rapport aux Etats Unis.
Nicolas Demorand
Segolene Royal
Ségolène Royal
Oui je crois que le défi qui nous est lancé, c'est comme le disaient les chercheurs dans les laboratoires que j'ai visités récemment à Rennes, c'est de garder un coup d'avance. Elle est là la bataille internationale. Et pour garder ce coup d'avance, il faut remettre de l'excellence sur l'ensemble de la chaîne, c'est à dire nous aurons des chercheurs brillants si le système éducatif scolaire est remis à niveau. Je précise qu'en cinq ans, le gouvernement de la droite a supprimé 125 000 postes dans l'éducation, réduit un certain nombre de moyens et donc je remettrais en place un plan pluri annuel de création d'emploi de l'école maternelle jusqu'à l'enseignement supérieur. On sait aussi que l'université, malgré l'effort de ces enseignants, et sa réputation internationale est aujourd'hui en grande difficulté matérielle. C'est pourquoi j'ai décidé de faire en sorte que la remise à niveau des universités, matérielle, sera confiée aux régions. L'Etat leur donnera les moyens financiers de remettre, de refaire cette mise à niveau. Et je voudrais interroger peut-être Michel Broue sur la façon dont on peut remettre les enseignants au coeur du système, au coeur de la société française par rapport au défi qui est le leur, au changement aussi des jeunes. Le métier d'enseignant est devenu aujourd'hui plus difficile. Les familles attendent beaucoup, il y a des pressions très fortes sur l'école. Donc il faut à la fois régler les problèmes sociaux, les problèmes urbains qui sont à l'entour, aux alentours de l'école, donc redonner aussi des moyens en terme de médecine scolaire, de logements, de services sociaux aux familles. Mettre le soutien scolaire individuel gratuit dans l'école, c'est un de mes objectifs. Et je voudrais justement l'interroger sur la question des vocations scientifiques dans l'école pour les encourager, notamment chez les filles.
Nicolas Demorand
Michel Broue.
Michel Broue
Oui les vocations scientifiques c'est un problème dramatique dans notre pays. Aujourd'hui c'est lié d'abord aux conditions, je dirais, matérielles de fonctionnement de la science. La France a, est encore dans la pointe internationale sur la qualité de son enseignement, sur la qualité de sa recherche mais nous voyons aujourd'hui et nous ne crions pas au loup, le loup est là, nous voyons les chercheurs quitter le pays parce que les conditions de travail sont ce qu'elles sont, parce que les salaires des chercheurs, un chercheur qui a fait dix ans d'études après le bac, qui est au niveau international, ne peut pas se loger à Paris aujourd'hui. Je veux pas faire pleurer sur les chercheurs. Des centaines de milliers de gens ne peuvent pas se loger à Paris aujourd'hui. Mais dans ce domaine-la où la concurrence est terrible, aujourd'hui la France perd des plumes. Les vocations scientifiques, elles sont aussi la victime disons de l'ambiance générale du pays, de l'ambiance générale internationale. Il faut la combattre cette ambiance internationale qui veut qu'on n'est plus respecté si on fait du fric que si on comprend, que si on crée. La vocation scientifique des filles, ça s'est beaucoup redressé.
Nicolas Demorand
Ca c'est un vrai problème.
Michel Broue
Non ça c'est beaucoup redressé.
Nicolas Demorand
On parle des femmes dans la classe politique, en sciences c'est pas mal non plus.
Michel Broue
Voyez, ça dépend aussi d'une forme de sexisme qui est tout aussi inadmissible en sciences qu'elle l'est en politique. C'est à dire qu'on dénie le droit aux femmes d'avoir de l'intérêt. Une femme scientifique est par définition pas séduisante, pas féminine, pas compétente etc. Ce qui est évidemment faux. Donc là aussi, il faut lutter contre un certain nombre de ringardise de notre société.
Nicolas Demorand
J'ai sous les yeux un texte de vous publié dans Le Monde à la date du vendredi 19 avril 2002. Je suis pas mathématicien mais ça fait donc deux jours avant le 21 avril. Cette tribune écrite avec Bernard Murat, metteur en scène, était intitulée de la manière suivante " A nos amis de gauche qui deviennent fous ". J'en cite un extrait, " Etes-vous devenus fous ? Le Pen talonne Jospin dans certains sondages ! ". Et c'est à ma connaissance le seul texte qui deux jours avant le 21 avril, pointait le risque justement du 21 avril. Quel constat faites-vous pour 2007 ?
MIchel Broue
Le constat que je fais, c'est que j'ai pas envie d'écrire un texte inutile trois jours avant le premier tour. Et par conséquent, je suis content de vous annoncer aujourd'hui que dans quelques jours, dans Le Nouvel Observateur qui sortira jeudi, il y aura un appel d'un certain nombre d'intellectuels, d'intellectuels, des vrais, pas des intellectuels paillette, pas Doc Gynéco, enfin je sais pas si qui que ce soit appelle Doc Gynéco un intellectuel. Mais enfin en tous cas, des vrais intellectuels qui appellent à voter Ségolène Royal au premier tour. J'en suis. J'ai été un des initiateurs de cet appel. On le sait maintenant que le deuxième tour se joue dès le premier tour. On sait aujourd'hui qu'on a en face la droite qui n'est pas n'importe quelle droite. C'est une droite dangereuse. Le mélange de Berlusconi et des institutions de la Vème République me fait peur et je suis pas le seul. Et je n'en veux pas et moi je sais qu'il faut voter Ségolène Royal au premier tour.
Nicolas Demorand
Merci Michel Broue d'avoir été l'invité de Ségolène Royal. Michel Broue mathématicien qui dirige l'Institut Henri Poincaré. 8 heures 51 bienvenue dans Inter Activ. Je vous rappelle que Segolene Royal se met en quatre ce matin sur France Inter. Après l'interview, la revue de presse et le dialogue donc avec Michel Broue à l'instant, dernier moment, les questions des auditeurs. Vous avez la parole jusqu'à 9 heures au 01 45 24 7000. Enormément de questions au standard. On commence avec Stéphane qui nous appelle de l'Eure. Bonjour à vous et bienvenue à l'antenne.
Stephane
Bonjour madame Royal, bonjour monsieur Demorand. Madame Royal je voudrais savoir si vous étiez favorable à un régime présidentiel fort comme c'était le cas par exemple sous Valery Giscard d'Estaing ? Ou si dans le cas où vous seriez élue, vous préfèreriez confier la politique du gouvernement au Premier ministre ?
Ségolène Royal
Je pense que la société française a changé, que la politique doit profondément changer et ma vision nouvelle de l'équilibre des pouvoirs est la suivante, je crois qu'il faut un Etat fort puisque aujourd'hui nous vivons dans un monde d'insécurité, à la fois à l'échelle planétaire on l'a vu tout à l'heure par exemple avec la prolifération nucléaire, la montée des intégrismes, du terrorisme. Il y a aussi des insécurités à l'intérieur du pays avec l'ensemble des précarités. Et puis il y a un travail considérable à faire pour que l'Europe puisse se relever. Et enfin les Français sont très attachés à l'égalité et donc l'Etat fort doit assurer l'égalité de développement sur l'ensemble du territoire national. Et en même temps, je pense qu'un Etat pour être efficace doit engager une nouvelle phase de la régionalisation parce que ça permettra à la fois d'économiser les gaspillages de fond public en étant plus efficace, c'est à dire en rapprochant la dépense publique des problèmes tels qu'ils se posent dans le domaine des aides économiques aux entreprises par exemple, de la remise à niveau des universités pour ne prendre que ces sujets très importants. Et donc je crois que c'est l'articulation entre un Etat fort et une régionalisation bien pensée et dynamique qui permettront un nouvel élan.
Nicolas Demorand
Sur la question du style présidentiel, on sait qu'une fois que les candidats sont élus, ils disent en général qu'ils vont baisser le train de vie de l'Etat, défendre l'Etat modeste etc. Mais comment faites-vous vivre ce qui a fait aussi votre succès dans cette campagne, à savoir l'idée de démocratie participative ? Une fois que vous êtes élue à l'Elysée, si vous l'êtes, comment continuez-vous à résoudre le problème de lien social que vous avez diagnostiqué dans votre campagne ?
Ségolène Royal
Mais j'ai avancé l'idée d'une réforme institutionnelle profonde qui s'appuiera sur trois piliers, la réforme de la démocratie parlementaire avec un renforcement de pouvoir de contrôle du Parlement et en même temps une réforme très importante qui est la fin du cumul des mandats. Une réforme du Sénat aussi, qui n'aura plus le droit de veto. Et la suppression du 49.3 qui permettra à une démocratie parlementaire de vivre correctement. Il y a le deuxième pilier qui est la démocratie sociale. Je crois profondément que c'est la modernisation du dialogue social dans l'entreprise, là aussi comme c'est le cas dans les pays du Nord de l'Europe où parce qu'on peut anticiper les mutations industrielles grâce à une transparence des comptes, à une visibilité pour les représentants des salariés de ce qui va se passer et donc à leurs capacités de faire des compromis sociaux gagnant gagnant pour que l'entreprise soit compétitive, les salariés soient sécurisés et bien payés et bien formés. Et donc ça va dans l'intérêt du pays. Et enfin le troisième pilier, c'est la démocratie participative avec la création d'un référendum d'initiatives populaires. Il suffira qu'un million de citoyens et avec Internet c'est très rapide, demandent l'inscription d'un texte de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée pour que ce soit possible. Il y a aussi, vous le savez, les jurys citoyens. C'est à dire les chefs des exécutifs régionaux puisqu'à partir du moment où je donnerais plus de responsabilités aux élus locaux, les maires, les présidents de conseils généraux et de régions, en contre partie je veux que les citoyens aient aussi davantage la parole et de droit de regard sur l'évaluation des politiques publiques.
Nicolas Demorand
Mais alors où sera le centre de gravité des pouvoirs ? C'est la question aussi que vous posait cet auditeur ? Plutôt à l'Elysée, plutôt à Matignon ? Où exactement ? On sait bien que dans la Vème République, c'est un poids qui est relatif et qui évolue en fonction des personnalités de chacun.
Ségolène Royal
Le nouvel équilibre de pouvoir, il est assez simple. Il part aussi du principe que désormais, la démocratie participative va prendre toute sa place. Et donc il y a un nouvel équilibre de pouvoir à la fois au plan local puisque c'est là que se font les choses, que se nouent les dynamiques économiques de relance et au niveau national où l'Etat, le chef de l'Etat, si j'ai cette confiance des Français, assumera très fortement ses responsabilités pour assurer d'une part la mise en place du pacte présidentiel, pour donner un élan national pour faire en sorte que la France aussi tienne son rang à l'échelle internationale. Et en même temps, pour assurer par une péréquation, c'est à dire une redistribution à l'échelle nationale des moyens pour que les Français aient le sentiment que les conditions de développement économique et de réussite soient les mêmes , quel que soit l'endroit où ils habitent.
Nicolas Demorand
Hugues nous appelle de Lyon. Bonjour à vous et bienvenue sur France Inter.
Hugues
Bonjour madame Royal, bonjour monsieur Demorand. Je suis directeur d'une intercommunalité pas très loin de Lyon et on travaille jour après jour avec les agents de la collectivité pour répondre aux attentes des maires et de la population. Et j'ai lu dernièrement que monsieur Sarkozy si il était élu, ferait revenir le nombre de fonctionnaires au niveau de 92 quand François Mitterand était président de la République et que lorsque personne ne disait que la France était sous administrée. Quelle est votre réaction s'il vous plait, à ce sujet-la ?
Ségolène Royal
Ma réaction, c'est qu'on ne gère pas la Fonction publique avec une calculette. Ce qui est important c'est la qualité du service rendu par les agents publics et les besoins des citoyens. Je pense qu'il faut redéployer peut-être les agents publics, là où on en a le plus besoin. Mais quand j'entends en effet monsieur Sarkozy dire qu'il va supprimer un départ à la retraite sur deux et qu'ensuite lorsqu'on l'interroge, mais dans quel domaine va t-il supprimer le nombre d'agents publics, là il a beaucoup de mal à répondre. Ce que je vois c'est qu'il y a des besoins considérables dans le domaine de la santé par exemple. Ce que j'observe aussi c'est que dans le domaine de l'éducation, de la formation, de la recherche, on vient de le voir, il y a aussi des manques très importants qui affaiblissent la compétitivité de la France. J'observe également que dans le domaine de la sécurité, le ministre de l'Intérieur après avoir supprimé la police de proximité vient de donner un rapport, à moins de 80 jours de son départ du gouvernement, sur le rétablissement de la police de quartier, reprenant ainsi d'ailleurs une des propositions du pacte présidentiel que je propose. Et donc je crois que ça n'est pas sérieux. Pour gérer sérieusement les ressources publiques, il faut d'abord identifier où sont les besoins et les besoins ils sont considérables. Et donc mettre les besoins en terme de service public là où, en effet, le lien social s'est délité. On sait aussi que la question des banlieues n'est absolument pas résolue.
Nicolas Demorand
Vous y allez demain d'ailleurs.
Ségolène Royal
Je vais demain à Clichy-sous-Bois, il y a même des tensions extrêmement vives, je dirais même très dangereuses, et je crois que c'est en remettant du service public de proximité, aussi, que l'on réglera un bon nombre de problèmes. Cela dit, la fonction publique doit toujours se remettre en cause, se réformer, pour être toujours plus efficace, au service des usagers.
Nicolas Demorand
Michel de Paris : envisagez-vous une nouvelle politique sociale avec d'anciens ministres ? Ségolène Royal.
Ségolène Royal
Vous savez, je l'ai déjà dis, par respect pour les électeurs, je ne compose pas un gouvernement avant les résultats de l'élection présidentielle, vous me connaissez maintenant, chaque chose en son temps, les étapes doivent se dérouler de façon cohérente et logique, et aujourd'hui encore les Français réfléchissent, un français sur trois, semble-t-il, n'a pas encore fait son choix, donc ils attendent d'être convaincus, et moi je conçois la morale politique d'abord comme une exigence de conviction et de pédagogie, et je veux que les Français qui viendront voter pour moi aient la certitude que les engagements que je prends, que le pacte présidentiel qu'ils ont construit avec moi et qui m'oblige, et qui m'engage, sera tenu.
Nicolas Demorand
Une dernière question pour la route. Antoine de Seine-et-Marne vous demande quand allez-vous cesser d'invoquer votre féminitude pour contourner ou éviter les questions qui fâchent ?
Ségolène Royal
Il conviendra que ça m'est difficile de la cacher.
Nicolas Demorand
Votre féminitude ?
Ségolène Royal
Oui.
Nicolas Demorand
C'est vrai, mais quand allez-vous cesser d'être donc dans " l'invocationnitude " de votre féminitude, Ségolène Royal ?
Ségolène Royal
Mais ce n'est pas moi qui l'invoque, ce sont les autres, et en général pour me contester un certain nombre de compétences, ce que je dis-là, toutes les femmes le comprennent. Vous savez, dans un pays comme la France, alors qu'il y a une loi sur l'égalité salariale, et qu'à diplôme égal, y compris à la sortie même des écoles, les filles se voient proposer des salaires de près de 30% inférieurs à celui des garçons, je dis que le pacte social est rompu, et qu'en voilà assez de considérer que parce qu'une femme est femme, et tout simplement parce qu'elle a peut-être des aléas dus aux futures grossesses, on considère que par avance on va la payer moins chère. Je voudrais rappeler ici que le nombre d'arrêts de travail pour maladie chez les hommes, est supérieur à celui des femmes, et cela n'a jamais justifié une diminution de leur salaire de départ. Alors voilà qui suffit aujourd'hui, et au nom des femmes qui subissent ces discriminations, qui subissent aussi ces brutalités, ces violences, et je me suis engagée, vous le savez, à faire en sorte que la première loi qui sera déposée au Parlement sera une loi contre les violences faites aux femmes, et je voudrais rappeler ici, dans la France, pays des droits de l'homme, une femme tous les trois jours meurt sous les coups de son conjoint, que ces violences-la sont cachées, que ce sont les femmes qui sont victimes des précarités, des bas salaires, 80% des travailleurs pauvres sont des femmes. Alors maintenant ça suffit, et moi je vais m'occuper des femmes, et en particulier des femmes seules, qui sont aujourd'hui en souffrance, par rapport à la précarité, par rapport aux bas salaires et par rapport aux difficultés qu'elles ont d'éduquer leurs enfants.
Nicolas Demorand
Vous avez la " confiancitude " pour les semaines qui viennent ?
Ségolène ROYAL
Exactement.
Nicolas Demorand
Exactement...
Ségolène Royal
Exactitude.
Nicolas Demorand
Exactitude. Parfait, merci Ségolène Royal de vous être mise en quatre ce matin.
Source http://www.desirdavenir.org, le 27 février 2007