Texte intégral
Q - La France a participé à la conférence régionale qui s'est tenue hier à Bagdad. Veut-elle désormais s'engager sur le dossier irakien ?
R - Nous avons soutenu l'idée d'une conférence régionale et pris part à la réunion préparatoire qui s'est déroulée hier à Bagdad. Nous voulons y voir un premier pas vers un réengagement concret de tous en faveur de la stabilité de l'Irak et, bien entendu, la France est prête à y apporter sa contribution. Mais cette mobilisation internationale doit impérativement aller de pair avec une relance des efforts de réconciliation nationale entre Irakiens. Les maux dont souffre l'Irak aujourd'hui ont surtout des causes et des ressorts internes. C'est sur eux qu'il faut aussi agir. Il faut donc redéfinir un pacte entre Irakiens, pour que chacun ait un accès équitable aux ressources et aux institutions du pays.
Q - A la conférence ministérielle qui pourrait suivre, la France plaidera-t-elle pour un retrait des troupes américaines ?
R - Il faut fixer un horizon pour le retrait des troupes étrangères ; ainsi les Irakiens seront assurés qu'ils recouvreront la plénitude de leur souveraineté et les terroristes seront isolés. Mais il faut savoir aussi qu'il y a deux écueils à éviter : un retrait précipité, dont tout le monde sait qu'il pourrait entraîner un chaos bien supérieur à celui d'aujourd'hui ; à l'inverse, l'absence de toute perspective de retrait ferait le jeu des terroristes.
Q - Sur le dossier du nucléaire iranien, l'adoption de nouvelles sanctions contre Téhéran semble se heurter aux réticences russes et chinoises...
R - L'Iran s'obstine à refuser les demandes de la communauté internationale. Les six pays qui conduisent la négociation ont donc engagé leurs discussions avec le souci d'obtenir l'unanimité du Conseil de sécurité. J'étais récemment en Chine et en Russie, et ces premiers contacts suggèrent qu'un accord devrait pouvoir se dégager pour adopter une nouvelle résolution sous chapitre VII, article 41, de la charte des Nations unies et à l'unanimité, qui renforcera l'esprit de la 1737. Dans le même temps, la France y tient beaucoup, les Six réaffirmeront leur entière disponibilité au dialogue, dès que l'Iran aura fait les gestes attendus.
Q - Pour sortir l'Europe de l'impasse, vous prônez dans votre livre une approche en deux temps. Comment est-ce possible ?
R - La réforme institutionnelle est urgente, si on veut que l'Europe à 27 puisse être vraiment efficace. La Présidence allemande souhaite donc demander leur avis à tous les pays. Nous sommes dans une phase d'écoute, avant le sommet européen de juin, où la Présidence allemande s'efforcera de faire une proposition de méthode. Pour ma part, je pense que, pour sortir de l'impasse, actuelle, il faut agir en deux étapes. La première concernerait la partie purement institutionnelle, celle qui prévoit notamment l'adoption d'une présidence stable du Conseil européen. Cela peut aller vite, car sur ces sujets-là, il y avait une quasi-unanimité au niveau français. La deuxième étape sera plus compliquée et plus longue, car elle touchera aux politiques, en particulier sociales, c'est-à-dire au contenu même du projet européen.
Q - Faudra-t-il alors soumettre ce mini-traité à referendum ?
R - Comme il n'y a pas de divergence évidente, me semble-t-il, entre les partis politiques sur l'institutionnel, je crois que nous pouvons régler cela au Parlement. Je pense, comme Nicolas Sarkozy, que nous devons aller vite pour sauver le fonctionnement de l'Union. En revanche, sur les politiques, qui touchent, elles, à la vie quotidienne des Français, il me paraît normal d'avoir une discussion sur l'éventualité d'un nouveau referendum.
Q - Le président Chirac vous a-t-il confié ce qu'il va dire ce soir aux Français ?
R - Non, mais ce que le président de la république dira aura été mûri et décidé en conscience, avec l'unique exigence, j'en suis sur, de prendre en compte l'intérêt de la France et celui des Français. Je suis également persuadé d'une chose : c'est que notre camp restera uni.
Q - Vous avez été réélu jeudi à la présidence de la Fondation Unitaid, créée par la France pour permettre l'achat de médicaments à bas prix contre le sida, la tuberculose et le paludisme, grâce à une taxe sur les billets d'avion. Combien de vies pensez-vous aujourd'hui pouvoir sauver ?
R - D'ores et déjà, les contributions des membres d'UNITAID vont dépasser les 300 millions de dollars en 2007, et atteindront les 500 millions en 2008. Sur les 600.000 enfants atteints du sida dans les pays du Sud, seuls 10.000 sont actuellement soignés. Désormais, grâce à nos accords avec la Fondation Clinton, 100.000 pourront l'être en 2007, 200.000 l'an prochain, et vous verrez que nous arriverons aux 600.000 enfants soignés. Il s'agit pour la première fois de mettre en place une véritable démarche citoyenne mondiale pour favoriser une mondialisation équitable et solidaire, par la santé certes, mais par l'éducation aussi.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2007