Texte intégral
De la reconnaissance des Gazelles à la conception d'une grande politique de l'offre
Merci encore une fois à vous, les 5 lauréats, mais surtout à vous tous, présents dans la salle, et qui méritez également tous nos applaudissements.
Avant que nous ne profitions du cocktail et de la visite des collections pour des échanges plus informels, je voudrais conclure cette soirée en vous livrant mon projet de politique économique pour engager durablement la France sur le chemin de la croissance et de l'emploi.
Il s'agit d'un vaste projet, dont le plan Gazelles préfigure l'esprit.
Un constat : nécessité d'accélérer la croissance française
La France a connu une croissance de 2% en 2006. C'est mieux que les années précédentes, mais cela reste insuffisant pour assurer à la fois une forte création d'emplois et la revalorisation du travail par une plus forte redistribution des richesses.
Pour 2007 et 2008, les économistes tablent sur une croissance d'environ 2 à 2.5 %. Cela reste notablement inférieur à la croissance de la zone Euro, qui atteignait déjà 2,7% en 2006 et devrait franchir la barre des 3% dans les années à venir.
Or la croissance ne se décrète pas, elle n'est pas comme certains veulent nous le faire croire, le fruit d'un obscur « cercle vertueux » dont on ne sait pas bien par quel miracle il se mettrait en route.
La croissance macro-économique ne peut résulter que de la mobilisation de nombreux acteurs micro-économiques, les entreprises, et plus particulièrement des plus dynamiques, les PME.
Dans la compétition mondiale et même intra-européenne, une nouvelle politique est nécessaire, pragmatique et réaliste. Sans oublier ses objectifs de création de richesse collective et d'emplois, cette politique doit être une politique de la compétition, une politique de l'excellence.
Cette politique doit permettre de faire de « l'entreprise France » une des plus performantes du monde, en identifiant la politique économique suivie par l'Etat à la création de nouveaux champions, créateurs d'emplois et de valeur en France.
La nécessité d'une mutation profonde du système de production
En effet, seule une mutation profonde et accélérée de l'appareil de production français nous permettra de rejoindre le rang des pays les plus dynamiques à l'échelle mondiale.
Notre appareil de production, ce n'est pas uniquement nos usines. C'est bien plus que cela : l'appareil de production c'est tout à la fois nos entreprises bien sûr, mais aussi les capacités en capital, et surtout notre force de travail, notre matière grise, nos capacités de marketing, nos savoir-faire.
Aujourd'hui, la France avance et se modernise, certes, mais à un rythme bien trop lent pour rattraper son retard. Notre capacité d'offre est encore partiellement inadaptée à la nouvelle demande mondiale. Notre appareil de production connaît une mutation trop lente, qui pénalise sa chance de survie.
Il est dangereux d'entretenir l'illusion que tout peut continuer comme avant. Nos voisins allemands, plus réactifs, l'ont compris et connaissent aujourd'hui de nombreux succès à l'exportation, en particulier au niveau de leurs PME de taille intermédiaire.
Les approches défensives sont ainsi plus destructrices à moyen terme qu'ils ne semblent être protecteurs à court-terme. Nous devons renoncer aux sirènes du néo-protectionnisme.
Les restructurations, en particulier les restructurations industrielles, sont souvent douloureuses. Elles génèrent de l'inquiétude à court terme et obligent à tourner certaines pages d'une histoire économique locale souvent ancrée dans l'imaginaire collectif. Mais pour autant, il ne faut pas freiner ces restructurations quand elles deviennent nécessaires, au risque de promouvoir des politiques irresponsables. Au contraire il faut très vite prendre la décision d'accompagner ces restructurations, pour permettre une transition en douceur quand il en est encore temps.
Le marché du travail doit pouvoir fonctionner avec le même pragmatisme, au risque de priver notre économie de sa ressource la plus importante : la ressource humaine. Là encore, il ne s'agit pas de figer tout emploi pour toujours : c'est irréaliste, nous le savons tous. De même que les entreprises doivent chaque jour se remettre en cause pour maintenir leur niveau concurrentiel, de même ces entreprises, et particulièrement les PME, peuvent avoir besoin, pour survivre, de licencier. Le rôle de l'Etat n'est pas de les en empêcher, mais bien d'accompagner là encore ceux qui peuvent être amenés à se reconvertir, pour que cette reconversion soit rapide, satisfaisante pour le travailleur et profitable à la collectivité.
Nos politiques publiques, donc, doivent se fonder sur une promotion de l'offre. Les approches néo-keynésiennes, fondées sur l'augmentation du pouvoir d'achat par la dépense publique, ou encore sur des baisses d'impôts et de charges sans contrepartie en production nouvelle, ne permettent plus de se maintenir dans la compétition mondiale et ne font que dilapider des ressources communes qui devraient être plus utilement employées (argent public, ressources humaines, ressources psychologiques et politiques)
Trois objectifs qualitatifs et quantitatifs
La collectivité publique, et en premier lieu l'Etat, doivent donc cibler leurs efforts pour accompagner les PME dans une mutation leur permettant de développer une offre plus fournie, plus innovante, et plus compétitive à l'international.
Je souhaite traduire ces trois ambitions à travers trois objectifs quantitatifs précis à atteindre dans les prochaines années.
Premièrement : doubler le nombre de PME de plus de 250 salariés, pour passer de 5 000 à 10 000. C'est l'objectif du plan Croissance PME que d'aider les futurs champions de l'économie française à crever le plafond de verre qui les empêche de grandir. Vous savez que cela est mon combat depuis plusieurs années à la tête de mon Ministère. Les mesures que nous avons prises permettent d'amorcer cette évolution des politiques publiques, et préfigurent le plan que je souhaite vous présenter ce soir.
Deuxièmement : quadrupler l'effort de Recherche & Développement de ces PME. Il nous faut bâtir une offre plus pertinente, capable de rencontrer les nouvelles demandes des entreprises clientes et des consommateurs et de générer ainsi la croissance. L'innovation est capitale pour maintenir en permanence cette offre à un niveau compétitif. Or que constate-ton aujourd'hui ? Que la R&D est concentrée dans les grands groupes. Comme l'ont relevé les économistes du Conseil d'Analyse Economique, les PME de moins de 500 salariés réalisent uniquement 15% de l'effort d'innovation privé, alors que les 13 premiers groupes en réalisent 50%. Multiplier par 4 les efforts de R&D de ces PME, c'est les ramener à un niveau comparable à celui des grands groupes.
Enfin : tripler les exportations des PME hors Union Européenne. Nous le savons, l'export est une grande faiblesse de notre pays, et particulièrement de nos PME. La parité euro-dollar n'explique pas tout, puisque les Allemands ont, eux, un niveau d'export bien plus satisfaisant. En France, moins de 100 000 PME exportent dont la moitié de façon très occasionnelle. L'ensemble des exportations de ces 100 000 PME ne représente que 15 % des exportations. Cela ne représente que 4% des PME françaises, alors qu'en Allemagne, 18 % des PME exportent. Certes, toutes les PME n'ont pas forcément vocation à exporter, mais on estime que 200 000 PME supplémentaires ont un potentiel d'exportation.
Ces trois objectifs quantitatifs, vous le voyez, sont ambitieux. Mais ils doivent devenir notre feuille de route, notre ligne de mire. Si nous les atteignons, la donne changerait en France, y compris au niveau macroéconomique, sur tous les plans :
- Sur l'emploi : entre 500 000 et 1 million d'emplois supplémentaires pourraient être créés dans les PME ;
- Sur le commerce extérieur : la balance extérieure redeviendrait excédentaire ;
- Sur les comptes sociaux et les budgets des collectivités publiques, abondés par de nouvelles ressources ;
- Sur la croissance, qui serait tirée par deux moteurs aujourd'hui au ralenti : la demande extérieure et l'investissement des entreprises lié à l'innovation ;
- Sur la perception par les Français de l'économie de marché, enfin : il s'agit de mobiliser l'opinion publique autour de « nouveaux champions » français, associés dans l'esprit du public à l'intérêt national (ce que les grands groupes assimilés à l'hypercapitalisme mondial ne parviennent plus à faire croire).
Pour atteindre ces objectifs : un grand plan « Production Performance », ciblé sur les entreprises à fort potentiel
Ces objectifs ambitieux peuvent être atteints, si tous les moyens convergent vers les PME et les entreprises de taille intermédiaire à fort potentiel.
Il s'agit de changer notre conception des politiques économiques pour remettre en avant les capacités d'innovation continuelle, de conception permanente de nouveaux produits et nouveaux services, d'accompagnement du changement plutôt que de défense statique de l'existant.
Tous les leviers doivent être mobilisés :
- les leviers fiscaux,
- l'aide à la R&D,
- l'aide aux exportations
- l'accès facilité à des financements pour les PME,
- l'adaptation nécessaire de notre code du travail,
- la mise en place d'un meilleur partage des richesses produites avec les salariés,
- le développement d'une formation professionnelle plus efficace,
- la création de droits opposables en faveur des PME, prévoyant les engagements de l'Etat pour mettre les administrations au service du développement des entreprises
- la mise en oeuvre de mesures permettant de bâtir une véritable marque « France » autour des entreprises constituant le patrimoine vivant français.
Sur chacun de ces leviers, je formule ce soir des propositions de mesures, fortes et efficaces, dont certaines ont déjà été testées avec succès dans le cadre du plan Croissance PME que je mets en oeuvre depuis 2005.
Voici donc les 10 chapitres du plan « Production Performance » qui pourra nous permettre d'atteindre les objectifs ambitieux que j'ai formulés il y a quelques minutes.
1-Plan Fiscal :
Gel de l'impôt sur les sociétés pour les PME qui pendant deux années consécutives auront satisfait à l'un des trois critères suivants :
1°) une progression de la masse salariale supérieure à 10 % par an (plus d'embauches ou plus de pouvoir d'achat distribué)
2°) une progression des exportations hors zone euro supérieure à 10 % par an
3°) une progression de l'effort financier de R&D supérieure à 10 % par an.
2- Plan Recherche et Développement :
Exonération totale des charges sociales pour l'embauche de doctorants-chercheurs ;
Autorisation de cumul entre un emploi public et un emploi privé pour les chercheurs sous statut public et autorisation d'investir en apport en nature dans le capital des PME ;
Statut fiscal d'expatrié pour les chercheurs étrangers venant poursuivre leurs recherches dans les PME françaises ;
Amélioration et simplification du crédit impôt recherche (déjà dans le programme UMP) ; sécurisation du crédit impôt recherche au regard des contrôles fiscaux (rescrit systématique ultra simplifié).
3- Plan Adaptation du Code du Travail :
Extension du CNE ou d'un équivalent (contrat flexible) à l'ensemble des entreprises dont la masse salariale progresse de plus de 10 % par an pendant 2 années consécutives ;
Cumul emploi/retraite autorisé dans les PME, en franchise totale de charges sociales pour le sursalaire ;
Gel pendant 5 ans des effets financiers des franchissements des seuils sociaux.
4 - Plan Partage capital/travail :
Création d'un statut optionnel de « société coopérative de salariés » autorisant la distribution de 50 % des dividendes aux salariés sans aucune charge fiscale en contrepartie d'une représentation de 35 % des salariés au Conseil d'administration.
5 - Plan Formation professionnelle :
Doublement du Crédit d'impôt apprentissage pour l'embauche de jeunes en alternance issus des Zones Urbaines Sensibles ;
Bourse d'études de 5 000 euros pour les étudiants des grandes écoles et universités de haut niveau qui s'engagent à travailler 5 ans dans une PME à la fin de leurs études.
6- Plan Immobilier PME :
Encouragement à l'externalisation des bâtiments des PME (extension du régime mis en place pour l'hôtellerie : fiscalité nulle pour les plus-values réalisées en cas de cession des murs et création de sociétés immobilières spécialisées dans la reprise des murs de PME).
7- Plan Financement des PME et capital risque :
Réduction d'ISF jusqu'à 50 000 euros à hauteur des montants investis dans les PME (déjà annoncée) avec un élargissement de cette mesure aux FIP, FCPI et aux sociétés de Business Angels ;
Création d'un fonds national public/privé de financement des PME avec une garantie publique systématique des fonds investis pour développer la prise de risque par les investisseurs privés (système en vigueur aux Etats-Unis) ;
Augmentation du nombre de Business Angels de 4000 à 20 000 en cinq ans grâce à l'organisation de réseaux structurés en France et à l'étranger ;
Réduction par la loi des délais de paiement à la charge des PME à 45 jours maximum (au lieu du double aujourd'hui).
8- Plan Simplifications :
Création de droits opposables en faveur des PME, prévoyant les engagements de l'Etat afin de mettre les administrations au service du développement des entreprises :
- Délai de réponse inférieur à deux mois sous peine d'approbation tacite de la demande ;
- Attribution automatique et ultra rapide par les administrations elles-mêmes des aides fiscales et sociales en faveur des PME ;
- Rescrit fiscal et social systématique ;
- Médiation avec les URSSAF et l'inspection du Travail grâce à la création d'un médiateur PME ;
- Formulaire unique avec une seule déclaration fiscale et sociale à remplir chaque trimestre ;
- Recouvrement unifié des prélèvements obligatoires (aussi bien de l'Etat que de la Sécurité sociale).
9. Plan Exportations :
Suppression de tout prélèvement social et fiscal sur l'ensemble des dépenses réalisées à l'exportation en dehors de la zone euro ;
Inscription dans la Loi qu'au minimum 75 % des aides publiques à l'exportation devront profiter aux PME.
10- Plan Patrimoine vivant français :
Doublement du crédit d'impôt innovation et du crédit d'impôt apprentissage pour les « entreprises du patrimoine vivant » ;
Développement de la griffe « France Création » à l'international sur tous les métiers à forte visibilité (textile, chaussure, maison, meuble, agroalimentaire) ;
Création d'Instituts Supérieurs des Métiers dans les métiers traditionnels français à forte visibilité internationale.
CONCLUSION
Vous le voyez, les leviers existent, il faut les actionner pour permettre aux PME dont vous faites partie de devenir les futurs champions de l'économie française.
Je forme donc le voeu que cette grande politique de la Production voit le jour très prochainement. Elle est nécessaire. Je me suis battu, aux côtés de quelques-uns, pour faire reconnaître l'incroyable apport des PME à la vitalité économique, et je crois que, tous ensemble, et grâce à vous, nous avons pu faire prendre conscience à l'opinion publique de la nécessité de s'intéresser aux Gazelles, de porter les efforts sur ceux qui se développent et pas seulement sur ceux qui ont des problèmes.
Aujourd'hui, je souhaite donc à nouveau vous remercier pour votre dynamisme et votre pugnacité, et vous affirmer qu'après avoir mis les Gazelles à l'honneur, qu'après avoir mis en place pour vous le Statut de la PME de Croissance, je continuerai à oeuvrer pour le développement des PME, au service de la création de richesses et d'emplois en France.
Je vous remercie.
Source http://www.pme.gouv.fr, le 26 mars 2007