Texte intégral
Jean-Michel Apathie
Bienvenue dans le grand studio de RTL pour cette nouvelle édition du "Grand jury". Dans quatre semaines exactement, nous voterons pour le premier tour de l'élection présidentielle et vous êtes ce soir notre invitée Ségolène Royal, bonsoir.
Ségolène Royal Bonsoir.
Jean-Michel Apathie
Vous répondrez aux questions de Pierre-Luc Séguillon de LCI et de Nicolas Beytout du Figaro. Vous étiez hier à Marseille et vous avez hier matin été à la basilique Notre-Dame de Marseille, vous avez fait un voeu et au fond, on se rend compte en lisant cette anecdote que rapporte la presse ce matin que l'on vous connaît peu ou mal, Ségolène Royal ; êtes-vous croyante?
Ségolène Royal
D'abord il ne faut pas croire tout ce racontent les journalistes...
Jean-Michel Apathie
Alors c'est faux ?
Ségolène Royal
Oui, c'est absolument faux. Je suis allée faire une promenade... vous connaissez cet endroit de Notre-Dame de Lagarde qui surplombe tout Marseille. C'est un endroit magnifique et je suis allée faire une promenade, voilà...
Jean-Michel Apathie
Et vous êtes entrée dans la basilique...
Ségolène Royal
Et je n'ai pas fait de voeu mais peut-être pouvez-vous en faire un pour moi, Jean-Michel Apathie...
Jean-Michel Apathie
Non... alors je vais vous dire, c'est Le Parisien qui rapporte cette anecdote, pour être précis ce matin et il a une phrase entre guillemets...
Ségolène Royal
... mais que la presse s'amuse, c'est normal...
Jean-Michel Apathie
Il a une phrase entre guillemets dans votre bouche mais puisque c'est faux, on ne va pas y passer deux heures, il a une phrase... une phrase dans votre bouche : je ne vous dirai pas quel voeu j'ai fait parce qu'on ne le dit pas, voilà.
Ségolène Royal
Voilà, parce que la presse me demande si j'avais fait un voeu. J'ai dit : les voeux par définition sont secrets. Mais je vous confirme ce que je viens de vous dire. Cela dit, si vous le permettez, je pense que nous sommes dans la dernière ligne droite de l'élection présidentielle et je pense que les Français attendent un débat de fond, ils sont en train de nous observer, d'analyser, de comparer les projets et pour avoir été la candidate, la seule à les avoir écoutés pendant plusieurs mois, je puis vous dire que cette attente est extrêmement forte ; ils se demandent si la France peut reprendre la main et s'il y a un voeu à faire, un voeu rationnel...
Jean-Michel Apathie
Dans le grand studio de RTL...
Ségolène Royal
Un voeu dans le grand studio de RTL... un voeu pour l'avenir, c'est en effet que la France puisse reprendre la main, puisse reprendre son destin en main et que celui ou celle qui sera élu demain puisse enfin donner à la France toutes ses chances.
Nicolas Beytout
Il y a dans le livre qui paraît ces jours-ci, voilà, Ségolène Royal "Maintenant", vous parlez d'un sujet qui avait été évoqué cet été qui est votre mariage avec François Hollande ; alors puisqu'on en est aux affaires religieuses ou personnelles en tout cas, je voudrais vous demander pourquoi est-ce que vous avez après plusieurs dizaines d'années de vie commune avec François Hollande envisagé ce mariage ? Est-ce que c'était quelque chose qui correspondait à une démarche personnelle dont vous n'avez pas envie de parler, est-ce que c'était autre chose, peut-être quelque chose qui vous paraissait indispensable dans votre démarche politique ? Qu'est-ce qui a fait que vous avez parlé de ça ?
Ségolène Royal
Vous savez, ce livre, c'est d'abord le livre d'une cohérence, de la cohérence d'une femme qui est candidate à l'élection présidentielle, de la cohérence d'une histoire et de la cohérence de l'ensemble des problèmes que les Français ont évoqués au cours de cette démarche participative. C'est aussi la cohérence d'une expérience politique d'une femme engagée, d'une femme élue socialiste depuis plusieurs années et sur deux cents questions, il y en a quatre ou cinq qui concernent ma vie personnelle ; elles ont été données d'ailleurs avant même cette échéance présidentielle et je ne voyais aucune raison de les retirer parce que je crois que dans cette phase en effet, on peut répondre simplement à un certain nombre de questions sans tomber dans l'exhibitionnisme...
Nicolas Beytout Alors est-ce que vous pouvez répondre simplement à ma question, pourquoi ?
Ségolène Royal
Ecoutez, tout est dans le livre. Donc je ne vais pas ici dans une émission politique si vous le permettez, parler de faits personnels puisqu'ils sont, je vous l'ai dit, très marginaux dans cet ouvrage et j'entends utiliser le temps qui m'est donné et la façon dont je m'exprime grâce à vous et à travers vous aux Français, consacrer ce temps aux problèmes sérieux qui se posent aujourd'hui à la France. J'ai entendu les colères des Français, j'ai entendu la crise démocratique, la crise sociale, la crise économique et je pense que c'est à ces crises-là qu'il faut répondre et c'est l'objet du pacte présidentiel que j'ai élaboré avec eux, pour eux et sur lequel je veux aujourd'hui mériter leurs voix et les convaincre que demain, la politique ne sera plus jamais la même et qu'elle sera faite avec eux.
Pierre-Luc Séguillon
Lorsque vous avez annoncé votre candidature à Vitrolles en septembre, vous aviez dit que le drapeau et la Sécurité sociale étaient les ciments de notre appartenance commune. Et puis vous n'avez plus parlé de l'identité nationale. Soudain, vous en reparlez, vous en avez reparlé à Marseille à propos du drapeau que vous souhaiteriez voir chaque Français posséder et arborer au moment des fêtes nationales ; est-ce que vous revenez à ce sujet parce que vous avez le sentiment que Nicolas Sarkozy s'en est emparé et qu'au fond comme dirait madame Buffet, chacun se bat pour se partager ce thème ?
Ségolène Royal
Vous êtes un observateur attentif des débats politiques. Je n'ai jamais cessé d'évoquer cette question. Je l'ai fait lors de la déclaration de ma candidature à la candidature dans un lieu symbolique à Vitrolles, j'ai parlé de la nation et de la façon dont je la concevais. En France, la nation a la forme de la République, chacun le sait et je ne confonds pas la nation avec le nationalisme et cela m'a permis d'ailleurs d'appeler les Français à comprendre la nation telle qu'elle était devenue et la France, avoir le courage de se regarder telle qu'elle est, en se disant d'ailleurs que c'est une chance dans cette diversité, dans cette France colorée - j'ai même parlé de France métissée - certains me l'ont proposée (sic)... et c'est parce que j'ai le courage de refonder et de reparler de la force de la nation et de ce qui nous fait tenir ensemble non pas pour demander aux Français d'où ils viennent mais ils veulent aller en France - je crois qu'un candidat ou une candidate à l'élection présidentielle doit aborder cette question-là puisque demain je vais peut-être l'incarner, cette nation et donc c'est un débat éminent qui ne souffre aucune polémique politicienne comme je l'entends dire et comme vous venez de le rappeler...
Jean-Michel Apathie
Vous faites des réunions publiques depuis plusieurs mois, Ségolène Royal et on a noté - donc on a été un peu surpris de le noter seulement là - que dimanche dernier puis à deux reprises depuis, vous avez souhaité que ceux qui vous écoutaient, chantent la Marseillaise. Pourquoi vous ne l'avez pas fait avant ?
Ségolène Royal
Parce que je crois que nous sommes justement dans cette dernière ligne droite de l'élection présidentielle où je noue un contact direct avec les Français. Il y a eu le rassemblement des élus de la République, de ceux qui me soutiennent et qui m'ont donné leur parrainage et ce sont eux qui ont souhaité d'ailleurs entonner la Marseillaise et à Marseille, chanter la Marseillaise avec l'explication d'ailleurs que j'ai donnée... il y a des moments extrêmement forts, il y a eu des larmes qui ont coulé sur les joues, c'était impressionnant de voir la gauche reconquérir cet hymne trop longtemps laissé à l'extrême droite et au Front national. Rappeler alors que nous avons tous été les uns et les autres un peu troublés par les paroles de la Marseillaise - le sang impur qui abreuve nos sillons - je me souviens en avoir même parlé à François Mitterrand, je lui disais : mais apprendre ce chant un peu sanguinaire dans les écoles, est-ce qu'on ne pourrait pas changer les paroles ? Et François Mitterrand m'avait dit : mais ce serait un contresens historique insupportable. Certains ont perdu leur vie à travers le monde en reprenant cet hymne libérateur qui est celui des républicains qui ont voulu justement résister contre les armées de l'Ancien régime, qui ont essayé de mater la Révolution. Et j'ai rappelé à Marseille que Louise Michel faisait chanter tous les matins et tous les soirs la Marseillaise à ses élèves et qu'elle racontait qu'à chaque fois cela la faisait pleurer parce qu'elle avait elle-même été privée de liberté. Donc il ne faut pas faire de contresens ; cela mérite une explication. Mais je pense qu'on élève un peuple en lui expliquant quel est le sens de ces symboles et non pas en l'entraînant dans la confusion des valeurs et je le répète, je ne fais aucune confusion entre la nation dont on doit être fier et dont un chef d'Etat doit conduire chaque Français à être fier d'appartenir à la nation, et le nationalisme. Et pour la gauche, et pour la gauche... pour la gauche - et c'est Jaurès qui nous l'a appris - la gauche a réconcilié - et c'est Jaurès qui l'a fait le premier - la République et la nation et la nation et l'internationalisme parce que pour la gauche...
Jean-Michel Apathie
Un meeting du Parti socialisme doit se conclure par la Marseillaise...
Ségolène Royal
Attendez, je finis cela parce que c'est très important...
Jean-Michel Apathie
La campagne de Lionel Jospin par exemple, on n'a jamais entendu Lionel Jospin terminer ses meetings par la Marseillaise. Vous le regrettez ?
Ségolène Royal
S'il vous plaît, nous sommes dans le temps présent et je crois que c'est un débat éminent car les catégories populaires, j'ai regardé cela de très près, qui ont voté non à la Constitution européenne, l'une de leurs motivations, c'était une question existentielle sur le point de savoir si la France allait se diluer dans l'Europe et c'est par conséquent en refondant la nation, en étant très clair sur son identité et sur ce qu'elle signifie que je veux demain inviter les Français à se tourner vers les autres ; c'est le contraire de ce que dit Nicolas Sarkozy lorsqu'il associe...
Pierre-Luc Séguillon
C'est pour ça que vous choisissez le moment précisément où on célèbre l'anniversaire du traité de Rome, pour mettre cette insistance sur la nation ?
Ségolène Royal
Mais pourquoi pas ? C'est-à-dire que je crois que les Français pourront d'autant plus fortement se tourner vers l'Europe d'une part et regarder la mondialisation sans peur d'autre part s'ils ont la conviction que le chef de l'Etat saura préserver la nation dans ce qu'elle a de plus précieux, c'est-à-dire ses solidarités et sa sécurité sociale et en même temps qu'il ne fera pas de la nation un outil de repli sur soi, de nationalisme, de racisme, de lutte contre toutes les formes de différence, mais bien au contraire une nation rassemblée avec toutes ses différences et c'est cela aujourd'hui qui en fait la force et c'est pourquoi j'ai dénoncé avec beaucoup de vigueur l'amalgame qui a été fait par Nicolas Sarkozy entre l'immigration et l'identité nationale parce que c'est un amalgame dangereux ; au contraire, c'est quand la nation est bien au clair sur ses bases, qu'elle ne demande pas aux Français d'où ils viennent ni aux étrangers qui viennent aider l'économie française d'où ils viennent mais où nous voulons aller ensemble et avec quelles valeurs, voilà ma conception de la nation et je pense que c'est un débat qui mérite d'être tenu au plus haut niveau et qu'en tout cas tout candidat à l'élection présidentielle a la responsabilité de dire quelle est sa conception de la nation.
Nicolas Beytout
Vous savez que tous ceux qui concourent aujourd'hui au plus haut niveau, parlent de cette affaire d'identité nationale et vous avez dit, vous, depuis que la Marseillaise est redevenue un élément central de votre campagne : je ferai en sorte que les Français connaissent la Marseillaise et que dans toutes les familles, il y ait un drapeau national qui soit là. Vous avez ajouté : les sportifs français sont ceux qui connaissent le moins l'hymne national. Il y a quelques années, Jean-Marie Le Pen au moment de la coupe du monde de football, avait dit la même chose et il avait fait scandale. Est-ce qu'il avait raison ?
Ségolène Royal
Non parce que la nation vue par l'extrême droite, c'est du nationalisme, c'est du racisme...
Nicolas Beytout
Mais quand il regrette simplement que les sportifs ne connaissent pas l'hymne national, est-ce qu'il avait raison ?
Ségolène Royal
Les Français non plus ne connaissent pas les paroles et même d'une certaine façon nous n'osions plus les prononcer à cause de la phrase que je vous ai dite tout à l'heure, à cause du "sang impur qui abreuve nos sillons" et donc lorsqu'il y a un contresens sur cette phrase, c'est vrai qu'on n'ose pas la prononcer parce qu'il y a une forme de violence, d'où la nécessité d'expliquer les paroles.
Nicolas Beytout
Vous pensez que c'est parce que le texte est trop violent que les Français ne le chantaient plus ?
Ségolène Royal
Oui je pense qu'il y a un rejet de cette forme de violence et de cette mauvaise interprétation sur les paroles. Quant aux grands sportifs français, regardez leur fierté lorsqu'ils remportent les compétitions...
Nicolas Beytout
Je ne dis pas le contraire, c'est vous qui dites qu'ils ne connaissent pas l'hymne...
Ségolène Royal
Non je n'ai pas dit qu'ils ne la connaissaient pas, j'ai dit qu'ils ne la chantaient pas...
Nicolas Beytout
... que les sportifs français sont ceux qui connaissent le moins - c'est une dépêche AFP - le moins l'hymne national...
Ségolène Royal
Non non non, j'ai dit qu'ils ne prononçaient pas les paroles à cause justement de la violence de ces paroles et que ces paroles sont à tort interprétées comme des paroles xénophobes, ce qui n'est pas le cas. Mais regardez...
Nicolas Beytout
Et vous-même, vous l'avez chantée ? J'ai regardé des images, on ne vous voit pas chanter ?
Ségolène Royal
Mais regardez les sportifs... leur émotion, leurs larmes aussi lorsque l'hymne national retentit et que le drapeau français est levé et regardez ce qui se passe lors des victoires des grandes compétitions sportives où les Français déferlent devant les mairies et sur les Champs-Elysées avec le drapeau français ; eh bien moi je crois que l'on peut être fier de son drapeau, fier de son pays, fier de sa nation et en même temps farouchement tourné vers les autres et c'est comme ça que j'entends peut-être demain diriger la France, c'est-à-dire dire aux Français : nous sommes fiers d'être français et c'est pour cela que nous devons êtes accueillants aux autres et tournés vers le monde.
Nicolas Beytout
Est-ce que vous chantez cet hymne national ?
Ségolène Royal
Oui, ça m'arrive...
Nicolas Beytout
Les images qu'on voit, vous ne chantez pas...
Jean-Michel Apathie
On ne vous a pas vue chanter là oui...
Ségolène Royal
C'est un choix que je fais...
Jean-Michel Apathie
C'est un choix ! Vous souhaitez que tous les Français la chantent mais pas vous ?
Ségolène Royal
Ce n'est pas cela, c'est lorsque je suis dans des réunions publiques et que dix mille personnes chantent la Marseillaise, je suis devant eux, je les porte, je les écoute, je m'imprègne de cette force populaire, c'est le choix que je fais, je les écoute...
Jean-Michel Apathie
Vous n'êtes pas avec les gens qui chantent la Marseillaise.
Ségolène Royal
Si, mais...
Jean-Michel Apathie
Mais vous ne chantez pas avec eux...
Ségolène Royal
Mais quand je sentirai le moment venu de la chanter, je le ferai, Monsieur APHATIE, je vous préviendrai, rassurez-vous...
Jean-Michel Apathie
Toujours sur la question de la nation, Ségolène Royal, page 204 donc dans le livre que vous publiez : Marie-Françoise Colombani qui a fait ce livre d'entretien avec vous, vous demande quels sont les modèles que vous avez dans la République et vous citez : François Mitterand, Pierre Mendès-France, Jacques Delors, Jeanne d'Arc. Et en lisant ça puisque la question de l'identité nationale est aussi forte aujourd'hui dans le débat, on se dit "et Charles De Gaulle, qu'en pense-t-elle, Ségolène Royal ?"
Ségolène Royal
Elle en pense... je retiendrai une chose de Charles De Gaulle, c'est une idée que je partage, lorsqu'il dit : il n'y a pas d'incompatibilité entre la simplicité dans l'exercice du pouvoir et la grandeur de la France et d'ailleurs dans la réforme des institutions que je propose, dans cette 6e République, je crois que les Français la veulent, ils veulent une autre forme d'exercice du pouvoir, plus simple, plus sobre, plus efficace, plus rapide à l'image par exemple de ce que fait un maire au contact direct de sa population ; nous ne sommes pas bien sûr au moment niveau avec la présidence de la République mais je pense que les Français attendent une modernisation dans la façon de conduire les affaires de l'Etat et je crois...
Jean-Michel Apathie
Charles De Gaulle, c'est le 18 juin 40 quand même... C'est étonnant...
Ségolène Royal
Je ne vais pas faire ce soir un cours d'histoire...
Jean-Michel Apathie
Non...
Ségolène Royal
Mais sur cette conception de l'exercice du pouvoir, c'est-à-dire l'idée que l'on peut exercer avec simplicité et sobriété le pouvoir et en même temps incarner la grandeur de la France, l'indépendance de la France et lui rendre sa place dans le monde, je crois que c'est une philosophie que l'on peut retenir.
Pierre-Luc Séguillon
Alors précisément juste avant l'émission, on s'est un petit peu interrogé entre nous pour essayer de comprendre la signification de votre nouveau slogan qui est : la France présidente. Est-ce que ça signifie que l'ensemble des Français prennent le pouvoir, c'est la France qui devient présidente ou est-ce que c'est la présidente qui va désormais incarner toute la France ? Ou est-ce que ça signifie autre chose, je ne sais pas ?
Ségolène Royal
D'abord ce n'est pas un slogan ; c'est le titre de la campagne officielle que chaque candidat doit déposer devant le Conseil constitutionnel. Il y a deux idées sur cette affiche officielle, d'abord l'idée du changement - je suis la candidate qui incarne le changement - et par rapport aux deux candidats de la droite, ceux qui ont gouverné pendant cinq ans, je crois qu'ils n'ont pas la crédibilité ni la vérité pour incarner cette rupture puisqu'ils devront rendre des comptes sur ce qu'ils ont fait...
Nicolas Beytout
Les deux candidats de la droite, c'est Nicolas Sarkozy et ?
Ségolène Royal
Et François Bayrou qui est candidat de l'UDF. Jusqu'à présent, l'UDF fait partie de la majorité de droite à l'Assemblée nationale et dans les collectivités territoriales, donc ce n'est pas polémique que de le constater, ce sont simplement les faits. Et sur la France présidente, c'est une idée qui est remontée des débats participatifs, très souvent remontée, et qui incarne l'idée que la France ne peut reprendre la main et se remettre en mouvement que si tous les Français s'y mettent. Et ça incarne aussi l'idée que c'est la France elle-même...
Nicolas Beytout
Qui va être sa propre présidente ?...
Ségolène Royal
Non, il y aura un président ou une présidente de la République, c'est en tout cas mon souhait, mais la France présidente, c'est l'idée que c'est la France elle-même qui se remet en mouvement et qui assure sa relève ; c'est aussi le fruit de la démarche participative ; c'est l'idée que la politique doit changer ; la France a changé, le monde a changé, donc la politique doit changer et que la politique ne sera plus jamais faite sans les gens ; elle sera faite avec eux et si vous avez été attentif, le contenu de la réforme concernant les institutions de la 6e République suite au rapport qu'ont fait les deux présidents de groupe, Jean-Marc AYRAULT et Jean-Pierre BEL, intègre totalement ce nouvel espace de démocratie participative, de démocratie sociale, de démocratie parlementaire et de démocratie territoriale et tout cela, c'est la France ; ce sont à la fois les territoires, les citoyens qui pourront avoir accès au référendum d'initiative populaire, le renforcement des pouvoirs du Parlement aussi et notamment son pouvoir de contrôle, la suppression du 49-3, la mandat unique...
Jean-Michel Apathie
On va y revenir...
Ségolène Royal
Et c'est aussi l'idée que la France doit reprendre sa place.
Jean-Michel Apathie
J'aimerais que nous fassions un lien entre la discussion que nous venons d'avoir sur l'identité nationale et la question des personnes qui sont sur le territoire français mais qui n'ont pas la nationalité. Un fait divers... un fait de société, je ne sais pas comment l'appeler, suscite beaucoup de réactions, c'est ce qui s'est passé près de l'école Rampal dans le 19e arrondissement de Paris : une directrice, la directrice de cette école, s'est opposée à la police qui avait arrêté un homme sans papiers en situation irrégulière sur le territoire, qui venait chercher son petit-fils ; et la directrice de l'école avec d'autres personnes qui étaient là mardi dernier, s'est opposée à la police. La directrice de l'école a été mise en garde à vue vendredi, relâchée depuis et il y aura une manifestation de soutien demain pour protester - c'est le réseau Education sans Frontières qui organise cette manifestation - pour protester contre l'agissement des forces de police ; que pensez-vous de ce débat ? Des personnes sans papiers et qui ont leurs enfants scolarisés en France deviennent-elles parce que leurs enfants sont scolarisés, inexpulsables ?
Ségolène Royal
D'abord je voudrais dire que ce qui s'est passé, est totalement inadmissible ; ce n'est pas la République ni la nation que nous aimons qui a donné là cette image. Les enseignants ne sont pas les auxiliaires de la police...
Jean-Michel Apathie
Mais les policiers font leur travail... ce n'était pas dans l'école...
Ségolène Royal
Ca dépend du ministre de l'Intérieur en place...
Jean-Michel Apathie
Mais ce n'était pas dans l'école qu'ils ont arrêté cette personne...
Ségolène Royal
Il y a des instructions qui sont données aux policiers ; je pense qu'un ministre de l'Intérieur de gauche ne donnera pas d'instructions aux policiers d'aller interpeller à la porte des écoles un grand-père qui vient chercher ses petits-enfants...
Jean-Michel Apathie
Les policiers ne devraient pas faire ça d'après vous, ils devraient refuser de suivre ces consignes ?
Ségolène Royal
Je pense que certains policiers souffrent du type d'ordres qu'ils reçoivent et exécutent un certain nombre d'ordres parce que c'est leur obligation, à contrecoeur.
Jean-Michel Apathie
Et sur le fond ? Des enfants scolarisés en France rendent-ils leurs parents inexpulsables ?
Ségolène Royal
Les enfants scolarisés en France doivent pouvoir accomplir leur scolarité...
Jean-Michel Apathie
Donc les parents ne peuvent pas être expulsés ?
Ségolène Royal
Je crois que comme l'ont fait avec beaucoup d'humanité certains préfets puisque j'ai moi-même suivi des cas très concrets qui se posaient dans ma région, là aussi, on doit faire du cas par cas parce qu'on ne peut pas non plus ériger en norme... mais le Parlement aura à en débattre, en norme des contournements ou des exceptions à la loi telle qu'elle est ; mais en revanche, ma conviction profonde, c'est que les enfants qui sont scolarisés doivent pouvoir poursuivre leur scolarité et donc leurs parents doivent pouvoir rester sur le territoire...
Nicolas Beytout
Et leurs parents automatiquement doivent avoir des papiers ? On doit leur donner des papiers dès lors qu'il y a des enfants à l'école, les parents... les parents et les grands-parents en l'espèce, sont assurés d'avoir des papiers ?
Ségolene Royal
Je Le Pense.
Nicolas Beytout
C'est une forme de régularisation, de contournement de la loi, non ?
Ségolène Royal
Non, ce n'est pas une forme de contournement de la loi, c'est une forme de respect et d'humanité.
Nicolas Beytout
Ces gens-là arrivent sans papiers, font scolariser leurs enfants, l'école est obligée de les prendre et par réaction, les parents doivent avoir des papiers, c'est comme ça que ça devrait se passer ?
Ségolène Royal
Je pense que la régularisation doit suivre la scolarisation des enfants. C'est d'ailleurs les instructions qui ont été données et qui doivent être appliquées.
Jean-Michel Apathie
Qui ont été données... c'est-à-dire ? Des instructions n'ont pas été données ; il y a des études de dossiers au cas par cas...
Ségolène Royal
Oui, il y a des études de dossiers au cas par cas...
Jean-Michel Apathie
Il n'y a pas d'instructions générales... A votre avis, il faudrait aller vers une instruction générale.
Ségolène Royal
Lorsque l'on s'en occupe de près, en effet, les régularisations sont faites.
Nicolas Beytout
Vous avez dit il y a quelques jours à la télévision : aujourd'hui, dans la dernière ligne droite de la campagne, je reprends doute ma liberté et désormais tout dépend de moi. Vous parliez vis-à-vis du Parti socialiste. Est-ce que je peux vous demander qu'est-ce qui jusqu'à présent vous avait entravée... avait entravé votre liberté ?
Ségolène Royal
Je suis dans le présent et dans l'avenir... donc... donc cette question... a quelque chose à voir avec le passé, le passé proche, j'en conviens ; mais aujourd'hui je suis en relation directe avec les Français.
Nicolas Beytout
Alors je vais vous poser une question d'actualité et du futur : est-ce que vous avez déjà réuni votre équipe du pacte présidentiel, celle que vous avez désignée il y a quelques semaines et sinon est-ce que dans le futur, vous allez le faire ?
Ségolène Royal
Ecoutez... il y a...
Nicolas Beytout
Cette équipe dans laquelle on trouve Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Pierre Maurois, Henri Emmanuelli, Bertrand Delanoë enfin tous ceux que vous avez désignés en février...
Ségolène Royal
Mais ils sont tous mobilisés...
Nicolas Beytout
Est-ce que vous les avez déjà réunis ?
Ségolène Royal
Mais ils ne demandent pas forcément à être réunis, ils sont tous mobilisés, je vous rassure ; ils sont tous mobilisés et si j'ai dit que je reprenais ma liberté, ce n'est pas seulement vis-à-vis du Parti socialiste, c'est parce que c'est la nature même de l'élection présidentielle ; je suis socialiste, j'ai participé au projet des socialistes. Mes deux directeurs de campagne, il y en a un qui a participé à la rédaction du projet des socialistes, c'est Jean-Louis Bianco et c'est François Rebsamen qui est le numéro deux du Parti socialiste ; alors je ne vois pas le sens de votre question...
Jean-Michel Apathie
Si vous reprenez votre liberté, c'est donc que vous l'aviez aliénée, c'est ça le sens de la question !
Ségolène Royal
Non, ça veut dire qu'il y a...
Jean-Michel Apathie
Vous la reprenez...
Ségolène Royal
Ca veut dire qu'il y a eu plusieurs étapes et j'ai tenu bon sur ces étapes. Il y a eu les étapes de la désignation interne, il y a eu les étapes de la campagne participative qui me rendent aujourd'hui extrêmement solide et sereine par rapport au pacte présidentiel que je propose et c'est la raison pour laquelle d'ailleurs je ne parle pas d'un projet ou d'un programme mais d'un pacte, c'est-à-dire d'un contrat parce qu'il a été construit avec plus de trois millions de Français qui sont venus dans les débats participatifs et sur le site Internet. Donc j'ai compris ce qu'ils ne voulaient plus et en même temps ce qu'ils voulaient. J'ai compris aussi les colères profondes, j'ai compris aussi que des millions de Français avaient le sentiment de ne plus compter pour rien, qu'ils n'étaient plus représentés par la politique traditionnelle, qu'il y avait une crise démocratique profonde. Alors moi je veux que l'élection présidentielle serve à quelque chose et que les Français aient vraiment un choix, un choix entre des valeurs, un choix entre une vision, un choix entre des décisions concrètes et c'est pourquoi ce que je mets en avant, c'est la valeur travail d'abord, lutter farouchement contre le chômage et en particulier contre le chômage des jeunes avec le droit au premier emploi pour les jeunes ; ce que je mets en avant, c'est la défense du pouvoir d'achat et la sécurisation du logement, c'est la bataille écologique et c'est enfin l'investissement dans la valeur humaine, c'est-à-dire dans l'éducation...
Nicolas Beytout
On va parler de tous ces sujets, Ségolène Royal...
Pierre-Luc Séguillon
Pardonnez-moi... mais est-ce que vous n'avez pas le sentiment qu'à un moment donné, une des étapes, ça a été un trou d'air et qu'au fond à ce moment-là, vous avez appelé au secours le Parti socialiste et ceux qu'on appelle parfois au sein du Parti socialiste les éléphants pour d'ailleurs ensuite regretter qu'ils ne vous soutiennent pas suffisamment et qu'ils ne fassent pas suffisamment bloc derrière vous. Ensuite, vous avez dit "j'étais un peu coincée par les éléphants". Alors on a du mal quand même à comprendre quelles sont les relations que vous entretenez avec le Parti socialiste ?
Ségolène Royal
Mais vous n'avez pas à les comprendre toutes ces relations ! C'est complexe, un parti politique...
Pierre -Luc Séguillon
C'est trop compliqué pour moi... je suis désolé...
Ségolène Royal
Voilà, c'est trop compliqué pour vous. L'important, c'est la situation...
Pierre-Luc Séguillon
Ou est-ce que c'est le Parti socialiste qui est un peu compliqué peut-être.
Ségolène Royal
L'important, c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons. D'abord je suis soutenue par deux autres partis de gauche, par les radicaux, le Mouvement des Citoyens, par les mouvements associatifs aussi forts, par des citoyens qui ne sont pas membres de partis politiques mais qui sont simplement de gauche et qui ont envie que ça change ; par des Français qui ne se situent plus ni à droite ni à gauche, qui ont parfois même perdu le sens du clivage droite-gauche et je les respecte, ces citoyens français qui ont perdu le sens du clivage droite-gauche parce que...
Pierre-Luc Séguillon
Mais vous n'éclairez pas mon incompréhension...
Ségolène Royal
Non mais c'est inutile, vous perdriez du temps... essayons de gagner du temps ensemble...
Nicolas Beytout
Oui mais peut-être qu'on peut essayer de comprendre...
Ségolène Royal
Messieurs, nous sommes dans une élection présidentielle... alors ce qui s'est passé il y a quelques semaines ou il y a quelques mois à l'intérieur des organisations politiques, c'est sans doute très intéressant mais cela fait déjà partie de l'histoire ; si vous le permettez, je préfère que nous écrivions l'histoire du temps présent...
Nicolas Beytout
Ségolène Royal...
Jean-Michel Apathie
Cela a conditionné la façon dont vous faites la campagne et la façon dont vous vous adressez aux Français...
Ségolène Royal
Mais pas du tout...
Jean-Michel Apathie
C'est pour ça que ça nous intéressait, mais on peut changer de sujet et je crois que Nicolas va le faire...
Ségolène Royal
... parce que vous avez, je ne voudrais pas vous vexer...
Pierre-Luc Séguillon
Ah non mais vous ne me vexez pas...
Ségolène Royal
Si je ne vous vexe pas, je vais vous dire pourquoi vous me posez ces questions, parce que vous avez une vision un peu dépassée de la politique...
Jean-Michel Apathie
C'est là que vous allez le vexer...
Pierre-Luc Séguillon
C'est moi ou c'est vous qui avez une vision dépassée de la politique quand vous faisiez appel aux éléphants ? Maintenant vous avez peut-être changé et donc je vous suis dans votre changement...
Ségolène Royal
Mais non, vous vous trompez...
Pierre-Luc Séguillon
Ah bon ! Pardon...
Ségolène Royal
J'ai fait appel à tous les talents et toutes les personnalités du Parti socialiste non pas pour les rassembler dans une pièce au niveau national comme ça se faisait autrefois mais pour qu'ils se mobilisent sur les territoires. J'ai fait une campagne très décentralisée parce que je crois aux intelligences territoriales et à la proximité avec les vrais problèmes que vivent les citoyens et auxquels demain je vais peut-être devoir répondre comme je l'espère. Et donc cette campagne a été totalement décentralisée. Comme vous êtes dans un petit cercle parisien... que je respecte au demeurant et que vous n'êtes pas allé - je ne vous ai jamais vus dans les réunions participatives dans les communes, dans les départements, dans les régions, au contact des gens - ceux qui sont ici, tous ceux qui sont ici, je vois Dominique Strauss-Kahn, Bernard Kouchner, ils y sont allés dans ces débats participatifs, ils ont compris un certain nombre de choses. Je vois les présidents de région qui sont là également et qui m'accompagnent aujourd'hui, Jean-Jacques Queyranne, Jean-Pierre Masseret, ils ont vu les territoires se mettre en mouvement ; mes directeurs de campagne sont allés dans ces réunions participatives et tous ceux qui sont là ici présents, les parlementaires qui m'entourent là et que je vois, ils sont allés dans ces débats et ils ont compris que plus jamais la politique ne devait être comme avant et que c'était en s'appuyant sur l'exigence des citoyens, la colère des citoyens, la volonté aussi qu'ils avaient de voir la politique plus efficace, que c'est comme cela que nous allons avancer ; et d'ailleurs un certain nombre de ces propositions ont été reprises dans le pacte présidentiel et en particulier la question de la lutte contre toutes les formes de précarité, la conviction profonde que les chefs d'entreprise qui sont venus dans ces débats ont dit aussi qu'ils avaient la conviction maintenant que c'était le progrès social et le dialogue social qui permettaient aussi la compétitivité et l'efficacité des entreprises ; ça m'a permis de poser les bases d'une nouvelle croissance durable et de la définir autrement pour que demain, l'économie reparte.
Jean-Michel Apathie
On va faire une pause, on va écouter les informations et on va se retrouver tout de suite après.
Pause journal
Jean-Michel Apathie
Nous sommes de retour dans le grand studio de RTL. Pour mener votre action, Ségolène Royal, vous avez annoncé la semaine dernière votre volonté de changer les institutions, vous avez parlé d'une 6e République ; concrètement qu'est-ce que vous voulez changer dans les équilibres institutionnels de la République française, Ségolène Royal ?
Ségolène Royal
Concrètement, cette réforme des institutions à la suite des rapports parlementaires que j'ai évoqués tout à l'heure, va s'appuyer sur quatre piliers ; d'abord la démocratie parlementaire qui sera renforcée avec le mandat unique, la suppression du droit de veto pour le Sénat, la suppression du 49-3 qui sont les principales modifications... le fait que le chef de l'Etat ne sera plus le président du Conseil supérieur de la magistrature et le fait que l'Etat sera désormais vraiment impartial, autrement dit que les grandes institutions dont on doit garantir l'indépendance comme le Conseil constitutionnel ou comme la haute autorité de l'audiovisuel qui s'appellera haute autorité du pluralisme, ne seront plus désormais désignées par le chef de l'Etat et le président des Assemblées mais par une majorité des trois cinquièmes de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire que l'opposition aura son mot à dire. Je veux aussi que l'opposition soit respectée. C'est donc un député de l'opposition qui sera président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale. Le second pilier, c'est la démocratie territoriale. Je pense en effet qu'il faut une nouvelle étape de la régionalisation pour lutter contre tous les gaspillages. Je crois qu'il y a beaucoup de gaspillages dans cette superposition des compétences entre les différentes collectivités territoriales et lorsque j'interrogeais José-Luis Zapatero ou Prodi sur la façon dont ils avaient économisé dans les dépenses administratives, ils l'ont fait aussi par un mouvement de régionalisation qui a mis chacun devant ses responsabilités et au clair avec les dépenses publiques.
Jean-Michel Apathie
En France jusqu'à présent c'était l'inverse, ça a coûté cher, la décentralisation, plutôt que ça n'a apporté des économies ; on ne voit pas pourquoi ça changerait mais... peut-être que ça changera...
Ségolène Royal
Pourquoi ça changera ? Parce que chaque collectivité sera désormais au clair sur ses responsabilités et il n'y aura plus superposition ou doublon et en particulier pour la remise à niveau des universités qui est une urgence à régler en France, cette responsabilité-là relèvera des régions et des régions seules. Ce sont elles aussi qui auront la responsabilité des aides publiques aux entreprises, ce qui permettra là aussi d'éviter d'énormes gaspillages sur ces trois milliards d'euros qui vont aux entreprises, appuyés sur 730 procédures comme l'ont dit le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise auxquels j'ai demandé un avis, vous le savez, et qui m'ont rejointe sur cette question-là, c'est-à-dire que je pense qu'il y a des chefs d'entreprise moderne qui attendent aussi que l'Etat et que les pouvoirs publics fonctionnent mieux. Le troisième pilier...
Nicolas Beytout
Est-ce qu'on peut s'arrêter un petit peu sur le premier pilier...
Ségolène Royal
On peut s'arrêter, bien sûr, je vous en prie...
Nicolas Beytout
On reviendra après à la démocratie participative sûrement. Vous annoncez donc une 6e République, c'est-à-dire une nouvelle Constitution. Dans votre discours de Villepinte, le 11 février, vous rappelez que vous avez confié une mission à Jean-Marc Ayrault et à Jean-Pierre Bel et vous dites : ils m'ont remis des rapports à ce sujet ; nous les suivrons. Or que dit par exemple le rapport de Jean-Pierre Bel qui porte justement sur les institutions, il dit - je cite - davantage qu'une modification des institutions et des textes, il s'agit d'instaurer une pratique du pouvoir nouvelle et il ajoute : notre réflexion se fonde sur la préservation des fondements de la Constitution de 1958, la 5e République, et propose leur évolution. Il ne parle absolument pas d'une 6e République, absolument pas d'une nouvelle Constitution mais de la préservation de 58. Qu'est-ce qui fait que vous dites à la fois : je suis cet avis et je fais une 6e République ?
Ségolène Royal
C'est le choix que je fais en tant que candidate à l'élection présidentielle après avoir consulté en effet un certain nombre de parlementaires, un certain nombre de constitutionnalistes, et les responsables eux-mêmes - Jean-Marc Ayrault et Jean-Pierre Bel...
Nicolas Beytout
Mais vous ne suivez pas l'avis de ceux à qui vous avez demandé...
Ségolène Royal
Si parce que depuis la remise de ces rapports, le travail a continué, la réflexion a continué et ce dont nous avons convenu ensemble, c'est que le fait même de dire : il y a une réforme des institutions, n'était pas très convaincant. Et d'ailleurs vous avez un peu tronqué si je puis me permettre la citation que vous venez de faire parce que Jean-Marc Ayrault n'a jamais dit qu'il suffisait de modifier l'esprit des institutions puisque lorsque...
Nicolas Beytout
C'est la phrase de Jean-Pierre Bel...
Ségolène Royal
... Jean-Pierre Bel... parce que quand on enlève le pouvoir de veto au Sénat, quand on met une part importante de proportionnel, quand on fait le mandat unique...
Nicolas Beytout
Si c'est si important que ça, pourquoi est-ce que ça n'était pas dans vos cent propositions ? C'est quand même étrange ! C'est la loi fondamentale. C'est comme ça qu'on appelle la Constitution. C'est donc un sujet fondamental et ça ne fait pas partie, cette nouvelle République de vos cent propositions. Comment expliquer cela ?
Ségolène Royal
Mais si, vous avez mal lu les cent propositions...
Nicolas Beytout
Non, le mot 6e République... nouvelle Constitution...
Ségolène Royal
Le mot "République nouvelle"...
Nicolas Beytout
Oui mais il n'y a pas de Constitution nouvelle, Ségolène Royal ... là vous jouez un peu sur les mots...
Ségolène Royal
Il y aura une réforme de la Constitution ne serait-ce que pour supprimer le 49-3, c'est l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, donc vous conviendrez avec moi sans être professeur de droit ni vous ni moi qu'il faut bien réformer la Constitution. Donc ce que je veux dire...
Pierre-Luc Séguillon
Mais alors précisément, comment vous allez procéder ?
Ségolène Royal
Ce que je veux dire en disant : ce sera une 6e République, c'est pour que les Français soient bien convaincus que cette réforme va se faire et que le fonctionnement des institutions va changer pour les mettre à la hauteur de ce dont la France a besoin pour entrer dans la modernité et dans la démocratie participative. Je veux désormais que la politique se fasse avec les Français et que plus rien ne se fasse sans eux ; et en même temps, je veux assurer l'autorité de l'Etat et cela n'est pas incompatible. Je veux une nouvelle base de démocratie territoriale parce que je pense que les élus locaux sont plus efficaces qu'un Etat hyper centralisé, empesé dans ses circulaires et dans ses règlements et en contrepartie, je demanderai aux élus locaux de rendre des comptes et d'insuffler de la démocratie participative avec les jurys citoyens, avec le référendum d'initiative populaire dans la façon dont ils exercent le pouvoir. Je crois que la France a tout à gagner. Ce n'est pas pour le plaisir de faire une réforme des institutions, c'est parce que je pense que la France est bloquée et qu'elle pourrait être beaucoup plus efficace, que les réformes pourraient être beaucoup plus rapides et d'ailleurs je n'attendrai pas que la réforme des institutions soit achevée pour commencer les différentes réformes d'urgence dont la France a besoin ; par exemple, la rentrée scolaire sera préparée immédiatement dès l'élection présidentielle pour rendre à l'école les moyens qui lui ont été retirés...
Pierre-Luc Séguillon
Mais pour en rester à la transformation constitutionnelle ?
Ségolène Royal
Par exemple, le Conseil national sur les revenus et la croissance sera mis en place... la conférence nationale avec les partenaires sociaux sera mise en place immédiatement sans attendre la réforme des institutions.
Pierre-Luc Séguillon
Mais sur le problème de la réforme des institutions, quelques précisions : comment est-ce que vous allez procéder ? Si c'est un changement très fondamental comme vous le dites, est-ce qu'il faut comme vous avez semblé le suggérer au début de la semaine dernière, procéder par une assemblée constituante ?
Ségolène Royal
Ce n'est pas nécessaire de faire une assemblée constituante...
Pierre-Luc Séguillon
Donc vous avez éliminé cette solution...
Ségolène Royal
Non... je pense que... non, l'idée est la suivante : je mettrai en place un conseil consultatif constituant qui rassemblera des parlementaires, des élus locaux, des citoyens tirés au sort sur les listes électorales et des constitutionnalistes et ce débat sera transparent ; il pourra se dérouler même sur les chaînes parlementaires ; il sera transparent parce que je considère que les Français ont aussi leur mot à dire pour bien comprendre le nouvel équilibre des institutions qui va moderniser la France.
Nicolas Beytout
Et ensuite il y aura un référendum pour adopter une nouvelle Constitution ?
Ségolène Royal
Bien sûr, il y aura un référendum.
Pierre-Luc Séguillon
Et ce référendum, il aura lieu dans l'été qui...
Ségolène Royal
Dès que nous serons prêts et les choses pourront être très rapides puisque le travail préparatoire est d'excellente qualité mais je le répète, je n'attendrai pas que le référendum ait lieu et la réforme des institutions pour commencer à réformer la France et à apporter des réponses aux urgences qui se posent sur la question du chômage, sur la question de l'écologie, du pouvoir d'achat, sur la question de l'éducation, de la formation et de la relance économique par le nouveau pacte avec les petites et moyennes entreprises.
Jean-Michel Apathie
Une dernière précision sur ce thème avant que ce soit un peu périphérique : aux Echos du 15 mars, dans une interview, vous avez dit "je suis favorable à un budget de l'Etat participatif". Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
Ségolène Royal
Ca veut dire qu'une partie des dépenses publiques doit peut-être donner lieu à une consultation des citoyens. Il y a un tel rejet de l'impôt, une telle attente des citoyens pour que l'on mette fin à un certain nombre de gaspillages, une peur aussi des Français par rapport à la dette que nous laisse la droite et au déficit des comptes sociaux, que les gens se demandent si l'argent public est correctement utilisé. Moi je leur dis non, l'argent public n'est pas correctement utilisé...
Jean-Michel Apathie
Depuis quand ? Maintenant ? Ou depuis longtemps ?
Ségolène Royal
Prenons un exemple très précis...
Jean-Michel Apathie
Il n'est pas bien utilisé depuis quand ?
Ségolène Royal
Les 63 milliards d'aides aux entreprises qui vont de façon indifférenciée aux entreprises qui licencient ou à celles qui ne licencient pas, aux entreprises qui font des profits comme à celles qui n'en font pas, aux entreprises qui n'ont pas besoin de cela comme à celles qui en ont besoin. Voilà un exemple très précis...
Jean-Michel Apathie
Depuis quand il est mal utilisé, l'argent public, Ségolène Royal ?
Ségolène Royal
Tenez-vous bien... il n'y a que 9% des aides aux entreprises qui vont aux PME, c'est-à-dire celles qui créent de l'emploi, celles qui innovent, celles qui se battent sur les marchés étrangers et celles qui respectent leurs salariés parce que les pôles de décision n'appartiennent pas aux fonds de pension détenus en dehors de nos frontières.
Jean-Michel Apathie
Depuis quand il est mal utilisé l'argent public, Ségolène Royal, par l'Etat ?
Ségolène Royal
Ecoutez, moi je parle de la France d'aujourd'hui et de celle qui va se relever ; donc je mets toute mon énergie dans la compréhension des mécanismes tels qu'ils sont aujourd'hui pour pouvoir les réformer le plus vite possible.
Jean-Michel Apathie
Les citoyens si j'ai bien compris votre raisonnement, ne seront pas seulement informés mais vous voulez les associer à la décision de dépense de l'argent public. J'ai bien compris votre raisonnement ?
Ségolène Royal
Oui, je le fais d'ailleurs dans ma région ; certains maires le font dans leur commune ; j'associe par exemple les lycéens aux dépenses publiques dans les lycées et je peux vous dire qu'ils ont un respect extrêmement... avec beaucoup de maturité de la défense publique...
Jean-Michel Apathie
C'est possible au niveau de l'Etat ça ? Parce qu'évidemment le changement d'échelle fait que la chose paraît complexe, c'est peut-être possible mais complexe ?
Ségolène Royal
Oui mais c'est en soulevant les complexités que l'on réussit à avancer parce que vous savez... écoutez... ça fait quinze années que j'ai vu et que j'ai pratiqué les administrations françaises et chaque fois qu'on vous dit que c'est impossible, il faut dire : ça prouve que c'est possible quelque part et je pense que s'il y a un domaine où l'on pourra faire de la démocratie participative et du budget participatif, ce sera le domaine de l'écologie. Je pense que les citoyens d'abord sont très en avance sur les gouvernants sur cette question-là et que par exemple le budget du ministère de l'Environnement pourrait très bien être soumis à des discussions publiques avec les citoyens sur la façon en particulier dont le budget de l'environnement est investi sur le territoire.
Nicolas Beytout
Vous allez leur demander par exemple leur avis sur le nucléaire ?
Ségolène Royal
Oui, bien sûr...
Nicolas Beytout
Par référendum ou dans des débats participatifs ?
Ségolène Royal
Le débat parlementaire sera rouvert sur le nucléaire puisque comme vous le savez, les Français ont été privés de ce débat. Les socialistes ont voté contre l'EPR, je vous le signale, en dénonçant justement l'absence totale de transparence dans ce domaine...
Nicolas Beytout
Donc dans ce domaine, vous suspendrez les travaux sur l'EPR ?
Ségolène Royal
Mais les travaux n'ont pas commencé... contrairement à ce qui est dit... le décret de construction de l'EPR n'est pas encore publié. Donc vous voyez, le fait même que vous me posiez cette question...
Nicolas Beytout
Vous avez...
Ségolène Royal
Attendez... le fait même que vous me posiez cette question, prouve à quel point le manque de transparence, pour ne pas dire le mensonge public intervient toujours et en particulier sur les questions environnementales. J'ouvrirai aussi le débat sur les OGM figurez-vous, parce que moi je considère que les citoyens sont intelligents et que lorsqu'il s'agit de leur argent et l'EPR... vous savez quel est le coût de l'EPR ?
Nicolas Beytout
Je crois que c'est 20 milliards...
Ségolène Royal
Non, entre 4 et 5 milliards, ce qui est déjà considérable. Donc je considère que 4 à 5 milliards d'euros dépensés, ça mérite au moins un débat. Pourquoi ? Parce que si on investissait cet argent dans les énergies renouvelables ou alors dans la quatrième génération de centrale puisqu'il s'agit là seulement de la troisième ou si on investissait ces moyens puisqu'un jour l'uranium deviendra rare dans le recyclage des déchets nucléaires, pour en faire le nouveau combustible des centrales nucléaires, peut-être... je n'ai pas la réponse... peut-être que ce serait plus intelligent. Donc ce débat-là doit être ouvert et tous les citoyens doivent pouvoir en débattre parce que c'est leur argent public et en ce qui concerne les OGM, c'est leur santé publique. Et à force de considérer que les citoyens sont immatures et n'ont pas accès aux grands débats publics, on fait des confrontations, on fait des affrontements; Eh bien quand la France est dans une situation de confrontations, d'affrontements, quand on dresse les gens les uns contre les autres, quand on dresse les scientifiques contre les citoyens, les chercheurs contre les étudiants, à ce moment-là, la France recule, elle perd du temps ; et moi je ne veux pas que la France perde du temps et donc je veux que toutes les intelligences se rassemblent, qu'il y ait des débats qui peuvent être fracassants quand on n'a pas les mêmes opinions et ensuite l'Etat arbitre en fonction de l'intérêt général. Mais comme le débat a eu lieu avant, à ce moment-là, les citoyens comprennent le sens des décisions publiques qui sont prises et donc ils sont en mesure de les appliquer et nous rentrons dans une culture de ce que j'appelle une culture du compromis, une culture du dépassement et je refuse la situation actuelle de la France qui est dans un système de confrontation et d'affrontements. Je pense même que l'on peut aller vers un système grâce au développement du syndicalisme de masse où il n'y a plus de grève, où les bas salaires sont augmentés, où les entreprises sont performantes comme cela se fait dans les pays du Nord de l'Europe parce que les gens vont être invités à discuter avant et donc vont défendre ensemble l'intérêt général, l'intérêt de l'entreprise, l'intérêt des salariés au lieu d'opposer les uns aux autres, au lieu d'être obligé d'entrer dans des conflits qui font du mal à tout le monde et qui donnent du souci à tout le monde.
Pierre-Luc Séguillon
Une précision simplement : cette démocratie participative et ces jurys, est-ce que c'est une pratique que vous recommanderez ou est-ce que vous estimez que cela doit être institutionnalisé et au fond dans la réforme de la Constitution, inscrit et précisé dans la Constitution ?
Ségolène Royal
Oui bien sûr ce sera dans la réforme des institutions, bien évidemment, les jurys citoyens seront institutionnalisés. Mais il n'y a que vous qui êtes surpris...
Pierre-Luc Séguillon
Ah non, attendez, je pose une question, vous me répondez...
Ségolène Royal
Ecoutez, tous les maires... il y a des maires ici, ils sont présents... je vois Dominique, Gilles, Bruno... je vois Dominique Bertinotti...
Pierre-Luc Séguillon
Pour le moment, ce n'est pas dans la Constitution, donc je vous pose la question...
Jean-Michel Apathie
Les jurys citoyens, ce n'est pas encore dans la Constitution... la question de Pierre-Luc, ce serait de savoir si vous êtes élue, si ça y serait et votre réponse est oui.
Ségolène Royal
D'abord les jurys citoyens existent et les maires qui ont le souci de la démocratie locale les pratiquent, tous les maires que je viens de citer...
Jean-Michel Apathie
Non, les jurys citoyens n'existent pas, non...
Ségolène Royal
C'est quoi un jury citoyen ?
Jean-Michel Apathie
Ah bon !? Ca n'existe pas les jurys citoyens... il n'y a pas de sanction... il n'y a pas de jugement hors le temps de l'élection, des citoyens...
Ségolène Royal
Mais vous confondez... et "Le grand jury", il y a des sanctions, Monsieur Aphatie ?
Jean-Michel Apathie
"Le grand jury", pas encore non et nous n'en prévoyons pas Madame.
Ségolène Royal
Votre émission s'appelle bien "jury", il n'y a pas de sanction... Ne confondez pas tout ! Ne soyons pas dans le mélange des valeurs et dans le mélange des genres ! Et les jurys littéraires, il y a des sanctions ?! Alors si le mot "jury" vous gêne, eh bien expliquons-le. Le rôle des responsables politiques, c'est de ne pas en rabattre sur les principes, c'est d'expliquer le sens des mots.
Jean-Michel Apathie
Si vous mettez l'appellation de "Jury citoyen" dans la Constitution puisque nous entrons dans cette conversation, allons jusqu'au bout, vous donnez des pouvoirs aux jurys citoyens sinon...
Ségolène Royal
Mais bien sûr...
Jean-Michel Apathie
Quels pouvoirs vous leur donnez ?
Ségolène Royal
Le pouvoir de suivi des politiques publiques et le pouvoir d'évaluer avec les élus...
Jean-Michel Apathie
Avec quoi comme résultat de l'action des jurys citoyens ?
Ségolène Royal
Mais l'amélioration de l'action publique.
Jean-Michel Apathie
Ils ont un pouvoir de jugement, de sanction ?
Ségolène Royal
Mais non, ce n'est pas un problème de jugement ni de sanction ; la sanction, c'est l'élection. Le jury citoyen comme le référendum d'initiative populaire, ce sont des éléments de la démocratie participative. C'est-à-dire que disent les gens ? Ils disent entre deux élections souvent, on n'a plus notre mot à dire. Il y a des formules d'associations, il y a des conseils de quartier, il y a des réunions d'information ; là, on passe à l'étape un peu supérieure, un peu structurée, c'est-à-dire que ce sont des citoyens tirés au sort sur les listes électorales ou par exemple un maire qui fait une politique de la petite enfance dans sa ville, tire au sort une centaine de jurys citoyens et fait un débat en disant : voilà la politique de la petite enfance que je mets en place, je vous demande d'assurer le suivi de cette politique de la petite enfance ; nous mettons en place un certain nombre de choses, j'ai besoin que vous me disiez si effectivement cette politique a vraiment pris corps sur le territoire. C'est véritablement traduit par des actions concrètes. Parce que souvent les élus qui ont beaucoup de travail, parfois prennent des décisions et puis découvrent parfois deux-trois mois après, un ou deux ans après que finalement ils ont décidé des choses et puis qu'entre-temps ça s'est étiolé et ça ne s'est pas appliqué sur le territoire. Donc c'est formidable pour un élu d'avoir un jury citoyen qui lui dit : voilà, vous aviez décidé quelque chose sur l'environnement et on se rend compte que vos décisions n'ont pas été mises en application ; donc nous vous alertons et voilà ce que nous pourrions faire. Ou alors des décisions qui n'ont pas été totalement bien calées sur l'attente des citoyens et donc au fur et à mesure où cette décision est appliquée, il y a un retour des citoyens, il y a des idées qui peuvent émerger du territoire, il y a un certain nombre de propositions qui peuvent enrichir la décision publique ; là aussi vous avez une vision assez ancienne, excusez-moi, de la politique. Mais il n'y a pas d'un côté ceux qui décident et tout d'un coup...
Pierre-Luc Séguillon
Si poser une question, c'est avoir une vision ancienne, c'est un peu gênant...
Jean-Michel Apathie
On va changer de sujet...
Ségolène Royal
Non, non, on ne change pas de sujet, vous permettez !
Jean-Michel Apathie
Ah bon d'accord...
Ségolène Royal
Vous permettez, je finis ce sujet-là. Si vous, derrière "jury", il y a forcément sanction, c'est que vous avez une vision un petit peu ancienne de la politique ; ce n'est pas un reproche que je vous fais, c'est tellement nouveau en effet que de réinjecter du pouvoir populaire au bon sens du terme...
Jean-Michel Apathie
C'est la notion de pouvoir qu'on a du mal à comprendre mais on appréciera le moment venu...
Ségolène Royal
... Nous sommes dans une société complexe. Donc c'est fini, ceux qui savent tout et puis ceux qui ne savent rien et qui doivent exécuter les ordres de ceux qui savent tout, c'est fini ; et d'ailleurs les maires qui sont en proximité, je le dis, parce que ce sont les élus les plus appréciés des citoyens, les plus au contact des gens, tous les jours, ils ont ces allers et retours, ils vont se promener dans les rues, on leur dit : Monsieur le Maire, vous aviez dit ça, regardez, ça fait six mois que vous l'avez dit, ce n'est pas fait; donc il y a des jurys citoyens spontanés.
Nicolas Beytout
... A propos, le non cumul des mandats, il sera...
Ségolène Royal
Eh bien ma proposition, c'est de faire des jurys citoyens organisés.
Nicolas Beytout
Sur les 35 heures, vous dites dans votre point 16 de vos cent propositions, sur les 35 heures, ouvrir les négociations pour déterminer comment on peut consolider cet acquis et réduire les effets négatifs pour les ouvriers et les employés. Est-ce que vous voulez étendre les 35 heures ou pas?
Ségolène Royal
Je souhaite que les 35 heures constituent partout un progrès social et je l'ai dit, je ne vais pas me répéter...
Nicolas Beytout
Donc ça veut dire étendre les 35 heures ?
Ségolène Royal
Parfois les 35 heures... c'est l'objectif, étendre les 35 heures... C'est-à-dire faire en sorte que partout les 35 heures correspondent vraiment à un progrès social, ce qui n'a pas été le cas partout lorsque pour certains salariés, ça s'est traduit par une aggravation des conditions de travail ; et en même temps il faut le faire de façon négociée et j'ai dit qu'il n'y aurait pas de loi nouvelle sans négociation entre les partenaires sociaux - c'est le nouveau principe de gouvernance que j'ai affiché...
Jean-Michel Apathie
Et s'ils ne s'entendent pas, les partenaires sociaux ?
Ségolène Royal
Mais ils s'entendront.
Jean-Michel Apathie
Ah !
Nicolas Beytout
Pourquoi ?
Ségolène Royal
Parce que je leur fais confiance et parce que la France doit sortir de la culture de l'affrontement et donc ils s'entendront...
Jean-Michel Apathie
Vous voyez bien la difficulté...
Ségolène Royal
... parce que je serai garante avec les pouvoirs publics du bon déroulement de ces négociations et que moi je fais confiance à la fois aux syndicats de salariés, aux organisations syndicales que j'ai rencontrées, qui ont envie aussi de sortir de cette culture de l'affrontement, qui veulent voir se lever un syndicalisme de masse : 80% de salariés syndiqués en Suède contre 8% en France ; nous n'avons pas le dialogue social que nous méritons dans un pays moderne comme le nôtre. Et d'un autre côté, je souhaite aussi pouvoir avoir en face de moi des patrons modernes, des patrons qui ont envie aussi que la France reprennent la main...
Nicolas Beytout
Il y en a beaucoup qui ont envie que les 35 heures soient étendues et qui sont prêts à négocier ça ?
Ségolène Royal
Il y en a beaucoup dans les jeunes chefs d'entreprise que j'ai rencontrés, notamment les jeunes dirigeants d'entreprise, il y en a beaucoup qui ont compris que la qualité du dialogue social était un facteur d'efficacité économique ; et d'ailleurs ce qu'ils me demandent, c'est de réorienter l'ensemble des aides publiques dans deux directions : la première, c'est le développement durable parce qu'ils ont compris aussi que l'écologie était un levier très important du développement économique et c'est pourquoi je dis que la nouvelle croissance s'appuie sur trois piliers et ça c'est très nouveau : l'économique, la qualité sociale y compris l'investissement dans la formation professionnelle et le développement écologique. Et la deuxième chose qu'ils me demandent, c'est de concentrer les aides publiques sur l'augmentation de la taille des PME, c'est-à-dire là où les banques ne font pas leur travail finalement et là où ils sont en situation de prise de risque et c'est là où le problème de la durée du travail se pose parce que c'est vrai que dans l'intervalle, un employeur ne sait pas forcément si les marchés qu'il est en train de conquérir ou si l'augmentation de la taille de l'entreprise va pouvoir être tout de suite rentabilisée et moi j'entends accompagner par des aides publiques ces entreprises-là dans les deux directions qui me sont proposées.
Jean-Michel Apathie
Cette émission est terminée, Ségolène Royal ; êtes-vous assurée ce soir d'être au deuxième tour des élections présidentielles ?
Ségolène Royal
Je respecte les électeurs ; donc je crois qu'on n'est jamais sûr du résultat d'une élection avant qu'ils n'aient voté. Je ne veux pas que le 22 avril ressemble au 21 avril et donc toute ma force de conviction, je la mets au service de la France et des électeurs pour gagner et pour mériter leur confiance en leur donnant la certitude qu'il y aura un changement profond sur la façon de remettre la France debout sur des valeurs claires, les valeurs de la famille, de l'éducation, de l'emploi, de l'écologie, donc ces quatre valeurs fondamentales qui vont me permettre de remettre la maison France debout et en même temps de donner à chaque jeune et à chaque Français un nouveau désir d'avenir et de sortir la France de cette espèce de pessimisme généralisé ; j'espère avec la force de ces convictions et avec tous ceux qui me soutiennent, qui m'aident et qui sont sur tous les territoires du pays en ce moment, que je vais mériter leur confiance et avoir un score important dès le premier tour qui me permettra d'enclencher une dynamique de victoire pour rassembler les Français au second tour.
Jean-Michel Apathie
"Le grand jury" est terminé, on se retrouve dimanche prochain. Bonsoir.
Source http://www.desirsdavenir.org, le 26 mars 2007