Interview de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle de 2007, sur "France 3 Centre" le 29 mars 2007, sur la politique de protection de l'environnement dans les domaines de l'énergie et de l'agriculture.

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Média : France 3

Texte intégral

Xavier Naizet
Ségolène Royal et François HOLLANDE ne sont jamais très loin l'un de l'autre. Avant la visite de la candidate socialiste aujourd'hui, le Premier secrétaire du parti a préparé le terrain hier. Il était dans la banlieue d'Orléans, pour un meeting à St-Jean-de-la Ruelle, une des rares villes socialiste du département. En dehors des présidentielles, il a aussi parlé de politique locale : il a invité les socialistes du Loiret à faire des efforts pour gagner au moins une circonscription : ils n'ont aucun député actuellement. Une campagne électorale, ça ressemble à la fois à un marathon et à un sprint : aujourd'hui, Ségolène Royal traverse la région, au sprint. Ce midi, elle était aussi à St-Jean-de-la Ruelle : elle a déjeuné avec des lycéens, des parents d'élèves et des enseignants du lycée Maréchal-Leclerc. Ensuite, elle a tenu une réunion publique dans le gymnase, en présence notamment de salariés d'Alcatel, ce sont les images que vous voyez. Et puis dans l'après-midi, elle a tenu une autre réunion publique, à Blois, à la Halle aux Grains, tout ça avant de rejoindre la Touraine où, ce soir, elle termine sa journée par un meeting au Palais des Sports de Tours. Pierre Bouchenot a pu l'intercepter quelques minutes, cet après-midi, à Blois, je vous propose d'écouter cette interview.
Pierre Bouchenot
Madame ROYAL, bonsoir.
Ségolène Royal
Bonsoir.
Pierre Bouchenot
Hier, des militants de Greenpeace ont réussi à pénétrer dans une enceinte de centrale nucléaire (nous en comptons quatre dans le Val de Loire) d'abord pour démontrer le danger que représentent, au regard du terrorisme, ces centrales et d'autre part et surtout, pour dénoncer la construction éventuelle d'un réacteur de troisième génération dit EPR. Cette construction est à la signature des ministres actuellement : doivent-ils signer ?
Ségolène Royal, candidate PS à la présidence de la république
Je ne crois pas. A si peu de temps du premier tour de l'élection présidentielle, je pense qu'il faut remettre à plat le dossier, qui a souffert d'un grave déficit démocratique, et je pense qu'aujourd'hui, gouverner la France, c'est s'appuyer aussi sur les intelligences citoyennes. C'est-à-dire de penser que les citoyens sont capables, aptes et même demandeurs de comprendre les grands enjeux énergétiques. Si je suis élue, le débat sur l'avenir énergétique de la France sera immédiatement ouvert, à l'Assemblée nationale d'abord, mais aussi avec les citoyens.
Pierre Bouchenot
Ira-t-il jusqu'à un référendum sur la question énergétique ?
Ségolène Royal
Je ne crois pas. Je pense que nous pouvons collectivement débattre, qu'ensuite le parlement peut faire son travail, le gouvernement également, que les arbitrages, ensuite, doivent être rendus dans l'intérêt général. Mais la question de l'avenir nucléaire de la France est un sujet qui intéresse les citoyens, d'abord parce que ça coûte très cher : trois à quatre milliards d'euros.
Pierre Bouchenot
Pour l'EPR.
Ségolène Royal
Pour l'EPR. Donc, ce sont quand même des décisions très importantes. Vaut-il mieux investir là ? Vaut-il mieux investir déjà dans la génération suivante ou alors dans les énergies renouvelables ? Chacun a le droit de comprendre.
Pierre Bouchenot
Et quel est votre sentiment à vous ? Que désirez-vous effectivement ? Redéployer une partie de la recherche développement, qui était consacrée depuis quarante ans, en France, uniquement à l'énergie nucléaire ? Où souhaitez-vous redéployer une partie de ces investissements vers, justement, des énergies renouvelables ? Sachant qu'il n'y a pas d'industries françaises, pour l'instant.
Ségolène Royal
Voilà, la France est très en retard alors qu'elle était à une époque très en avance, notamment sur les énergies solaires et les énergies éoliennes dont le principe a été inventé dans des laboratoires français. Voyez à quel point il est dommage qu'EDF n'ait pas investi plus tôt dans les énergies renouvelables, car aujourd'hui, nous aurions peut-être, sans doute, plusieurs milliers, plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans ce secteur. Donc, la France doit rattraper son retard et augmenter sa part d'énergies renouvelables (l'éolien, le solaire, le photovoltaïque, l'énergie géothermique, l'énergie bois) dans la part globale, dans le bouquet énergétique global : c'est absolument indispensable.
Pierre Bouchenot
Ça rejoint ce que vous avez dit précédemment, me semble-t-il. C'est-à-dire que, mécaniquement, vous allez faire baisser la part de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité française de 80 à 50 % ? A peu près.
Ségolène Royal
Oui. Il faudra baisser le plus rapidement possible et le plus efficacement possible. Il y aura aussi une évolution des technologies des énergies renouvelables, donc celles-ci vont être de plus en plus efficaces. Enfin, il faudra que cela se fasse toujours avec un débat, une transparence démocratique, avant que les décisions ne soient prises et ne pas oublier les économies d'énergie.
Pierre Bouchenot
Vous avez rencontré, hier, je crois, Nicolas HULOT. Vous l'avez rencontré ?
Ségolène Royal
Oui.
Pierre Bouchenot
Vous avez dû parler avec lui de pollutions chimiques, en général, et de pesticides, peut-être.
Ségolène Royal
Oui, bien sûr.
Pierre Bouchenot
Puisque nous sommes le troisième utilisateur de pesticides au monde : vous avez déjà fait le rapprochement entre pollutions chimiques, pesticides même, je crois, et prolifération des cancers, notamment.
Ségolène Royal
Oui.
Pierre Bouchenot
Allez-vous mener une politique de santé publique et d'agriculture qui, justement, aille à l'encontre de cette utilisation massive des pesticides en France ?
Ségolène Royal
Bien sûr. Je crois que, là aussi, la loi du silence a trop longtemps régné et on sait parfaitement que les pollutions, à partir des produits chimiques, des produits phytosanitaires, ont gravement pollué l'eau et les nappes phréatiques et qu'il y a un lien direct entre les pollutions, les produits chimiques dangereux et la santé publique. Là aussi, je ferai la transparence et j'engagerai la France vers une diminution drastique de l'utilisation des produits chimiques en agriculture.
Pierre Bouchenot
Vous êtes présidente de la Région Poitou-Charentes : vous avez déjà commencé à mettre en oeuvre une réflexion sur la politique agricole. Evidemment, en fonction de la marge de manoeuvre que vous laisse la Région. Qu'elle est-elle, cette marge de manoeuvre ?
Ségolène Royal
Pour l'instant, la marge de manoeuvre est celle du budget régional. J'ai multiplié par quatre, par exemple, les aides à l'agriculture biologique. J'ai fait en sorte aussi qu'il y ait des marchés publics liés à l'agriculture biologique, en particulier dans les cantines scolaires. J'ai mis en place des aides à l'agriculture durable, puisque le ministère de l'Agriculture a considérablement reculé sur les contrats territoriaux d'exploitation. J'ai mis en place un dispositif spécifique pour l'installation des jeunes agriculteurs et pour la valorisation des marques et des labels régionaux. Donc, il y a une marge de manoeuvre. Mais si je suis élue, il y aura la régionalisation d'une partie des aides à l'agriculture. C'est-à-dire que les régions pourront, en discussions avec les agriculteurs, aider les territoires qui en le plus besoin et ceux sur lesquels il y a un effort à faire pour maintenir l'emploi agricole.
Pierre Bouchenot
Dernière question, qui concerne les OGM : l'Etat français vient de transcrire en droit français une directive européenne, une directive cadre. Elle l'a fait non pas après une discussion au parlement, mais par un décret-loi. Est-ce que cela vous satisfait ?
Ségolène Royal
Il faut aller beaucoup plus loin. C'est-à-dire qu'il faut maintenant prononcer un moratoire sur les OGM en plein champs, au nom du principe de précaution et là aussi, ouvrir le débat public, continuer la recherche, mais dans des espaces confinés, alors que j'observe qu'aujourd'hui, la loi française n'est pas encore totalement transcrite puisque les OGM en plein champs vont pouvoir continuer à être semés, sans même l'autorisation des maires. Donc, là aussi, je crois qu'il faut mettre de la transparence, de l'intelligence, de la démocratie pour que les décisions soient toujours prises, non pas au profit de telle ou telle entreprise multinationale, mais au profit de l'intérêt général des Français, qui vivent sur leur territoire et qui ont le droit de revendiquer la protection de la santé publique.
Pierre Bouchenot
Mais si vous êtes élue présidente, exercerez-vous votre droit d'amnistie vis-à-vis des faucheurs d'OGM ?
Ségolène Royal
Mais j'espère que d'ici là, de toute façon, s'il y a suspension et moratoire sur les OGM, cela ira de soit que les faucheurs d'OGM ne seront pas poursuivis.
Pierre Bouchenot
Merci, Madame ROYAL.
Xavier Naizet
Le parcours de Ségolène Royal dans la région n'est pas terminé : demain, elle traversera le Berry pour se rendre aux Herolles, dans la Vienne, sur la foire aux bestiaux. Vous verrez le compte-rendu dans notre édition demain soir, comme on le fait pour tous les candidats.
Source http://www.desirsdavenir.org, le 29 mars 2007