Texte intégral
Question 1 - Quelles sont vos propositions pour donner aux travailleurs davantage de sécurité et enrayer la précarité ?
R - Pour parvenir à l'emploi pour tous, je suis convaincue que la croissance et la compétitivité de notre économie dépendent aussi de la qualité des emplois offerts et du sentiment de sécurité ressenti par les travailleurs. J'ai affirmé clairement mon objectif de faire du contrat à durée indéterminée la règle et de lutter contre la précarité et l'instabilité au travail. Je souhaite notamment supprimer le CNE et moduler les aides aux entreprises et les exonérations de cotisations sociales, en fonction de la nature des contrats de travail et de la qualité de la gestion de l'emploi.
Il s'agit pour moi d'un objectif de sécurisation des parcours professionnels bien entendu, mais aussi comme vous le dites des parcours de vie, tant le CDI reste aujourd'hui un sésame pour l'accès à la vie sociale (logement, banque...). Cette politique de sécurisation avec la réaffirmation de la place du CDI passe également par une responsabilisation des employeurs dans leur gestion de l'emploi, tant à l'égard des salariés qu'ils licencient qu'à l'égard des sous-traitants concernés par les décisions de leurs principaux donneurs d'ordre. La déresponsabilisation que certains proposent à travers un contrat unique, nouveau nom pour le CNE ou le CPE, me paraît dangereuse car contraire à une politique de droits et devoirs équilibrée.
S'agissant des aides publiques aux entreprises, j'ai annoncé mon intention de mieux évaluer leur efficacité et de les réorienter vers les priorités que seront l'innovation, la recherche et la qualité de l'emploi.
Question 2 - Compétitivité des entreprises / réinsertion rapide des salariés licenciés
R - Les mutations économiques accroissent les risques de ruptures professionnelles et les besoins de mobilité des salariés, comme des entreprises. Ces mutations économiques doivent être accompagnées, afin de sécuriser les salariés confrontés aux difficultés liées à ces ruptures (baisse des revenus, absence de protection sociale, difficultés à retrouver un emploi) sans porter préjudice à la compétitivité des entreprises. C'est clairement une politique gagnant-gagnant que je souhaite promouvoir dans ce domaine.
Une politique d'accompagnement des mutations économiques suppose la mise en place d'outils de sécurisation et le développement d'outils d'anticipation. Il faut avant tout faciliter les interventions les plus en amont possible pour éviter et limiter les mobilités professionnelles subies. Cette politique d'anticipation doit s'articuler au niveau des branches, des territoires et des entreprises, en s'appuyant sur le dialogue social. Il faut assurer les conditions d'une diffusion des bonnes pratiques en la matière, en favorisant les mobilités professionnelles choisies au-delà des seules logiques de branche.
Si, malgré ces efforts d'anticipation, des restructurations ont lieu, je souhaite mettre en place, en liaison avec les partenaires sociaux, une sécurité sociale professionnelle permettant à chaque personne privée d'emploi de se voir proposer par les pouvoirs publics un contrat de droits et devoirs d'une durée d'un an comportant une rémunération égale à 90% du dernier salaire perçu, une formation qualifiante et une aide personnalisée à la recherche d'emploi très renforcée. La sécurité sociale professionnelle répond à votre souhait de permettre aux salariés licenciés des petites entreprises de disposer des mêmes droits au reclassement que les salariés licenciés des grandes entreprises, tout en rendant moins pénible les ruptures professionnelles.
Question 3 - Insertion professionnelle et mobilité choisie
R - Je souhaite sécuriser l'entrée des jeunes dans la vie active en leur reconnaissant un droit au premier emploi, pour qu'aucun jeune ne reste au chômage au-delà de six mois sans avoir accès à une formation, un emploi aidé ou un tutorat rémunérés.
La généralisation des emplois tremplins mises en oeuvre par les régions dirigées par le Parti socialiste devrait permettre de favoriser la mise en oeuvre de ce nouveau droit, avec un objectif de 500 000 emplois tremplins.
Pour faciliter l'entrée des jeunes dans la vie active, je souhaite l'instauration d'un prêt à taux zéro de 10 000 euros en faveur de chaque jeunes pour l'aider à construire un projet.
Je suis convaincue de la nécessité, pour mieux réussir l'insertion professionnelle des jeunes, de repenser l'encadrement actuel des stages, qui donnent lieu à des abus et qui ne sont pas toujours suffisamment reliés à l'accès à la qualification et au premier emploi. Dans cette optique, j'ai l'intention de rouvrir ce dossier en posant clairement les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent avoir recours à des stagiaires et en donnant aux institutions représentatives du personnel un droit de regard sur la politique conduite par l'entreprise en la matière.
Pour favoriser ensuite la mobilité professionnelle choisie, l'accès à la formation tout au long de la vie est naturellement un enjeu majeur et je souhaite que des progrès importants soient accomplis en la matière, pour donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.
S'agissant de la lutte contre les discriminations et de la politique de diversité, je souhaite qu'il s'agisse d'un des thèmes nouveaux, susceptibles de donner une tonalité plus qualitative, plus citoyenne, au dialogue social dans les branches, sur les territoires et dans les entreprises.
Question 4 - Education
R - L'ambition et l'exigence de réussite éducative sont des conditions essentielles de notre efficacité économique et sociale.
Pour favoriser la fluidité entre système éducatif et entrée dans le monde professionnel, je souhaite créer un service public d'orientation pour que les jeunes soient informés pleinement des débouchés offerts par chaque filière. Je veux repenser les mécanismes d'orientation dans ce qu'ils peuvent d'avoir d'irréversible, en ménageant des cycles de transition et en reconnaissant à leur juste valeur les filières techniques et professionnelles.
Par ailleurs, s'agissant de la possibilité de choix offerte aux familles, je souhaite réviser la carte scolaire pour supprimer les ghettos scolaires et assurer la mixité sociale. Je mettrai en place un service public de la petite enfance, et la scolarisation obligatoire à partir de 3 ans. Je limiterai à 17 le nombre d'élèves en CP et en CE1 dans les ZEP et fixerai la dotation par élève en difficulté à 25% de plus que la dotation ordinaire. Je mettrai en place un soutien scolaire gratuit.
Question 5 - Valeur travail et association des salariés à la gouvernance des entreprises
R - J'ai placé la réhabilitation du travail au coeur de mon projet, étant convaincue que le travail doit être mieux valorisé et doit davantage payer.
C'est à ce titre notamment que je préconise la création d'un revenu de solidarité active qui permette à tous ceux qui reprennent un emploi de voir leurs revenus s'améliorer de 30%.
Au sein de l'entreprise, l'importance accordée au facteur travail par rapport au capital doit être accrue. J'ai à cette fin très tôt pris position en faveur d'un syndicalisme de masse, susceptible de modifier les équilibres internes aux entreprises, à l'instar des pratiques observées dans les pays nordiques.
Je pense également comme vous que la présence des salariés dans les instances de gouvernance de l'entreprise devra être renforcée, ne serait-ce qu'en prenant enfin les textes d'application de la loi de modernisation sociale sur la présence des administrateurs salariés dans les conseils de surveillance et d'administration des entreprises.
J'estime enfin que le dialogue social dans l'entreprise devra être de plus en plus tourné vers des sujets permettant de réconcilier développement économique, développement social et développement environnemental : accords sur la participation et l'intéressement, égalité hommes-femmes, promotion de la diversité, conciliation vie familiale et vie professionnelle, droit de suivi social et environnemental des investissements de l'entreprise à l'étranger, etc.
Question 6 - Quels engagements prenez-vous pour favoriser la croissance par l'investissement des entreprises et la consommation ?
R - La situation de l'économie française est aujourd'hui très préoccupante : croissance faible, endettement public passé de 900 à 1 200 milliards d'euros en moins de cinq ans, déséquilibre de la balance commerciale de 30 milliards d'euros. L'économie française s'est engagée dans un cercle vicieux. Nous avons cessé d'investir dans les facteurs déterminants pour la croissance : nouvelles technologies, secteurs de pointe, innovation, recherche, l'éducation, la formation.
Dans mon pacte présidentiel, je formule de nombreuses propositions pour relancer la croissance française. La dette sera ramenée à 60% du PIB à l'horizon 2012, le niveau des prélèvements obligatoires sera stabilisé et je mettrai en oeuvre un vaste programme d'investissement dans la recherche et l'innovation d'une part, la formation et la qualification, d'autre part, pour soutenir le développement d'emplois bien qualifiés et donc bien payés.
J'utiliserai tous les leviers pour mettre en oeuvre cette politique de croissance :
- pendant le quinquennat, le budget de la recherche et des crédits publics pour l'innovation sera augmenté de 10 % par an. La part des aides aux entreprises consacrée à la recherche-développement, actuellement de 5% sera portée à 15% ;
- nous mettrons en oeuvre une politique industrielle capable de préparer l'avenir et de réduire les risques de délocalisations ;
- nous soutiendrons particulièrement la création d'entreprise et le développement de ces entreprises. Nous créerons ainsi des fonds publics régionaux de participation pour faciliter le développement des PME, les soutiendrons en leurs réservant une part des marchés publics et nous sécuriserons les parcours des jeunes créateurs en généralisant les ateliers de la création dans toutes les régions, en améliorant la protection sociale des entrepreneurs, et en mettant en place un mécanisme de cautionnement mutuel pour ceux qui garantissent les emprunts de leur entreprise sur leur patrimoine privé ;
- par ailleurs, la priorité sera donnée à l'investissement des entreprises avec un taux d'impôt sur les sociétés modulé selon que les bénéfices sont réinvestis ou distribués aux actionnaires ;
- enfin, une loi de programmation destinée à redonner à nos universités les moyens de l'excellence sera mise en oeuvre. En 5 ans, la dépense par étudiant sera portée au même niveau que la moyenne des pays de l'OCDE. L'autonomie des universités sera renforcée dans le cadre national.
La croissance que je souhaite encourager doit aussi être plus équilibrée entre le capital et le travail. Le premier axe de cette politique de croissance juste repose sur une augmentation des salaires. Le SMIC sera porté à 1500 euros, le plus tôt possible dans la législature. Mais j'ai conscience que l'augmentation du SMIC ne sera pas suffisante pour tirer vers le haut tous les salaires. C'est pourquoi j'organiserai une conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance réunissant les partenaires sociaux dès juin 2007. Cette conférence sera annuelle.
Cette politique de croissance doit aussi permettre à tous de travailler. Je souhaite que les aides versées aux entreprises soient conditionnées à l'engagement de ne pas licencier quand l'entreprise dégage des profits substantiels et obtenir le remboursement en cas de délocalisation. De même, je souhaite que ces aides soient modulées en fonction de la nature des contrats de travail.
Question 7 - Services publics
R - Une croissance forte suppose des services publics de qualité. Forte de cette conviction et de mon expérience des services publics, j'insiste dans mon pacte présidentiel sur l'importance de la réforme de l'Etat, qui doit permettre d'accroître l'efficacité de ses interventions auprès des citoyens. Je suis attachée à la rénovation des services publics, qui doivent être de qualité, présents sur tout le territoire et accessibles grâce aux nouvelles technologies.
Dans la conduite des réformes, je suis très attachée à deux principes : il faut prendre le temps de la concertation et expérimenter systématiquement pour laisser la place aux initiatives locales et à la créativité avant de généraliser et de conduire des réformes durables.
J'ai notamment proposé d'engager une nouvelle étape de la régionalisation, pour limiter au maximum les superpositions et les enchevêtrements de compétences, générateurs de perte d'efficacité et de complexités pour les citoyens. Les Régions joueront ainsi le rôle moteur pour ce qui concerne les aides économiques et la formation professionnelle, en lien avec les partenaires sociaux, pour accroître l'efficacité et l'efficience des dispositifs existants. L'Etat garantira par un fonds de péréquation l'égalité entre les territoires et il leur transférera les ressources nécessaires à l'exercice de leurs compétences.
Je sais que les agents publics sont les premiers à souhaiter que les services publics soient efficaces et proches des citoyens. La réforme de l'État et des structures administratives, destinée à améliorer le service rendu aux citoyens, devra être conçue avec eux, par eux et aussi pour eux. Dans ce contexte, il est essentiel que les salariés du public se sentent compris, soutenus et encouragés à poursuivre leur action avec détermination. Il en résulte en premier lieu des exigences sur le nombre d'agents en place, qui doit permettre d'exercer convenablement les nombreuses missions des pouvoirs publics. Si les départs en retraite nombreux offrent des possibilités de redéploiement en fonction des priorités gouvernementales, ils ne doivent pas constituer une aubaine pour tous ceux qui veulent casser le service public. En second lieu, la reconnaissance doit également être financière et la problématique du pouvoir d'achat se pose aussi dans la fonction publique. Il est à cet égard clair que les marges de manoeuvre et les gains de productivité dégagés doivent aussi bénéficier aux agents publics.
En matière d'organisation des services publics, j'entends ce que vous dites quand vous soulignez le fait que tout mouvement de privatisation remet en cause le principe de l'égal accès de tous aux biens et services indispensables et que, par ailleurs, les usagers se trouvent confrontés à des hausses de prix injustifiées. Vous prenez comme exemple l'énergie. Je suis parfaitement d'accord avec vous. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs et parce que l'excellence environnementale est l'une des 9 priorités de mon pacte présidentiel, je souhaite constituer un pôle public de l'énergie entre EDF et GDF. L'énergie est un service public essentiel et stratégique. Je souhaite que ce pôle public puisse nous permettre de préparer l'après-pétrole, en garantissant à chacun l'accès à une énergie bon marché et respectueuse de l'environnement.
Question 8 - Logement
R - Je suis parfaitement d'accord avec vous quand vous soulignez la nécessité de faire de la construction de logements sociaux une priorité absolue. 960 000 ménages sont aujourd'hui privées de logements effectifs et sont soit sans domicile fixe, soit logés chez un proche. Malheureusement, le marché de la construction en France n'est en capacité de construire qu'un peu plus de 400 000 logements chaque année. Dans ces conditions, une politique de logement ne peut reposer seulement sur une politique dynamique de construction. Une partie de cette difficulté peut être résolue en mobilisant les logements vacants existants. Je souhaite remettre à la location les logements vacants spéculatifs et donner la possibilité aux communes de les acquérir par une procédure exceptionnelle. Dans le même temps, je souhaite que 120000 logements sociaux soient construits chaque année.
Ce serait une erreur de penser l'effectivité du droit au logement uniquement en termes d'accès au logement. Plus de 2 millions de personnes vivent aujourd'hui dans des conditions de logement précaires (surpeuplement, absence de sanitaires ou de chauffage). On ne prend pas suffisamment en compte l'ampleur de cette crise du logement, qui sape pourtant en profondeur la promesse d'égalité des chances. J'améliorerai les relations entre propriétaires et locataires en créant un service public de la caution. Ce mécanisme constituera un levier précieux pour exiger du propriétaire la réalisation de travaux quand le logement est insalubre.
Ma politique du logement n'opposera pas aide à la personne et aide à la pierre. C'est pourquoi je redéploierai les sommes aujourd'hui consacrées par l'Etat aux dispositifs « De Robien » et « Borloo », vers des dispositifs qui prévoient une véritable modération des loyers. C'est pourquoi aussi, je veux que les aides au logement soient calculées pour modérer réellement l'effort des ménages modestes. J'augmenterai les allocations logement de manière à limiter à 25% le montant des dépenses de logement pour les ménages modestes. Enfin, pour encourager l'accès à la propriété qui est une priorité, vous avez raison, les prêts à taux zéro seront étendus et, dans le logement social, les locataires qui auront payé pendant 15 ans leur loyer pourront accéder à la propriété.
Rendre effectif le droit au logement suppose que l'on combine plusieurs interventions énergiques. Tous les acteurs doivent poursuivre le même objectif. Les communes en particulier doivent être mises devant leurs responsabilités. Des mécanismes de rappel et des sanctions doivent être prises à destination de celles qui sont défaillantes. Je souhaite que soient sanctionnées les maires qui ne respectent pas la loi SRU et permettre à l'Etat de se substituer à eux pour lancer des programmes de construction de logements sociaux.
Question 9 - Assurance maladie
R - S'agissant de la protection sociale, dont la CFTC souhaite qu'elle soit accessible à tous et de qualité, je me félicite de notre très large unité de vue. Je l'ai clairement affirmé dans le Pacte présidentiel : j'entends être la Présidente de la sécurité sociale, afin de répondre aux inquiétudes légitimes des Français
Ceci passera d'abord par la consolidation de l'assise financière de nos régimes sociaux, dont vous connaissez et regrettez avec moi l'état de dégradation depuis 5 ans. Vous réclamez légitimement que les réformes financières à conduire soient menées dans un souci d'équité. Je partage d'autant plus ce point de vue que la plupart des grandes mesures prises sous l'actuelle législature n'ont, pour le moins, pas été marquées de ce sceau : ainsi par exemple la réforme dite du "parcours de soins", sans même évoquer la remise en cause de la CMU et de l'AME, voire la réduction drastique de certains moyens de la branche famille, en matière d'appui aux modes de garde notamment.
En matière d'assurance-maladie, il est certain que le double impératif de la qualité pour tous devra guider toute action ambitieuse, dans un cadre de solidarité respecté voire restauré. De ce point de vue, la priorité donnée à l'hôpital public et à la médecine de première ligne, l'investissement actif dans la prévention et la recherche, constitueront des priorités marquées : en somme, après avoir réalisé l'égalité des droits avant 2002, j'entends qu'un gouvernement de progrès s'attache à ce que chacun ait accès aux meilleurs soins et puisse construire ainsi sa vie en bonne santé. Les expédients que l'on nous propose par ailleurs, sous le vocable de "franchise", ne sauraient en aucun cas répondre à ces impératifs, outre leur nocivité sociale et leur inapplicabilité technique.
Enfin, en matière de retraites, vous le savez, aucun des grands défis que nos systèmes par répartition doivent relever n'est véritablement résolu à horizon 2025 et a fortiori au-delà. Il faudra, plus que dans tout autre domaine, mettre à plat l'ensemble des pistes d'évolution possible et lancer une concertation très approfondie au plus vite. Dès à présent, je me suis engagée à ce que les petites retraites et le minimum vieillesse soient revalorisés de 5% et j'ai indiqué qu'il faudrait déboucher rapidement sur une meilleure prise en compte de la pénibilité. Comme vous l'indiquez, ce doit être l'occasion d'une réflexion concomitante sur les questions de financement, au regard des besoins des régimes sociaux, de la situation financière dont le nouveau gouvernement héritera et, bien entendu, des objectifs de la politique économique et de l'emploi
Question 10 - Famille
R - La CFTC souhaite par ailleurs que la politique conduite en direction des familles vise à faire de ces dernières un rempart contre les exclusions. Nos objectifs sont identiques dans ce domaine dont je connais toute l'importance qu'y attache votre confédération. Vous connaissez les valeurs qui sont les miennes, en particulier pour promouvoir une véritable conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : ce sera l'une des raisons d'être du service public de la petite enfance et de l'abaissement à trois ans de l'âge de la scolarité obligatoire, de sorte que les choix des familles et singulièrement des femmes soient véritablement ouverts et non pas contraints. La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle commande également de ne pas remettre en cause les principes qui régissent le repos dominical.
Mais mon action en direction des familles si je suis élue, ira bien au-delà: doublement de l'allocation de rentrée scolaire, dans des conditions dont il sera débattu avec les partenaires sociaux et le mouvement familial, lutte contrer la vie chère, accès au logement, éducation, insertion des jeunes par l'emploi en seront d'autres composantes majeures.
Question 11 - Retraites
R - En matière de retraites, vous le savez, aucun des grands défis que nos systèmes par répartition doivent relever n'est véritablement résolu à horizon 2025 et a fortiori au-delà. Il faudra, plus que dans tout autre domaine, mettre à plat l'ensemble des pistes d'évolution possible et lancer une concertation très approfondie au plus vite. Dès à présent, je me suis engagée à ce que les petites retraites et le minimum vieillesse soient revalorisés de 5% et j'ai indiqué qu'il faudrait déboucher rapidement sur une meilleure prise en compte de la pénibilité.
Comme vous l'indiquez, ce doit être l'occasion d'une réflexion concomitante sur les questions de financement, au regard des besoins des régimes sociaux, de la situation financière dont le nouveau gouvernement héritera et, bien entendu, des objectifs de la politique économique et de l'emploi.
Question 12 - Développement durable
R - Le réchauffement climatique impose un changement radical de nos comportements. Mais la sauvegarde de notre planète est aussi une chance pour la croissance économique et l'emploi. Nous pouvons donc choisir sereinement un nouveau modèle de développement.
Il faut donc préparer l'après pétrole en soutenant massivement les énergies renouvelables pour atteindre 20% de la consommation en 2020, ce qui permettra de créer 70 000 emplois et de réduire la part du nucléaire et créer un pôle public de l'énergie entre EDF et GDF.
Je souhaite généraliser l'isolation et les économies d'énergie dans le logement, ce qui permettra de créer 80 000 emplois, développer les transports collectifs grâce à un prélèvement exceptionnel sur les superprofits des sociétés pétrolières, promouvoir une agriculture qui assure une alimentation de qualité, respectueuse de l'environnement et mener une politique qui permette de prévenir l'impact des pollutions sur la santé.
Il s'agit enfin de mobiliser toute la société au service de l'excellence environnementale en créant notamment un poste de vice-Premier ministre chargé du développement durable.
Question 13 - Europe
R - L'Europe est en panne. En panne d'idées, de projet et d'ambition. Et le traité constitutionnel est caduc. Les Européens traversent une période de doute sur l'utilité de l'Union. Ils estiment que celle-ci ne les protège pas des aspects négatifs de la mondialisation. Les Français refusent, en outre, dans leur majorité, de considérer que la concurrence et la déréglementation constituent à elles seules un projet de société. Or, ils ont le sentiment que l'Europe n'est plus porteuse d'autres valeurs.
Je ne me résigne pas à l'essoufflement du projet européen. L'Europe doit rester la grande ambition du XXIème siècle. Je propose de relancer l'Europe par les politiques concrètes, celles qui concernent directement la vie quotidienne des citoyens, celles qui répondent aux grands enjeux de la période. C'est ce que j'appelle « l'Europe de la preuve ».
Trois politiques me semblent devoir être lancées ou relancées :
- la recherche/innovation. L'Europe investit moins dans ce domaine que les Etats-Unis et le Japon. C'est d'autant plus absurde que nous savons que les emplois de demain se situeront dans les entreprises innovantes ;
- l'énergie. Qui ne sait que c'est un sujet essentiel ? Nous devons garantir l'indépendance énergétique de l'Union et travailler à limiter les gaz à effets de serre. Ces deux objectifs conduisent à adopter une attitude plus coordonnée dans les négociations sur nos approvisionnements, et à promouvoir un programme ambitieux en faveur des énergies renouvelables : j'ai proposé l'objectif de 20% d'énergies renouvelables d'ici 2020 ;
- les grands réseaux de transports transeuropéens.
Je souhaite également que l'Europe présente un visage plus social. Je crois aussi que la coopération entre syndicats européens et la mise en place d'un véritable espace de dialogue social européen ont un rôle essentiel à jouer.
Le principe de la libre circulation des travailleurs en Europe doit être respecté. Je souhaite d'ailleurs que l'on avance dans l'harmonisation des diplômes et des qualifications pour favoriser les échanges.
Voilà ma vision et mon projet. Une Europe active, ambitieuse et tournée vers les préoccupations des citoyens.
Question 14 - Dialogue social
R - Vous le savez, j'ai fait de la modernisation du dialogue social et du développement d'un syndicalisme de masse un axe fort de renforcement de notre démocratie sociale, complément indispensable de la démocratie politique. Je suis comme vous convaincue que l'enjeu principal se situe dans les PME, trop souvent privées de la possibilité d'accéder aux instruments du dialogue social et de la négociation collective, faute de représentants des salariés. Des solutions nouvelles devront nécessairement être étudiées et explorées, et vos propositions à cet égard viendront alimenter le débat qui devra avoir lieu en la matière. L'idée de pouvoir disposer de délégués de site ou de bassin d'emploi et de développer le dialogue social territorial constitue ainsi une piste intéressante.
D'une manière générale, le dialogue social devra être promu à tous les niveaux (interprofessionnel, branche, région, bassins d'emploi, site) et sur tous les thèmes (rémunérations, conditions de travail, temps de travail, mais aussi anticipation des mutations économiques et des évolutions de l'emploi ou des thèmes de négociations plus qualitatifs comme la mobilité et la conciliation vie familiale - vie professionnelle, prise en compte de la précarité et de la pénibilité dans l'entreprise, promotion de la diversité et lutte contre les discriminations par exemple).
Je suis également partisane d'une clarification des conditions de financement des organisations syndicales, en contrepartie des missions d'intérêt général qu'ils remplissent. L'adhésion syndicale sera par ailleurs encouragée par la transformation de l'actuelle réduction fiscale en un crédit d'impôt qui aidera aussi les salariés les moins bien rémunérés, ceux-là même qui ont souvent le plus besoin de protection syndicale.
Enfin, ainsi que je l'ai annoncé, je souhaite organiser systématiquement la concertation et la négociation préalablement à toute réforme en matière sociale. Parallèlement, la représentativité des organisations devra être fondée sur l'élection et le principe de l'accord majoritaire pour la validation des accords collectifs généralisé. Les modalités de détermination de la représentativité élective resteront ouvertes à la discussion avec les partenaires sociaux et il conviendra de veiller à la représentation la plus large des salariés mais aussi des retraités et des demandeurs d'emploi. Une représentativité fondée sur l'élection n'est par ailleurs naturellement pas incompatible avec la prise en compte, à titre complémentaire, d'autres critères liés notamment à l'indépendance et au respect des valeurs républicaines.
Source http://www.cftc.fr, le 30 mars 2007
R - Pour parvenir à l'emploi pour tous, je suis convaincue que la croissance et la compétitivité de notre économie dépendent aussi de la qualité des emplois offerts et du sentiment de sécurité ressenti par les travailleurs. J'ai affirmé clairement mon objectif de faire du contrat à durée indéterminée la règle et de lutter contre la précarité et l'instabilité au travail. Je souhaite notamment supprimer le CNE et moduler les aides aux entreprises et les exonérations de cotisations sociales, en fonction de la nature des contrats de travail et de la qualité de la gestion de l'emploi.
Il s'agit pour moi d'un objectif de sécurisation des parcours professionnels bien entendu, mais aussi comme vous le dites des parcours de vie, tant le CDI reste aujourd'hui un sésame pour l'accès à la vie sociale (logement, banque...). Cette politique de sécurisation avec la réaffirmation de la place du CDI passe également par une responsabilisation des employeurs dans leur gestion de l'emploi, tant à l'égard des salariés qu'ils licencient qu'à l'égard des sous-traitants concernés par les décisions de leurs principaux donneurs d'ordre. La déresponsabilisation que certains proposent à travers un contrat unique, nouveau nom pour le CNE ou le CPE, me paraît dangereuse car contraire à une politique de droits et devoirs équilibrée.
S'agissant des aides publiques aux entreprises, j'ai annoncé mon intention de mieux évaluer leur efficacité et de les réorienter vers les priorités que seront l'innovation, la recherche et la qualité de l'emploi.
Question 2 - Compétitivité des entreprises / réinsertion rapide des salariés licenciés
R - Les mutations économiques accroissent les risques de ruptures professionnelles et les besoins de mobilité des salariés, comme des entreprises. Ces mutations économiques doivent être accompagnées, afin de sécuriser les salariés confrontés aux difficultés liées à ces ruptures (baisse des revenus, absence de protection sociale, difficultés à retrouver un emploi) sans porter préjudice à la compétitivité des entreprises. C'est clairement une politique gagnant-gagnant que je souhaite promouvoir dans ce domaine.
Une politique d'accompagnement des mutations économiques suppose la mise en place d'outils de sécurisation et le développement d'outils d'anticipation. Il faut avant tout faciliter les interventions les plus en amont possible pour éviter et limiter les mobilités professionnelles subies. Cette politique d'anticipation doit s'articuler au niveau des branches, des territoires et des entreprises, en s'appuyant sur le dialogue social. Il faut assurer les conditions d'une diffusion des bonnes pratiques en la matière, en favorisant les mobilités professionnelles choisies au-delà des seules logiques de branche.
Si, malgré ces efforts d'anticipation, des restructurations ont lieu, je souhaite mettre en place, en liaison avec les partenaires sociaux, une sécurité sociale professionnelle permettant à chaque personne privée d'emploi de se voir proposer par les pouvoirs publics un contrat de droits et devoirs d'une durée d'un an comportant une rémunération égale à 90% du dernier salaire perçu, une formation qualifiante et une aide personnalisée à la recherche d'emploi très renforcée. La sécurité sociale professionnelle répond à votre souhait de permettre aux salariés licenciés des petites entreprises de disposer des mêmes droits au reclassement que les salariés licenciés des grandes entreprises, tout en rendant moins pénible les ruptures professionnelles.
Question 3 - Insertion professionnelle et mobilité choisie
R - Je souhaite sécuriser l'entrée des jeunes dans la vie active en leur reconnaissant un droit au premier emploi, pour qu'aucun jeune ne reste au chômage au-delà de six mois sans avoir accès à une formation, un emploi aidé ou un tutorat rémunérés.
La généralisation des emplois tremplins mises en oeuvre par les régions dirigées par le Parti socialiste devrait permettre de favoriser la mise en oeuvre de ce nouveau droit, avec un objectif de 500 000 emplois tremplins.
Pour faciliter l'entrée des jeunes dans la vie active, je souhaite l'instauration d'un prêt à taux zéro de 10 000 euros en faveur de chaque jeunes pour l'aider à construire un projet.
Je suis convaincue de la nécessité, pour mieux réussir l'insertion professionnelle des jeunes, de repenser l'encadrement actuel des stages, qui donnent lieu à des abus et qui ne sont pas toujours suffisamment reliés à l'accès à la qualification et au premier emploi. Dans cette optique, j'ai l'intention de rouvrir ce dossier en posant clairement les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent avoir recours à des stagiaires et en donnant aux institutions représentatives du personnel un droit de regard sur la politique conduite par l'entreprise en la matière.
Pour favoriser ensuite la mobilité professionnelle choisie, l'accès à la formation tout au long de la vie est naturellement un enjeu majeur et je souhaite que des progrès importants soient accomplis en la matière, pour donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.
S'agissant de la lutte contre les discriminations et de la politique de diversité, je souhaite qu'il s'agisse d'un des thèmes nouveaux, susceptibles de donner une tonalité plus qualitative, plus citoyenne, au dialogue social dans les branches, sur les territoires et dans les entreprises.
Question 4 - Education
R - L'ambition et l'exigence de réussite éducative sont des conditions essentielles de notre efficacité économique et sociale.
Pour favoriser la fluidité entre système éducatif et entrée dans le monde professionnel, je souhaite créer un service public d'orientation pour que les jeunes soient informés pleinement des débouchés offerts par chaque filière. Je veux repenser les mécanismes d'orientation dans ce qu'ils peuvent d'avoir d'irréversible, en ménageant des cycles de transition et en reconnaissant à leur juste valeur les filières techniques et professionnelles.
Par ailleurs, s'agissant de la possibilité de choix offerte aux familles, je souhaite réviser la carte scolaire pour supprimer les ghettos scolaires et assurer la mixité sociale. Je mettrai en place un service public de la petite enfance, et la scolarisation obligatoire à partir de 3 ans. Je limiterai à 17 le nombre d'élèves en CP et en CE1 dans les ZEP et fixerai la dotation par élève en difficulté à 25% de plus que la dotation ordinaire. Je mettrai en place un soutien scolaire gratuit.
Question 5 - Valeur travail et association des salariés à la gouvernance des entreprises
R - J'ai placé la réhabilitation du travail au coeur de mon projet, étant convaincue que le travail doit être mieux valorisé et doit davantage payer.
C'est à ce titre notamment que je préconise la création d'un revenu de solidarité active qui permette à tous ceux qui reprennent un emploi de voir leurs revenus s'améliorer de 30%.
Au sein de l'entreprise, l'importance accordée au facteur travail par rapport au capital doit être accrue. J'ai à cette fin très tôt pris position en faveur d'un syndicalisme de masse, susceptible de modifier les équilibres internes aux entreprises, à l'instar des pratiques observées dans les pays nordiques.
Je pense également comme vous que la présence des salariés dans les instances de gouvernance de l'entreprise devra être renforcée, ne serait-ce qu'en prenant enfin les textes d'application de la loi de modernisation sociale sur la présence des administrateurs salariés dans les conseils de surveillance et d'administration des entreprises.
J'estime enfin que le dialogue social dans l'entreprise devra être de plus en plus tourné vers des sujets permettant de réconcilier développement économique, développement social et développement environnemental : accords sur la participation et l'intéressement, égalité hommes-femmes, promotion de la diversité, conciliation vie familiale et vie professionnelle, droit de suivi social et environnemental des investissements de l'entreprise à l'étranger, etc.
Question 6 - Quels engagements prenez-vous pour favoriser la croissance par l'investissement des entreprises et la consommation ?
R - La situation de l'économie française est aujourd'hui très préoccupante : croissance faible, endettement public passé de 900 à 1 200 milliards d'euros en moins de cinq ans, déséquilibre de la balance commerciale de 30 milliards d'euros. L'économie française s'est engagée dans un cercle vicieux. Nous avons cessé d'investir dans les facteurs déterminants pour la croissance : nouvelles technologies, secteurs de pointe, innovation, recherche, l'éducation, la formation.
Dans mon pacte présidentiel, je formule de nombreuses propositions pour relancer la croissance française. La dette sera ramenée à 60% du PIB à l'horizon 2012, le niveau des prélèvements obligatoires sera stabilisé et je mettrai en oeuvre un vaste programme d'investissement dans la recherche et l'innovation d'une part, la formation et la qualification, d'autre part, pour soutenir le développement d'emplois bien qualifiés et donc bien payés.
J'utiliserai tous les leviers pour mettre en oeuvre cette politique de croissance :
- pendant le quinquennat, le budget de la recherche et des crédits publics pour l'innovation sera augmenté de 10 % par an. La part des aides aux entreprises consacrée à la recherche-développement, actuellement de 5% sera portée à 15% ;
- nous mettrons en oeuvre une politique industrielle capable de préparer l'avenir et de réduire les risques de délocalisations ;
- nous soutiendrons particulièrement la création d'entreprise et le développement de ces entreprises. Nous créerons ainsi des fonds publics régionaux de participation pour faciliter le développement des PME, les soutiendrons en leurs réservant une part des marchés publics et nous sécuriserons les parcours des jeunes créateurs en généralisant les ateliers de la création dans toutes les régions, en améliorant la protection sociale des entrepreneurs, et en mettant en place un mécanisme de cautionnement mutuel pour ceux qui garantissent les emprunts de leur entreprise sur leur patrimoine privé ;
- par ailleurs, la priorité sera donnée à l'investissement des entreprises avec un taux d'impôt sur les sociétés modulé selon que les bénéfices sont réinvestis ou distribués aux actionnaires ;
- enfin, une loi de programmation destinée à redonner à nos universités les moyens de l'excellence sera mise en oeuvre. En 5 ans, la dépense par étudiant sera portée au même niveau que la moyenne des pays de l'OCDE. L'autonomie des universités sera renforcée dans le cadre national.
La croissance que je souhaite encourager doit aussi être plus équilibrée entre le capital et le travail. Le premier axe de cette politique de croissance juste repose sur une augmentation des salaires. Le SMIC sera porté à 1500 euros, le plus tôt possible dans la législature. Mais j'ai conscience que l'augmentation du SMIC ne sera pas suffisante pour tirer vers le haut tous les salaires. C'est pourquoi j'organiserai une conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance réunissant les partenaires sociaux dès juin 2007. Cette conférence sera annuelle.
Cette politique de croissance doit aussi permettre à tous de travailler. Je souhaite que les aides versées aux entreprises soient conditionnées à l'engagement de ne pas licencier quand l'entreprise dégage des profits substantiels et obtenir le remboursement en cas de délocalisation. De même, je souhaite que ces aides soient modulées en fonction de la nature des contrats de travail.
Question 7 - Services publics
R - Une croissance forte suppose des services publics de qualité. Forte de cette conviction et de mon expérience des services publics, j'insiste dans mon pacte présidentiel sur l'importance de la réforme de l'Etat, qui doit permettre d'accroître l'efficacité de ses interventions auprès des citoyens. Je suis attachée à la rénovation des services publics, qui doivent être de qualité, présents sur tout le territoire et accessibles grâce aux nouvelles technologies.
Dans la conduite des réformes, je suis très attachée à deux principes : il faut prendre le temps de la concertation et expérimenter systématiquement pour laisser la place aux initiatives locales et à la créativité avant de généraliser et de conduire des réformes durables.
J'ai notamment proposé d'engager une nouvelle étape de la régionalisation, pour limiter au maximum les superpositions et les enchevêtrements de compétences, générateurs de perte d'efficacité et de complexités pour les citoyens. Les Régions joueront ainsi le rôle moteur pour ce qui concerne les aides économiques et la formation professionnelle, en lien avec les partenaires sociaux, pour accroître l'efficacité et l'efficience des dispositifs existants. L'Etat garantira par un fonds de péréquation l'égalité entre les territoires et il leur transférera les ressources nécessaires à l'exercice de leurs compétences.
Je sais que les agents publics sont les premiers à souhaiter que les services publics soient efficaces et proches des citoyens. La réforme de l'État et des structures administratives, destinée à améliorer le service rendu aux citoyens, devra être conçue avec eux, par eux et aussi pour eux. Dans ce contexte, il est essentiel que les salariés du public se sentent compris, soutenus et encouragés à poursuivre leur action avec détermination. Il en résulte en premier lieu des exigences sur le nombre d'agents en place, qui doit permettre d'exercer convenablement les nombreuses missions des pouvoirs publics. Si les départs en retraite nombreux offrent des possibilités de redéploiement en fonction des priorités gouvernementales, ils ne doivent pas constituer une aubaine pour tous ceux qui veulent casser le service public. En second lieu, la reconnaissance doit également être financière et la problématique du pouvoir d'achat se pose aussi dans la fonction publique. Il est à cet égard clair que les marges de manoeuvre et les gains de productivité dégagés doivent aussi bénéficier aux agents publics.
En matière d'organisation des services publics, j'entends ce que vous dites quand vous soulignez le fait que tout mouvement de privatisation remet en cause le principe de l'égal accès de tous aux biens et services indispensables et que, par ailleurs, les usagers se trouvent confrontés à des hausses de prix injustifiées. Vous prenez comme exemple l'énergie. Je suis parfaitement d'accord avec vous. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs et parce que l'excellence environnementale est l'une des 9 priorités de mon pacte présidentiel, je souhaite constituer un pôle public de l'énergie entre EDF et GDF. L'énergie est un service public essentiel et stratégique. Je souhaite que ce pôle public puisse nous permettre de préparer l'après-pétrole, en garantissant à chacun l'accès à une énergie bon marché et respectueuse de l'environnement.
Question 8 - Logement
R - Je suis parfaitement d'accord avec vous quand vous soulignez la nécessité de faire de la construction de logements sociaux une priorité absolue. 960 000 ménages sont aujourd'hui privées de logements effectifs et sont soit sans domicile fixe, soit logés chez un proche. Malheureusement, le marché de la construction en France n'est en capacité de construire qu'un peu plus de 400 000 logements chaque année. Dans ces conditions, une politique de logement ne peut reposer seulement sur une politique dynamique de construction. Une partie de cette difficulté peut être résolue en mobilisant les logements vacants existants. Je souhaite remettre à la location les logements vacants spéculatifs et donner la possibilité aux communes de les acquérir par une procédure exceptionnelle. Dans le même temps, je souhaite que 120000 logements sociaux soient construits chaque année.
Ce serait une erreur de penser l'effectivité du droit au logement uniquement en termes d'accès au logement. Plus de 2 millions de personnes vivent aujourd'hui dans des conditions de logement précaires (surpeuplement, absence de sanitaires ou de chauffage). On ne prend pas suffisamment en compte l'ampleur de cette crise du logement, qui sape pourtant en profondeur la promesse d'égalité des chances. J'améliorerai les relations entre propriétaires et locataires en créant un service public de la caution. Ce mécanisme constituera un levier précieux pour exiger du propriétaire la réalisation de travaux quand le logement est insalubre.
Ma politique du logement n'opposera pas aide à la personne et aide à la pierre. C'est pourquoi je redéploierai les sommes aujourd'hui consacrées par l'Etat aux dispositifs « De Robien » et « Borloo », vers des dispositifs qui prévoient une véritable modération des loyers. C'est pourquoi aussi, je veux que les aides au logement soient calculées pour modérer réellement l'effort des ménages modestes. J'augmenterai les allocations logement de manière à limiter à 25% le montant des dépenses de logement pour les ménages modestes. Enfin, pour encourager l'accès à la propriété qui est une priorité, vous avez raison, les prêts à taux zéro seront étendus et, dans le logement social, les locataires qui auront payé pendant 15 ans leur loyer pourront accéder à la propriété.
Rendre effectif le droit au logement suppose que l'on combine plusieurs interventions énergiques. Tous les acteurs doivent poursuivre le même objectif. Les communes en particulier doivent être mises devant leurs responsabilités. Des mécanismes de rappel et des sanctions doivent être prises à destination de celles qui sont défaillantes. Je souhaite que soient sanctionnées les maires qui ne respectent pas la loi SRU et permettre à l'Etat de se substituer à eux pour lancer des programmes de construction de logements sociaux.
Question 9 - Assurance maladie
R - S'agissant de la protection sociale, dont la CFTC souhaite qu'elle soit accessible à tous et de qualité, je me félicite de notre très large unité de vue. Je l'ai clairement affirmé dans le Pacte présidentiel : j'entends être la Présidente de la sécurité sociale, afin de répondre aux inquiétudes légitimes des Français
Ceci passera d'abord par la consolidation de l'assise financière de nos régimes sociaux, dont vous connaissez et regrettez avec moi l'état de dégradation depuis 5 ans. Vous réclamez légitimement que les réformes financières à conduire soient menées dans un souci d'équité. Je partage d'autant plus ce point de vue que la plupart des grandes mesures prises sous l'actuelle législature n'ont, pour le moins, pas été marquées de ce sceau : ainsi par exemple la réforme dite du "parcours de soins", sans même évoquer la remise en cause de la CMU et de l'AME, voire la réduction drastique de certains moyens de la branche famille, en matière d'appui aux modes de garde notamment.
En matière d'assurance-maladie, il est certain que le double impératif de la qualité pour tous devra guider toute action ambitieuse, dans un cadre de solidarité respecté voire restauré. De ce point de vue, la priorité donnée à l'hôpital public et à la médecine de première ligne, l'investissement actif dans la prévention et la recherche, constitueront des priorités marquées : en somme, après avoir réalisé l'égalité des droits avant 2002, j'entends qu'un gouvernement de progrès s'attache à ce que chacun ait accès aux meilleurs soins et puisse construire ainsi sa vie en bonne santé. Les expédients que l'on nous propose par ailleurs, sous le vocable de "franchise", ne sauraient en aucun cas répondre à ces impératifs, outre leur nocivité sociale et leur inapplicabilité technique.
Enfin, en matière de retraites, vous le savez, aucun des grands défis que nos systèmes par répartition doivent relever n'est véritablement résolu à horizon 2025 et a fortiori au-delà. Il faudra, plus que dans tout autre domaine, mettre à plat l'ensemble des pistes d'évolution possible et lancer une concertation très approfondie au plus vite. Dès à présent, je me suis engagée à ce que les petites retraites et le minimum vieillesse soient revalorisés de 5% et j'ai indiqué qu'il faudrait déboucher rapidement sur une meilleure prise en compte de la pénibilité. Comme vous l'indiquez, ce doit être l'occasion d'une réflexion concomitante sur les questions de financement, au regard des besoins des régimes sociaux, de la situation financière dont le nouveau gouvernement héritera et, bien entendu, des objectifs de la politique économique et de l'emploi
Question 10 - Famille
R - La CFTC souhaite par ailleurs que la politique conduite en direction des familles vise à faire de ces dernières un rempart contre les exclusions. Nos objectifs sont identiques dans ce domaine dont je connais toute l'importance qu'y attache votre confédération. Vous connaissez les valeurs qui sont les miennes, en particulier pour promouvoir une véritable conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : ce sera l'une des raisons d'être du service public de la petite enfance et de l'abaissement à trois ans de l'âge de la scolarité obligatoire, de sorte que les choix des familles et singulièrement des femmes soient véritablement ouverts et non pas contraints. La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle commande également de ne pas remettre en cause les principes qui régissent le repos dominical.
Mais mon action en direction des familles si je suis élue, ira bien au-delà: doublement de l'allocation de rentrée scolaire, dans des conditions dont il sera débattu avec les partenaires sociaux et le mouvement familial, lutte contrer la vie chère, accès au logement, éducation, insertion des jeunes par l'emploi en seront d'autres composantes majeures.
Question 11 - Retraites
R - En matière de retraites, vous le savez, aucun des grands défis que nos systèmes par répartition doivent relever n'est véritablement résolu à horizon 2025 et a fortiori au-delà. Il faudra, plus que dans tout autre domaine, mettre à plat l'ensemble des pistes d'évolution possible et lancer une concertation très approfondie au plus vite. Dès à présent, je me suis engagée à ce que les petites retraites et le minimum vieillesse soient revalorisés de 5% et j'ai indiqué qu'il faudrait déboucher rapidement sur une meilleure prise en compte de la pénibilité.
Comme vous l'indiquez, ce doit être l'occasion d'une réflexion concomitante sur les questions de financement, au regard des besoins des régimes sociaux, de la situation financière dont le nouveau gouvernement héritera et, bien entendu, des objectifs de la politique économique et de l'emploi.
Question 12 - Développement durable
R - Le réchauffement climatique impose un changement radical de nos comportements. Mais la sauvegarde de notre planète est aussi une chance pour la croissance économique et l'emploi. Nous pouvons donc choisir sereinement un nouveau modèle de développement.
Il faut donc préparer l'après pétrole en soutenant massivement les énergies renouvelables pour atteindre 20% de la consommation en 2020, ce qui permettra de créer 70 000 emplois et de réduire la part du nucléaire et créer un pôle public de l'énergie entre EDF et GDF.
Je souhaite généraliser l'isolation et les économies d'énergie dans le logement, ce qui permettra de créer 80 000 emplois, développer les transports collectifs grâce à un prélèvement exceptionnel sur les superprofits des sociétés pétrolières, promouvoir une agriculture qui assure une alimentation de qualité, respectueuse de l'environnement et mener une politique qui permette de prévenir l'impact des pollutions sur la santé.
Il s'agit enfin de mobiliser toute la société au service de l'excellence environnementale en créant notamment un poste de vice-Premier ministre chargé du développement durable.
Question 13 - Europe
R - L'Europe est en panne. En panne d'idées, de projet et d'ambition. Et le traité constitutionnel est caduc. Les Européens traversent une période de doute sur l'utilité de l'Union. Ils estiment que celle-ci ne les protège pas des aspects négatifs de la mondialisation. Les Français refusent, en outre, dans leur majorité, de considérer que la concurrence et la déréglementation constituent à elles seules un projet de société. Or, ils ont le sentiment que l'Europe n'est plus porteuse d'autres valeurs.
Je ne me résigne pas à l'essoufflement du projet européen. L'Europe doit rester la grande ambition du XXIème siècle. Je propose de relancer l'Europe par les politiques concrètes, celles qui concernent directement la vie quotidienne des citoyens, celles qui répondent aux grands enjeux de la période. C'est ce que j'appelle « l'Europe de la preuve ».
Trois politiques me semblent devoir être lancées ou relancées :
- la recherche/innovation. L'Europe investit moins dans ce domaine que les Etats-Unis et le Japon. C'est d'autant plus absurde que nous savons que les emplois de demain se situeront dans les entreprises innovantes ;
- l'énergie. Qui ne sait que c'est un sujet essentiel ? Nous devons garantir l'indépendance énergétique de l'Union et travailler à limiter les gaz à effets de serre. Ces deux objectifs conduisent à adopter une attitude plus coordonnée dans les négociations sur nos approvisionnements, et à promouvoir un programme ambitieux en faveur des énergies renouvelables : j'ai proposé l'objectif de 20% d'énergies renouvelables d'ici 2020 ;
- les grands réseaux de transports transeuropéens.
Je souhaite également que l'Europe présente un visage plus social. Je crois aussi que la coopération entre syndicats européens et la mise en place d'un véritable espace de dialogue social européen ont un rôle essentiel à jouer.
Le principe de la libre circulation des travailleurs en Europe doit être respecté. Je souhaite d'ailleurs que l'on avance dans l'harmonisation des diplômes et des qualifications pour favoriser les échanges.
Voilà ma vision et mon projet. Une Europe active, ambitieuse et tournée vers les préoccupations des citoyens.
Question 14 - Dialogue social
R - Vous le savez, j'ai fait de la modernisation du dialogue social et du développement d'un syndicalisme de masse un axe fort de renforcement de notre démocratie sociale, complément indispensable de la démocratie politique. Je suis comme vous convaincue que l'enjeu principal se situe dans les PME, trop souvent privées de la possibilité d'accéder aux instruments du dialogue social et de la négociation collective, faute de représentants des salariés. Des solutions nouvelles devront nécessairement être étudiées et explorées, et vos propositions à cet égard viendront alimenter le débat qui devra avoir lieu en la matière. L'idée de pouvoir disposer de délégués de site ou de bassin d'emploi et de développer le dialogue social territorial constitue ainsi une piste intéressante.
D'une manière générale, le dialogue social devra être promu à tous les niveaux (interprofessionnel, branche, région, bassins d'emploi, site) et sur tous les thèmes (rémunérations, conditions de travail, temps de travail, mais aussi anticipation des mutations économiques et des évolutions de l'emploi ou des thèmes de négociations plus qualitatifs comme la mobilité et la conciliation vie familiale - vie professionnelle, prise en compte de la précarité et de la pénibilité dans l'entreprise, promotion de la diversité et lutte contre les discriminations par exemple).
Je suis également partisane d'une clarification des conditions de financement des organisations syndicales, en contrepartie des missions d'intérêt général qu'ils remplissent. L'adhésion syndicale sera par ailleurs encouragée par la transformation de l'actuelle réduction fiscale en un crédit d'impôt qui aidera aussi les salariés les moins bien rémunérés, ceux-là même qui ont souvent le plus besoin de protection syndicale.
Enfin, ainsi que je l'ai annoncé, je souhaite organiser systématiquement la concertation et la négociation préalablement à toute réforme en matière sociale. Parallèlement, la représentativité des organisations devra être fondée sur l'élection et le principe de l'accord majoritaire pour la validation des accords collectifs généralisé. Les modalités de détermination de la représentativité élective resteront ouvertes à la discussion avec les partenaires sociaux et il conviendra de veiller à la représentation la plus large des salariés mais aussi des retraités et des demandeurs d'emploi. Une représentativité fondée sur l'élection n'est par ailleurs naturellement pas incompatible avec la prise en compte, à titre complémentaire, d'autres critères liés notamment à l'indépendance et au respect des valeurs républicaines.
Source http://www.cftc.fr, le 30 mars 2007