Interview de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle de 2007, à "Ma6tvachanger" le 29 mars 2007, notamment sur les difficultés rencontrées par les jeunes dans l'emploi.

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Texte intégral

Questions ma6tvachanger
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Réponses de Ségolène Royal
Chers amis et internautes de ma6tvachanger,
Merci pour vos questions qui témoignent de vos difficultés, de vos inquiétudes, de vos attentes.
Je vous ai répondu avec franchise car, pour moi, ce dialogue avec des jeunes qui prennent le temps de questionner les candidats est très important. Il prolonge les débats participatifs que je mène depuis plus d'un an avec les Français, sur le terrain et sur mon site Internet (www.desirsdavenir.org) où je vous invite à venir si vous voulez en savoir plus.
Je suis heureuse de voir que vous vous intéressez à cette élection présidentielle qui va être décisive pour l'avenir de la France. Dans moins d'un mois, nous allons tous choisir dans quel pays nous voulons vivre.
Je voudrais juste vous dire que, contrairement à ce qu'on entend trop souvent, la jeunesse n'est pas un problème mais une partie de la solution pour redresser le pays. La France a besoin de votre énergie, de vos talents, de votre envie de vous en sortir, de votre impertinence et de votre générosité. Et notre responsabilité, à nous les adultes, c'est de vous permettre de prendre votre vie en main, d'aller au bout de vos possibilités. Pour moi, c'est aussi à ça que doit servir la politique.
Amitiés à tous et bravo à l'équipe de ma6tvachanger !
Ségolène Royal
AC, 20 ans, Orly
Je ne comprends pas pourquoi je vois les mercredis après-midi (lors des « questions au gouvernement »), une Assemblée nationale presque vide ou remplie de députés en train de somnoler et qui sont payés avec des salaires exorbitants alors que les chercheurs français font les fonds de tiroir pour travailler correctement avec des salaires misérables, alors qu'ils cherchent des traitements pour sauver des vies et transmettre le savoir aux étudiants dans des universités délabrées. Que comptent faire les candidats pour empêcher la fuite des cerveaux vers l'étranger où ils sont accueillis dans des conditions leur permettant de travailler dans de bonnes conditions ?
Il y a plusieurs questions dans votre question ! D'abord, permettez à la députée des Deux-Sèvres que je suis de vous dire que les salaires des députés ne sont pas exorbitants à condition, effectivement, qu'ils fassent bien le travail pour lequel ils ont été élus. Croyez-moi : quand on le fait, c'est plus qu'un plein temps ! Car il n'y a pas que la présence, nécessaire, dans l'hémicycle : il faut être sur le terrain dans sa circonscription et essayer de régler les problèmes des gens, il faut participer aux commissions qui préparent les lois, il faut se mobiliser pour la défense de tous les habitants du territoire dont on est l'élu(e). Pour l'exercice de son mandat, un député reçoit un salaire et deux indemnités : une sur laquelle il paye ses frais de mission, l'autre sur laquelle il salarie ses collaborateurs.
Cela dit, vous avez raison, il faut plus d'assiduité dans l'hémicycle. C'est pourquoi je me suis engagée à interdire le cumul des mandats : c'est le mandat unique des parlementaires (on est député, on n'exerce pas d'autre responsabilité à côté) qui permettra à chacune et à chacun de se consacrer exclusivement à son travail législatif. J'ajoute que cette mesure, que je soumettrai au peuple français par référendum, ouvrira un espace pour des député(e)s femmes, jeunes et de toutes origines, plus à l'image de la diversité française que notre actuel Parlement.
Vous avez raison de dire que la recherche est aujourd'hui appauvrie en France et que nombre de chercheurs français vont chercher à l'étranger les moyens de travailler correctement que notre pays ne leur donne pas. Moi, je veux mettre le paquet sur la recherche car, dans la société de la connaissance, l'arme atomique c'est la matière grise. L'innovation et les emplois de demain en dépendent. Les pays comme la Chine ou l'Inde l'ont bien compris. C'est pourquoi, dans le pacte présidentiel que je propose aux Français, je me suis engagée à augmenter le budget de la recherche de 10% par an. J'ai beaucoup écouté les jeunes chercheurs et les responsables de laboratoires de toutes les disciplines ainsi que l'association « Sauvons la Recherche » qui se bat depuis des années pour les mêmes objectifs que les miens. C'est ensemble que nous avons défini les orientations d'une nouvelle politique de soutien à la recherche et aux chercheurs, notamment les plus jeunes, mal payés et précaires.
Leïla, 16 ans
Pourquoi votre fer de lance n'est-il pas celui de la paix ? Pourquoi ne vous battez-vous pas pour des choses aussi importantes que la misère, la famine, la guerre, le travail des enfants, le trafic d'humains, d'armes, de drogues. Pourquoi pensez-vous que, pour devenir Président, il ne faut pas laisser ses sentimenhts transparaître ? Ne pourrait-on pas arrêter de nous plaindre, nous qui mangesons à notre faim, qui dormons dans un lit, qui nous déplaçons librement, qui parlons librement, qui avons le choix ? Ne pourrait-on pas, au lieu de se chamiller sur l'application d'un loi anti-immigration, se dire pourquoi les gens fuient leur pays, fuient leur famille, fuient leur maison quand ils en ont une ? Peu importe où qu'ils aillent, là n'est pas le problème, leproblème est cette misère dans laquelle tellement de gens de cette planète vivent. N'avez-vous pas honte de tout ce que vous possédez et de vous battre pour savoir qui en a le plus ou le moins ? Un Président ne peut-il pas gouverner avec humilité et empathie, doit-il forcément vivre dans le plus beau château de France, se déplacer dans les plus belles voitures, manger dans les plus belles assiettes ?
Vous avez raison de parler de la paix et de la misère : les deux sont liées. Moi, je me bats pour ce que j'appelle un ordre international juste, c'est-à-dire contre le désordre des inégalités, en particulier entre le Nord et le Sud, et pour la justice sociale sans laquelle notre monde restera soumis à la loi du plus fort et connaîtra la guerre de tous contre tous. C'est vrai : on vit mieux en France qu'au Mali ou en Bolivie ou dans les campagnes chinoises ou dans les dictatures. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas lutter chez nous aussi contre les injustices qui, d'ailleurs, sont souvent liées aux injustices dans d'autrres pays : quand une entreprise délocalise et jette ici ses salariés sur le pavé, elle profite des pays à bas salaires où les salariés sont surexploités, ce sont les deux faces du même problème. Il faut donc les combattre ensemble.
Moi, je n'accepte pas les parachutes dorés pour certains patrons et les salaires en-dessous du SMIC pour les femmes qui ne trouvent qu'un travail à temps partiel et n'arrivent pas à joindre les deux bouts.
Je n'accepte pas la pauvreté et la précarité dans un pays aussi riche que la France et cela ne m'empêche pas de vouloir, pour l'Afrique, un vrai développement.
Je suis née au Sénégal, j'y suis retournée souvent et encore il y a quelques mois. J'y ai rencontré les mères de ces jeunes garçons morts en tentant de traverser la Méditerranée pour trouver en Europe un travail et une vie meilleure. Personne ne quitte son pays par plaisir. Ceux qui émigrent sont poussés par la misère. Je crois que la France doit fixer des règles justes pour l'accueil de ceux qui viennent travailler chez elle mais aussi aider efficacement les pays du sud à s'arracher à la pauvreté. C'est ce que j'appelle le co-développement. Pas une politique néo-coloniale comme « l'immigration choisie » de M ; Sarkozy qui pille les cerveaux comme on pillait jadis les matières premières et traite de manière indigne les étrangers installés en France. Mais des partenariats entre égaux, où l'on se respecte et s'entraide. Par exemple, l'Afrique dispose en abondance d'énergie solaire gratuite : il faut l'aider à s'en servir pour se développer. Je pense aussi que l'aide au développement ne doit pas se perdre dans les circuits de corruption mais aller directement à ceux qui en ont besoin sur le terrain. Je crois aussi que les femmes, qui n'ont quasiment pas accès aux circuits bancaires, sont un facteur de développement très important et qu'il faut s'appuyer sur elles, sur leur énergie, sur leur opiniâtreté. C'est dans ce sens que je veux réformer radicalement l'aide au développement de la France car c'est comme ça que les gens auront un autre choix que ces migrations de la misère que vous évoquez.
Mais oui, un Président ou une Présidente de la République peut et même doit gouverner avec « humilité et empathie » comme vous le dites ! Je fais la différence entre la volonté, la détermination nécessaires pour être efficace, pour régler les problèmes des Français, et l'arrogance, le luxe que je méprise.
Je déteste le gaspillage. Dans ma Région, j'ai éliminé les dépenses somptuaires, j'ai vendu la Maison du Poitou-Charentes à Paris qui ne servait qu'à des coktails politiques inutiles et utilisé le produit de cette vente pour financer des actions nouvelles : les emplois tremplins pour les jeunes et le chèque-livres pour les manuels scolaires. Car je pense qu'un euro dépensé doit être un euro utile à la collectivité.
Je ferai pareil avec le budget de l'Etat. J'ai construit mon pacte présidentiel en écoutant les citoyens qui ont débattu sur mon site « Désirs d'avenir » (135.000 contributions écrites !) et sont venus dans plus de 6.000 forums participatifs organisés dans tout le pays. Je me suis engagée auprès d'eux et auprès de tous les Français à continuer à les associer aux décisions qui les concernent directement et à leur rendre compte de l'action que je conduirai.
Pourquoi présider la République française obligerait-il à cacher ses sentiments ? Bien sûr, il faut savoir se tenir et se maîtriser, être à la hauteur de la fonction qu'on exerce. Mais je tiens aussi à garder ma révolte intacte contre l'injustice et mon émotion devant la détresse des jeunes discriminés, des femmes battues, des salariés licenciés. Je ne veux pas mettre mon mouchoir dessus car c'est la raison de mon engagement en politique !
Rookidoki, 21 ans, Thiais
Monsieur Sarkozy et Madame Royal (ndlr : les autres candidats peuvent aussi répondre), comment comptez-vous remonter le niveau des facultés publiques ? Est-ce normal qu'avec un bac + 5 on ne trouve pas d'emploi ? Pourquoi les IUT et BTS ne sont-ils pas reconnus en Europe ?
Savez-vous que la France dépense moins par étudiant que la moyenne des pays développés ? Nos université sont pauvres et en mauvais état (les amphis, les bibliothèques, les logements étudiants...) et cela pèse sur l'échec scolaire des étudiants : chaque année, 80.000 jeunes quittent la fac sans diplôme alors même que la France n'a pas assez de diplômés de l'enseignement supérieur (24% d'une classe d'âge contre 30% aux Etats-Unis). Même les doctorants sont en situation très précaire et c'est pourquoi, dans ma Région, j'ai mis en place de véritables contrats de travail pour eux. Comme vous le dites, beaucoup de diplômés ne trouvent effectivement pas d'emploi parce que les entreprises leur reprochent de ne pas avoir d'expérience mais refusent de leur donner leur chance. Et aussi parce que les discriminations à l'embauche persistent. Moi, je veux agir sur trois plans : les universités, les étudiants et l'emploi.
Je propose que les Régions remettent les bâtiments universitaires en état, comme elles l'ont fait pour les lycées, et disposent, bien sûr, des financements publics nécessaires. Je propose plus d'autonomie aux universités (dans un cadre national maintenu car les diplômes doivent avoir la même valeur sur tout le territoire) en échange de plus de responsabilité et notamment d'un suivi de l'insertion professionnelle de leurs étudiants. Pour leur donner les moyens dont la droite les prive et les aider à viser l'excellence pour tous, je prévois une loi de programmation qui fixera des objectifs précis poour les 5 ans de mon mandat présidentiel. Je veux, en somme, plus de moyens pour plus de résultats.
Mais il n'y a pas que la pauvreté des facs, il y a aussi celle des étudiants qui travaillent pour financer leurs études au point, souvent, de les compromettre. C'est pourquoi je créerai une allocation d'autonomie pour les étudiants, sous conditions de ressources plus souples que les bourses actuelles. Mais je leur demanderai, en échange, de faire du soutien scolaire pour les plus petits : c'est ce que j'appelle un « bon deal », donnnant-donnant et gagnant-gagnant. Tu reçois donc tu donnes aussi quelque chose. Je créerai aussi une Carte Santé 16-25 ans qui donnera droit à une consultation médicale gratuite tous les 6 mois et des programmes de logements pour les étudiants et les jeunes travailleurs car, aujourd'hui, les résidences universitaires ne répondent pas aux besoins et, sur le marché, les loyers sont inabordables pour beaucoup de jeunes.
Pour éviter les erreurs d'aiguillage dans des études qui ne mènent à rien et dans la perspective du droit de tout jeune au premier emploi que je veux garantir (pas plus de 6 mois au chômage sans une formation ou un travail rémunéré), je mettrai en place un véritable service public de l'orientation qui aidera chacun à choisir sa voie en connaissant les débouchés de chaque filière. Car le problème, ce n'est pas la sélection, comme le prétend la droite, mais l'orientation pour éviter les impasses et les échecs.
Pour les IUT, il faut qu'ils renouent avec leur ambition d'origine : être la filière d'excellence des bacheliers professionnels et technologiques qui ne constituent aujourd'hui plus que le tiers de leurs effectifs. Je suis évidemment favorable à tout ce qui va dans le sens de la reconnaissance réciproque et des équivalences entre diplômes des pays d'Europe, quels qu'ils soient, car votre génération doit pouvoir étudier et travailler dans cette maison commune que deviendra de plus en plus l'Europe, ce qui suppose une harmonisation universitaire et sociale.
Mehdi, 31 ans, Paris
Quelle est la position des candidats à la présidentielle sur la reconnaissance du vote blanc ? Souhaitez-vous que les bulletins blancs soient comptabilisés au même titreque les autres bulletins ? Sachant que, si les bulletins blancs dépassent en nombre le meilleur score des autres candidats, l'élection est reportée 6 mois plus tard, le temps nécessaire à de nouveaux candidats de revoir leur copie.
Je suis favorable à la reconnaissance et au comptage du vote blanc car ce n'est pas un acte incivique : c'est une façon de dire qu'aucune offre politique et aucun candidat ne vous satisfait. C'est donc l'expression d'une opinion et si les bulletins blancs sont, comme vous l'évoquez, majoritaires, cela veut dire que la crise démocratique est très grave. Ce n'est pas en cassant le thermomètre qu'on fait tomber la fièvre ! C'est en traitant le problème à la racine. Je pense que le vote blanc n'est d'ailleurs qu'un des symptômes du décalage actuel entre l'offre politique traditionnelle et les attentes des citoyens. C'est à ça que je m'attaque en écoutant les Français, en posant les problèmes différemment et en prenant des engagements concrets dont je rendrai compte précisément. Mais cette reconnaissance du vote blanc pose alors la question du vote obligatoire. J'espère tout de même que, le 22 avril 2007, il n'y aura pas trop de bulletins blancs !
Paul 1936, 13 ans, Paris
Combien gagne le Président de la République ?
Je vais vous répondre franchement : je ne le savais pas exactement et je m'en moquais... royalement ! Mais votre question m'a incitée à chercher le chiffre précis : 6.594 euros bruts par mois. C'est beaucoup moins qu'un PDG du CAC 40 et cela me va très bien : le service de l'Etat et des Français, ce n'est pas pour s'enrichir qu'on doit s'y consacrer, mais parce qu'on est profondément convaincu qu'on peut aider son pays à aller de l'avant. Cette conviction, je l'ai.
Anita, 25, la France
Moi, je suis tout le temps refoulée de partout, ça me saoûle. Même dans un magasin, quand je rentre avec mes copines, le vigile se met à nous suivre comme s'il n'y avait que nous pour voler dans les magasins. Vous pensez faire quoi contre le racisme, le délit de sale gueule, les insultes racistes, les gens qui vous méprisent ? Parce qu'on ne peut pas mettre un flic derrière chaque raciste, surtout que, parfois, c'est les mêmes !
Je pense qu'il faut à la fois changer le regard que beaucoup portent sur les jeunes et punir les actes de discrimination raciste.
Changer le regard, ça veut dire aider la France à s'accepter telle qu'elle est : diverse, plurielle, colorée. C'est une chance et moi, je veux que nous en tirions tous parti et fierté.
Changer le regard, ça veut dire considérer comme légitimes tous les enfants de la République et nous souvenir que nous sommes tous issus de mélanges au long cours. Ca veut dire ne plus accepter que certains parlent de Français « de souche » comme si les autres étaient de quoi ? De branchage ? De feuillage ? Ca veut dire ne plus accepter qu'on parle de 2ème ou de 3ème génération pour les enfants dont les parents ou les grands-parents sont venus d'Afrique ou du Maghreb alors qu'on ne le fait jamais pour ceux dont les parents sont venus de pays européens. Ca veut dire arrêter de parler d'intégration pour des jeunes qui sont français et n'ont pas à prouver qu'ils sont aussi français que les autres. Ca veut dire arrêter de voir un délinquant dans chaque jeune d'un quartier populaire.
Comme Présidente de la République, j'estime que j'aurai une responsabilité particulière pour bannir du langage public les mots de la provocation et de l'amalgame, les mots qui blessent et humilient, les mots qui autorisent le racisme et les discriminations. C'est important le langage car l'égalité et le respect, ça commence là.
En même temps, il faut punir ceux qui, comme vous le dites, insultent, méprisent, discriminent. Nous avons des lois anti-racistes : appliquons-les ! Nous avons un Code de déontologie de la police : appliquons-le ! Nous avons la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations) : donnons-lui les moyens d'agir et de sévir ! Par exemple, si vous rendez public le nom des entreprises qui discriminent, je peux vous assurer que la publicité négative que ça fera à leur image sera plus efficace que l'appel à la moralisation des comportements...
En vérité, c'est une question de volonté politique. Cette volonté, je l'ai. Je veux aussi qu'on en finisse avec le « deux poids, deux mesures », ce système qui réserve sa sévérité aux faibles et son indulgence aux puissants. Moi, je veux que la loi soit la même pour tout le monde et qu'elle s'applique à tous de la même manière. Le racisme est un délit, quel que soit celui qui s'en rend coupable. Le problème, c'est quand, comme le disent les Chinois, « le poisson pourrit par la tête », c'est-à-dire que le mauvais exemple vient de haut : quand un Ministre se permet de parler de « kärcher » ou de « racaille », c'est feu vert pour le mépris. Moi, je suis pour la République du respect mutuel et je vous garantis que j'en prendrai les moyens.
Noëlle, 22 ans, Villejuif
Je vais devenir infirmière (je suis encore à l'école) et je suis déjà dégoûtée du métier qui m'attend : sous-effectif dans tous les services, sous-payé et, en plus, ce n'est pas un métier valorisé, mis en avant et respecté. Les familles nous engueulent, les patients nous engueulent, les médecins nous méprisent et les surveillants nous guettent à la moindre erreur ! J'ai même fait un stage où l'infirmière ne s'est pas occupée de moi parce qu'elle n'avait pas le temps. Je suis restée tout le temps de mon stage avec les aide-soignantes alors que j'apprends le métier d'infirmière ! Que comptez-vous faire pour ces métierds où l'on donne de sa personne toute sa vie et où l'on n'a rien en retour ? Comment comptez-vous attirer les jeunes ?
D'abord, je voudrais quand même vous féliciter d'avoir choisi ce beau et courageux métier qui occupe une place centrale dans l'organisation des soins et l'accompagnement des malades. J'ai beaucoup d'admiration pour celles et ceux qui travaillent au contact de la souffrance d'autrui et je sais, d'expérience, combien leur compétence professionnelle et leur présence humaine sont importantes.
Cela dit, vous avez raison : le métier d'infirmière est malmené et maltraité. Vous faites directement les frais de la façon scandaleuse dont la droite a mis l'hôpital public en crise financière (il manque un milliard par an au budget des établissements) et, plus largement, traité la santé. Le sous-financement entraîne les sous-effectifs et la désorganisation dans les services hospitaliers. Je chargerai le Ministre de la Santé de tout remettre à plat avec les professions de santé car je ne crois pas qu'on ait, tout seul (ou toute seule), réponse à tout. Je veux en finir avec cette façon de faire de la politique et de diriger le pays. Moi, je crois au diagnostic partagé et aux réponses trouvées ensemble, avec ceux qui sont sur le terrain. Aujourd'hui, les personnels sont écartés des décisions : je crois qu'il faut, au contraire, concevoir avec eux une véritable politique de modernisation du service public qui permettra à l'hôpital de redevenir un pôle d'excellence.
Je peux toutefois vous dire les engagements que j'ai pris et que je tiendrai en tant que Présidente de la République.
D'abord, j'assurerai un financement stable de l'hôpital public pour lui permettre de faire face à toutes ses missions, d'améliorer les conditions de travail de ses personnels et d'assurer l'égalité des soins sur tout le territoire.
Je veux aussi créer une nouvelle génération de dispensaires qui emploieront des médecins et des infirmières : ces maisons de santé de proximité permettront à chacun, notamment dans les quartiers populaires et le milieu rural où la désertification médicale est terrible, d'avoir accès à la santé près de chez soi.
Je veux également renforcer en médecins et en infirmières la médecine scolaire et universitaires. Je pense que le développement de la prévention est une condition majeure du droit de tous à la santé.
Je n'accepte ni la santé à deux vitesses, cette fracture sanitaire qui fait honte à la France, ni la dégradation des conditions de travail des professionnels de santé, infirmières en tête, qui démotive, démoralise, gâche tant de compétences et de dévouement. Bien gérer, ce n'est pas couper les vivres du service public et mépriser les infirmières, c'est veiller à l'efficacité de la dépense et respecter les personnels.
Je crois aussi que les Régions, responsables des formations para-médicales, devront remettre à niveau les formations infirmières et se pencher sérieusement sur la question des stages dont vous décrivez bien les problèmes. En Poitou-Charentes, j'ai créé un campus sanitaire et social, amélioré le montant et le versement des bourses aux élèves infirmières, mis en place un fonds social pour aider celles et ceux qui ont des difficultés financières. Demain, si l'Etat et les Régions tirent dans le même sens, on pourra faire plus et mieux
Toutes les organisations d'infirmières demandent en vain des négociations sérieuses sur les conditions de travail et les salaires, sur les contenus professionnels, sur la formation et la reconnaissance des qualifications. Comment répond le gouvernement actuel ? Par le projet de création d'un « ordre professionnel » qui ne résoudra rien car le vrai problème, ce sont les politiques de santé qu'on met en place et le dialogue social qui est, pour moi, la seule manière de prendre les choses par le bon bout. Egalité d'accès aux soins et défense de la valeur du travail infirmier, cela marche ensemble. Ce que vous décrivez, c'est un désordre qui aboutit à dresser les uns contre les autres. Ce que je veux instaurer, c'est un ordre juste qui, je l'espère, vous réconciliera avec ce métier que vous avez choisi et, s'ils ont l'assurance d'y être reconnus et correctement traités, y attirera les jeunes.
Cynthia, 17 ans, la zone !!!
Bon, moi, je voulais demander aux candidats s'ils comptent continuer la réhabilitation des banlieues ou s'ils vont changer le plan Borloo une fois devenu président ? Puisqu'à chaque nouveau gouvernement : nouvelles mesures, nouvelles directives et tout recommence à zéro !
Et je voulais savoir qi vous pensez que la meilleure solution est de refaire les cités à neuf parce que, chez moi, la délinquance, vous ne l'avez pas supprimée, vous l'avez juste déplacée, le mec qui veut vendre son bout de shit, il le fera quand même dans un autre quartier !!!
Je ne détruirai pas, par dogmatisme, ce que mes prédécesseurs ont fait, ce n'est pas mon genre. Ce qui marche, il faut le garder. Ce qui ne marche pas, il faut le corriger. Ce qui manque, il faut l'inventer et le mettre en place. Vous avez raison de dire que tout changer pour tout changer, ce n'est pas sérieux. Donc, pas question de tout mettre par terre mais pas question non plus de se contenter de coller des rustines sur une situation qui empire et nourrit la colère des banlieues comme on l'a vu à l'automne 2005 quand les jeunes se sont révoltés. Or rien, strictement rien n'a été réglé depuis. Vous le dites très bien : retaper les bâtiments, ça ne suffit pas et déplacer le trafic un peu plus loin, c'est se moquer du monde. Alors, je vais vous dire comment je compte m'y prendre.
D'abord, je ne veux plus que chaque fois qu'on parle des cités, ce soit pour dire « violences, trafics, insécurité ». Je sais bien que la vie y est difficile, le chômage, la pauvreté et la précarité plus élevés qu'ailleurs. Les jeunes, avec ou sans diplôme, y font tous les jours l'expérience des discriminations à l'embauche et des contrôles au faciès. Et ce sont les habitants des cités qui font en premier les frais des violences et des trafics. Mais ces quartiers, pour moi, c'est aussi beaucoup d'énergie, de créativité, d'envie de s'en sortir et ça, pour le pays, c'est une chance qu'il faut arrêter de gâcher.
Je m'y rends régulièrement, j'écoute beaucoup, je discute avec des jeunes, avec des parents, avec des militants associatifs. Je suis frappée de voir à quel point ils ne supportent plus ces mots qui diabolisent et qui humilient alors que l'Etat ne fait pas ce qu'il doit et que les solidarités élémentaires ne sont pas au rendez-vous. Beaucoup me l'ont dit : ils en ont assez des ghettos qui les enferment, ils ne veulent pas être assistés, ils veulent des raisons d'espérer, du respect et la possibilité de vivre comme tout le monde, de réussir à l'école, d'avoir un travail qui permet de vivre décemment et de se projeter dans l'avenir. Donc, je ne veux plus de ce gaspillage qui nourrit le ressentiment et le désespoir.
Je veux répondre à la soif d'égalité de ces familles et de ces jeunes. J'ai dans mon équipe des garçons et des filles qui ont grandi et milité dans les cités : ils en connaissent bien les ressources.
J'ai notamment travaillé avec AcleFeu, l'association qui s'est créée à Clichy-sous-Bois après l'électrocution mortelle des deux jeunes qui a déclenché la révolte de l'automne 2005. A travers un tour de France des quartiers, ils ont constitué des cahiers de doléances dont ils ont tiré un « contrat social et citoyen » qui fait la synthèse de toutes les attentes et les propositions qu'ils ont recueillies. Je me suis engagée sur ce pacte car il recoupe, en grande partie, celui que je propose aux Français.
J'ai indiqué que je mettrai en oeuvre dans les banlieues un plan global sur 5 ans, la durée de mon mandat de Présidente de la République. La plupart des 100 mesures de mon pacte présidentiel auront des conséquences très concrètes pour les quartiers et tout particulièrement le droit au premier emploi pour les jeunes, l'aide aux jeunes créateurs d'entreprises (la bourse-tremplin de 10.000 euros complétée par un micro-crédit), les 500.000 emplois tremplins pour les jeunes et la création des emplois-parents. Mais aussi la création de la sécurité sociale professionnelle (pour passer d'un emploi à l'autre sans tomber dans la case chômage), le revenu de solidarité active (pour que tout RMIste qui retrouve un emploi y gagne sur le plan du salaire à travers une amélioration d'un tiers de ses ressources), l'allocation d'autonomie pour les étudiants et la carte santé 16-25 ans dont je vous ai parlé.
De même, je me suis engagée à construire 120.000 nouveaux logements sociaux par an et à obliger les communes qui n'en veulent pas chez elles à les accueillir, car je ne veux pas d'une France divisée en ghettos de riches et ghettos de pauvres.
Des services publics présents sur tout le territoire et qui fonctionnent au service des usagers, le soutien scolaire gratuit pour tous les élèves, les maisons de santé de proximité, la nouvelle police de quartier, une justice accessible et impartiale, une bataille sans merci contre les discriminations : tout cela fait aussi partie de mon plan global pour les banlieues.
Pour moi, tout se tient : la famille, l'école, l'emploi, les sécurités sociales et la sécurité publique. Il faut donc agir de manière cohérente dans tous ces domaines, investir massivement là où les besoins sont les plus criants, se fixer des objectifs de résultat et vérifier l'efficacité de l'action publique pour corriger le tir s'il le faut : c'est comme ça que je veux remettre les cités dans la République et donner aux jeunes qui les peuplent les moyens de reprendre leur vie en mains.
Ne ferai pas table rase de ce qui marche mais je mobiliserai enfin des moyens à la mesure des difficultés qui assaillent aujourd'hui les quartiers que la droite laisse sombrer. Cela suppose un changement de cap et d'échelle car les petits moyens ne produisent pas de petits effets : ils ne produisent aucun effet !
Céline, 23 ans, Reims
Je voudrais louer un appartement et mes parents ne peuvent pas se porter caution car ils n'ont pas les moyens. Le truc, c'est que si tu es boursier, tu as droit à l'APL et si tu n'es pas boursier, tu n'as pas droit à l'APL. Je ne comprends rien, allez-vous aider les jeunes à se loger et comment ?
Une petite précision, avant de vous répondre sur la question de la caution : l'APL n'est pas réservée aux étudiants boursiers. Il y deux types d'aide au logement versées par la Caisse d'Allocations Familiales : l'APL (aide personnalisée au logement) qui est attribuée lorsqu'un étudiant loue un logement qui a fait l'objet d'une convention entre le propriétaire et l'Etat ; elle est versée directement au bailleur et le locataire ne paye que le solde du loyer. Et l'ALS (allocation logement à caractère social) qui, elle, concerne les logements non conventionnés ; c'est celle qui est le plus souvent versée et elle est attribuée directement au locataire. Aucune de ces aides n'est réservée aux boursiers : elles sont attribuées aux étudiants qui disposent de faibles ressources et leur montant varie selon le niveau de ces ressources, le coût du loyer, le nombre éventuel de co-locataires. La seule aide réservée aux boursiers à condition que ce soit la première fois qu'ils quittent le domicile familial, c'est l'allocation pour l'installation étudiante (ALINE) d'un montant de 300 euros, qui concerne très peu d'étudiants.et n'est versée qu'une fois.
J'ai pris, dans mon pacte présidentiel, l'engagement de créer un service public de la caution afin que ce versement ne soit plus un frein dans l'accès des jeunes au logement et, en même temps, que les propriétaires soient sécurisés car ils seront assurés contre les impayés de loyers. Mais, pour moi, cette mesure s'inscrit dans une politique plus large de lutte contre le logement cher, qui vise à assurer une véritable « sécurité logement » tout au long de la vie. La droite a consenti des avantages fiscaux aux propriétaires qui investissent dans des logements à louer, en particulier aux étudiants, mais sans leur demander, en contre-partie, de modérer les loyers qu'ils en retirent ! Moi, je conditionnerai les avantages fiscaux et les aides publiques à une limitation du montant des loyers. De même, je remettrai à la location ce qu'on appelle les logements vacants spéculatifs, c'est-à-dire inoccupés depuis plus de deux ans et les communes pourront les acquérir par une procédure exceptionnelle. Pourquoi ? Parce que la pénurie de logements est, avec la spéculation foncière, la raison fondamentale de la flambée des loyers qui permet de louer à des étudiants pour des montants astronomiques des chambres microscopiques qui n'ont parfois même pas le confort minimum.
L'Etat et les Régions, comme je vous l'ai dit, lanceront ensemble un vaste programme de construction de logements pour les étudiants et les jeunes travailleurs, dont les loyers seront évidemment adaptés au fait que, quand on fait ses études ou quand on commence à travailler, on a des revenus limités.
Karine, 21 ans, à côté de Nice
J'ai cassé mes lunettes, ça fait deux fois dans l'année, je dois rester avec mes lunettes cassées parce que j'ai le droit à une paire de lunettes par an : je fais comment pour travailler à la fac en attendant d'avoir de nouveles lunettes ? La sécu, OK et encore, elle ne rembourse pas tout, la santé, ça coûte cher quand on est étudiant !
C'est vrai : la santé coûte cher, trop cher et beaucoup d'étudiants ne se soignent pas comme il faudrait, toutes les enquêtes sur leur état de santé et sur la pauvreté étudiante le montrent. C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué en réponse à une question précédente, je mettrai en place une allocation d'autonomie étudiante sous condition de ressources et la carte santé 16-25 ans qui donnera droit à une consultation médicale gratuite par semestre.
Mais je voudrais aussi, dans le cadre de la loi de programmation pour remettre les universités à niveau, dont je vous ai parlé, qu'on puisse créer une formule de fonds sociaux étudiants qui pourrait prendre en charge des dépenses comme celles de vos lunettes dès lors qu'elles ne sont pas couvertes par la Sécurité sociale. Lorsque j'étais Ministre de l'Enseignement scolaire, j'ai créé les fonds sociaux pour les élèves des collèges et des lycées. Depuis que je suis présidente de la Région Poitou-Charentes, j'ai mis en place, pour les formations qui dépendent directement de la Région, un fonds social étudiant. Je crois que l'on pourrait utilement généraliser cette démarche dans tous les établissements d'enseignement supérieur.
Mohamed, 23 ans, Nice
La campagne, c'est pour les gros candidats, les petits, ils n'existent pas. Que comptez-vous faire pour que tout le monde s'exprime et dès le début ? Car c'est une atteinte à la démocratie !
De quelle campagne parlez-vous ? A partir du moment où la campagne officielle débute, c'est-à-dire le 9 avril pour cette élection présidentielle, les règles sont claires et strictes : égalité de temps de parole dans tous les medias pour tous les candidats, grands et petits. Avant cette date, chacun défend ce pour quoi il se lance dans cette belle bataille et les medias, comme toujours, s'intéressent davantage aux candidats qui ont le plus de chances de l'emporter ou de peser sur le scrutin. Il ne faut donc pas confondre la campagne officielle, où l'égalité de traitement est règlementée, et ce qu'on pourrait appeler la pré-campagne, qui est en train de s'achever. Il n'est pas juste de dire que les petits candidats n'existent pas : José Bové, Olivier Besancenot, Dominique Voynet, Marie-George Buffet ou Arlette Laguillier, pour ne parler que de ceux qui se situent gauche, ne sont pas ignorés même s'ils polarisent moins l'attention que ceux qui représentent un électorat potentiellement plus nombreux.
Mais savez-vous quelle est la véritable injustice ? C'est qu'avec notre système actuel, les partis minoritaires qui, pourtant, représentent une fraction de l'opinion française, ne disposent d'aucun siège à l'Assemblée nationale. C'est le résultat de ce qu'on appelle le système majoritaire qui permet de dégager des majorités stables pour gouverner mais représente mal les choix des Français. C'est pourquoi, dans la réforme institutionnelle que je soumettrai par référendum au peuple français, je poroposerai notamment une part de scrutin proportionnel pour l'élection des députés. Les élections régionales sont un bon exemple de panachage équilibré des deux systèmes, majoritaire et proportionnel. C'est cela rendre vraiment justice aux petits partis.
Akim, 17 ans
Bah, ça dure combien de temps, une campagne présidentielle ? Vous nous saoulez avec ça !!! On est gavé à la télé, ça fait un an. Pourquoi ça ne dure pas un ou deux mois parce que là, on ne comprend plus rien ?
La campagne officielle, comme je l'ai dit à Mohamed, ne dure, pour cette élection, que du 9 avril au 6 mai, jour du 2ème tour. Avant, il y a plusieurs étapes et notamment la décision de se lancer ou pas, l'investiture par un ou plusieurs partis, l'élaboration par chacun de son projet, etc. Si cela ne vous intéresse pas, rien ne vous empêche de zapper ! Il se trouve que l'élection présidentielle est, de toutes, la plus importante et que ce qui en dépend, c'est quand même le sort de la France, aujourd'hui très mal en point. C'est d'ailleurs pourquoi les émissions politiques battent, à la télévision, les records d'audience : beaucoup de citoyens, qu'ils aient ou non fait leur choix, s'y intéressent. L'économie, l'emploi, l'école, la santé, le logement, l'environnement et bien d'autres sujets qui concernent directement la vie des gens sont au coeur de cette campagne. Ca mérite qu'on y réfléchisse ! 3 millions de personnes sont venues, depuis un an, en discuter sur mon site internet « désirs d'avenir » et dans les 6.000 débats participatifs que nous avons organisés dans tout le pays. Moi, c'est avec eux que j'ai construit mon projet. Et je suis très heureuse de ce travail que nous avons effectué ensemble. D'autres, comme vous, ne s'intéressent à la campagne que dans la dernière ligne droite et je respecte aussi ce choix. Chacun doit pouvoir faire comme il le sent, comme il le veut.
Max, 19 ans, Paris
Pourquoi c'est une vraie galère pour avoir une formation ? On nous dit que c'est important et l'ANPE t'envoie à la mission locale qui te dit qu'il faut s'inscrire à l'ANPE, après, on te dit que tu es trop jeune, pas inscrit depuis assez longtemps, trop longtemps. Merde fait chier vous faites que mentir. Moi, je voulais faire une formation, ben maintenant, je suis dégoûté, personne n'est capable de m'orienter vers la bonne personne, le bon service, le bon centre de formation, le bon « dispositif » d'aide (j'ai appris ce mot car j'ai vu qu'ils aiment bien l'utiliser à l'ANPE).
J'ai été tentée de ne pas vous répondre car votre « merde fait chier vous faites que mentir » est un ton que je n'admets pas dans un dialogue. La colère, je comprends, l'insulte, je n'accepte pas. Si vous voulez discuter, il faudra apprendre à maîtriser votre langage et à respecter un peu vos interlocuteurs. Cela dit, votre question est trop importante pour que je m'arrête à cette mise au point.
Le cercle vicieux que vous décrivez correspond malheureusement à l'expérience vécue par beaucoup de jeunes, balladés de guichet en guichet et qui, finalement, laissent tomber. Voilà pourquoi je propose trois choses :
- l'évolution négociée (et non l'imposition autoritaire et technocratique) vers un service public de l'emploi unifié. Aujourd'hui, tout est trop fractionné : l'indemnisation du chômage avec l'ASSEDIC, la recherche d'emploi avec l'ANPE, la formation avec l'AFPA mais les gens, eux, ne se découpent pas en tranches et le service public doit être capable de traiter globalement la situation de chacun ; c'est ce que j'appelle le « guichet unique » ;
- le droit au premier emploi pour tout jeune c'est-à-dire, comme je l'ai dit à Cynthia et à Rookidoki, le fait qu'aucun jeune ne restera plus de six mois au chômage sans solution concrète (une formation qualifiante ou un emploi rémunéré) ;
- la mise en place d'un service public de l'orientation et l'ouverture d'un droit à la formation tout au long de la vie inversement proportionnel à la durée des études initiales : plus les études auront été courtes, plus on aura le droit de se former au cours de sa vie professionnelle ou si on est sans emploi.
Le problème que vous posez n'est pas seulement celui du droit à la formation mais celui de l'efficacité et de la cohérence sur le terrain du service public. C'est pour cela que je veux réformer l'Etat : pour qu'il soit réellement au service des usagers, des jeunes comme vous et des moins jeunes qui galèrent aussi.
Ahmed, 21 ans, Marseille
Que comptez-vous faire pour que les bourses des étudiants soient revalorisées car moi, je touche 163 euros et je suis obligé de travailler en plus de mes cours ?
Je créerai une allocation d'autonomie pour les étudiants, sous condition de ressources plus larges que celles des bourses actuelles et d'un montant plus élevé pour que les étudiants puissent vraiment faire face à leurs dépenses. Moi aussi, j'ai fait toutes sortes de petits boulots pour compléter ma bourse et financer moi-même mes études : je sais bien que travailler un peu, ça n'est pas incompatible avec les études mais travailler beaucoup parce qu'on n'a ni bourse, ni parents qui peuvent aider financièrement, c'est souvent fatal à la réussite universitaire : 44% des étudiants quittent le premier cycle universitaire sans diplôme et, parmi eux, beaucoup d'étudiants salariés. Comme son nom l'indique, cette allocation étudiante vous permettra d'être autonome. Mais, comme je l'ai dit à Rookidoki, je vous demanderai en contre-partie de donner un coup de main aux plus jeunes en faisant un peu de soutien scolaire. Car, pour moi, il n'y a pas de droits sans devoirs, pas d'aide sans contre-partie.
Astérix, 22 ans, La Gaule
A ceux que ça concerne : vous dites que vous voulez favoriser les emplois-tremplins, mais avez-vous déjà vu le dossier de demande d'emploi tremplin ? Vous dites que vous voulez favoriser la VAE mais avez-vous déjà vu le dossier de demande de VAE ? Que comptez-vous faire face à cette paperasse administrative qui nous empêche d'avancer, de créer, de devenir ?
Pour les emplois-tremplins, je suis la seule candidate concernée par votre question puisque je suis la seule à proposer la généralisation à l'échelle nationale de cette initiative qu'ont prise les Régions de gauche et qui marche bien malgré ce que vous dites de la complexité du dossier. En Poitou-Charentes, nous en avons créé 6.300 en deux ans et je sais que, si l'Etat et les Régions se mobilisent dans le même sens, nous pourrons en créer 500.000 dans tout le pays.
C'est vrai, le dossier est un peu complexe et je vais vous dire pourquoi : parce qu'il prévoit plusieurs cas de figures pour faire du sur-mesure en fonction de la situation concrète de chaque jeune. Avec un dossier-type, simple mais uniforme, on aurait un cadre rigide qui ne permettrait pas de faire du cas par cas. Dans ma région, il y a plusieurs types d'emplois tremplins : ceux qui sont créés dans une association, ceux qui sont créés dans une entreprise pour les jeunes diplômés, ceux qui s'inscrivent dans un projet de protection de l'environnement, ceux qui permettent de créer son activité et son emploi, ceux qui s'accompagnent d'un tutorat dans les professions du bâtiment. Moi, je pense que l'action publique doit s'adapter finement aux réalités vécues. Ce n'est donc pas très juste de parler de « paperasserie » inutile car c'est en prévoyant tous les cas de figure qu'on colle le mieux au profil et au projet de chacun.
Pour la VAE, le plus anormal, ce n'est pas le dossier, c'est d'être obligé d'attendre parfois plus d'un an avant de passer devant le jury : c'est d'abord cela qu'il faut corriger, cette lenteur administrative.
Cela dit, je suis consciente que ce n'est pas toujours facile de remplir ces dossiers. C'est pourquoi j'ai créé en Poitou-Charentes un système qu'on pourra parfaitement étendre à tout le pays : ce sont des conseils-relais qui se déplacent dans toute la Région pour aider les gens qui en ont besoin à remplir ces dossiers. Et ça marche. Mais n'oubliez pas que si on veut individualiser intelligemment ces aides publiques, les adapter au cas de chacun, il faut forcément un peu de complexité parce que les gens ne sont pas des clones interchangeables ! Cela dit, la réforme de l'Etat que je mettrai en oeuvre simplifiera les procédures inutilement compliquées tout en améliorant la qualité du service public rendu à la personne.
Sonia, 19 ans, Vitry-sur-Seine
Je voudrais savoir pourquoi on doit payer des frais d'inscription pour s'inscrire à la fac, dès qu'on a le bac, dans plusieurs universités (ndlr : parfois, pour multiplier ses chances, on doit faire plusieurs pré-inscriptions afin d'être sûr d'être pris dans au moins une fac, une école, une prépa...). Ca coûte très cher et on n'est pas remboursé même si on n'est pas pris. Faut arrêter de nous racketter, déjà qu'on n'a pas beaucoup d'argent quand on est étudiant et qu'on doit payer grave des trucs qui ne servent à rien.
Voilà bien un symptôme de l'état de nos universités ! Comme elles ne peuvent accueillir tout le monde et comme les lycéens ne sont pas efficacement aidés pour leurs choix d'orientation dans l'enseignement supérieur, on cumule les inscriptions et ça finit par ressembler à une coûteuse loterie ! C'est aussi pour répondre à des aberrations comme celle-là que je veux donner aux universités les moyens matériels de faire face à leur mission et d'accueillir correctement les étudiants : c'est le but de la loi de programmation que j'ai annoncée, de la remise à niveau des bâtiments qui sera confiée aux Régions, de l'alignement de notre dépense par étudiant sur celle des pays développés car nous sommes en retard (nous dépensons moins pour un étudiant que pour un lycéen ou un collégien). C'est aussi le but du service public de l'orientation que je veux créer pour que chaque futur étudiant choisisse en connaissance de cause son université et n'aille pas frapper à toutes les portes sans trop savoir s'il sera pris et à quel emploi mèneront ses études.
Marie-Anne, 27 ans, Boissy Saint Léger
Bonjour Messieurs et Mesdames les candidats, l'autre jour, je demandais à une amie si elle était fonctionnaire, elle m'a tout simplement répondu : « je ne suis pas fonctionnaire, je peux être virée ! ». Que pensez-vous du statut des fonctionnaires et de cet amalgame que l'on fait entre fonctionnaire et « invirable » ? Parce que les jeunes, maintenant, ils veulent tous être fonctionnaires pour avoir la sécurité de l'emploi, peu importe ce qu'ils feront !
Mon idéal pour la France, ce n'est pas la précarité ! Ce n'est pas le CNE (ou ce CPE que les jeunes ont massivement refusé) où on peut être licencié sans motif pendant les deux premières années ! Mon idéal, ce n'est pas ce que le MEDEF appelle la « séparabilité », c'est-à-dire : on se sert des salariés tant que ça rapporte et on s'en sépare si on trouve moins cher ailleurs, par exemple dans les pays où les salaires sont les plus bas et le Code du travail le moins protecteur !
Je vous dis cela parce que, pour moi, la sécurité de l'emploi est une aspiration légitime. Et, plus largement, la sécurisation des parcours professionnels, que je veux créer, c'est-à-dire la possibilité de passer d'un emploi à un autre sans passer par la case chômage. Parce qu'il faut un minimum de stabilité pour faire des projets dans la vie, quitter le domicile de ses parents si on est jeune ou, plus tard, acheter un logement. Vous connaissez peut-être cette phrase terrible du groupe I AM dans l'Ecole du micro d'argent : « notre avenir, c'est la minute d'après le but » ? Eh bien moi, je pense que les jeunes et les moins jeunes ont droit à un autre avenir que celui qui est plombé par la précarité, par la peur de perdre son travail, par l'insécurité professionnelle et sociale.
Et cette sécurité, on doit pouvoir la trouver dans le secteur privé, pas simplement dans la fonction publique. Parce que des salariés stabilisés, correctement formés et correctement payés, avec un contrat de travail à durée indéterminée et pas un CDD sans lendemain, ce sont des salariés plus motivés et plus productifs. C'est pourquoi je crois que la performance sociale et la performance économique, ça marche ensemble. La droite, elle, oppose ces deux aspects du bon fonctionnement des entreprises et dresse ceux du privé contre ceux du public. Ce n'est pas ma vision des choses.
Les fonctionnaires ne sont pas des « planqués » mais des gens qui ont choisi le service public et leur statut, qui effectivement les protège, a pour but de les mettre à l'abri des pressions politiciennes, des manipulations et des tentations, parce qu'ils doivent rester au service de l'intérêt général. Mais, contrairement à ce qu'on croit, il y a des cas où ils peuvent perdre leur emploi : quand ils ont commis une faute grave, en cas d'insuffisance professionnelle manifeste et, bien sûr, s'ils ont été condamnés par la justice pour un manquement incompatible avec l'exercice de leur fonction.
Moi, je suis pour la défense et la modernisation du service public, pour des fonctionnaires efficaces et à l'écoute des citoyens. Et pour plus de sécurité dans le secteur privé car la motivation professionnelle en dépend et, avec elle, le déblocage de la machine économique. C'est quand on se sent menacé qu'on cherche à se mettre à tout prix à l'abri et c'est quand on se sait sécurisé qu'on prend des risques, qu'on va de l'avant. Moi, je ne veux pas que des jeunes choisissent la fonction publique par peur du chômage et de la précarité mais parce que ce travail les intéresse. Et je veux que ceux qui veulent rentrer dans une entreprise ou s'établir à leur compte, sachent qu'ils auront un filet de sécurité.
Caroline, 19 ans, 93
J'aurais voulu savoir si vous pensiez revoir la qualité et le fonctionnement de certains services publics parce que je dois vous avouer que l'ANPE et la mission locale de ma ville, ce sont réellement des fainéants. Peut-être que vous pourriez faire changer les choses afin de contrecarrer la précarité des jeunes ?
Il ne faut pas mettre sur le dos des personnels de l'ANPE et des missions locales la responsabilité du chômage et de la précarité des jeunes ! Ils sont en bout de chaîne et obligés de gérer comme ils peuvent les dégâts des politiques du gouvernement actuel. Etre quotidiennement au contact de la galère des jeunes et de l'angoisse des chômeurs, c'est humainement lourd à porter. Je me souviens d'un livre qui m'a beaucoup frappée, écrit par Fabienne Brutus, une jeune femme qui travaillait à l'ANPE. Elle racontait quelles instructions elle était obligée d'appliquer pour dégonfler à tout prix les statistiques officielles du chômage : radier les uns, aiguiller les autres vers des stages sans utilité, décourager ceux qui avaient le moins de chances de trouver un emploi, etc. Je vous en parle parce qu'il faut comprendre aussi le découragement qui peut gagner les personnels des services publics de l'emploi.
Ceci dit, il faut effectivement que ces services évoluen. Mais pour qu'ils obtiennent davantage de résultats, il faut une politique globalement plus favorable à l'emploi que celle qui est menée aujourd'hui. Moi, je veux débloquer la machine économique, relancer l'investissement et l'emploi, accompagner les jeunes, tous les jeunes, jusqu'à leur premier emploi, comme je l'ai expliqué à Cynthia et à Max. Je veux nouer un pacte avec les entreprises pour qu'elles donnent leur chance aux jeunes et je suis prête, pour cela, à financer des emplois-tremplins pendant une période transitoire qui permettra à un jeune de montrer de quoi il est capable et incitera l'entreprise à le garder sans qu'elle ait eu à supporter seule tout le risque d'une première embauche. L'environnement représente un potentiel d'emplois énorme que je veux développer car ce sont des emplois d'avenir. Je veux concentrer les aides de l'Etat sur les PME car ce sont elles les créatrices d'activités nouvelles et d'emplois. Je vous donne ces quelques exemples car c'est en amont de l'ANPE et des missions locales qu'il faut remettre la France d'aplomb. Aujourd'hui, ces services gèrent la pénurie d'emplois donc les résultats ne peuvent pas être au rendez-vous. Moi, je veux reprendre les choses par le bon bout : le dynamisme économique, le soutien aux PME et à l'innovation, le droit effectif au premier emploi pour les jeunes et, dans ce contexte plus porteur, l'amélioration de l'efficacité du service public.
Anti-sondage, 25 ans, Rouen
Seriez-vous pour une campagne sans sondage afin de respecter l'égalité des chances de tous les candidats ? Puisque c'est la mode, prônez l'égalité des chances !
La suppression des sondages n'empêcherait pas que les grands partis, qui rassemblent un grand nombre de militants et obtiennent la confiance d'un grand nombre d'électeurs, aient plus de moyens pour faire connaître leurs idées, coller leurs affiches, organiser des débats et des meetings que les petits partis qui ont moins de militants et moins d'électeurs donc moins de moyens. L'égalité des chances, ce n'est pas l'ignorance des rapports de forces qui sont le produit de l'histoire et de l'engagement des militants. Dans un régime démocratique, il faut convaincre, il n'y a pas d'autre règle. Chaque organisation politique est libre de défendre sa vision du monde, ses analyses et ses propositions : c'est cela l'égalité des chances. L'égalité vraie, ce n'est pas l'égalitarisme artificiel, c'est la liberté du débat d'idées. De grands partis deviennent de petits partis, de petits partis deviennent de grands partis, toute l'histoire de France nous le montre. Il fut un temps où le PS était redevenu un petit parti, parce qu'il n'avait plus de projet politique en phase avec les attentes des Français et avec son époque : François Mitterrand l'a reconstruit, modernisé et c'est redevenu un grand parti. Aujourd'hui, je pense que le monde a changé, que la France a changé, donc que la politique doit changer et que la gauche doit actualiser son logiciel : je m'y emploie. Beaucoup de nouveaux militants ont rejoint le Parti socialiste ces derniers mois parce qu'ils partagent cette conviction et je me réjouis de cet apport de forces vives
Quant aux sondages politiques, la plupart du temps ils n'évacuent pas ceux qu'on appelle les petits candidats mais les résultats auxquels les medias donnent le plus d'écho concernent effectivement les candidats qui recueillent le plus d'intentions de vote. Ce ne sont que des thermomètres, heureusement imparfaits, d'un état de l'opinion à un moment donné. Mais si je peux vous donner un conseil : ne croyez pas trop les sondages ! Ne leur donnez pas plus d'importance qu'ils n'en ont. Ils se sont souvent trompés et ils n'ont aucun pouvoir de prédiction car, jusqu'à la dernière minute, les Français sont libres de leur vote.
Djamel, Elbeuf, Seine-Maritime
Bonjour, je suis électeur depuis ma majorité, j'ai toujours voté blanc à ce jour. J'ai toujours travaillé, aujourd'hui je suis commerçant, j'aimerais savoir ce que vous ferez pour la précarité des commerçants car les RMIstes que nous payons sont mieux que nous. Merci de répondre sans démagogie.
Je ne crois pas que les RMIstes soient « mieux » que vous car même si, financièrement, vous n'avez peut-être pas plus qu'eux pour vivre, vous avez, vous, un vrai travail et ce qui va avec : un statut, une dignité, une existence sociale même si c'est difficile. Moi, je suis pour que le travail paye et donc rapporte plus que les minima sociaux comme le RMI. Mais pas en abaissant la solidarité : en permettant à chacun de vivre correctement de son travail et en soutenant l'esprit d'entreprise. Dans le contrat de progrès que je propose aux petites, très petites et moyennes entreprises, donc aussi aux commerçants, il y a l'amélioration de la protection sociale des entrepreneurs, la sécurisation du parcours des jeunes créateurs d'entreprise, la mise en place d'un cautionnement mutuel pour ceux qui garantissent aujourd'hui les emprunts bancaires qu'ils contractent sur leur seul patrimoine privé.
Quand je dis que je veux être la Présidente du pouvoir d'achat et de la relance économique, je pense aussi aux commerces qui font les frais de la paupérisation des consommateurs et du blocage actuel de la machine économique. Si la France ne produit pas suffisamment de richesses, le commerce plonge. Si je rétablis un climat de confiance propice au dynamisme économique, avec des aides ciblées et faciles d'accès pour ceux qui se lancent, le commerce en profitera. La généralisation des Bourses Tremplins (une subvention de 10.000 euros) pour ceux qui créent leur activité, je la propose en pensant à ceux qui veulent prendre ou reprendre un commerce.
Une Présidente de la République doit tracer les grandes orientations, indiquer les principes et les objectifs de l'action publique, mettre le gouvernement au travail avec une obligation de résultats. Le détail des mesures, c'est l'affaire des ministres. Moi, ma mission, ce sera de libérer les énergies et de fixer la feuille de route pour que tous ceux qui entreprennent aient un environnement favorable à leur initiative. Voilà, sans démagogie, ce que je vous réponds en tant que candidate à l'élection présidentielle.
Lili, 20 ans, Val de Marne
Je voudrais demander à M. Sarkozy et Mme Royal s'il en ont pas marre de se battre !!! Comme si devenir Président, c'est passer son temps à rabaisser ses adversaires. A mon avis, mieux vaut faire en sorte de sortir du lot que de rentrer dans le jeu des autres ?
Entièrement d'accord : il est bien plus important de défendre ce qu'on propose aux Français et ce qu'on croit bon pour la France plutôt que de critiquer ses adversaires. L'essentiel de mon temps, depuis plus d'un an, je l'ai passé à écouter les Français et à élaborer avec eux mes réponses aux crises (économique, sociale, scolaire, écologique et démocratique) que vit le pays. Mais il faut aussi que les choses soient bien claires pour que les citoyens effectuent leur choix en connaissance de cause. Il faut dire ce qu'on considère comme inacceptable. Donc, je le dis. Quand M. Sarkozy parle des « aspects positifs » de la colonisation, c'est inacceptable et je le dis. Détruire la valeur travail par la précarité et tromper les Français en leur disant qu'il suffira de faire des heures supplémentaires pour s'en sortir, c'est inacceptable et je le dis. Monter les uns contre les autres, c'est inacceptable et je le dis. Je n'y passe pas tout mon temps, loin de là, mais je mets les points sur les i quand j'estime que c'est nécessaire à la clarté du débat. Pas plus, pas moins. Je ne rabaisse jamais mes adversaires et je ne les attaque jamais personnellement : je combats leurs idées et leurs fausses solutions pour le pays. Je défends ma vision d'un vrai changement et de nouvelles règles du jeu pour que la France reprenne la main.
Quentin, 17 ans, Bonneuil
Moi, je n'aime pas l'école mais je suis prêt à travailler tout de suite et apprendre en travaillant, je trouve cela plus intéressant que l'école. Mais le problème, c'est que même pour des petits CDD, les entreprises favorisent ceux qui ont de l'expérience. Je voudrais vous poser deux questions :
- que comptez-vous faire pour favoriser l'embauche des entreprises aux jeunes non expérimentés mais avec possibilité de nous former dans l'entreprise, peut-être avec des aides financières ou une autre solution, peut-être des gens qui ne font que ça, qui accompagnent les jeunes dans le début de leur travail ?
- et je voulais savoir ce que vous comptez faire pour les jeunes qui ne veulent pas apprendre à l'école mais plutôt directement sur le terrain ? Vous savez : ceux qui ne restent pas en place plus d'une demi-heure, qui n'arrivent pas à se concentrer parce que c'est trop saoûlant, ou manuels ou tout simplement vivants !
J'en ai un peu parlé en répondant à Astérix mais votre première question me permet de préciser une chose à laquelle je tiens beaucoup et qui sera une des priorités si je suis élue : les 500.000 emplois-tremplins pour les jeunes. Parmi les différentes sortes d'emplois-tremplins, il y en a une qui prévoit justement un tutorat, c'est-à-dire l'accompagnement par un adulte expérimenté de l'entreprise du jeune nouvellement recruté avec le coup de pouce d'une aide publique mais encore inexpérimenté. Je l'ai mis en place dans la région dont je suis aujourd'hui Présidente, le Poitou-Charentes, et dans un secteur : le bâtiment. Et ça marche : les entreprises hésitent beaucoup moins à recruter un jeune sans expérience et à lui donner sa chance parce que l'aide publique qui leur est accordée limite leur risque ; et l'intégration du jeune dans l'entreprise est facilitée grâce à l'intervention d'un tuteur qui l'aide à faire ses premiers pas dans le métier.
Votre deuxième question concerne les jeunes qui décrochent quand leur horizon se limite à la classe et qui préfèrent apprendre en situation concrète. Je crois qu'on peut tout à fait faire les deux et que ça peut être passionnant. C'est l'avantage de l'apprentissage et, plus généralement, des formations en alternance : un temps à l'école, un temps en situation de travail. J'y suis tout à fait favorable mais à une condition : que cela ne signifie pas livrer précocement aux entreprises une main d'oeuvre juvénile et facile à exploiter. Il faut donc que les règles du jeu soient claires, que les stages soient accessibles à tous les élèves qui le désirent (vous savez qu'une forte discrimination persiste) et soient réellement formateurs. Jusqu'à 16 ans, fin de la scolarité obligatoire, il faut que l'Education nationale reste garante du projet éducatif parce que sinon, on retourne au 19ème siècle où les enfants des milieux populaires étaient mis au travail très tôt et les études réservées à quelques uns. Je veux aussi ouvrir un nouveau droit à la formation tout au long de la vie : ce droit à la qualification et, si nécessaire, à la reconversion sera d'autant plus important que les études initiales auront été courtes. On peut s'ennuyer à l'école à 15 ans et avoir envie de reprendre des études ou une formation à 25 ou à 35 ans et même après. C'est cela que je veux rendre possible. Parce que je n'accepte pas que tout soit joué en une fois et parce qu'on doit toujours avoir une 2ème ou une 3ème chance d'acquérir des qualifications et un nouveau bagage général, d'apprendre un nouveau métier. Dans l'enseignement supérieur, les formations en alternance se développent et les étudiants qui font ce choix trouvent plus facilement un emploi. Cela doit être possible à tous les niveaux. Mais n'opposez pas la formation générale et la formation sur le terrain : les deux sont nécessaires, surtout de nos jours où il faut pouvoir rebondir, changer d'orientation, s'adapter intelligemment à un monde qui change vite. Et avoir un solide esprit critique pour garder son indépendance de jugement et exercer librement sa citoyenneté !
Questions de l'équipe
1) Au quotidien, je constate que les policiers n'ont pas de pouvoir : personnes relâchées le lendemain même de leur arrestation. Ou bien, lorsqu'ils en ont, ils en abusent : arrestations, contrôles inutiles... En conclusion, j'ai l'impression que les policiers ont du pouvoir pour des actes quasi anodins et pas pour des choses graves. Comment comptez-vous donner les moyens à la police de faire un travail intelligent auprès des jeunes de banlieue ?
5) Qu'est-ce que vous comptez faire pour remettre une police de proximité mais efficace et qui pourrait régler ce conflit d'incompréhension ?
Je réponds en même temps à ces deux questions car elles se rejoignent. Dans ce que vous soulevez, il y a des choses qui concernent directement la police et d'autres qui concernent la justice. Je n'accepte pas la banalisation des incivilités et de la violence qui ne concernent d'ailleurs pas que les quartiers et les jeunes. En matière de sécurité, le bilan du Ministre de l'Intérieur est un échec : les atteintes aux personnes n'ont cessé d'augmenter depuis 2002. Or la sûreté (de soi et de ses biens) est un droit fondamental des citoyens et un devoir de l'Etat. Je veux être ferme avec la délinquance et ferme avec les causes de la délinquance, d'où l'importance que j'attache à la consolidation des familles, au redressement de l'école et à l'emploi des jeunes mais aussi à l'efficacité de la police et de la justice.
Sur le comportement des policiers, les instructions qu'ils reçoivent du Ministre de l'Intérieur sont très importantes. Moi, je veux instaurer une République du respect où les forces de l'ordre sont respectées et où elles respectent les jeunes comme les adultes. La droite a supprimé la police de proximité là où elle existait et c'est une grave erreur. Je créerai une police de quartier qui sera sur le terrain, au service de la population et de sa sécurité, proche des gens et à leur écoute, capable d'intervenir quand il le faut mais plus encore de prévenir et de dissauder les actes délictueux. La guéguerre entre jeunes et policiers est stérile. Je veux que la police ait un comportement républicain irréprochable et les moyens de faire correctement son travail. Dans les secteurs les plus difficiles, il faut cesser d'envoyer de jeunes policiers inexpérimentés et affecter au contraire des policiers qui ont de l'expérience et qui bénéficieront, comme les professeurs nommés en ZEP, de compensations tenant compte des conditions d'exercice de leur métier. Je veux aussi que les jeunes puissent avoir confiance en l'impartialité de la police et cette confiance ne se regagnera que par ce que j'appelle la politique par la preuve. Un mur de méfiance réciproque s'est élevé, je veux l'abattre et il faudra que chacun y mette du sien.
Je veux aussi aider les victimes en facilitant les dépôts de plainte, y compris par Internet, en améliorant l'accueil dans les commissariats par la mise en place de travailleurs sociaux de la police nationale, en protégeant celles et ceux qui brisent la loi du silence, en mettant un avocat à la disposition des victimes de violences graves dans l'heure qui suit le dépôt de leur plainte.
Je pense que la sanction fait partie de l'éducation à condition qu'elle soit juste, proportionnée, rapide et comprise. Je veux qu'au premier dérapage, un jeune puisse être recadré et remis dans le droit chemin, pour son bien autant que pour la tranquillité d'autrui. Donc, à la première bêtise : une réponse en temps réel, adaptée et une réparation. La prison, pour un jeune, est la pire des solutions : on en sort souvent pire qu'on y est rentré, c'est totalement contre-performant. Je suis donc favorable à toutes les solutions alternatives à l'emprisonnement, y compris, comme je l'ai dit, aux structures à encadrement renforcé, militaire au besoin.
Je développerai les brigades des mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines et je mettrai en place un plan d'urgence pour la justice des mineurs car elle travaille aujourd'hui dans de très mauvaises conditions qui ralentissent les décisions nécessaires et leur application. Cela passe par le recrutement de juges pour enfants, de greffiers, d'éducateurs. Sans entrer ici dans le détail de toutes les mesures que je prévois, je doublerai le budget de la justice pour la rendre plus rapide, plus efficace et plus respectueuse des droits de chacun. M. Sarkozy a cru bon d'opposer la police à la justice, montant comme d'habitude les uns contre les autres. Je veux, moi, qu'elles coopèrent efficacement car c'est le bon fonctionnement de cette chaîne qui répondra à la question que vous posez.
2) Pourquoi pensez-vous que certains jeunes de quartiers dits « difficiles » deviennent délinquants ? Que comptez-vous faire pour éviter cela ?
Les quartiers dits « difficiles » sont d'abord des quartiers en difficulté ! Il n'y a pas une seule explication au dérapage de certains jeunes dans la délinquance. Je crois d'abord qu'il y a un contexte général dans notre société qui offre de bien mauvais modèles : l'argent roi, la loi du plus fort, l'idée que tous les coups sont permis, l'abaissement de la morale publique. Le marché sans foi ni loi encourage la petite prédation et la délinquance. Si le travail et le mérite ne payent pas, à quoi bon travailler ? Si le chômage de masse frappe même les diplômés, pourquoi s'échiner à réussir à l'école ? S'il faut à tout prix posséder pour être respecté, tous les moyens sont bons pour acquérir les marques, les voitures et autres objets de consommation qui font qu'on sera quelqu'un. Cela n'excuse rien mais cela explique beaucoup. Cela dit, il faut toujours rappeler que, contrairement au préjugé dominant, la plupart des jeunes des cités sont loin d'être des délinquants.
Ensuite, beaucoup de choses peuvent intervenir. L'échec scolaire : pour ne pas perdre la face, on joue les lascars, on cherche à impressionner par d'autres moyens comme la violence, le racket, les trafics. La pauvreté de nombreuses familles est aussi une incitation à se procurer le nécessaire ou ce qui vous permet d'être comme les autres par des moyens pas vraiment recommandables. Il y a également, quand on est adolescent, ce goût de la transgression qui est une manière de chercher la limite : si cette limite n'est pas posée à temps, on continue et on va toujours plus loin. Il y a l'entraînement des copains, l'exemple des plus grands, les fausses réussites de ceux qui roulent en BM, les trafics qui ont pignon sur rue... Il y a le machisme à l'égard des filles, ce besoin de prouver sa supériorité de petit mâle qui conduit à les traiter comme des objets sexuels et pas comme des égales. Il y a des parents débordés qui n'arrivent plus à tenir leurs enfants. Et ce sentiment que, puisque l'avenir est barré et l'injustice sociale la règle, tout est permis. Voilà pourquoi je dis toujours qu'il faut punir la délinquance mais traiter en même temps ses causes pour rétablir un ordre social juste et des règles respectées. Agir pour que chacun puisse réussir à l'école, s'y épanouir et y trouver sa voie, c'est prévenir la délinquance. Faire reculer le chômage et augmenter le pouvoir d'achat des salariés, c'est prévenir la délinquance. Garantir à tout jeune le droit à un premier emploi et batailler sans merci contre les discriminations, c'est prévenir la délinquance. Consolider les familles et leur donner les moyens d'exercer toute leur autorité parentale, c'est prévenir la délinquance. Recadrer un gamin à la première incartade et prouver à chacun que l'impunité n'est plus de mise car chaque délit aura sa juste sanction, c'est stopper les dérives délinquantes. Tout se tient, en réalité. C'est pourquoi agir efficacement contre la délinquance, c'est agir contre toutes les raisons qui, sans l'excuser, peuvent pousser un jeune à basculer dans la délinquance.
3) Qu'est-ce que vous comptez faire pour que l'université n'ait plus une telle réputation ?
Je vous ai dit, en répondant aux questions de Rookidoki, d'Ahmed et de Sonia, de quelle manière je voulais redonner à nos universités les moyens financiers, matériels et humains de l'excellence.
4) Qu'est-ce que vous comptez faire sur les écoles supérieures qui n'acceptent plus les élèves de banlieue dite « sensible » ?
Vous voulez sans doute parler des grandes écoles ? Les plus prestigieuses, comme l'Ecole Normale Supérieure, comptent en effet moins d'enfants d'ouvriers et d'employés qu'il y a 50 ans ! Mais ce ne sont pas ces écoles qui refusent les élèves de milieu populaire : elles intègrent celles et ceux qui réussissent le concours d'entrée, sans s'occuper de leur origine. C'est avant que la sélection sociale intervient : au niveau des classes préparatoires aux grandes écoles, par lesquelles il faut obligatoirement passer pour présenter ces concours difficiles. C'est là qu'est le barrage car beaucoup de bons élèves des quartiers de banlieue ou du milieu rural ne savent même pas qu'elles existent et qu'ils pourraient y accéder.
Je me souviens que, lorsque j'étais Ministre de l'Enseignement scolaire, j'avais rencontré un jeune Polytechnicien qui m'avait raconté son histoire : très bon élève d'un lycée implanté en ZEP, toujours premier en maths, il avait essayé de s'inscrire dans la classes de mahématiques supérieures d'un lycée du centre de Bordeaux. Refus sans raison ! Il avait fallu qu'un de ses professeurs, ulcéré, prenne son dossier sous le bras et aille lui-même plaider sa cause pour que ce lycée chic accepte finalement cet élève brillant mais issu d'un quartier populaire. Sa réussite au concours de Polytechnique a montré qu'il avait bien les capacités requises mais, sans l'aide de son professeur, il n'aurait jamais pu tenter sa chance.
Voilà ce que je n'accepte pas : un système et des préjugés qui discriminent, qui gâchent les talents d'élèves qui pourraient intégrer les plus grandes écoles, qui reproduisent une sélection par la naissance et par le lieu d'habitation, ce qui, pour moi, est le contraire de l'école de la République.
Certaines écoles, comme Sciences Po, ont commencé à prendre conscience de ce gâchis et nouent des partenariats avec des lycées de ZEP pour aider leurs meilleurs élèves à intégrer leurs rangs. C'est bien, cela prouve qu'on peut réussir en venant d'un lycée de banlieue, mais ce n'est pas suffisant.
C'est pourquoi, dans mon pacte présidentiel, je propose d'ouvrir l'accès de ces classes « prépas », comme on dit, aux bons élèves des établissements de banlieue et du milieu rural, qui n'y ont pas accès aujourd'hui même s'ils ont des résultats scolaires remarquables. Je propose d'implanter des classes préparatoires dans les quartiers qui en sont dépourvus. L'excellence scolaire ne doit pas être réservée aux établissements de centre-ville et aux élèves qui les ont toujours fréquentés.
6) Qu'est-ce que vous comptez faire pour que tous les enfants aient accès aux médicaments, un point du programme de Ségolène Royal que je respecte ?
Merci d'avoir remarqué cette question qui me tient à coeur !
Je ferai cinq choses à mes yeux essentielles pour que les enfants et les jeunes aient accès à la santé quelle que soit la situation financière de leurs parents :
- la gratuité totale des soins pour les moins de 16 ans ;
- le renforcement de la médecine scolaire et universitaire ;
- la carte santé 16-25 ans qui donnera droit, comme je l'ai indiqué à Cynthia et à Karine, à une consultation médicale gratuite tous les six mois ;
- la gratuité de la contraception pour toutes les jeunes filles de moins de 25 ans ;
- la création d'un nouveau type de dispensaires - des maisons de santé de proximité - qui permettront de se faire soigner près de chez soi pour des problèmes qui ne nécessitent pas une hospitalisation.
7) Qu'est-ce que vous comptez faire pour réduire la dette publique qui ne cesse d'augmenter ?
La dette publique est devenue insoutenable : elle représente 64% de ce qu'on appelle le produit intérieur brut c'est-à-dire l'ensemble des richesses que nous produisons. Cela correspond à 18.000 euros par Français. Les intérêts qu'il nous faut payer sont devenus, à eux seuls, le deuxième buddget de la nation. Les déficits cumulés de la Sécurité Sociale se montent à 80 milliards d'euros. Voilà l'état de la France que nous laisse la droite.
Je veux, moi, stopper l'augmentation de cette dette puis la réduire. Comment ? D'abord en relançant une économie porteuse d'emplois. Plus de chômeurs, plus de précaires, plus de travailleurs pauvres, c'est moins de cotisations et d'impôts qui rentrent. Plus de gens qui travaillent, c'est plus de salariés qui cotisent pour l'assurance maladie et les retraites donc un déficit qui recule. Quand la gauche était au pouvoir, entre 1997 et 2002, elle a créé des emplois et réduit le déficit. Quand la droite est revenue au gouvernement, elle a allégé l'impôt des plus aisés et laissé la croissance s'affaiblir, ce qui a creusé le trou des déficits et de la dette.
Je veux donc combiner plusieurs choses : l'augmentation des rentrées fiscales non pas en augmentant les prélèvements obligatoires mais en élargissant, par le dynamisme économique et le plein emploi, le nombre des salariés contributeurs ; la maîtrise des dépenses publique sans diminuer, comme c'est le cas aujourd'hui, le niveau de protection sociale mais en réformant l'Etat et les services publics : dépenser mieux, c'est dépenser moins. Je veux en finir avec les gaspillages et les doublons : la décentralisation sera une source d'économie importante.
Il faut aussi tirer les leçons du passé : les problèmes qui ne sont pas traités à temps coûtent toujours plus cher. Les années perdues à ne pas vouloir régler le problème des cancers de l'amiante coûtent non seulement un grand nombre de vies humaines mais sont aujourd'hui l'une des raisons majeures du déficit de cette branche de la Sécurité sociale qui couvre les accidents et les maladies professionnelles. C'est pourquoi je veux, moi, renforcer les moyens de la médecine du travail et mettre en place des politiques de prévention qui éviteront, demain, bien des drames et des dépenses supplémentaires.
La croissance et l'emploi, la mise à contribution équitable de toutes les richesses (je ne veux plus que le travail soit plus taxé que le capital), la prévention, la maîtrise des dépenses (en particulier ciblage des aides aux entreprises sur celles qui en ont vraiment besoin : les PME qui prennent des risques et créent des emplois de qualité), une culture de l'efficacité des services publics : c'est le cercle vertueux qui redressera nos comptes tout en permettant de moderniser notre système de solidarité et d'assurer son financement durable sans léguer à nos enfants une dette irresponsable.
8) Qu'est-ce que vous comptez faire pour l'immigration ? Va-t-il y avoir des régularisations ou des expulsions ?
Permettez-moi d'abord de vous dire à quel point je trouve indigne le projet de M. Sarkozy de créer un Ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale ! Comme si l'immigré était, par nature, un danger pour notre identité ! C'est faire injure à la nation et injure aux étrangers qui travaillent chez nous ! Notre économie doit beaucoup à ceux qui sont venus d'ailleurs travailler dur dans les mines, le bâtiment, la sidérurgie, l'industrie automobile, l'agriculture et bien d'autres secteurs. Avec nous, ils ont reconstruit le pays. Avec nous, ils contribuent aujourd'hui à produire notre richesse nationale. Je n'accepte pas ces mots qui blessent comme immigration « subie ». La droite a voté deux lois sur l'immigration qui portent atteinte au droit élémentaire au regroupement familial (qui ne concerne que 25.000 personnes par an) sans régler aucun problème, à commencer par celui de l'immigration irrégulière. Quant à son immigration « choisie », que cache-t-elle en réalité ? Le pillage des cerveaux du sud ! La France n'a pas besoin de ces lois qui fragilisent les familles et créent des situations humainement inextricables, s'attaquent aux plus faibles (les enfants scolarisés de familles sans papiers) mais guère aux trafiquants et et aux employeurs de clandestins.
Moi, je propose trois choses.
D'abord, pour réduire les migrations de la misère, il faudra aider les pays du sud à s'arracher à la pauvreté. Personne ne quitte son pays par plaisir : la plupart le font parce qu'ils n'ont aucun espoir chez eux et sont prêts à prendre beaucoup de risques pour chercher ailleurs un avenir meilleur. C'est pourquoi je veux réformer radicalement notre aide au développement qui est aujourd'hui insuffisante et inefficace, privilégier les circuits courts pour que les financements aillent bien, sur le terrain, à ceux qui en ont besoin ; je vous en ai parlé en répondant à la question de Leïla.
Ensuite, pour réduire l'immigration illégale, il faut aussi un bon système d'immigration légale. Je vous donne un exemple : que fait un travailleur saisonnier quand son visa expire et qu'il craint de ne pas pouvoir revenir une prochaine fois travailler en France ? Il y reste et bascule en situation irrégulière. Voilà pourquoi je propose la création d'un véritable droit à l'aller et au retour qui ne s'arrête pas au milieu du gué comme le visa de trois ans créé par M. Sarkozy. Je propose, moi, un visa de longue durée qui sécurisera ces allées et venues régulières sans obliger ceux qui ne le souhaitent pas à quitter leur pays d'origine.
Enfin, pour les étrangers en situation irrégulière, je propose de rétablir la règle des dix ans comme critère de régularisation. Et, pour le reste, non pas une régularisation massive mais, de manière pragmatique et humaine, des régularisations au cas par cas qui tiennent notamment compte de la durée de la présence en France, de la possession ou de la promesse d'un contrat de travail, de la scolarisation des enfants.
La France a besoin d'une politique de l'immigration qui allie la clarté des règles, l'efficacité et l'humanité. La chasse aux enfants (ou aux grands-parents) à la sortie des écoles, je ne veux plus voir ça ! Les régularisations massives sont le signe de l'échec d'une politique de régulation intelligente de l'immigration. Elles suscitent immédiatement de nouveaux espoirs dans les pays d'émigration et recréent le problème qu'elle croyaient régler : l'afflux de sans papiers. Nous avons le droit de dire que nous ne pouvons accueillir tout le monde et de nous donner les moyens nécessaires pour limiter les entrées sur notre territoire. Mais à trois conditions : le faire en partenariat avec les pays d'origine et en les aidant à se développer, respecter les étrangers installés régulièrement chez nous (il y a des progrès à faire !), régulariser de manière intelligente et humaine ceux qui sont en situation irrégulière.
9) Quelle va être votre toute première mesure ?
La première loi que je soumettrai au Parlement sera une loi contre les violences faites aux femmes qui sera élaborée en liaison avec les associations qui les aident. Tous les trois jours, une femme meurt en France sous les coups de son compagnon. Cela choque, bien sûr, mais tout se passe comme si ces meurtres « privés », commis à l'abri du domicile, scandalisaient moins que d'autres formes de criminalité. Les luttes des femmes ont permis des progrès importants. Le viol a été criminalisé. Le code du travail a intégré le harcèlement. Des lieux d'accueil et d'hébergement pour les femmes victimes de violences ont vu le jour grâce aux associations. Nous avons désormais certains textes de loi utiles mais incomplets et mal appliqués faute de moyens.
Beaucoup de femmes sont tellement terrorisées ou traumatisées, tellement démunies aussi, qu'elles n'osent pas dénoncer les sévices dont elles sont victimes. Beaucoup continuent de se taire, en proie à la peur, à la honte, à la culpabilité. 35% des femmes agressées sur la voie publique portent plainte mais seulement 8% de celles qui subissent des violences conjugales. Dans les commissariats, trop de plaintes se transforment en simples mains courantes qui n'ont pas de suites. Dans 68% des cas, les enfants sont témoins de ces coups et parfois frappés eux aussi.
Je n'oublierai jamais l'intervention poignante de cette femme, lors d'un débat participatif à Roubaix, qui m'appelait au secours pour que plus jamais une mère ne se retrouve à la rue en pleine nuit, obligée de se réfugier sous un abri-bus avec ses enfants sans savoir où aller. Je me suis rendue dans des centres qui accueillent des femmes battues, notamment à Bondy, en Seine St Denis, et dans l'île de la Réunion. Partout, j'ai vu la même détresse, la même souffrance, la même insuffisance aussi du soutien des pouvoirs publics.
C'est pour cela que, comme l'a fait en Espagne le gouvernement Zapatero, je veux une loi globale qui regroupe et complète toutes les dispositions aujourd'hui dispersées dans le code pénal, le code civil, le code du travail, le code de la santé, etc. Une loi qui traite toutes les dimensions de ce problème complexe, douloureux et très sous-estimé : le logement (l'hébergement d'urgence, l'éloignement du domicile du conjoint violent), le travail, la protection physique et psychologique de la mère et des enfants, la prise en charge sanitaire, le problème de la formation des médecins, des policiers, des magistrats, des travailleurs sociaux, la prévention en milieu scolaire mais aussi le traitement des auteurs de violence, l'aide aux associations, etc. Je l'ai promis. Je le ferai.
10) Qu'est-ce que vous comptez faire pour améliorer les services publics et revoir les avantages des fonctionnaires ?
Je veux réformer l'Etat, comme je vous l'ai dit, et améliorer l'efficacité des services publics c'est-à-dire aussi leur présence sur tout le territoire. Ce ne sont pas les « avantages » des fonctionnaires qui l'empêchent mais le désengagement de l'Etat et la paupérisation des services publics qui résultent de la politique de la droite au gouvernement. Bien sûr, il faut que les métiers évoluent, il faut combattre la routine, il faut que les fonctionnaires n'oublient pas qu'ils sont au service du public, il faut une culture de l'efficacité et du résultat. Mais ce n'est pas en précarisant les personnels qu'on les mobilisera au service de l'intérêt général, ce n'est pas en les tirant vers le bas, c'est au contraire en bâtissant avec eux des solutions gagnant-gagnant : gagnant pour l'usager et gagnant pour eux car ils trouveront plus d'intérêt à leur travail. Sans passer en revue tout ce qu'il est possible et nécessaire d'améliorer, je voudrais vous donner quelques exemples.
Dans ma Région, quand j'ai créé le Budget Participatif des Lycées, cela a été une petite révolution culturelle dans l'administration régionale. Faire discuter, choisir et voter par les lycéens, les personnels et les parents d'élèves les projets à financer en priorité par la Région dans chaque établissement (chaque année, 10 millions d'euros sont répartis de cette manière pour mieux répondre aux attentes et aux besoins sur le terrain), cela ne s'était jamais vu. Pour les fonctionnaires de la Région, cela voulait dire changer leur manière de travailler : participer à ces réunions, donner toutes les informations nécessaires, ne plus décider tout seuls mais partager ce pouvoir avec les assemblées lycéennes du budget participatif, répondre à toutes les questions, rendre des comptes, bref accepter la transparence et tenir les délais de réalisation des projets votés. Au début, cela n'a pas été facile, pour eux, de s'adapter mais ils se sont aperçus qu'on prenait comme ça de meilleures décisions et que leur travail était à la fois plus efficace et plus riche. Cela a beaucoup amélioré la qualité du service rendu par la Région aux lycées et nous a donné beaucoup d'idées pour de nouvelles réalisations, par exemple l'affectation d'un animateur culturel dans chaque lycée.
Autre exemple : le soutien scolaire gratuit que je veux mettre en place. Aujourd'hui, les parents qui ont les moyens sont très nombreux à faire appel à des entreprises privées de soutien scolaire. C'est devenu un marché important et certaines de ces entreprises sont même cotées en bourse. Le résultat, c'est une inégalité de plus face à la réussite scolaire, entre les élèves qui ont accès à ce soutien payant et ceux qui n'y ont pas accès. Moi, je pense que le service public de l'Education nationale doit lui-même venir en aide aux élèves qui rencontrent des difficultés et que ce soutien doit être gratuit, accessible à tous les élèves quelles que soient les ressources de leur famille. C'est ma conception de l'école de la République. Je propose donc que les enseignants volontaires pour apporter ce soutien gratuit soient bien sûr rémunérés car c'est du travail en plus de leurs cours. Et, en complément, de créer un corps de répétiteurs qui se spécialiserait dans cette aide aux élèves. C'est une évolution du service public qui va dans le sens de l'intérêt des élèves et des familles.
Autre exemple : les crèches. Je veux créer un véritable service public d'accueil de la petite enfance pour aider les parents à concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle. Mais il faut que les horaires des crèches tiennent davantage compte des horaires de travail des parents. C'est le service public qui doit s'adapter aux besoins des usagers et pas l'inverse comme c'est encore trop souvent le cas.
Il y a beaucoup de choses à faire pour moderniser nos services publics, mieux répondre aux attentes des usagers et, en même temps, rendre plus intéressant et plus utile le travail des fonctionnaires. Ces évolutions ne doivent pas être autoritairement imposées mais discutées et négociées. Elles pourront être expérimentées avant d'être généralisées. Je n'oppose pas, moi, les uns aux autres : je fais appel à l'intelligence collective car je sais que c'est comme ça qu'on trouve les meilleures solutions.
Source http://www.desirsdavenir.org, le 30 mars 2007