Réponses de M. Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire et candidat à l'élection présidentielle de 2007, aux questions de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, le 12 avril 2007, sur la parité politique et l'accès aux responsabilités, la formation et l'emploi ainsi que sur les droits de la personne.

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Texte intégral

Parité politique et accès aux responsabilités
1. Donnerez-vous l'exemple au plus haut niveau en formant un gouvernement paritaire ?
R - Nous sommes pour un changement profond des institutions qui inclura de toute façon une représentation paritaire.
2. Initierez vous un ministère de plein droit chargé des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes ayant la mission de coordination de l'évaluation sexuée de l'impact des politiques publiques des différents ministères ?
R - Oui
3. Comment ferez-vous progresser la parité pour les élections au mode de scrutin uninominal (législatives, sénatoriales et cantonales) et la désignation des délégués au sein des intercommunalités ?
R - Les dispositifs antérieurs, comme les pénalités appliquées lors du financement public des partis politiques, ont montré leurs limites : en gros, les principaux partis politiques préfèrent payer plutôt que respecter la parité. Encore ne s'agit-il que d'une parité de candidature qui ne garantit en rien la parité au niveau des élus ...
La parité n'est évidemment pas la seule justification de la proportionnelle. Mais le seul moyen de parvenir effectivement à la parité est la suppression du scrutin uninominal et l'instauration de la représentation proportionnelle sur la base de listes alternant obligatoirement un homme et une femme.
4. Quelles évolutions du statut de l'élu envisagez-vous ?
R - Tout le monde peut constater aujourd'hui l'existence et le développement d'une crise de la représentation politique. Pour y remédier, il faut partir du principe que la politique est un engagement qui peut éventuellement se traduire - le moins possible et pour des durées limitées - par l'exercice d'un mandat à plein temps, mais dans la perspective du retour à une activité professionnelle « ordinaire ». La politique ne doit pas être un métier réservé de fait à des « professionnels de la politique » dont le seul horizon devient la poursuite des mandats.
Il faut donc commencer par instaurer le mandat unique et la limitation dans le temps du nombre de mandats successifs (2 ou 3).
Deuxième principe : pour être à l'unisson de ses mandants et partager leurs problèmes, pendant l'exercice du mandat, l'élu ou l'élue ne doit pas percevoir du fait de son mandat un revenu supérieur à celui des citoyens et des citoyennes qu'il est censé représenter. Il faut prévoir un barème d'indemnisation des élus (à temps partiel ou à temps complet) cohérent avec ce principe et, donc, limité par exemple au salaire médian, ou au salaire d'un ouvrier qualifié ou d'un technicien.
Troisième principe : pour assurer effectivement la rotation des élus, il faut leur assurer la réintégration automatique dans leur poste antérieur.
5. Quelles ressources financières et humaines accorderez-vous aux organismes et structures agissant en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes conformément aux engagements internationaux de la France ?
R - Les moyens doivent être à la hauteur des enjeux, il faudra les définir avec les associations féministes et plus largement les organisations concernées.
6. A l'instar de ce qui a été réalisé en politique, vous engagez-vous à modifier la Constitution pour permettre de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales dans les élections prud'homales et professionnelles, dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, dans les élections des comités d'entreprise et dans les jurys de concours et instances de promotion de la fonction publique ?
R - Oui, il faut faire adopter un principe général concernant l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. C'est ensuite à la loi d'organiser les modalités concrètes d'application de ce principe.
En ce qui concerne les mandats qui résultent d'élections « professionnelles » ou « sociales » (prud'hommes, commissions paritaires, délégués du personnel, comités d'entreprise ainsi d'ailleurs que les administrateurs des caisses de Sécurité sociale dont il faut rétablir l'élection) qui ont déjà lieu à la proportionnelle, il faut effectivement imposer la parité des listes sur la base de l'alternance un homme / une femme.
Pour les conseils d'administration des entreprises du secteur public, cette règle doit aussi s'imposer en ce qui concerne l'élection des « administrateurs salariés » et la désignation des représentants et représentantes de l'Etat, voire des « personnalités qualifiées ». Pour les représentants des actionnaires privés, il devrait s'agir d'un problème résiduel du fait de la réappropriation publique de nombre des sociétés anonymes ...
Pour les jurys de concours, la fonction publique prévoit depuis quelques années « la représentation d'au moins quelqu'un de l'autre sexe ». Il faut analyser si cela a changé les choses sachant que le principal problème dans la fonction publique est l'inégal déroulement de carrière en défaveur des femmes et l'accès aux hauts postes de responsabilité. Et depuis l'embauche massive par les trois fonction publique de salariés précaires, le constat est clair : ce sont en majorité des femmes. Il faut titulariser les personnes embauchées sur emploi précaire et ne plus avoir recours à l'emploi précaire.
Formation et Emploi : articulation des temps de vie
7. Les femmes et les hommes suivent souvent des parcours traditionnels de formation, qui orientent les femmes dans les professions moins valorisées et moins rémunérées. Quelles mesures concrètes prendrez-vous dans le cadre de la loi d'orientation et de programme scolaire pour y remédiez?
R - Les contenus scolaires sont construits sur des représentations très stéréotypés des rôles sexués ; les Programmes et pas seulement les manuels scolaires sont sexistes. Ils s'adressent prioritairement aux garçons et contribuent à persuader les filles que les femmes n'existent pas dans la société , dans l'histoire, dans la culture ou dans la science. Les sciences semblent être faites par les hommes et pour les hommes, et, dans les lettres et sciences humaines, la culture scolaire s'appuie sur des oeuvres classiques, produites par les hommes, qui donnent des femmes une vision traditionnelle de femmes passives, soumises, dépendantes et inférieures. Les travaux récents sur les rapports sociaux de sexe ne sont pas pris en compte dans les programmes scolaires. Il faut agir sur la formation des enseignants, elle devra prendre en compte et intégrer tous les travaux sur les rapports sociaux de sexe. Il faut généraliser des outils pédagogiques pour « apprendre » la mixité tant dans la transmission des savoirs que dans leur contenus - les programmes et les manuels scolaires-. L'orientation et les filières doivent être repensées en terme non sexiste.
8. Quels sont vos engagements pour éliminer les écarts de rémunération persistant entre les femmes et les hommes, malgré les lois de 1972, 1983, 2001, 2006 ?
R - Pour mettre en oeuvre le principe « à travail égal, à qualification égale, salaire égal », il faut prévoir un plan obligatoire de rattrapage des salaires des femmes, pour les porter à hauteur de celui des hommes, obligatoire non seulement dans la fonction publique, mais aussi dans les entreprises privées. Ce plan devra aussi comporter un volet de revalorisation des qualifications et des salaires des métiers à majorité féminine.
9. L'augmentation de l'activité des femmes depuis les années 1980 s'est effectuée dans le cadre d'emplois qui ne permettent pas une réelle autonomie financière (83 % des emplois à temps partiel, 60 % des emplois aidés ou en CDD), ce qui contribue à leur précarisation. Quelles mesures proposez-vous face à cette situation et quels dispositifs comptez-vous mettre en place pour palier les écarts considérables existants entre les femmes et les hommes en matière de retraite ?
R - Il faut transformer tous les contrats précaires en CDI. Par ailleurs il faut rendre obligatoire la transformation des emplois à temps partiel en temps plein, sur simple demande des personnes salariées.
Outre la décision globale que le montant d'aucune pension de retraite ne doit être inférieur au SMIC, il faut également prévoir un plan de revalorisation des retraites des femmes et de reconstitution de carrière, pour résorber les inégalités dues au temps partiel, au travail précarisé ou aux interruptions d'activité professionnelle à l'issue des congés maternité.
10. Les femmes continuent à interrompre leur activité ou à s'absenter pour prendre en charge des responsabilités familiales, au détriment de leur carrière et de leurs droits à la retraite. Quels sont vos objectifs de développement concernant les services publics d'accueil de la petite enfance et de prise en charge des personnes âgées ou dépendantes ? Inciterez-vous les hommes à prendre une part des responsabilités familiales ?
R - La moitié des femmes reste à la maison pour garder leur enfant, et seulement 10 % des enfants sont accueillis en crèche faute de place. Une majorité écrasante de femmes se retrouvent seules devant « leur » problème de garde. Les gouvernements ont toujours privilégié la multiplication des aides individuelles. Conséquence des budgets d'austérité dans l'Education nationale et des suppressions de postes (notamment en maternelle), le taux de scolarisation des 2 à 3 ans est passé de 36 % à 21 % en dix ans.
Un grand service public de la petite enfance, un regroupement des modes de garde dans un seul et même service sont une nécessité pour les femmes, pour les tout petits, pour la société. La mixité du personnel doit être un impératif, pour une société égalitaire, où les individus des deux sexes contribuent à égalité aux tâches domestiques.
Cela implique un plan de construction de crèches, la création de postes dans tous les corps de métiers, dans le cadre de la fonction publique, pour le fonctionnement. Le redéploiement des aides individuelles dans un budget collectif, la contribution des entreprises et, surtout, une autre répartition des richesses peuvent servir au financement.
Droits de la personne
11. Quels sont vos engagements en matière de politique d'éducation à la sexualité et à la contraception ?
R - Des lieus d'accueil et d'information telles que ceux mis en place par le planning familial doivent être développées partout afin qu'ils soient accessibles aux filles et aux garçons quelque soit le lieu d'habitation. L'anonymat et la confidentialité doivent être respectés. L'école, le collège et le lycée doivent mieux intégrer cette question, et ne pas la réduire comme cela est fait souvent à une question de connaissance biologique.
12. Vous engagez-vous à confier au CSA une mission renforcée de lutte contre le sexisme afin que les médias contribuent à donner une image moins stéréotypée des compétences et du potentiel des femmes et des hommes dans notre société ?
R - Oui, tout en sachant que concernant les publicités sexistes et au vu des enjeux financiers, il faudrait prendre des mesures contraignantes au-delà d'une mission renforcée confiée au CSA.
13. Comment lutterez-vous contre les violences conjugales, notamment concernant la prévention, la mise en cohérence des décisions pénales et civiles, la formation des professionnels (santé, police, justice, travailleurs sociaux) et la concertation avec les associations ?
R - Je soutiens le projet de loi-cadre élaboré par le Collectif National pour les Droits des Femmes (CNDF) qui prévoit notamment :
La création de tribunaux de la violence à l'encontre des femmes. Ils seraient compétents, en matière pénale, pour juger les atteintes volontaires à l'intégrité morale, physique et sexuelle des femmes. En matière civile, ils seraient compétents pour traiter les affaires de filiation, séparation, garde des enfants, dès lors qu'elles sont liées à des violences.
La création de trois types de structures d'accueil. D'abord, des centres d'accueil et d'information immédiate, pour aider les femmes, quelles que soient les violences qu'elles subissent, et assurer un hébergement d'urgence. Cet accueil est d'une grande importance, car la plupart des violences restent totalement tues et très peu font l'objet d'une plainte. Ensuite, des centres d'hébergement de court séjour, dans lesquels les femmes pourront être accueillies. Enfin, des centres d'hébergement de moyen et long séjour, permettant aux femmes de se reconstruire. Chaque département devrait mette en place au moins un centre de chacun de ces trois niveaux.
14. Vous engagez-vous à faire connaître la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), ratifiée par la France depuis 1983, notamment par l'intermédiaire des programmes scolaires et à promouvoir son application effective, le cas échéant, sous sanction ?
R - Oui
source http://www.observatoire-parite.gouv.fr, le 13 avril 2007