Réponses de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle de 2007, aux questions de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, le 12 avril 2007, sur la parité politique et l'accès aux responsabilités, la formation et l'emploi ainsi que sur les droits de la personne.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Parité politique et accès aux responsabilités
1. Donnerez-vous l'exemple au plus haut niveau en formant un gouvernement paritaire ?
R - A l'exigence de parité répond une volonté politique forte du Parti socialiste, qui, après avoir porté la loi sur l'égal accès aux mandats électifs en 2000, présentera cette année autant d'hommes que de femmes aux élections législatives. C'est un combat qui est pour moi fondamental et je souhaite aussi, à travers ma candidature, incarner la reconnaissance d'une capacité et légitimité égale des femmes et des hommes dans l'accès aux responsabilités politiques. C'est pourquoi je serai également très vigilante lors de la composition du gouvernement de la France à respecter un équilibre dans la répartition des différentes responsabilités entre femmes et hommes.
2. Initierez vous un ministère de plein droit chargé des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes ayant la mission de coordination de l'évaluation sexuée de l'impact des politiques publiques des différents ministères ?
R - Je souhaite avant tout avoir une équipe gouvernementale efficace, dotée des compétences propres à assurer dans tous les domaines la progression de l'égalité entre hommes et femmes.
Je suis consciente qu'en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, il faut toujours rester vigilant. Il importe que la culture de la parité et de l'égalité soit diffusée dans toutes les politiques publiques. Un ministère en charge de ces questions est une nécessité. Mais l'important sera de lui donner les moyens suffisants pour conduire sa politique de promotion de la parité et de l'égalité.
3. Comment ferez-vous progresser la parité pour les élections au mode de scrutin uninominal (législatives, sénatoriales et cantonales) et la désignation des délégués au sein des intercommunalités ?
R - Une des mesures que je propose, l'interdiction du cumul des mandats pour les Parlementaires, permettra le renouvellement de la classe politique. Il y aura plus de femmes, plus de jeunes...
L'autre mesure concerne les élections sénatoriales : revenir au scrutin de liste dans les départements qui élisent trois sénateurs (lorsque ce fut le cas le % de sénatrices augmenta sensiblement). L'introduction d'une partie de proportionnelle assurera l'élection de plus de femmes.
4. Quelles évolutions du statut de l'élu envisagez-vous ?
R - Une amélioration du statut de l'élu est le corollaire de l'instauration du mandat unique pour les parlementaires. L'engagement citoyen ne doit pas pénaliser ceux qui s'y engagent. Le problème de la réintégration professionnelle en fin de mandats devra également être abordé, afin d'assurer une égalité réelle entre les élus issus de la fonction publique et ceux issus du privé. Cela implique une nouvelle négociation avec les partenaires sociaux.
5. Quelles ressources financières et humaines accorderez-vous aux organismes et structures agissant en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes conformément aux engagements internationaux de la France ?
R - L'efficacité doit guider cette politique d'égalité. Je pense qu'il faut éviter de multiplier les organismes et les structures qui se font de la concurrence.
6. A l'instar de ce qui a été réalisé en politique, vous engagez-vous à modifier la Constitution pour permettre de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales dans les élections prud'homales et professionnelles, dans les conseils d'administration des sociétés anonymes, dans les élections des comités d'entreprise et dans les jurys de concours et instances de promotion de la fonction publique ?
R - Le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé ou non d'une politique volontariste. Il s'est borne à constater que l'instauration de quotas contrevenait au texte actuel de notre Constitution au motif qu'elle ne permet pas à des considérations fondées sur le sexe de prévaloir.
Nous ne manquons pas de textes législatifs sur l'égalité professionnelle et c'est l'honneur de la gauche d'avoir la première légiférer en ce sens. Mais de la loi aux actes, le fossé se résorbe trop lentement. Et plutôt qu'un texte supplémentaire, on pourrait conditionner les aides publiques aux entreprises au respect de l'égalité dans les structures de direction, où elles sont scandaleusement sous-représentées, mais du haut en bas de la hiérarchie où leur parcours est entrave.
Dans les jurys de concours de la fonction publique la parité progresse indéniablement.
Enfin, je suis favorable à l'instauration de la parité au Conseil économique et social.
Formation et Emploi : articulation des temps de vie
7. Les femmes et les hommes suivent souvent des parcours traditionnels de formation, qui orientent les femmes dans les professions moins valorisées et moins rémunérées. Quelles mesures concrètes prendrez-vous dans le cadre de la loi d'orientation et de programme scolaire pour y remédiez?
R - Une meilleure orientation des filles, c'est-à-dire par exemple de ne pas les cantonner dans des filières qui débouchent sur des professions déjà fortement féminisées, est certes une nécessité. On peut évidemment être volontaristes, faire en sorte que les services d'orientation incitent les jeunes filles à choisir des filières scientifiques et techniques, valoriser des réussites de femmes dans des domaines fortement masculinisés. Mais la réalité est plus complexe, tant les clichés sexistes sont reproduits. Tant que les filles seront élevées, dès leur plus jeune âge, dans l'idée qu'elles se doivent avant tout à leur famille, le problème restera entier.
Le fonctionnement actuel de la famille fait apparaître qu'il est difficile de mener de front un fort investissement professionnel et une vie familiale conforme aux modèles dominants. Il faut donc faire évoluer les représentations des rôles respectifs des femmes et des hommes dans la sphère familiale. Il faut parallèlement des politiques publiques plus ambitieuses de prise en charge des jeunes enfants.
8. Quels sont vos engagements pour éliminer les écarts de rémunération persistant entre les femmes et les hommes, malgré les lois de 1972, 1983, 2001, 2006 ?
R - Tout doit être fait pour lutter contre les discriminations qui frappent les femmes au travail, majoritairement assignées aux bas salaires et au temps partiel contraint. 80 % des salariés gagnant moins de 800 euros par mois sont des femmes, elles sont deux fois plus à ne gagner que le SMIC, elles constituent 80 % des allocataires du RMI. La précarité économique des femmes, dont le travail n'est pas encore reconnu comme égal à celui des hommes, et ceci à tous les niveaux, doit être combattue. La loi du 9 mai 2001 est contraignante et devrait normalement permettre d'atteindre l'égalité salariale. Mais elle est insuffisamment appliquée, à cause d'un manque de volonté politique et d'une moindre prise en compte par les partenaires sociaux.
9. L'augmentation de l'activité des femmes depuis les années 1980 s'est effectuée dans le cadre d'emplois qui ne permettent pas une réelle autonomie financière (83 % des emplois à temps partiel, 60 % des emplois aidés ou en CDD), ce qui contribue à leur précarisation. Quelles mesures proposez-vous face à cette situation et quels dispositifs comptez-vous mettre en place pour palier les écarts considérables existants entre les femmes et les hommes en matière de retraite ?
R - Je privilégierai trois directions pour accélérer l'égalité dans ce domaine : une charte pour l'égalité d'accès et de traitement sera mise en place en direction des entreprises et services publics. Les aides aux entreprises et les exonérations de cotisations sociales seront modulées en fonction de la nature des contrats de travail. Enfin, j'engagerai l'Etat dans une mission de garantie d'égalité dans la promotion à des postes de responsabilité publics.
85 % des personnes percevant le minimum vieillesse sont des femmes. C'est pourquoi la mesure d'urgence que je prendrai d'augmenter de 5 % les petites retraites leur sera particulièrement adressée. On le sait les femmes, de par l'assignation qui leur est faite de prendre en charge les personnes dépendantes (enfants, malades, personnes âgées), ont beaucoup de difficultés à faire des carrières complètes qui leur permettraient de toucher une retraite digne. C'est pourquoi, malgré les efforts nécessaires que toute la société devra opérer pour arriver à un équilibre de ce régime, je porterai une attention toute particulière à la situation des femmes.
10. Les femmes continuent à interrompre leur activité ou à s'absenter pour prendre en charge des responsabilités familiales, au détriment de leur carrière et de leurs droits à la retraite. Quels sont vos objectifs de développement concernant les services publics d'accueil de la petite enfance et de prise en charge des personnes âgées ou dépendantes ? Inciterez-vous les hommes à prendre une part des responsabilités familiales ?
R - Faire de l'accueil éducatif des enfants le plus tôt possible, c'est donner des chances à tous. Or ce droit est menacé par les restrictions budgétaires de la droite qui rêve de privatiser la prise en charge de la petite enfance, aux dépens des familles et surtout des femmes. C'est pour cela que je mettrai en place un véritable service public de la petite enfance, qui en assurant un accueil diversifié des enfants jusqu'à trois ans permettra aux femmes de ne pas interrompre leur vie professionnelle, tant il est difficile de revenir sur le marché du travail après une interruption.
Droits de la personne
11. Quels sont vos engagements en matière de politique d'éducation à la sexualité et à la contraception ?
R - L'accès à l'information sur la maîtrise de la fécondité, et à des méthodes sûres de contraception est un outil sine qua non d'égalité et d'émancipation des jeunes femmes. C'est cette même conviction qui m'animait quand j'ai décidé comme Ministre de l'enseignement scolaire de rendre gratuite la pilule du lendemain pour les mineures et de la rendre disponible dans les infirmeries des lycées. J'ai donc décidé que l'accès à la pilule sera gratuit pour toutes les femmes de moins de 25 ans.
Les dispensaires qui seront ouverts, notamment dans les zones rurales, accueilleront des permanences du planning familial.
12. Vous engagez-vous à confier au CSA une mission renforcée de lutte contre le sexisme afin que les médias contribuent à donner une image moins stéréotypée des compétences et du potentiel des femmes et des hommes dans notre société ?
R - Oui, cela participe de la lutte contre tous ces clichés sexistes. La lutte contre les publicités sexistes que j'ai conduite lorsque j'étais ministre a été salutaire. Une négociation avec le BVP a débouché sur une Charte qui évite aujourd'hui que soient publiées sans vérification des publicités sexistes.
13. Comment lutterez-vous contre les violences conjugales, notamment concernant la prévention, la mise en cohérence des décisions pénales et civiles, la formation des professionnels (santé, police, justice, travailleurs sociaux) et la concertation avec les associations ?
R - En France, une femme décède tous les trois jours sous les coups de son compagnon. Quant aux violences non mortelles, elles ont augmenté de 15 % par rapport à 2002. L'observation des violences contre les femmes constitue donc la preuve flagrante que la « lutte contre la délinquance » opérée par la droite a en réalité abouti à une augmentation des violences contre les personnes, notamment les femmes. Face à ce fléau social, les mesures sectorielles et parcellaires prises au coup par coup par la droite sont très en deçà de la dimension réelle du problème. À la différence d'autres pays européens, nous n'avons toujours pas de plan national engageant toutes les administrations et la prise en charge est toujours très sectorielle. C'est pourquoi je m'engage à mettre en place très rapidement une Loi-cadre de lutte contre les violences. Cette grande loi, réclamée par les associations de terrain, permettra de lutter efficacement contre ce phénomène inadmissible dans une société de respect et d'égalité.
14. Vous engagez-vous à faire connaître la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), ratifiée par la France depuis 1983, notamment par l'intermédiaire des programmes scolaires et à promouvoir son application effective, le cas échéant, sous sanction ?
R - La lutte contre les stéréotypes sexistes commence à l'école. Je suis donc favorable à ce que la convention CEDAW soit largement expliquée aux enfants, comme éléments d'apprentissage du respect de l'autre.
Source http://www.observatoire-parite.gouv.fr, le 13 avril 2007