Texte intégral
LE QUOTIDIEN - L'actualité médicale récente a été dominée par les difficiles négociations tarifaires entre les généralistes et l'assurance-maladie. Quel regard portez-vous sur la situation ?
DOMINIQUE VOYNET - Tout notre projet en matière de soins vise à réaffirmer la place centrale du médecin généraliste. Je souhaite que leurs revenus soient revalorisés, et ce d'autant plus qu'ils exercent dans des conditions difficiles, dans des zones rurales ou des quartiers, avec une charge de travail très lourde. Rien ne justifie les écarts de revenus que l'on observe actuellement entre généralistes et radiologues, par exemple. En contrepartie, je demanderai aux généralistes des engagements concernant la formation continue, l'indépendance par rapport aux groupes de pression et les modalités d'installation, y compris dans les parties les plus désertées du territoire.
LE QUOTIDIEN - Puisque vous l'évoquez, seriez-vous prête à revenir sur la liberté d'installation, que défendent farouchement les syndicats médicaux, pour assurer une meilleure répartition des médecins en France ?
DOMINIQUE VOYNET - C'est curieux d'observer le fonctionnement de la médecine dite « libérale ». On est de fait très loin de la loi de l'offre et de la demande ! La collectivité assume l'essentiel des dépenses de santé, elle finance la formation des professionnels de santé, elle garantit aux médecins le paiement de leurs actes, et elle n'aurait rien à dire concernant l'offre de soins sur le territoire ? Il me paraît juste, pour inciter les jeunes médecins à s'installer dans des zones désertifiées, de leur offrir de meilleures conditions matérielles, et pourquoi pas un complément de rémunération. Sera-ce suffisant ? Je crains que non. C'est pourquoi je souhaite instaurer une carte de l'équipement médical, organisant l'installation en fonction des besoins. Avec des quotas minimaux et maximaux. Ce type de dispositif est acquis pour les pharmaciens, qui ne sont pas plus révolutionnaires que les médecins. Pour être crédible, et échapper à tout soupçon, le dispositif ne peut être laissé à l'appréciation des seuls médecins. Les agréments d'installation devront être gérés de façon pluraliste, avec les usagers, les collectivités locales, les régions et l'Etat.
LE QUOTIDIEN - Que pensez-vous de la création du parcours de soins ?
DOMINIQUE VOYNET - Nous nous sommes mobilisés fortement contre la réforme de 2004 car elle ne répond à aucune de nos préoccupations. Elle est socialement injuste, augmentant la dépense à la charge des assurés, renvoyant le paiement de la dette sur les générations futures via la Crds, sans résoudre aucune des inégalités territoriales en termes d'accès aux soins ou de localisation des équipements.
Il faut séparer ce qui relève du soin, ce qui relève de l'environnement, et ce qui relève de la prévention et de l'éducation. C'est pourquoi je souhaite créer une agence de l'offre de soins, une agence de la santé environnementale, et une agence de l'éducation et de prévention de la santé. Je propose, par ailleurs, de régionaliser le pilotage du système de santé, pour permettre d'adapter les moyens aux besoins : les écarts d'espérance de vie entre le Nord - Pas-de-Calais et la région Paca ne s'expliquent pas uniquement parce que les premiers boivent de la bière, tandis que les seconds seraient adeptes du régime crétois. Les conditions de travail et d'environnement sont essentielles, en l'occurrence. Au-delà de cela, je voudrais qu'on élargisse la réflexion. Car on n'a toujours pas réellement une politique de santé, tout au plus une politique des soins, c'est réducteur.
LE QUOTIDIEN - Quels messages souhaitez-vous faire passer ?
DOMINIQUE VOYNET - Que constate-t-on ? D'un côté, on vit plus longtemps ; de l'autre, le déficit de la Sécurité sociale se creuse, car on n'arrive pas à enrayer l'augmentation des cancers, du diabète, de l'asthme, de l'obésité, qui pèsent de plus en plus lourdement sur les comptes sociaux. L'OMS considère que 86 % de la mortalité et les trois quarts de la morbidité sont liés à des maladies chroniques dont la plupart sont évitables. Pour moi, toute réforme du système de santé doit s'appuyer non seulement sur une réforme du système de soins, mais aussi sur la prise en compte de trois priorités : la prévention, l'éducation et l'action sur les facteurs d'environnement. Des exemples concrets ? Qui pense sérieusement que c'est par la mise au point de nouveaux médicaments que l'on va lutter contre l'obésité ? Ne faut-il pas agir vraiment sur les causes que sont la « malbouffe » et la sédentarité ? Même raisonnement sur les cancers.
D'un côté, de nouvelles molécules de plus en plus coûteuses ; de l'autre, une incompréhensible impuissance à éradiquer de notre environnement quotidien les polluants responsables. L'exposition des pompistes au benzène ou des employés des pressings au perchloréthylène pose des problèmes bien réels, non ? Il ne s'agit donc pas tant d'un débat sur les moyens du soin que d'un débat sur les priorités d'une politique de prévention.
LE QUOTIDIEN - Avez-vous le sentiment aujourd'hui que les médecins pèsent trop sur la politique de santé ?
DOMINIQUE VOYNET - Oui : les syndicats médicaux et les laboratoires ont porte ouverte dans les ministères, ce n'est pas le cas des professions paramédicales, que l'on écoute trop peu, et des associations d'usagers de la santé, que l'on n'écoute. pas du tout. La souffrance des infirmiers, par exemple, est peu prise en compte. La tentative d'introduction, dans un texte examiné à l'Assemblée, d'un amendement organisant le suivi par les laboratoires des prescriptions des patients en ALD, a illustré leur poids persistant. Le Sénat est heureusement revenu sur cette disposition. Il faut séparer clairement le monde de la recherche et les intérêts commerciaux des laboratoires.
LE QUOTIDIEN - En quoi votre projet de santé se singularise-t-il vraiment de celui des autres partis ?
DOMINIQUE VOYNET - Je veux privilégier la prévention, ramener la consommation des médicaments au niveau européen moyen, ce qui permettra de réduire les accidents iatrogènes et d'économiser une dizaine de milliards d'euros par an, revaloriser le rôle du généraliste, inciter au travail en équipe, réserver l'hôpital aux pathologies qui le justifient. Et garder un système public de santé et un système de mutualisation des dépenses sociales. Tout ce qui a été fait en 2004 vise à préparer les esprits à une privatisation de l'assurance-maladie. Voyez ce qui se passe aux Pays-Bas, où on ne paye pas de cotisations en fonction de ses revenus, mais une cotisation forfaitaire. Résultat : de plus en plus de gens n'arrivent pas à se soigner, et le système se dégrade. La maîtrise comptable des dépenses d'assurance-maladie, c'est un choix de société. Ce n'est pas le mien. On a largement les moyens de faire face aux dépenses de santé et de garantir la solidarité nationale. Mais cela suppose que l'on ne cède pas à tous les caprices des professionnels de santé.Source http://blog.voynet2007.fr, le 10 avril 2007
DOMINIQUE VOYNET - Tout notre projet en matière de soins vise à réaffirmer la place centrale du médecin généraliste. Je souhaite que leurs revenus soient revalorisés, et ce d'autant plus qu'ils exercent dans des conditions difficiles, dans des zones rurales ou des quartiers, avec une charge de travail très lourde. Rien ne justifie les écarts de revenus que l'on observe actuellement entre généralistes et radiologues, par exemple. En contrepartie, je demanderai aux généralistes des engagements concernant la formation continue, l'indépendance par rapport aux groupes de pression et les modalités d'installation, y compris dans les parties les plus désertées du territoire.
LE QUOTIDIEN - Puisque vous l'évoquez, seriez-vous prête à revenir sur la liberté d'installation, que défendent farouchement les syndicats médicaux, pour assurer une meilleure répartition des médecins en France ?
DOMINIQUE VOYNET - C'est curieux d'observer le fonctionnement de la médecine dite « libérale ». On est de fait très loin de la loi de l'offre et de la demande ! La collectivité assume l'essentiel des dépenses de santé, elle finance la formation des professionnels de santé, elle garantit aux médecins le paiement de leurs actes, et elle n'aurait rien à dire concernant l'offre de soins sur le territoire ? Il me paraît juste, pour inciter les jeunes médecins à s'installer dans des zones désertifiées, de leur offrir de meilleures conditions matérielles, et pourquoi pas un complément de rémunération. Sera-ce suffisant ? Je crains que non. C'est pourquoi je souhaite instaurer une carte de l'équipement médical, organisant l'installation en fonction des besoins. Avec des quotas minimaux et maximaux. Ce type de dispositif est acquis pour les pharmaciens, qui ne sont pas plus révolutionnaires que les médecins. Pour être crédible, et échapper à tout soupçon, le dispositif ne peut être laissé à l'appréciation des seuls médecins. Les agréments d'installation devront être gérés de façon pluraliste, avec les usagers, les collectivités locales, les régions et l'Etat.
LE QUOTIDIEN - Que pensez-vous de la création du parcours de soins ?
DOMINIQUE VOYNET - Nous nous sommes mobilisés fortement contre la réforme de 2004 car elle ne répond à aucune de nos préoccupations. Elle est socialement injuste, augmentant la dépense à la charge des assurés, renvoyant le paiement de la dette sur les générations futures via la Crds, sans résoudre aucune des inégalités territoriales en termes d'accès aux soins ou de localisation des équipements.
Il faut séparer ce qui relève du soin, ce qui relève de l'environnement, et ce qui relève de la prévention et de l'éducation. C'est pourquoi je souhaite créer une agence de l'offre de soins, une agence de la santé environnementale, et une agence de l'éducation et de prévention de la santé. Je propose, par ailleurs, de régionaliser le pilotage du système de santé, pour permettre d'adapter les moyens aux besoins : les écarts d'espérance de vie entre le Nord - Pas-de-Calais et la région Paca ne s'expliquent pas uniquement parce que les premiers boivent de la bière, tandis que les seconds seraient adeptes du régime crétois. Les conditions de travail et d'environnement sont essentielles, en l'occurrence. Au-delà de cela, je voudrais qu'on élargisse la réflexion. Car on n'a toujours pas réellement une politique de santé, tout au plus une politique des soins, c'est réducteur.
LE QUOTIDIEN - Quels messages souhaitez-vous faire passer ?
DOMINIQUE VOYNET - Que constate-t-on ? D'un côté, on vit plus longtemps ; de l'autre, le déficit de la Sécurité sociale se creuse, car on n'arrive pas à enrayer l'augmentation des cancers, du diabète, de l'asthme, de l'obésité, qui pèsent de plus en plus lourdement sur les comptes sociaux. L'OMS considère que 86 % de la mortalité et les trois quarts de la morbidité sont liés à des maladies chroniques dont la plupart sont évitables. Pour moi, toute réforme du système de santé doit s'appuyer non seulement sur une réforme du système de soins, mais aussi sur la prise en compte de trois priorités : la prévention, l'éducation et l'action sur les facteurs d'environnement. Des exemples concrets ? Qui pense sérieusement que c'est par la mise au point de nouveaux médicaments que l'on va lutter contre l'obésité ? Ne faut-il pas agir vraiment sur les causes que sont la « malbouffe » et la sédentarité ? Même raisonnement sur les cancers.
D'un côté, de nouvelles molécules de plus en plus coûteuses ; de l'autre, une incompréhensible impuissance à éradiquer de notre environnement quotidien les polluants responsables. L'exposition des pompistes au benzène ou des employés des pressings au perchloréthylène pose des problèmes bien réels, non ? Il ne s'agit donc pas tant d'un débat sur les moyens du soin que d'un débat sur les priorités d'une politique de prévention.
LE QUOTIDIEN - Avez-vous le sentiment aujourd'hui que les médecins pèsent trop sur la politique de santé ?
DOMINIQUE VOYNET - Oui : les syndicats médicaux et les laboratoires ont porte ouverte dans les ministères, ce n'est pas le cas des professions paramédicales, que l'on écoute trop peu, et des associations d'usagers de la santé, que l'on n'écoute. pas du tout. La souffrance des infirmiers, par exemple, est peu prise en compte. La tentative d'introduction, dans un texte examiné à l'Assemblée, d'un amendement organisant le suivi par les laboratoires des prescriptions des patients en ALD, a illustré leur poids persistant. Le Sénat est heureusement revenu sur cette disposition. Il faut séparer clairement le monde de la recherche et les intérêts commerciaux des laboratoires.
LE QUOTIDIEN - En quoi votre projet de santé se singularise-t-il vraiment de celui des autres partis ?
DOMINIQUE VOYNET - Je veux privilégier la prévention, ramener la consommation des médicaments au niveau européen moyen, ce qui permettra de réduire les accidents iatrogènes et d'économiser une dizaine de milliards d'euros par an, revaloriser le rôle du généraliste, inciter au travail en équipe, réserver l'hôpital aux pathologies qui le justifient. Et garder un système public de santé et un système de mutualisation des dépenses sociales. Tout ce qui a été fait en 2004 vise à préparer les esprits à une privatisation de l'assurance-maladie. Voyez ce qui se passe aux Pays-Bas, où on ne paye pas de cotisations en fonction de ses revenus, mais une cotisation forfaitaire. Résultat : de plus en plus de gens n'arrivent pas à se soigner, et le système se dégrade. La maîtrise comptable des dépenses d'assurance-maladie, c'est un choix de société. Ce n'est pas le mien. On a largement les moyens de faire face aux dépenses de santé et de garantir la solidarité nationale. Mais cela suppose que l'on ne cède pas à tous les caprices des professionnels de santé.Source http://blog.voynet2007.fr, le 10 avril 2007