Conférence de presse conjointe de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et de M. Joschka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, sur les relations franco-allemandes, les accords et la coopération entre les deux pays dans la construction européenne et le traité de Nice, Stuttgart, le 16 février 2001.

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Circonstance : Voyage de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à Stuttgart, Allemagne, le 16 février 2001

Texte intégral

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Je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit Joschka Fischer. Il a très bien décrit la méthode par laquelle nous avons entrepris de redéfinir les "rapports franco-allemands", pour reprendre le mot qu'avait employé le chancelier Schröder en Alsace.
Nous avons recommencé à travailler et c'était vraiment une séance utile : très dense, très constructive, qui naturellement doit être suivie d'autres, pour donner tous les résultats que nous en attendons, avec beaucoup d'ambition.
Q - Tous les six mois on nous dit "ça y est, il y a un nouveau démarrage des relations franco-allemandes" et puis tous les ans, il y a un sommet européen qui se termine plutôt mal. Est-ce que vous pouvez expliquer concrètement ce qu'il y a de différent cette fois-ci ? Qu'est ce qui fait que, à Rambouillet, on nous avait annoncé un nouveau départ ? Qu'est ce qui fait que le nouveau départ de Blaesheim est plus concret ? Là vous nous dites que vous avez travaillé, mais on ne voit pas de choses précises. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ? Est-ce qu'il y a quelque chose à expliquer ?
R - Vous comparez à quoi ? Vous avez l'air de dire qu'on l'a fait 36 fois avant, mais vous comparez à quand ?
Q - A Rambouillet ou au Sommet de Mayence... A Mayence on avait dit que "ça y est on s'est mis d'accord pour se mettre d'accord..."
R - Monsieur, l'un des éléments de réponse, ce qui a été fait à Rambouillet ou Mayence, a porté spécifiquement sur le programme de la Présidence. Et, si on regarde objectivement ce qui s'est passé pendant la Présidence française, la France et l'Allemagne ont été en accord sur un très grand nombre de sujets. Pas sur tout, et pas tout de suite, parce que c'étaient des sujets objectivement compliqués, compliqués pour les Quinze. On savait à l'avance que ce seraient des discussions difficiles, mais la France et l'Allemagne ont été d'accord sur un très grand nombre de sujets, et je crois que c'est dû au travail qui avait été impulsé à Rambouillet. Tous les points d'accord qui ont été acquis n'étaient pas automatiques. Cela ne va jamais de soi. C'est la première réponse.
La deuxième réponse que l'on peut faire, c'est que l'on ne vous demande pas de porter un jugement aujourd'hui, puisqu'il y a eu ce sommet en Alsace où il y a eu une explication de grande qualité sur l'état réel des choses et sur nos ambitions communes pour la relation franco-allemande et pour l'Europe. Nous sommes passés à la mise en uvre, en occupant le mandat qui nous a été confié par le chancelier, le président et le Premier Ministre. Donc, on vous demande simplement de suivre nos travaux sans a priori, sans juger maintenant ce que nous espérons obtenir au bout d'un certain nombre de séances, parce que pour traiter de façon à la fois franche, concrète, constructive des dossiers aussi importants que ceux que Joschka Fischer a énumérés tout à l'heure, vous comprenez bien qu'il nous faut quelques rencontres. Les choses ne se concluent donc pas aujourd'hui.
Q - De plus en plus de voix se font entendre au Parlement européen, réclamant une amélioration du Traité de Nice, en particulier en ce qui concerne les modalités de vote au Conseil des ministres et la répartition des voix, le système choisi par le traité restant très compliqué. Cette demande vous paraît-elle réaliste ? Y a-t-il des choses à améliorer ou plutôt, pouvez vous vous imaginer qu'il y ait des choses à améliorer ?
R - Madame, je ne crois pas que ce soit très réaliste. Les résultats obtenus à Nice sont le résultat de très, très longues négociations. Il faut d'abord rappeler qu'il y avait eu les discussions de la CIG de 96-97 qui avaient échoué, et Amsterdam avait été un vrai échec, puisqu'il n'y avait pas eu de résultat et que les Quinze n'étaient pas d'accord.
Les Quinze se sont mis d'accord à Nice sur des résultats que chacun est libre d'apprécier, mais qui sont des résultats. Ceux-ci avaient été précédés - on s'était amusé à faire le calcul avant même que Nice ne s'ouvre - par quelque chose comme 330 heures de négociations. Après, à Nice, les discussions qui ont eu lieu étaient plus compliquées, mais les discussions sont toujours plus compliquées quand on touche aux institutions, c'est inévitable.
Je ne vois pas quel élément nouveau permettrait de croire qu'en reprenant la discussion on arriverait à un résultat différent sur quoique ce soit par rapport à celui là.
Ce qui est à l'ordre du jour aujourd'hui c'est - comme on l'a dit dans les conclusions de Nice - de ratifier Nice sans tarder, pour pouvoir exploiter les potentialités du nouveau traité, même si elles sont insuffisantes aux yeux de certains. Il y a des avancées sur chacun des sujets traités : les trois sujets non réglés à Amsterdam, les coopérations renforcées et le dispositif de préparation du rendez-vous de 2004, dont nous avons beaucoup parlé tous les deux cet après-midi. Cela est très important et c'est précisément parce que les questions de Nice, qui embarrassaient le fonctionnement de l'Union européenne depuis 97, sont derrière nous, que nous pouvons aujourd'hui aller de l'avant et regarder vers l'avenir.
Donc tournons nous plutôt vers l'avenir.
Q - Nous avons évoqué précédemment certaines différences, certains problèmes qui seraient encore à résoudre. Mais quels sont donc concrètement ces problèmes à résoudre ?
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R - Je voudrais ajouter un mot, je vais dire la même chose, mais je souhaite le dire moi aussi.
Nous appliquons une méthode très simple. Il y a un climat de confiance et d'amitié entre Joschka Fischer et moi, nous travaillons ensemble depuis longtemps. Nous prenons chaque sujet. Sur chaque sujet nous nous disons sans détour quelle est la position de notre pays et, quand il y a des différences d'approche - ce qui arrive et qui est normal - nous expliquons pourquoi, nous essayons de voir si ces différences sont fondées sur des choses profondes ou sur des choses superficielles ou sur des malentendus de langage, ce qui peut arriver.
Si nous pouvons surmonter ces problèmes à notre niveau, nous le faisons tout de suite, en élaborant une position de synthèse qui permette de surmonter les différences. Mais si nous ne pouvons pas à nos niveaux, parce que cela engage d'autres intérêts, d'autres responsables, et bien, nous ferons des propositions au chancelier, au président et au Premier ministre. Voilà ce que nous proposons pour établir de la convergence sur tel ou tel point. Et nous allons le faire systématiquement, nous allons tout balayer : tous les sujets qui sont à l'ordre du jour, tous les sujets européens, tous les sujets de politique internationale. C'est très simple.
Q - Je voulais demander si vous ne vous étiez pas limités strictement à ce mandat franco-allemand et européen qui vous a été donné, mais est ce que vous avez abordé des sujets de politique internationale ? Par exemple, est-ce que M. Fischer a parlé de son voyage à Moscou? Des positions européennes sur le NMD ? Le gouvernement allemand est soumis à de fortes pressions par son opposition en termes généraux. Est-ce que M. Védrine se fait du souci, malgré les engagements qui ont été donnés à Blaesheim, à propos du retour des déchets nucléaires français en Allemagne, étant donné qu'il y a une révolte à la base etc...?
R - Notre mandat n'est pas limité aux questions européennes, c'est un gros morceau, bien sûr, et cet après-midi nous avons beaucoup parlé élargissement et 2004. Mais notre discussion a également porté sur les autres questions. Nous avons déjà eu une longue discussion sur les questions de défense, de stratégie, sur la défense européenne, nos relations avec la nouvelle administration américaine... Nous allons continuer pendant le dîner : on va parler de la Russie, on va parler du Proche-Orient, on va parler des Balkans, donc notre mandat n'est pas limité.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2001)