Interview de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, dans "Sept jours Europe" le 8 février 1999, notamment sur le traité d'Amsterdam, la négociation de l'Agenda 2000, les dépenses de l'Union européenne et la réforme de la PAC.

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Circonstance : Adoption du projet de loi de révision constitutionnelle par le Parlement réuni en Congrès (par 758 voix contre 111) à Versailles le 18 janvier 1999-lancement de la campagne d'information "L'Europe à l'étape d'Amsterdam" le 28 janvier 1999

Média : Sept jours Europe

Texte intégral

ENTRETIEN AVEC LHEBDOMADAIRE « 7 JOURS EUROPE » le 8 février 1999
Q - Vous venez de lancer une campagne dinformation sur le Traité dAmsterdam. Pourquoi ?
R - Le Traité dAmsterdam nest pas dun abord facile, car il consiste essentiellement en la modification de dispositions de traités antérieurs. Cest précisément pour cette raison que jai estimé nécessaire de mieux le faire connaître, au travers dune campagne dinformation destinée au grand public et soutenue par le Parlement européen et la Commission européenne.
Grâce à un guide dinformation que nous allons diffuser à un million dexemplaires, et grâce à un site Internet, jespère que les Français connaîtront mieux ce texte. Je souhaite également que cette campagne dinformation soit loccasion, au-delà du seul traité, de parler de la construction européenne dans son ensemble.
Q - Qualifié de modeste par nombre dobservateurs, le Traité dAmsterdam nen permet pas moins des avancées dans plusieurs domaines : lesquelles vous paraissent les plus importantes ?
R - Le Traité dAmsterdam permet effectivement des avancées réelles dans plusieurs domaines. Il place lemploi et la dimension sociale au coeur des politiques européennes et ouvre à la coopération européenne de nouveaux champs, comme la santé ou lenvironnement. Il prévoit linstauration dun espace de liberté, de sécurité et de justice en Europe. Il permet de mieux affirmer la place de lEurope sur la scène internationale.
Toutefois - et la France la dit dès le début - le Traité présente une lacune essentielle : il ninclut pas la réforme nécessaire des institutions européennes dans la perspective de lélargissement à lEst.
Q - Soucrivez-vous à la proposition du ministre allemand Joschka Fischer de lancer une grande conférence intergouvernementale dès lan 2000 pour réformer lUnion européenne avant lélargissement ?
R - Une chose est sûre : une réforme profonde des institutions est nécessaire avant tout nouvel élargissement. Il en va du fonctionnement futur de lUnion européenne, car si celle-ci ne « marche » déjà plus très bien à quinze, elle serait paralysée quand elle comprendra 20 ou 25 Etats membres, voire plus. Cette question doit donc être une priorité pour les Quinze, afin que le processus délargissement ne prenne pas de retard. Je sais que la présidence allemande partage tout à fait notre sentiment à cet égard. Elle soumettra, dici le Conseil européen de Cologne en juin, des propositions de méthode et de calendrier.
Comme des discussions seront délicates, il est important de mettre toutes les chances de notre côté. Je suis personnellement favorable à lidée dun Comité des sages, ou à la désignation dune personnalité, qui serait chargé délaborer une sorte de « rapport sur létat de lUnion », lequel déboucherait sur une nouvelle conférence intergouvernementale, mieux préparée que celle qui a abouti au Traité dAmsterdam. Tout cela devra aboutir avant la fin de lan 2000, pour nous permettre daller vers la conclusion des premières négociations délargissement dans de bonnes conditions.
Q - Quels sont les grands axes du compromis que soutient la France dans les négociations de lAgenda 2000 ?
R - La France espère quun accord sur lAgenda 2000 pourra être trouvé selon le calendrier envisagé, cest-à-dire au Conseil européen extraordinaire des 24 et 25 mars, à Berlin. Jai déjà dit que cette négociation était difficile et que le risque dun échec devait être pris en compte, pour justement mieux léviter.
La position de la France est globale et équilibrée. Elle est globale car, pour nous, cette négociation forme un tout. Autrement dit, il ny aura daccord sur rien tant quil ny aura pas daccord sur tout.
Elle est équilibrée car elle repose sur trois principes essentiels : la nécessité de la rigueur budgétaire, le respect des politiques communes et de lesprit communautaire et, enfin, la recherche de léquité entre les Etats membres.
Il est clair que, pour parvenir à un accord, chacun devra faire des pas, je dis bien chacun. Nul nen sera exonéré, nul ne sera sacrifié.
Q - La présidence allemande vient de proposer une réduction denviron 15 % des dépenses agricoles et structurelles européennes : quen pensez-vous ?
R - Jai dit que chacun devrait faire un pas. La France, pour sa part, y est prête. Nous sommes favorable à une réforme raisonnable de la Politique agricole commune (PAC) et nous venons dailleurs de faire des propositions précises à nos partenaires en ce domaine, comprenant notamment une dégressivité des aides directes aux agriculteurs.
La PAC doit évoluer, non seulement pour tenir compte des contraintes budgétaires que jai évoquées, pour nous placer dans la perspective de lélargissement à lEst, pour mieux aborder les futures négociations commerciales multilatérales, mais aussi, dans le droit fil de nos orientations nationales en la matière, pour mieux assurer la protection de notre environnement et laménagement de notre espace rurale.
En revanche, ce que nous refusons absolument, cest le cofinancement, cest-à-dire la renationalisation de la PAC. Il sagirait dun véritable démantèlement dune politique qui est au coeur de la construction européenne.
Sagissant des politiques structurelles, il nest pas surprenant que les pays « de la cohésion » refusent pour lheure que la discipline budgétaire sapplique aussi à ces fonds. Il me semble pourtant quun effort devra être fait dans cette direction, en ayant à lesprit de mieux cibler les aides structurelles vers les régions qui en ont le plus besoin.
Q - Concernant le budget de lUnion, si le Royaume-Uni renonce à tout ou partie de son « rabais » et si dautres Etats membres font des concessions, la France est-elle prête à faire un effort sur la PAC ?
R - Tout le monde connaît les conditions dans lesquelles nous avons accepté le « rabais » britannique en 1984. Je ne pense pas que ce soit, sur le principe, une solution à retenir car elle est contraire aux fondements mêmes de la construction européenne. Tout ce qui permettra de revenir sur cette mesure sera le bienvenu.
Surtout, il faut éviter une généralisation de cette formule à dautres pays qui estiment actuellement être trop lourdement créditeurs, même si nous comprenons leur souci de rééquilibrer le fardeau budgétaire. Pour nous, cet rééquilibrage devra passer avant tout par un effort de maîtrise de la dépense. Il sagit de conserver lesprit de solidarité qui est à la base de la construction européenne. Nous avons, non seulement dit que nous étions prêts à des efforts sur la PAC, mais fait des propositions très sérieuses en ce sens./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr)