Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, sur la promotion de la langue française et sur l'action en faveur des droits de l'homme, à Paris le 11 juillet 2007.

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Circonstance : Discours devant 158 jeunes reçus dans le cadre du programme "Allons en France", à Paris le 11 juillet 2007

Texte intégral

Messieurs les Députés,
Madame le Sénateur,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Chers Etudiants, qui venez de plus de 50 pays et des cinq continents, je suis très heureuse de vous rencontrer, car ce qui vous a conduits jusque dans ce lieu, dans ce salon du ministère des Affaires étrangères, c'est l'amour. L'amour de la langue française, et disons les choses comme elles sont, l'amour de la France.
Bien sûr, la langue française, la Francophonie comme on dit, ce n'est pas que la France, ce sont plus de 68 Etats (53 Etats membres, 2 associés et 13 observateurs). Mais aimer la langue française, c'est nécessairement aussi aimer la France.
Vous avez poussé ce sentiment jusqu'à consacrer des jours et des jours, des nuits peut-être, des mois et des mois, à apprendre notre langue.
Vous êtes les lauréats d'un concours extrêmement sélectif, puisque des dizaines de milliers de candidats y participent chaque année.
Donc, d'abord, un grand bravo et toutes mes félicitations.
Je voudrais saluer la présence de Paulette Brisepierre, sénateur des Français de l'étranger que j'ai eu le plaisir de côtoyer au Sénat où je sévissais il y a encore quelques jours, de Pierre Morange, député des Yvelines et de Jacques Remiller, député de l'Isère, présence qui témoigne ainsi de leur attachement à la promotion de notre langue et de notre culture.
Merci aussi à notre réseau culturel dans le monde, qui a organisé ce concours.
Merci aussi à vous, Mesdames et Messieurs les Professeurs, qui avez transmis à vos élèves les beautés (et les difficultés) de la langue française. Personnellement, c'est à mes professeurs que je dois l'amour de la langue française. Débarquant en France à l'âge de 9 ans, vous m'avez donné l'amour de la langue française et de ses subtilités acrobatiques. Comme les jeunes présents ici, je dois beaucoup aux professeurs de français. Et je voudrais profiter de ce moment, intimement, et au nom de tous les jeunes présents pour vous remercier.
Mais avant tout un grand merci à vous, les lauréats, car c'est pour la France un honneur d'être ainsi choisie par des milliers et des milliers de jeunes étudiants du monde entier.
La France possède une culture et une langue, dont nous sommes fiers, comme on peut être fier d'un héritage. Mais, comme l'a écrit André Malraux, "la culture ne s'hérite pas, elle se conquiert" et cette fierté peut devenir rapidement de la vanité, si nous n'avons pas la conviction que cet héritage nous oblige :
L'obligation qui nous est faite, c'est de ne pas trahir l'esprit des hommes qui ont fait briller la France, et qui ont fait qu'elle incarne peut-être encore aujourd'hui quelque chose de particulier dans le monde.
Ce quelque chose de particulier, c'est paradoxalement d'avoir prétendu délivrer un message à vocation universelle, un message qui s'adresse à tous les hommes, pour parler plus clairement, car en français, comme vous l'avez appris, homme a deux significations, à tous les êtres humains. Et, c'est la femme que je suis qui tiens à apporter cette précision.
Dans quelques jours, vous allez participer aux fêtes du 14 juillet. Vous serez place de la Bastille le 13, sur les Champs-Elysées le 14. Nous allons bien sûr faire la fête, mais nous allons nous rappeler que le combat pour la liberté, l'égalité des droits et la fraternité est devant nous.
Le président de la République m'a confié la mission de promouvoir les libertés et les Droits de l'Homme sur la scène internationale. Quel défi passionnant ! Il y a, dans cette démarche du président, quelque chose d'audacieux car confier les Affaires étrangères et les Droits de l'Homme à la benjamine du gouvernement relève d'une confiance à la jeunesse dont je mesure l'importance. La jeunesse est une forme de rébellion constante : rébellion contre les préjugés, rébellion contre les injustices. La tâche ne sera pas facile mais je compte sur leur expérience, leur savoir-faire et leurs capacités à dire non pour faire avancer les choses chaque fois que possible.
C'est une mission que je commence avec fierté, car il s'agit de se battre pour l'homme, et comme l'a dit le général de Gaulle, "en notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l'homme. C'est l'homme qu'il s'agit de sauver, de faire vivre et de développer".
Cette mission, je l'aborde aussi avec modestie, sachant tout le travail accompli chaque jour par les nombreux militants des Droits de l'Homme.
Mais le principal sentiment qui m'anime, c'est la conviction que quelque chose est possible.
La France n'a aucunement l'intention de se poser en donneuse de leçons, elle ne prétend pas être un parangon de vertu. Seulement, elle a l'intention de rappeler, sans jamais oublier de le faire pour elle-même, que les principes et les valeurs qu'elle a contribué, avec d'autres, à promouvoir et à inscrire dans le droit français et international, méritent qu'on s'engage pour eux.
Pour ma part, je m'engagerai concrètement :
- pour que les femmes accèdent à une pleine égalité de droits avec les hommes. Rien, je dis bien rien, ne peut justifier que les femmes n'aient pas les mêmes droits que les hommes ;
- pour que les enfants ne soient plus enrôlés comme des soldats dans des guerres d'adultes, que les enfants ne soient plus les victimes des mines antipersonnelles, sans que la France ne s'en mêle. Il faut que la France parle, que la France des Droits de l'Homme ne soit pas que des mots. J'estime qu'on peut juger d'une société à la place qui est faite aux femmes, aux enfants, et aux anciens ;
- contre les atteintes à la liberté d'expression. Il en va de la dignité de la condition humaine ;
- enfin, il me semble essentiel d'avoir obtenu, avec la création des tribunaux internationaux et de la Cour pénale, que l'impunité des crimes ne soit plus la règle, et que les responsables de massacres commis au nom de la raison d'Etat aient à rendre des comptes : car la raison d'Etat, ce n'est qu'un certain état de la raison. Ce combat contre l'impunité ne fait que commencer... Sachez que la France prendra sa part dans ce progrès historique.
Maintenant, j'ai quelque chose à vous demander : bientôt vous allez regagner vos pays respectifs. Vous êtes déjà des ambassadeurs de la langue française. Soyez aussi les ambassadeurs des Droits de l'Homme. Vous êtes jeunes, vous avez envie, comme moi, j'en suis convaincue, que le monde soit moins dur, que les droits humains les plus élémentaires soient davantage respectés, que l'homme souffre moins de l'homme.
Essayons ensemble de combler petit à petit, avec patience, mais entêtement, le fossé qui sépare nos idéaux de la réalité. Après cela, on aura toujours le temps de grandir, de devenir pragmatique, de composer. Mais d'ici là, on peut encore rêver d'idéal et de progrès.
C'est ce simple message que je souhaitais vous transmettre.
Et, comme il est de tradition, j'invite l'un d'entre vous à venir s'exprimer.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 juillet 2007