Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, vous êtes ministre des Affaires étrangères depuis le mois de mai. L'Europe était au centre de votre travail. Etes-vous content du travail qu'a fait Mme Merkel sur l'avenir de l'Union européenne ?
R - Je suis très content du travail de Mme Merkel, du président de la République, Nicolas Sarkozy, de M. Zapatero, de M. Blair, de M. Socrates, de M. Junker, mais aussi du travail que les Slovènes ont réalisé.
Nous sommes tous parvenus à nous mettre d'accord sur un traité simplifié. A la veille du sommet, rien n'était encore vraiment possible. Tout le monde espérait mais personne ne pensait véritablement que l'Europe sortirait triomphante, sur une proposition du président français.
Q - Je crois que vous êtes très optimiste, mais quand même, si un pays comme la Pologne peut bloquer le traité...
R - Comme vous le savez, ils n'ont pas bloqué le traité.
Q - Et pour l'avenir ?
R - S'ils réussissent à bloquer l'Europe, cela veut dire qu'ils ne veulent plus de l'Europe. Dans ce cas, avec beaucoup de regrets, nous nous passerons des Polonais.
Q - La France a dit une fois "non" à la constitution européenne. Si, par exemple maintenant, le Parlement français ne ratifiait pas le nouveau traité, quel signal cela donnerait au peuple français ?
R - Ce serait un très mauvais signal, mais je ne crois pas que le Parlement français pourrait ne pas le ratifier, puisque, au contraire, nous avons beaucoup tenu compte du résultat négatif du référendum constitutionnel.
C'est le "non" qui a dominé les exigences et les propositions françaises pendant ces deux jours et ces deux nuits difficiles du Conseil européen, à Bruxelles.
Nous devions tenir compte de ce que le peuple français avait exprimé. Nous avons donc proposé des changements qui ont été acceptés par tous nos partenaires, notamment polonais. Au final, c'est l'Europe qui sortira vainqueur de tout cela.
Q - Hier, vous avez parlé de l'Union méditerranéenne à Portoroz, Pourquoi créer une telle union ?
R - C'est un vieux rêve. Nous sommes tous, ici, les enfants de la Méditerranée et nous pensons que cette unité de culture, de civilisation, de démocratie, crée une exigence d'union, de contacts, d'échanges.
Des pays de la partie Nord de la Méditerranée, dont nous faisons partie, sont déjà membres de l'Union européenne. L'autre rive doit être rapprochée : d'abord approchée, puis rapprochée. Derrière l'autre rive, qui constitue déjà une part du monde arabe et présente un certain nombre de caractéristiques, parfois difficiles à appréhender pour nous, il y a l'Union africaine qui se dessine : c'est l'idée d'un équilibre encore plus large.
L'Union européenne existe, l'Union méditerranéenne doit être pensée, travaillée, peut-être créée, je l'espère, et puis il y aura l'Union africaine. Il faut créer une unité démocratique et de développement.
Q - L'entrée dans une telle union pourrait-elle être une alternative pour la Turquie, au lieu de l'entrée dans l'Union européenne ?
R - Ce n'est pas le problème. Pour le moment, nous n'en sommes pas là. La Turquie a une approche de l'Union européenne qui doit se poursuivre, avec des exigences différentes selon les pays.
Le président Sarkozy a demandé - nous le verrons pendant la présidence portugaise -, que soient réfléchies, discutées, et peut-être même décidées, les frontières de l'Europe. On ne peut pas considérer que l'Europe s'étend jusqu'à Vladivostok. Il faut en parler. Déjà se pose le problème des Balkans, de l'Ukraine, de la Biélorussie, etc. Il faut parler de tout cela sans se précipiter. L'Union méditerranéenne est une démarche qui va être faite dans la suite de ce qu'on a appelé le Processus de Barcelone. Ce n'est pas un piège, ce n'est pas une nouvelle exigence de la France : c'est la poursuite du dialogue méditerranéen qui s'impose quand on voit les rapports entre les pays de la Rive Sud de la Méditerranée.
Q - Qu'est-ce que vous attendez de la présidence slovène de l'Union européenne ? Quelles sont les priorités pour la présidence française ?
R - Il y a plusieurs priorités : l'énergie, la culture, le rapprochement avec l'Afrique. Les présidences portugaise, slovène et française, qui se succèdent, doivent travailler ensemble sur ces questions.
Je suis l'élément précurseur d'un échange de ministres qui se poursuivra avec la venue de M. Jouyet dans quelques jours et, je l'espère, de nombreux autres ministres. Nous devons travailler ensemble : c'est la coutume en Europe.
Il y aura, en particulier, une représentation internationale de la Slovénie à travers les postes diplomatiques français. Puisque la Slovénie n'a pas de représentation partout dans le monde, nous avons invité mon collègue, ministre slovène des Affaires étrangères, à notre conférence des ambassadeurs pour qu'il rencontre les cent ambassadeurs qui seront les correspondants de la Slovénie. Nous avons à travailler ensemble sur des problèmes techniques. Les deux présidences doivent s'aider. C'est un travail majeur : les présidences se succèdent et ne se ressemblent pas, chacun y apporte sa note, sa personnalité.
Q - Sur le Kosovo. Vous êtes optimiste ?
R - Je suis optimiste même si c'est un problème très difficile.
Q - Si, par exemple, le Kosovo déclare son indépendance sans attendre la décision de la communauté internationale, qu'est-ce que la France ferait, qu'est-ce que l'Union européenne ferait ?
R - La France considérerait cela comme une erreur. Nous dirions aux Kosovars, que nous avons beaucoup aidés, que la communauté internationale a soutenus - nous avons fait la guerre pour eux, nous avons beaucoup participé au redressement de cette région -, qu'ils se trompent complètement.
Je pense qu'ils ne le feront pas. La France ne reconnaîtrait sûrement pas unilatéralement cette indépendance. Nous sommes maintenant dans un processus qui devrait aboutir à une résolution, actuellement en discussion à New York, au Conseil de sécurité des Nations unies. La France compte deux mille hommes là-bas et la Slovénie sept cents. Nos soldats ne peuvent pas rester éternellement et il faut qu'il y ait une solution pacifique. On doit mettre fin à la guerre. Les Serbes et les Albanais du Kosovo doivent le comprendre, surtout s'ils veulent rentrer dans l'Union européenne. Un Etat ne peut devenir membre de l'Union européenne sans avoir réglé ses conflits ethniques. Je crois que le pire serait de réanimer, d'attiser des haines et des désirs de batailles qui demeurent vifs.
Q - Est-ce que vous sentez que les relations entre les Etats-Unis et la France doivent s'améliorer ?
R - Elles sont meilleures. Mais il ne s'agit pas de suivre ou d'accepter toutes les propositions américaines : ce sont des relations entre amis, entre alliés, entre vieux amis historiques. Lorsque les Etats-Unis font des propositions qui nous sont acceptables, nous y adhérons. Lorsque ne nous sommes pas d'accord, nous le disons, avec la force de l'amitié.
Sur le Kosovo, en particulier, nous pensons qu'il y a un rythme à suivre et que, maintenant, cela va devenir une affaire européenne. Ce qui compte, ce n'est pas seulement l'appui de nos amis américains, même si cela compte beaucoup, c'est l'unité des vingt-sept pays de l'Union européenne. Nous ne voulons pas la menacer.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juillet 2007
R - Je suis très content du travail de Mme Merkel, du président de la République, Nicolas Sarkozy, de M. Zapatero, de M. Blair, de M. Socrates, de M. Junker, mais aussi du travail que les Slovènes ont réalisé.
Nous sommes tous parvenus à nous mettre d'accord sur un traité simplifié. A la veille du sommet, rien n'était encore vraiment possible. Tout le monde espérait mais personne ne pensait véritablement que l'Europe sortirait triomphante, sur une proposition du président français.
Q - Je crois que vous êtes très optimiste, mais quand même, si un pays comme la Pologne peut bloquer le traité...
R - Comme vous le savez, ils n'ont pas bloqué le traité.
Q - Et pour l'avenir ?
R - S'ils réussissent à bloquer l'Europe, cela veut dire qu'ils ne veulent plus de l'Europe. Dans ce cas, avec beaucoup de regrets, nous nous passerons des Polonais.
Q - La France a dit une fois "non" à la constitution européenne. Si, par exemple maintenant, le Parlement français ne ratifiait pas le nouveau traité, quel signal cela donnerait au peuple français ?
R - Ce serait un très mauvais signal, mais je ne crois pas que le Parlement français pourrait ne pas le ratifier, puisque, au contraire, nous avons beaucoup tenu compte du résultat négatif du référendum constitutionnel.
C'est le "non" qui a dominé les exigences et les propositions françaises pendant ces deux jours et ces deux nuits difficiles du Conseil européen, à Bruxelles.
Nous devions tenir compte de ce que le peuple français avait exprimé. Nous avons donc proposé des changements qui ont été acceptés par tous nos partenaires, notamment polonais. Au final, c'est l'Europe qui sortira vainqueur de tout cela.
Q - Hier, vous avez parlé de l'Union méditerranéenne à Portoroz, Pourquoi créer une telle union ?
R - C'est un vieux rêve. Nous sommes tous, ici, les enfants de la Méditerranée et nous pensons que cette unité de culture, de civilisation, de démocratie, crée une exigence d'union, de contacts, d'échanges.
Des pays de la partie Nord de la Méditerranée, dont nous faisons partie, sont déjà membres de l'Union européenne. L'autre rive doit être rapprochée : d'abord approchée, puis rapprochée. Derrière l'autre rive, qui constitue déjà une part du monde arabe et présente un certain nombre de caractéristiques, parfois difficiles à appréhender pour nous, il y a l'Union africaine qui se dessine : c'est l'idée d'un équilibre encore plus large.
L'Union européenne existe, l'Union méditerranéenne doit être pensée, travaillée, peut-être créée, je l'espère, et puis il y aura l'Union africaine. Il faut créer une unité démocratique et de développement.
Q - L'entrée dans une telle union pourrait-elle être une alternative pour la Turquie, au lieu de l'entrée dans l'Union européenne ?
R - Ce n'est pas le problème. Pour le moment, nous n'en sommes pas là. La Turquie a une approche de l'Union européenne qui doit se poursuivre, avec des exigences différentes selon les pays.
Le président Sarkozy a demandé - nous le verrons pendant la présidence portugaise -, que soient réfléchies, discutées, et peut-être même décidées, les frontières de l'Europe. On ne peut pas considérer que l'Europe s'étend jusqu'à Vladivostok. Il faut en parler. Déjà se pose le problème des Balkans, de l'Ukraine, de la Biélorussie, etc. Il faut parler de tout cela sans se précipiter. L'Union méditerranéenne est une démarche qui va être faite dans la suite de ce qu'on a appelé le Processus de Barcelone. Ce n'est pas un piège, ce n'est pas une nouvelle exigence de la France : c'est la poursuite du dialogue méditerranéen qui s'impose quand on voit les rapports entre les pays de la Rive Sud de la Méditerranée.
Q - Qu'est-ce que vous attendez de la présidence slovène de l'Union européenne ? Quelles sont les priorités pour la présidence française ?
R - Il y a plusieurs priorités : l'énergie, la culture, le rapprochement avec l'Afrique. Les présidences portugaise, slovène et française, qui se succèdent, doivent travailler ensemble sur ces questions.
Je suis l'élément précurseur d'un échange de ministres qui se poursuivra avec la venue de M. Jouyet dans quelques jours et, je l'espère, de nombreux autres ministres. Nous devons travailler ensemble : c'est la coutume en Europe.
Il y aura, en particulier, une représentation internationale de la Slovénie à travers les postes diplomatiques français. Puisque la Slovénie n'a pas de représentation partout dans le monde, nous avons invité mon collègue, ministre slovène des Affaires étrangères, à notre conférence des ambassadeurs pour qu'il rencontre les cent ambassadeurs qui seront les correspondants de la Slovénie. Nous avons à travailler ensemble sur des problèmes techniques. Les deux présidences doivent s'aider. C'est un travail majeur : les présidences se succèdent et ne se ressemblent pas, chacun y apporte sa note, sa personnalité.
Q - Sur le Kosovo. Vous êtes optimiste ?
R - Je suis optimiste même si c'est un problème très difficile.
Q - Si, par exemple, le Kosovo déclare son indépendance sans attendre la décision de la communauté internationale, qu'est-ce que la France ferait, qu'est-ce que l'Union européenne ferait ?
R - La France considérerait cela comme une erreur. Nous dirions aux Kosovars, que nous avons beaucoup aidés, que la communauté internationale a soutenus - nous avons fait la guerre pour eux, nous avons beaucoup participé au redressement de cette région -, qu'ils se trompent complètement.
Je pense qu'ils ne le feront pas. La France ne reconnaîtrait sûrement pas unilatéralement cette indépendance. Nous sommes maintenant dans un processus qui devrait aboutir à une résolution, actuellement en discussion à New York, au Conseil de sécurité des Nations unies. La France compte deux mille hommes là-bas et la Slovénie sept cents. Nos soldats ne peuvent pas rester éternellement et il faut qu'il y ait une solution pacifique. On doit mettre fin à la guerre. Les Serbes et les Albanais du Kosovo doivent le comprendre, surtout s'ils veulent rentrer dans l'Union européenne. Un Etat ne peut devenir membre de l'Union européenne sans avoir réglé ses conflits ethniques. Je crois que le pire serait de réanimer, d'attiser des haines et des désirs de batailles qui demeurent vifs.
Q - Est-ce que vous sentez que les relations entre les Etats-Unis et la France doivent s'améliorer ?
R - Elles sont meilleures. Mais il ne s'agit pas de suivre ou d'accepter toutes les propositions américaines : ce sont des relations entre amis, entre alliés, entre vieux amis historiques. Lorsque les Etats-Unis font des propositions qui nous sont acceptables, nous y adhérons. Lorsque ne nous sommes pas d'accord, nous le disons, avec la force de l'amitié.
Sur le Kosovo, en particulier, nous pensons qu'il y a un rythme à suivre et que, maintenant, cela va devenir une affaire européenne. Ce qui compte, ce n'est pas seulement l'appui de nos amis américains, même si cela compte beaucoup, c'est l'unité des vingt-sept pays de l'Union européenne. Nous ne voulons pas la menacer.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juillet 2007