Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, à France 2 le 11 juillet 2007, sur la fin de la vaccination obligatoire contre la tuberculose et les mesures envisagées pour réduire le déficit de l'assurance maladie.

Prononcé le

Média : France 2

Texte intégral

Bonjour à tous, et... bonjour à vous, R. Bachelot.
Bonjour.
Q- On l'a dit, ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, et aussi une voix qui porte dans la majorité. Alors, l'actualité est dominée, ce matin, par deux Dominique. D'abord D. de Villepin qui va être mis en examen dans l'affaire Clearstream. Vous n'avez pas peur du choc que ça peut créer dans l'opinion, un ancien Premier ministre poursuivi ?
R- Vous n'imaginez quand même pas qu'un ministre de la République va commenter une affaire judiciaire en cours ? Moi, ce que je souhaite c'est qu'en tout cas l'instruction qui est faite permette de faire toute la vérité sur une affaire assez ténébreuse.
Q- Vous êtes une amie quand même de N. Sarkozy, non seulement sa ministre mais aussi une amie. Il est le plaignant dans cette affaire. Vous pensez au moins qu'il est satisfait ?
R- Je ne sais pas s'il est satisfait, je sais qu'il a beaucoup souffert de cette affaire, et il
souhaite donc que toute la lumière soit faite et moi de même.
Q- Alors, l'autre Dominique c'est D. Strauss-Kahn. On le sait maintenant, il va être le candidat de l'Europe au Fonds monétaire international.
R- Donc, avec une bonne chance d'être à la tête du FMI et je m'en réjouis, c'est un homme de qualité.
Q- Alors, c'est quand même une initiative de N. Sarkozy. On a l'impression que c'est à la fois, bien sûr un joli coup pour l'intéressé, pour DSK, mais aussi pour N. Sarkozy, pour le chef de l'Etat qui sème la confusion à gauche avec cette proposition. Soyons clair !
R- Je ne sais pas si N. Sarkozy sème la confusion à gauche, il sème surtout l'unité dans le pays, et c'est ça qui est important. N. Sarkozy est persuadé que devant les réformes dont notre pays a besoin, on ne peut pas jouer avec son clan ou qu'avec son camp, et il souhaite donc élargir cela. Il l'a fait au sein du Gouvernement. Je dois dire que je me trouve bien dans ce Gouvernement d'ouverture. Vous savez que j'ai toujours eu beaucoup de mal à obéir aux consignes, même quand elles venaient de ma propre famille politique, donc je me trouve assez bien dans cette équipe.
Q- Alors, vous, R. Bachelot, vous vous sentez très bien, mais enfin F. Fillon, quand même, a tenu à recevoir, hier, les parlementaires UMP, peut-être pour calmer la grogne de certains, qui disent qu'il vaut mieux être socialiste qu'UMP aujourd'hui pour être distingué par le chef de l'Etat.
R- C'est une plaisanterie ! Le Gouvernement évidemment dont l'ossature est constituée par des gens qui ont adhéré d'abord au programme de N. Sarkozy. Le problème n'est pas de savoir d'où nous venons sur le plan politique, il y a beaucoup d'UMP dans le Gouvernement... Je suis UMP, c'est un scoop que je vous révèle ce matin.
Q- Mais il y a beaucoup d'hommes et de femmes de gauche. Est-ce que les électeurs ont voté pour cela ?
R- Il y a un certain nombre d'hommes et de femmes de gauche, mais ces hommes et femmes de gauche ont adhéré au programme présidentiel de N. Sarkozy, mis en oeuvre par F. Fillon. C'est ce que François Fillon a dit, hier, aux parlementaires de la majorité. Moi, je dois dire j'étais au milieu d'eux parce que je suis aussi, au départ, une parlementaire de la majorité, j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de joie, beaucoup de plaisir. Ecoutez, on vient d'engranger quatre superbes victoires électorales - les deux tours de la présidentielle, les deux tours des législatives - il faudrait quand même être pas très raisonnable de ne pas être heureux.
Q- Entre nous, si ça sème un peu la zizanie au PS, ça ne vous dérange pas cette affaire.
R- Ah non, je trouve... non, effectivement...
Q- ... parce que c'est le cas aujourd'hui.
R- Ca ne me dérange pas du tout et puis c'est une chance pour eux, ça va leur donner l'occasion de se rénover, ils ont vraiment besoin de ça.
Q- Alors, on va parler maintenant de vos dossiers, R. Bachelot, ministre donc de la Santé. Aujourd'hui, vous allez tenir une conférence de presse où vous allez annoncer la fin du BCG obligatoire pour les bébés. Pourquoi vous prenez cette mesure ?
R- J'ai pris cette décision après l'avis des experts de l'INSERM, l'avis du Haut conseil de la santé publique. Il y a bien sûr encore de la tuberculose dans notre pays, environ 8.000 cas par an, mais le nombre de cas a été divisé depuis trente ans environ par six. Donc, les bénéfices qu'on pourrait attendre d'une vaccination systématique ne sont plus, n'existent plus, et même il y a un certain nombre de cas indésirables liés à la vaccination qui font que cette vaccination ne s'impose plus de façon obligatoire. Alors, il y a néanmoins des publics qu'il convient toujours de vacciner et bien entendu cette suspension...
Q- ... la tuberculose ça touche encore beaucoup de monde, en France, aujourd'hui ?
R- Ça touche encore beaucoup de monde.
Q- Combien de cas ?
R- Oh, plusieurs...enfin quelques milliers de cas, enfin environ 100.000, disons pour les enfants qu'ils conviendraient de vacciner encore, c'est-à-dire des enfants en provenance de pays où l'endémie de tuberculose existe toujours, des personnes en situation précaire, des personnes dans certaines régions, des personnes qui ont des antécédents familiaux de tuberculose. Donc, nous incitons les médecins à vacciner évidemment ces personnes les plus fragiles. Et puis, bien sûr, cette suspension dont nous allons suivre les effets de façon très fine, je pourrai, si les choses ne se passent pas évidemment comme nous le voulons avec les experts médicaux, revenir sur cette suspension, mais cette suspension prend sa place dans un cadre beaucoup plus général d'une relance d'un plan contre les cas de tuberculose.
Q- Cette suspension du BCG obligatoire ça va faire des économies accessoirement pour la Sécurité Sociale, on parle de 100 millions d'euros. Est-ce que c'est parce qu'aujourd'hui la Sécu on a vraiment besoin, 12 milliards d'euros en 2007, je rappelle le montant du déficit. Il y aura d'autres économies ?
R- Alors, ça ne fera pas d'économies puisque l'argent que je vais économiser sur le BCG, je vais évidemment le consacrer à une lutte améliorée sur les cas de tuberculose avérés, sur le dépistage, les traitements, la gouvernance.
Q- Mais sur les économies, madame Bachelot ?
R- Alors, d'abord il n'y pas de 12 milliards à l'Assurance maladie, c'est 12 milliards pour la Sécurité Sociale.
Q- L'ensemble de la Sécurité Sociale.
R- Et ce qui est de ma responsabilité c'est les 6,5 milliards d'euros de déficit que nous pourrons constater cette année. Donc, d'abord un plan d'urgence, mais on ne peut plus se satisfaire de nième plan d'urgence, donc c'est à une restructuration générale, à la fois des recettes, c'est le débat sur la TVA sociale, c'est le débat sur la franchise, sur les franchises.
Q- Alors, où ça en est ? Y aura-t-il la TVA sociale, y aura-t-il les franchises médicales ?
R- Nous étudions les effets de la TVA sociale. Sur les franchises, nous en étudions les modalités et très certainement nous irons vers une franchise par acte et non pas des franchises globales. Il faut réfléchir à la prestation, aux versements des prestations, c'est le débat sur le bouclier sanitaire : que ça ne dépasse pas pour les personnes les plus modestes un certain niveau de ticket modérateur et puis la gouvernance.
Q- Alors, R. Bachelot, est-ce qu'on peut être concret ? Pour les assurés sociaux qui nous écoutent ce matin, la franchise médicale elle sera de combien sur chaque acte médical ?
R- Je vous le dirai dans quelques semaines. Nous sommes en plein travail de finition et de polissage de ce niveau pour que ce soit un montant acceptable, qu'il y ait un certain nombre...
Q- ... calculé en fonction du revenu ?
R- ... qu'il y ait un certain nombre de boucliers qui protègent les revenus les plus modestes, mais il faut savoir que nous avons des grands chantiers sanitaires devant nous, le président de la République, N. Sarkozy, les a d'ailleurs décrits : les soins palliatifs ; les soins de fin de vie ; la maladie d'Alzheimer, une famille sur quatre touchée par les problèmes de l'Alzheimer ; et puis la continuation du plan cancer. Pour ça, il faut de l'argent.
Q- Et cet argent vous allez le trouver.
R- Voilà, exactement !
Q- Donc, à travers les franchises médicales.
R- A travers les franchises. Et puis, réfléchir à l'ensemble de la gouvernance du système de santé, le dossier médical personnel pour faire de la maîtrise médicalisée...
Q- ... où ça en est le dossier médical personnel ? Est-ce qu'on peut aujourd'hui consulter son dossier médical personnel sur internet. Ca se fera quand ?
R- Non, pas encore. Je ne donnerai pas de date, mais le plus vite possible. Et puis, bien sûr, réfléchir à la gouvernance, à la transformation des agences régionales de l'hospitalisation en agences régionales de santé pour avoir une gouvernance qui mette ensemble la médecine de ville, l'hôpital, et bien sûr le secteur médico-social.
Q- Une dernière question sur votre autre casquette, entre guillemets. Vous êtes aussi donc la ministre des Sports en attendant que B. Laporte, le secrétaire d'Etat...
R- ... vienne m'épauler.
Q- ... vienne vous épauler après la Coupe du monde de rugby. Vous allez assister à une étape du Tour de France, à Tignes, je crois, le 15 juillet. Vous êtes rassurée, il n'y aura pas d'affaire de dopage cette année en 2007 ?
R- En tout cas, la lutte contre le dopage est une de mes toutes premières priorités comme ministre de Sports. La France dans ce domaine est exemplaire, l'Agence française de lutte contre le dopage, nous avons signé les conventions qui vont bien. J'espère que J.-F. Lamour, en septembre, deviendra président de l'Agence mondiale contre le dopage. Et la lutte contre le dopage elle est sur des grandes épreuves comme le Tour de France, mais je veux aussi faire de la lutte contre le dopage l'affaire de tous les sportifs. On se dope, y compris sur des petits terrains de foot où il y a des matchs sans enjeu, et ça c'est là sans doute que la ma fonction de ministre des Sports et de ministre de la Santé prend toute sa logique.
R. Bachelot, ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, je vous remercie.
Merci.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 juillet 2007