Déclaration de M. Eric Woerthn ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur l'orientation donnée aux finances publiques dans le cadre de la réduction de la dette, de la maîtrise des dépenses publiques, du respect des engagements du gouvernement aux niveaux national et européen, au Sénat le 24 juillet 2007

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Circonstance : Débat d'orientation budgétaire au Sénat le 24 juillet 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Présidents de Commission,
Monsieur le Rapporteur Général,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
En dépit de l'agenda chargé de cette session extraordinaire, j'ai souhaité - comme le Premier ministre lui-même - que nous ayons un débat d'orientation budgétaire comme les années précédentes.
Ce débat est, en effet, essentiel : il permet d'avoir une discussion féconde avec le Parlement sur l'orientation qui sera donnée à nos finances publiques et qui servira de cadre à l'élaboration du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Au cours de cette session extraordinaire, vous avez à vous prononcer sur bon nombre de projets de loi qui mettent en oeuvre les réformes annoncées par le Président de la République et par le Premier ministre et choisies par les Français, qu'il s'agisse de revaloriser le travail, d'aider à l'accession à la propriété, de réformer les universités, d'assurer un service minimal dans les transports ou de lutter contre la récidive.
Parmi tous les engagements contenus dans le projet présidentiel, il en est un tout aussi important que les autres, et qui donne sa cohérence et sa crédibilité à l'ensemble de la politique économique que nous allons poursuivre : c'est la réduction du déficit et de la dette publics. Ce débat d'orientation budgétaire, qui porte sur l'ensemble de nos finances publiques, est l'occasion de réaffirmer cette orientation majeure de notre politique : revenir, par une maîtrise résolue des dépenses, à l'équilibre de nos comptes publics avant la fin de la législature, sans sacrifier aucun autre engagement.
Il n'y a pas de réforme possible dans l'incertitude et l'insécurité de finances publiques non maîtrisées. Il ne s'agit pas seulement de respecter nos engagements européens mais de se comporter de façon responsable : qui d'entre nous souhaite léguer des dettes à ses enfants ou à ses petits-enfants ?
Il s'agit aussi de faire preuve de bon sens : qui d'entre nous pense qu'on peut revenir sur l'exception française des prélèvements élevés si on ne revient pas sur cette autre exception française, tout aussi remarquable, de la dépense publique la plus élevée de l'OCDE en proportion de la richesse nationale ?
En dépit des efforts indéniables de mes prédécesseurs, les déficits et la dette que nous supportons aujourd'hui hypothèquent notre capacité à relever les défis de l'avenir, qu'ils soient liés au vieillissement, à l'environnement, à l'ouverture croissante du monde aux échanges d'idées, de marchandises ou de services. Les déficits et la dette pèsent également sur notre crédit vis-à-vis de nos partenaires européens.
Le niveau atteint par la dépense publique dans notre pays nous prive de marges de manoeuvre indispensables pour faire face à la concurrence, pour investir dans l'innovation et la recherche ou pour réagir aux fluctuations conjoncturelles de l'économie mondiale.
C'est pourquoi une politique ambitieuse en matière de relance de l'emploi et de la croissance, ambitieuse en matière de réformes structurelles, en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation ne peut produire pleinement ses effets que si elle est accompagnée d'une politique ambitieuse en matière de réduction du poids de la dépense publique, de reflux de la dette publique et de résorption des déséquilibres des comptes publics. C'est pourquoi le Président de la République a fixé un objectif d'équilibre des finances publiques et de retour de la dette publique en deçà de 60 % du PIB en 2012 au plus tard. Et si la croissance est au rendez-vous, nous atteindrons cet objectif dès 2010.
Cet objectif s'impose, je le répète. La crédibilité de la France est en cause et surtout - pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas - le sort de nos enfants et des générations à venir.
Pour y parvenir, il convient de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique par rapport à ce que nous avons connu dans le passé. Ce moyen s'impose lui aussi.
Pour réduire les déficits, il n'y a en effet qu'une alternative : réduire le poids de la dépense ou accroître celui des prélèvements. La seconde option est envisageable dans des pays faiblement imposés ; elle ne l'est pas dans un pays dont le taux de prélèvements obligatoires excède de quatre points la moyenne européenne.
C'est donc bien - et vous me pardonnerez de le répéter inlassablement - par la baisse du poids de la dépense publique dans le produit intérieur brut chaque année d'ici à 2012 que nous parviendrons à inscrire enfin notre pays dans une trajectoire de désendettement durable.
- Nous y parviendrons tout d'abord en infléchissant la courbe de la dépense publique. Je vois déjà s'élever la critique automatique : « Vous allez dégrader le service public ! ». Mais alors, comment expliquez-vous que les mises en garde sur la qualité de nos services publics se soient multipliées alors même que les dépenses progressaient à un rythme soutenu ? C'est bien la preuve qu'il ne s'agit pas uniquement d'un problème de moyens. C'est bien la preuve que nous devons changer radicalement notre culture de la dépense.
Aujourd'hui, aussi paradoxal que cela puisse encore paraître à certains, c'est en ralentissant la croissance de nos dépenses que nous préserverons la qualité de nos services publics, parce que ce ralentissement exigera une modernisation en profondeur de nos politiques publiques.
- Nous y parviendrons ensuite par des réformes profondes : en réformant le marché du travail et en simplifiant les réglementations, en conférant plus d'autonomie aux universités, en redéployant des moyens vers l'enseignement supérieur et la recherche, en supprimant les verrous réglementaires qui entravent le développement de l'emploi et de l'activité, bref, en appliquant avec détermination tous les engagements présidentiels.
Cette démarche doit concerner, bien évidemment, l'ensemble de nos finances publiques, celles de l'État, celles des collectivités territoriales et celles de la sécurité sociale.
Cette année, et pour la première fois, un seul ministre, et non plus deux, voire quatre, est chargé de vous présenter la stratégie du Gouvernement pour l'ensemble des comptes publics.
Ce n'est pas une innovation légère, ni un effet d'affichage, mais la marque d'une volonté politique forte de prendre à bras-le-corps nos problèmes de déficit et d'endettement.
Il y a un seul ministre responsable de l'ensemble des finances publiques parce que seules une vision d'ensemble et une stratégie cohérente peuvent nous permettre de rééquilibrer de façon durable nos comptes publics. Deux raisons au moins justifient en effet la création d'un tel ministère:
1) La première, c'est que les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les finances publiques sont globales :
- ce qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages ou la compétitivité de nos entreprises, ce n'est pas seulement l'impôt sur les sociétés ou les cotisations maladie, c'est l'ensemble des prélèvements obligatoires ;
- ce que nous léguons à nos enfants et petits-enfants, ce n'est pas seulement la dette de l'État ou le déficit de la sécurité sociale, c'est la situation de l'ensemble des comptes publics.
C'est donc sur l'ensemble de ces comptes que porte notre engagement. C'est un point primordial, d'ailleurs souligné par Philippe MARINI dans son rapport sur la dette. Je présenterai d'ailleurs un rapport sur l'ensemble de la dépense publique en annexe du prochain projet de loi de finances.
Nos partenaires européens nous jugent également sur l'ensemble des finances publiques. On ne le dira jamais assez, les engagements européens ne sont que des règles de bonne gestion qu'il conviendrait de respecter même, et surtout, s'il n'y avait pas le cadre européen.
2) La seconde raison, c'est qu'il doit permettre de clarifier les relations entre l'État et l'ensemble des acteurs, qu'ils relèvent de la sécurité sociale ou des collectivités locales. Ces relations, vous le savez, ne se sont pas toujours caractérisées par la transparence. Alain VASSELLE le sait parfaitement, lui qui, à plusieurs reprises, a rappelé l'Etat à ses obligations vis-à-vis de la sécurité sociale.
J'ai pu m'en apercevoir récemment lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale : la question de la dette de l'État envers la sécurité sociale envenime les relations entre les acteurs. Or elle est souvent mal comprise. On dit parfois, à tort, que cette dette participe au déficit de la sécurité sociale. Cela n'est pas vrai, et il ne faudrait pas que cette analyse erronée serve d'alibi pour éluder les vraies raisons de nos difficultés financières. Si un ministère des comptes publics a un sens, c'est bien pour apporter une clarification sur ce point.
Cette clarification a commencé avec la reconnaissance des créances des régimes de sécurité sociale dans le bilan de l'État en 2006.
Il n'y a plus de bataille de chiffres en la matière : les créances sur l'État enregistrées dans les comptes du régime général sont désormais les même, au centime d'euro près, que la dette reconnue par l'État.
La clarification ne doit pas s'arrêter là. Régler la dette de l'Etat, c'est une question de responsabilité, de respect de nos engagements ; c'est une nécessité pour contribuer au désendettement de la sécurité sociale ; c'est une nécessité pour partir sur des bases saines et se concentrer sur les enjeux majeurs de maîtrise des déficits. J'ai demandé à mes services d'étudier très rapidement les moyens de régler cette question. Je vous annonce aujourd'hui que l'Etat apurera sa dette au régime général dès octobre de cette année, telle qu'elle est constatée au 31 décembre 2006, soit 5,1 Mdeuros. Nous allons ainsi permettre à l'ACOSS de ne pas dépasser son plafond d'emprunts voté par le Parlement pour 2007.
Apurer cette dette accumulée, c'est essentiel, mais ce n'est pas suffisant : je veux mettre en place des règles de gouvernance et des procédures pour qu'elle ne se renouvelle pas.
Rappelons-nous que l'Etat avait procédé à un apurement partiel de sa dette en 2002 ; et on voit le résultat quelques années après. Nous ne pouvons plus continuer ainsi. Il faut notamment que l'autonomie de gestion permise par la LOLF ne conduise pas à l'utilisation à d'autres fins des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations. J'y veillerai.
Dès cet automne, des règles précises d'exécution budgétaire seront fixées pour que les responsables de programmes honorent leurs engagements vis-à-vis de la sécurité sociale et qu'à compter de 2008, les facteurs à l'origine de la constitution d'une dette de l'Etat vis-à-vis de la Sécurité sociale soient traités à la racine.
Avant de détailler nos perspectives à l'horizon 2012, je voudrais, au préalable, faire un point sur 2007 puisque notre programme en matière de finances publiques s'applique dès maintenant.
Le Président de la République a rappelé devant l'Eurogroupe notre objectif d'un déficit de 2,4 points de PIB pour l'ensemble des administrations publiques, en légère amélioration par rapport à 2006. Cet objectif est confirmé en dépit de certains dérapages sur les dépenses sociales, parce que nous conserverons une discipline sans faille sur les dépenses de l'État, et parce que les recettes fiscales devraient dépasser de 2 à 5 milliards d'euros le niveau prévu en loi de finances, en particulier grâce au dynamisme de l'impôt sur les sociétés.
Quant au paquet fiscal, son coût, limité cette année, sera entièrement absorbé, notamment par le moindre prélèvement que nous aurons à verser à l'Union européenne. Au total, nous devrions donc avoir un déficit budgétaire inférieur à celui initialement prévu.
Ces relatives bonnes nouvelles sont cependant obscurcies par une mauvaise nouvelle du côté de la sécurité sociale. Le régime général enregistre, vous le savez, une dégradation très nette de sa situation financière. Le déficit attendu pour 2007 est proche de 12 milliards d'euros, soit 4 milliards au-dessus de ce que vous avez voté en loi de financement.
Cette situation de déficit structurel est grave et inacceptable. La sécurité sociale est au fondement de notre pacte social : sa fragilisation financière exige que nous nous penchions tous ensemble sur son avenir et sur les solutions à trouver plutôt que de regarder en arrière et de nous perdre une nouvelle fois en de vaines querelles de responsabilité.
La maîtrise des finances sociales est un exercice très difficile. Tous ceux qui s'y sont essayés peuvent en témoigner, ce n'est donc pas la peine de donner des leçons. C'est un véritable travail de Sisyphe, sans cesse à refaire, qui demande du courage et de la ténacité.
Il n'y a pas de réforme miracle, nous devons nous atteler à nouveau à la tâche et fournir un effort continu, quotidien, sans relâche, pour parvenir à mieux réguler les dépenses d'assurance maladie et se donner les moyens de financer de nouveaux besoins.
Le retour à l'équilibre doit être un impératif absolu, un impératif financier autant qu'un impératif de responsabilité. Mettons-nous à la place des générations à venir : que dirions-nous si nous avions à rembourser les dettes de nos aînés ?
J'en viens maintenant à la stratégie du Gouvernement pour la législature qui s'ouvre.
Notre objectif est de revenir dès que possible, et en tout état de cause avant 2012, à une dette inférieure à 60 % du PIB et à un solde public équilibré.
Cette stratégie volontariste s'appuie sur deux piliers, que j'ai déjà mentionnés :
- des mesures fiscales ambitieuses, qui revalorisent le travail et vont créer un choc de confiance permettant de relancer durablement la croissance, créatrice de richesses ;
- une maîtrise sans précédent de la dépense publique, qui participera tout autant au rétablissement de la confiance en permettant de réduire la dette, d'améliorer l'efficacité des services publics et de préserver la solidarité juste et nécessaire entre les générations.
La clé de l'assainissement des finances publiques réside dans la maîtrise de la dépense. Pour réussir, il faut plusieurs conditions : cette maîtrise doit être partagée par l'ensemble des acteurs ; elle ne doit souffrir aucun report ; elle doit s'inscrire dans la durée.
L'objectif que nous nous sommes fixé pour la législature, c'est, je le disais en introduction de mon propos, de diviser par deux la progression de la dépense publique par rapport aux tendances passées.
Cela correspond à une évolution moyenne légèrement supérieure à 1% par an en volume sur l'ensemble de la sphère publique - État, sphère sociale, collectivités territoriales -, contre 2,25% en moyenne sur les dix dernières années. J'ai bien conscience que c'est un effort sans précédent que nous devons fournir.
Cet effort doit permettre, dès 2008, d'amorcer une baisse du déficit. Un ralentissement de la croissance de la dépense publique à hauteur d'un point représente près de 10 milliards d'euros de dépenses en moins dès 2008 par rapport aux années passées.
L'effort que nous allons faire sur la dépense est ainsi du même ordre que le choc fiscal en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, et il permettra même de poursuivre une légère baisse du déficit public en 2008, comme s'y est engagé le Président de la République.
Dès 2009, la maîtrise de la dépense nous engagera dans une trajectoire de désendettement plus rapide. Son rythme dépendra néanmoins de la croissance du produit intérieur brut :
- Si elle est au rendez-vous et atteint 3 %, le double objectif d'une dette inférieure à 60% du PIB et d'un équilibre des finances publiques pourra être atteint dès 2010.
- Sinon, il sera décalé, mais au plus tard en 2012, pour peu que la croissance atteigne 2,25%.
Ces scénarios sont fondés sur le respect de la norme de dépenses pour l'État, sur des prévisions de recettes prudentes, sur l'affectation des plus-values au désendettement, et, plus généralement, sur une maîtrise générale de la dépense publique.
Tous les acteurs devront s'impliquer si nous voulons y parvenir :
1) S'agissant de l'État, une norme « zéro volume » au plus, c'est-à-dire une hausse qui ne devra pas excéder le taux d'inflation, s'appliquera sur un périmètre élargi puisqu'il inclura les prélèvements sur recettes, notamment ceux qui sont destinés aux collectivités locales. Cette norme élargie est un objectif ambitieux, qui n'a jamais été demandé à l'État jusqu'à présent.
Nous devons, en outre, prendre en compte le fait que l'évolution des dépenses inéluctables - charge de la dette et pensions - est désormais défavorable : la remontée des taux d'intérêt fait croître la charge de la dette, qui était quasiment stable depuis quatre ans ; les pensions, quant à elles, progressent fortement avec le choc démographique majeur que connaît la fonction publique.
L'effort sur les autres dépenses devra donc être encore plus exigeant, et il devra être perceptible dès le budget 2008.
Je sais que ce sera une tâche difficile : les entretiens que j'ai eus avec chacun de mes collègues m'ont confirmé que l'objectif de 0 % en volume nécessite, de la part de chacun, une discipline très stricte en matière de gestion des effectifs comme en matière d'efficacité des dépenses d'intervention.
2) En ce qui concerne les administrations de sécurité sociale, elles bénéficieront de la nouvelle démarche que nous avons lancée pour une meilleure maîtrise des dépenses de santé et elles bénéficieront aussi du dynamisme des rentrées de cotisations grâce à la poursuite prévisible de l'amélioration de la situation de l'emploi.
En moyenne, la croissance de l'ONDAM devra être au plus de 2% en volume sur la période, soit environ 3,5% en euros courants.
C'est un objectif ambitieux, qui implique que le Gouvernement examine et renforce dès maintenant les leviers de la maîtrise médicalisée avec l'ensemble des acteurs.
C'est aussi un objectif réaliste - supérieur du reste à celui qui avait été assigné en 2007 - car il est inutile d'afficher des cibles impossibles à atteindre. De telles cibles ne sont plus crédibles pour les acteurs de la dépense de santé, elles perdent d'emblée toute signification.
L'instauration de la franchise devrait, quant à elle, permettre de financer les nouveaux besoins.
La maîtrise des dépenses d'assurance maladie s'impose d'autant plus que nous devons faire face à la dégradation des comptes de la branche vieillesse. Rendez-vous a été fixé en 2008 afin de poursuivre la démarche engagée en 2003 et de programmer la réforme des régimes spéciaux. Nous devons également renforcer l'emploi des seniors, car c'est la clé de l'équilibre des régimes de retraite par répartition. Le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour lever les obstacles financiers, réglementaires et parfois culturels, au développement de l'emploi des plus de 55 ans.
En ce qui concerne, enfin, la branche famille, ses dépenses devront, elles aussi, participer à l'effort global de maîtrise de la dépense publique.
3) Les collectivités locales, et je sais combien ce sujet est important pour le Sénat, ne peuvent pas non plus rester à l'écart de cette obligation. Personne ne le comprendrait.
Elles devront stabiliser leur endettement, en modérant leurs dépenses. C'est tout le sens du nouveau pacte que nous voulons passer avec elles afin d'améliorer leurs relations financières avec l'État, dans le respect, bien évidemment, de leur autonomie de gestion. Nous devons avoir un dialogue de responsabilité.
Étant moi-même élu local, je sais que, dans des domaines très divers, l'État impose souvent de nouvelles dépenses aux collectivités locales, à travers, par exemple, des normes techniques ou environnementales ou la revalorisation du point d'indice de la fonction publique. C'est pourquoi nous devons mieux associer les élus à l'élaboration de ces normes contraignantes, qui amènent de fortes augmentations de dépenses.
En contrepartie, les règles gouvernant l'évolution des dotations aux collectivités locales devront être réformées : dès 2008, les concours qui relèvent du contrat de croissance et de solidarité se verront appliquer la même norme que celle qui s'imposera aux autres dépenses de l'État.
C'est avec ces exigences sans précédent, et qui doivent être partagées, que nous arriverons à atteindre l'objectif d'assainissement des finances publiques au cours de cette législature.
Je voudrais terminer mon propos en évoquant devant vous quelques-uns des moyens que nous mettrons en oeuvre pour appliquer notre stratégie budgétaire.
Une stratégie aussi ambitieuse réclame bien évidemment des réformes efficaces. Le Président de la République et le Premier ministre les ont annoncées et expliquées à de nombreuses reprises depuis deux mois. Ce sont des réformes justes et d'une ampleur sans précédent pour restaurer nos finances publiques. Je vous rappelle notamment :
- le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État,
- la réforme des régimes spéciaux,
- la fin de l'indexation sur la croissance des concours de l'État aux collectivités locales
- ou encore les mesures visant mettre fin à la dérive des dépenses d'assurance maladie par l'instauration d'une franchise.
Revenir sur ces différentes mesures excéderait le cadre de ce débat. Aussi je concentrerai mon propos sur l'une des plus importantes, dont mon ministère sera la cheville ouvrière : la révision générale de l'ensemble des politiques publiques.
Depuis 2005, sous l'impulsion de Jean-François COPÉ, plusieurs vagues d'audits de modernisation ont été lancées. Elles ont accompagné le processus de mise en place de la LOLF, et ont permis de commencer à rationaliser la dépense publique et à améliorer le service public.
Avec la révision générale des politiques publiques lancée par le Premier ministre le 10 juillet dernier, nous allons maintenant passer à la vitesse supérieure, comme le souhaitait d'ailleurs Jean ARTHUIS.
La démarche est très novatrice pour notre pays ; elle s'inspire des meilleures pratiques étrangères. Il ne s'agit évidemment pas d'une énième réforme d'un processus sans fin. Il s'agit d'une étape décisive :
- une étape qui permettra de sortir de l'empilement permanent de dépenses et de politiques publiques qu'on ne réexamine jamais ;
- une étape qui mettra un terme à la croyance selon laquelle il suffit d'augmenter les moyens publics pour que l'usager ait un meilleur service ;
- une étape qui fera de l'efficacité le mot d'ordre et la fierté de l'action publique.
Nous allons passer au crible l'ensemble de la dépense publique. Chaque politique publique sera réexaminée de fond en comble, à partir de questions simples :
- à quoi sert-elle ?
- répond-elle aux besoins des usagers ?
- pourrions-nous la conduire différemment, avec moins de moyens, en la ciblant davantage ?
Ce réexamen de fond permettra d'identifier et de programmer des réformes intelligentes et structurantes, qui garantiront une maîtrise durable et bien ciblée de la dépense de l'État. Il permettra en particulier d'atteindre l'objectif de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État, tout en préservant, et même en améliorant, la qualité du service rendu aux usagers. Les rapporteurs généraux des deux commissions des finances seront étroitement associés à cet exercice de révision.
Toutes les dépenses de l'État seront concernées, y compris les dépenses d'intervention, sur lesquelles on ne s'est pas encore penché alors qu'elles représentent 40 % des dépenses budgétaires. Le champ d'examen ne s'arrêtera d'ailleurs pas à l'État stricto sensu et inclura des politiques dans lesquelles celui-ci intervient aux côtés d'autres partenaires, je pense aux politiques sociales et de sécurité sociale, ou aux politiques des collectivités territoriales : même si elles exigent d'autres moyens, d'autres méthodes, elles doivent être, elles aussi, examinées.
C'est le Conseil de la modernisation des politiques publiques, présidé par le Président de la République, et dont je serai le rapporteur général, qui décidera ensuite de l'option à retenir.
La méthode que nous avons choisie est donc beaucoup plus efficace qu'avant puisqu'elle implique désormais les plus hautes instances de l'Etat. Vous le savez d'ailleurs très bien : sans cette implication, il n'y aurait pas de réelle modernisation de l'État. Les changements importants qu'elle implique exigent une légitimité politique très forte. On l'a vu dans tous les États qui ont procédé à une modernisation en profondeur de leurs procédures comme de leurs politiques.
On l'a vu aussi dans les démarches précédentes que nous avons conduites, quelle que soit leur qualité par ailleurs.
Les résultats auxquels nous parviendrons serviront à établir une programmation pluriannuelle détaillée des dépenses qui donnera aux gestionnaires davantage de visibilité sur leurs crédits et davantage de responsabilité dans l'ensemble de leur gestion.
Cette révision générale sera menée tambour battant puisqu'elle devrait être achevée début 2008, avant le prochain débat d'orientation budgétaire. Nous mettrons alors en place un contrôle régulier de la mise en oeuvre des réformes qui auront été décidées, en lien avec les commissions compétentes des Assemblées et avec la Cour des comptes.
Permettez-moi, avant de conclure, d'ajouter un mot sur un sujet auquel je suis très attaché : la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Avec ma collègue Roselyne Bachelot notamment, pour ce qui est des comptes sociaux, nous en faisons une priorité, car elle constitue un élément important de la légitimité de l'intervention publique.
La baisse des prélèvements et la lutte contre les dépenses inutiles doivent s'accompagner de la plus grande transparence et surtout de la plus grande équité dans la perception de ces prélèvements et le versement des prestations. C'est une question de morale publique : ceux qui acquittent leur dû ne doivent pas payer pour ceux qui fraudent ou qui trichent. C'est un point essentiel de l'acceptabilité du prélèvement public.
Je veillerai à poursuivre et à accélérer la mobilisation de tous les services publics, administration fiscale ou organismes de sécurité sociale, au service de cette priorité de justice.
Tels sont, mesdames et messieurs les Sénateurs, les principaux axes de travail que le Gouvernement entend suivre pour mener à bien notre chantier commun : l'assainissement durable de nos finances publiques.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à vos collègues députés, ce chantier n'est ni de droite, ni de gauche ; ce n'est pas l'obsession d'un camp, ni une négligence d'un autre : c'est une nécessité collective, qui exigera l'engagement de tous et de chacun.
On peut bien sûr discuter des moyens, encore que notre niveau d'endettement et de dépenses publiques en limite fortement le nombre ; mais on ne doit pas discuter de l'objectif, qui s'impose à chacun d'entre nous, parce que l'avenir de la France est notre bien commun, et parce que la solidarité entre les générations fonde notre éthique commune.
Les Français sont très sensibles à ces enjeux : ils savent que ce ne sont pas de simples questions de chiffres mais des enjeux politiques essentiels qui conditionnent la capacité de notre pays à rester un grand pays, prospère, influent et respecté.
Les Français ne veulent plus de politiques de l'autruche, ils ne veulent plus qu'on minimise les problèmes ni qu'on les berce d'illusions. Ils ne croient plus au bouc émissaire facile du grand capital ni à ce fantasme qu'il suffirait de taxer les riches pour résoudre tous les problèmes.
Le peuple français est un peuple adulte et un peuple fier. Il ne veut pas être assisté ou materné. Ne dites jamais qu'il ne veut pas de réformes ; dites-vous toujours que c'est nous qui nous y sommes mal pris, que c'est nous qui n'avons pas assez agi. Car les Français savent très bien que la seule solution aux difficultés du pays, c'est que nous regardions ces difficultés bien face, droit dans les yeux, et que nous retroussions nos manches. Ils exigent que nous assumions collectivement nos responsabilités.
Ils nous ont élus pour cela. C'est pourquoi nous n'esquiverons rien et nous tiendrons nos objectifs, parce que nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Je vous remercie.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 24 juillet 2007