Interview de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité à RTL le 31 juillet 2007, sur le chômage, le service minimum et le droit de grève, l'immigration irrégulière et le travail clandestin.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt-  Les chiffres du chômage, c'est-à-dire le chômage ramené à 8 % de la population active, c'est une tendance que le Gouvernement va devoir maintenant accompagner activement ?
 
R.- C'est surtout une vraie bonne nouvelle. On n'a pas connu un tel chiffre depuis maintenant 25 ans, vous vous rendez compte, un quart de siècle ! Mais 8 % c'est bien, il nous faut aussi faire mieux, beaucoup mieux. Vous savez, l'objectif qu'a fixé le président de la République, c'est à la fin de ce quinquennat, en 2012, connaître un taux de chômage de 5 %. 5 %, cela veut dire ce que d'autres pays européens connaissent depuis maintenant quelques années. Pour nous, c'est possible et cette tendance continue, justement, de la baisse du chômage montre que nous sommes en mesure de le faire, avec notamment de nouveaux outils, ce que l'on appelle "la flexisécurité", de la sécurité à la fois pour les entreprises et pour les salariés, de la flexibilité pour les entreprises et pour les salariés. C'est justement un dossier aujourd'hui qui est sur la table des partenaires sociaux. Et c'est ce qui va nous permettre...
 
Q.- Et qui irait vers le contrat de travail unique par exemple ?
 
R.- Ce n'est pas seulement la question du contrat de travail unique. Je crois qu'il faut simplifier. Aujourd'hui, on a du mal à s'y retrouver pour savoir s'il y a 24 ou 38 contrats de travail différents.
 
Q.- Où en est-on dans sur cette question ?
 
R.- Aujourd'hui, ce sont les partenaires sociaux qui ont la main, qui ont la responsabilité de discuter de ce thème, de trouver les solutions. Jusqu'à la fin de l'année, ils vont parler, et de la question du contrat de travail, de la sécurisation des parcours, de la question de l'assurance chômage. Parce que, vous voyez, ce qu'il faut, c'est redonner de la confiance. Donner de la confiance à la fois aux chefs d'entreprise pour recruter et donner de la confiance aussi aux salariés pour qu'ils ne se sentent plus, je dirais, en situation d'inquiétude par rapport au marché du travail. Parce que la confiance c'est aussi le préalable de la croissance et le point de croissance qui nous manque par rapport à nos pays européens, c'est aussi ce point de croissance qui fait du bien au financement de la protection sociale et qui fait du bien à l'emploi.
 
Q.- Autre sujet en pleine actualité, puisque c'est à l'Assemblée en ce moment, le service minimum, exactement la continuité du service public dans les transports terrestres.
 
R.- C'est le dialogue social...
 
Q.- le dialogue social, d'accord. Cet argument qu'on a entendu de SUD-Rail, qu'en fait c'est une atteinte au droit de grève, c'est un argument auquel vous devez faire très attention, pourrait-il prendre de l'ampleur ?
 
R.- Le droit de grève, dans notre pays, il est constitutionnel, c'est-à-dire qu'il est inscrit dans la règle de droit la plus importante qui soit. Mais seulement, est-ce qu'il est possible de marier ce droit de grève avec notamment d'autres principes, aussi importants d'un point de vue constitutionnel ? La liberté d'aller et venir, la liberté du travail, le fait de pouvoir aller travailler, la liberté d'accès au service public, comme pouvoir aller à l'hôpital quand on n'a pas de voiture personnelle. Nous pensons, nous, qu'il est possible de marier ces deux principes, voilà pourquoi ce texte respecte le droit de grève. Vous savez, le Conseil d'État a examiné ce texte, le Conseil d'État n'aurait pas laissé passer n'importe quoi. D'autre part, la question que l'on doit se poser : un salarié, aujourd'hui, qui travaille dans les transports publics terrestres de voyageurs, qui veut arrêter le travail pour faire grève, est-ce qu'il pourra le faire ? Oui, bien sûr qu'il pourra le faire ! Qu'il informe son employeur de son désir de faire grève ou pas, c'est une chose, mais rien ne l'empêchera de faire grève lui-même.
 
Q.- La question qui se pose, c'est qu'un salarié qui ne s'est pas déclaré gréviste 48 heures avant une grève, et qui finalement décide de faire la grève, quelles sanctions précises encourt-il ?
 
R.- La première des choses, c'est qu'il pourra changer d'avis. La seule chose, c'est qu'il devra le dire à son employeur 48 heures avant. Pourquoi cette question, pourquoi est-ce qu'on lui pose cette question ? Cela n'a rien d'idéologique, c'est totalement pratique. Comprenez bien...
 
Q.- Ma question était sur la sanction. Est-ce qu'il y a...
 
R.- Attendez, je veux revenir un court instant sur ce point, il est très important et il faut de la clarté. Ce que je veux, c'est que l'on puisse dire aujourd'hui aux usagers, le jour d'une grève ou quand il y a une forte perturbation prévue, des plans de travaux sur une ligne, qu'on leur dise 24 heures avant si leur train de 7h21 va démarrer, oui ou non. Or si vous voulez leur dire 24 heures avant, vous avez besoin, 48 heures avant, de savoir qui va venir travailler. Voilà, c'est purement logique. Et dans ces conditions...
 
Q.- Mais sur un plan individuel, encourt-on une sanction ou pas ?
 
R.- Celui qui répond à la déclaration peut changer d'avis. Et si pour une raison ou pour une autre, il ne voulait pas se déclarer, donc vous comprenez bien, c'est qu'il refuserait de dire à son employeur si, oui ou non, il va venir travailler. Dans ces cas là, il peut y avoir des sanctions disciplinaires.
 
Q.- Pas pécuniaires ?
 
R.- Non, disciplinaires. C'est celles qui sont prévues dans le code du travail, on n'a rien inventé. Si, on a amené quelque chose de nouveau, c'est que l'employeur qui utiliserait justement ces déclarations à d'autres fins que l'organisation du service, alors lui, je peux vous le dire, serait sévèrement sanctionné, c'est marqué noir sur blanc dans le texte. C'est d'ailleurs un point sur lequel je veux revenir, mais qui montre bien dans quel esprit on a travaillé.
 
Q.- Selon quelles modalités le service minimum pourra-t-il être étendu aux transports publics aériens et maritimes ?
 
R.- On est sur un sujet dont on parle depuis vingt ans, les transports terrestres de voyageurs. J'ai mené une très large concertation, plus de 24 heures de discussions avec tous les acteurs, des dizaines de rendez-vous avec les uns et avec les autres. On met ça en place dans ce texte, ce texte est bien cadré juridiquement parce que, vous l'avez dit, sur le droit de grève on ne fait pas n'importe quoi, et une fois qu'on a mis ça en place, on nous dit : "Ah voyez, il y a le reste..." Alors, une chose est certaine...
 
Q.- Mais ce sont des gens de l'UMP, par exemple, qui demandent à ce qu'on l'étende.
 
R.- Il n'y a pas de question taboue, mais le texte d'aujourd'hui, je tiens aussi à le dire très clairement, il concerne les transports terrestres de voyageurs ; pourquoi ? Parce que la priorité aujourd'hui, la priorité du Gouvernement, parce que c'est une priorité pour les Français, ce sont les déplacements quotidiens...
 
Q.- J'ai bien compris, mais comment se fera la suite ?
 
R.- Attendez, ce sont les déplacements quotidiens. Maintenant, une seule chose aussi qui est importante à prendre en compte, c'est qu'on n'est pas partis d'une feuille blanche, et je l'assume. Il y avait des bonnes pratiques RATP-SNCF ; il faut que dans les autres secteurs il y ait aussi du dialogue social.
 
Q.- Vous ne répondez pas sur la suite...
 
R.- Non, parce que le sujet d'aujourd'hui - on ne va pas créer de la confusion, certains adorent créer de la confusion, moi j'adore la clarté -, c'est aujourd'hui ce texte, il est sur les transports terrestres de voyageurs, mais pour le reste, il n'y a aucun tabou, mais il y a un préalable : je crois qu'on peut et qu'on doit réformer, mais avec un préalable, la concertation. Vous ne prenez pas une disposition sans en parler aux intéressés. Je crois que le dialogue, il a pour avancer, pas pour faire du sur place, mais la concertation avant tout.
 
Q.- Dans le journal Le Parisien-Aujourd'hui en France hier, B. Hortefeux, qui est ministre de l'Immigration, de l'Identité nationale, disait que son combat contre l'immigration irrégulière passe d'abord par un renforcement des contrôles. Cela vous concerne aussi en tant que ministre du Travail... Nous travaillons ensemble, oui. Tant mieux. Le travail clandestin n'est pas loin de ce sujet. Vous êtes aussi pour les contrôles avant tout ?
 
R.- Oui. Nous sommes dans la logique également de renforcement des contrôles en matière de lutte contre le travail illégal, mais pas seulement. Je prendrai d'autres initiatives à la rentrée parce qu'en matière de politique sociale, nous avons besoin - comme c'est la solidarité qui parle - d'être sûrs que personne ne détourne le système. Sur le travail illégal...
 
Q.- A quoi vous pensez ?
 
R.-...Nous travaillons justement - on l'avait déjà fait notamment pour l'assurance maladie, je pense qu'il faudra aussi des renforcements de contrôles sur nos autres politiques sociales -, nous travaillons avec B. Hortefeux sur ce sujet. Il faut savoir qu'un peu plus de 28 % des procès-verbaux, aujourd'hui, dressés par les inspecteurs du travail...
 
Q.- Les procès-verbaux !
 
R.- Les procès-verbaux, pardon, merci ! Cela a fini tard à l'Assemblée hier, donc je vous suis très reconnaissant de me permettre de ne pas faire de faute de français... 28,3 % des procès-verbaux dressés par l'Inspection du travail concernent le travail illégal. Cela concerne, il faut le savoir aussi, les faux stagiaires, et je tiens à vous dire que pour l'automne, il y aura bien, comme je l'ai indiqué, un statut, un nouvel encadrement pour les stagiaires, pour donner des garanties aux jeunes qui ont ce premier regard sur l'entreprise.
 
Q.- Pas seulement les faux stagiaires, d'une façon générale...
 
R.- Le travail illégal, ça concerne les faux stagiaires, cela concerne aussi le travail dissimulé sans déclaration, cela concerne aussi le faux travail indépendant et cela concerne aussi l'emploi d'étrangers sans titre. Ces priorités s'appliquent dès l'été, et dès l'été 2007.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 31 juillet 2007