Texte intégral
Madame la Présidente,
Monsieur Le Commissaire
La crise de la vache folle constitue un élément supplémentaire qui nous invite à poursuivre le mouvement engagé pour une évolution de la PAC, mais la crise doit d'abord, et avant tout, être traitée pour ce qu'elle est. Cela appelle au réalisme et au pragmatisme, sans perdre de temps.
En préalable, il me semble utile de garder à l'esprit que cette crise n'est pas la conséquence d'une surproduction de viande bovine à l'échelle de l'Union européenne, mais le résultat d'une baisse majeure de la consommation dans nombre d'Etats-membres. Il est donc central de continuer d'uvrer pour rétablir la confiance des consommateurs. Au-delà des mesures sanitaires que nous prenons, toute initiative en ce sens serait bienvenue de la part de la Commission.
Mais, notre action ne peut aujourd'hui se limiter à cela. Résoudre cette crise nécessite que des actions énergiques soient engagées maintenant pour gommer des quantités de viande qui, actuellement et sans doute encore demain, ne sauraient trouver de débouchés sur un marché européen déprimé et dont les possibilités d'exportation sont redevenues plus réduites. A cet égard, je partage globalement les analyses de la Commission sur les volumes excédentaires, même si ces projections sont inévitablement entachées d'incertitudes liées aux hypothèses d'évolution de la consommation.
Jusqu'au mois de novembre dernier, le marché européen de la viande bovine présentait un équilibre très satisfaisant. Rien ne justifie donc une remise en cause, ni explicite, ni implicitement, des conclusions de l'Agenda 2000. Nous sommes ici dans un cas de figure de même nature qu'en 1996, où nous avions décidé un paquet de mesures conjoncturelles. Nous devons nous appuyer sur cette expérience.
Cette gestion de la crise bovine doit reposer sur deux maîtres-mots : efficacité et solidarité, associés à une préoccupation : préserver les systèmes de production allaitants et herbagers qui sont ceux qui répondent aux attentes des consommateurs.
L'efficacité commande, en premier lieu, de mettre pleinement en uvre les dispositifs opportunément activés par la Commission en décembre dernier. Il s'agit, d'une part, de poursuivre l'intervention publique en déplafonnant sa contrainte de volume et, d'autre part de prolonger le programme de retrait d'animaux de plus de 30 mois, comme le propose la Commission.
Dans cet esprit, la destruction de broutards serait particulièrement utile du fait de ses effets de maîtrise de la production à très court terme et de soulagement d'un marché qui a perdu, pour cette année, l'essentiel de ses débouchés.
De même, le dégagement du marché communautaire par l'exportation de jeunes bovins finis doit être encouragée par des restitutions adaptées, dont le coût est toujours bien inférieur à celui de l'intervention publique.
Je note cependant avec amertume que le programme de retrait, pourtant lancé à l'unanimité en décembre dernier, n'est aujourd'hui mis en uvre que par une petite minorité d'Etats-membres, qui affrontent avec ténacité les dépenses et les difficultés inhérentes à ce dispositif. Nous avons ensemble décidé ce programme : soyons aujourd'hui solidaires dans sa mise en oeuvre car, chacun le sait ici, c'est une des conditions indispensable pour contribuer à atteindre l'objectif d'équilibrage du marché.
L'Europe agricole est un marché unique ; il est nécessaire que tous les Etats-membres jouent le jeu.
L'efficacité consiste aussi à ne pas nous disperser dans des " faux-semblants " de solution, laissant au choix des Etats-membres des mesures dont les effets sont difficilement conciliables. Je fais ici référence au programme spécial d'achat proposé. En effet, si des dispositions complémentaires à l'intervention doivent effectivement être prises pour absorber les excédents, je ne peux qu'être réservé à l'égard d'une mesure qui aboutirait à maintenir en stock des quantités qui pèseront à terme sur le marché et poseront donc les mêmes problèmes d'écoulement que les stocks d'intervention. Offrir aux Etats-membres le choix entre le retrait et le stockage risque d'aboutir à affaiblir l'efficacité du programme de retrait et à prolonger la crise.
Enfin, cette proposition d'achat ne serait pas acceptable si elle débouchait sur une forme de cofinancement d'un mécanisme d'intervention publique, tout à fait novatrice.
Je crois, en revanche, que l'efficacité qui doit nous guider passe inévitablement par des mesures énergiques et radicales, à prendre dès à présent, pour éviter le déséquilibre de nos marchés dans un ou deux ans. Les nouvelles mesures évoquées par la Commission ne correspondent nullement à cet objectif. En outre, alors même qu'elle n'ont pas d'effet tangible sur la production selon les propres estimations de la Commission, elles conduisent à remettre en cause certains aspects de l'Agenda 2000, à complexifier encore davantage la gestion de la PAC et à faire paradoxalement porter de nouvelles contraintes ciblées sur le cheptel allaitant. Ceci n'est pas acceptable et contraire à l'objectif de préservation de notre production herbagère de qualité.
Peut être, la Commission recherche-t-elle un effet budgétaire ; outre mes doutes à ce sujet, je constate que ces éventuelles économies budgétaires n'auraient d'effet qu'au terme de 3 ou 4 ans.
En réalité, au delà des mesures d'équilibrage à court terme du marché qui justifient la généralisation et la poursuite de notre programme de retrait, il faut donner clairement la priorité à la maîtrise de l'offre en agissant par la destruction de veaux, et ce de manière solidaire au plan communautaire.
En 1996, la mesure énergique qui avait été prise à l'égard de cette catégorie d'animaux avait constitué le principal moteur de la sortie de crise. Pour un coût budgétaire particulièrement limité, c'est près d'un million de tonnes que le marché n'avait pas eu à écouler. Pour chaque 100 000 tonnes de viande rouge non produite, un budget limité à 30 meuros seulement est nécessaire. La prime à la transformation des veaux, dans sa forme de 1996, coûte 16 fois moins cher que l'intervention, outre l'intérêt de ne pas accumuler des stocks dont l'avenir est incertain. Voilà de vraies économies en puissance !
Certains estiment que la destruction de jeunes veaux serait choquante par principe, mais n'est-il pas plus choquant de laisser produire une viande qui ne trouvera pas de débouchés tant que le marché sera perturbé ? Doit-on aussi se cacher que, puisque la production annuelle d'un veau est une donnée inéluctable de la production laitière d'une vache, nombre de nos partenaires dans le monde se sont résolus à l'élimination de jeunes veaux que le marché ne peut absorber.
Certains diront aussi que cette mesure peut relever d'un choix national et être financée par le budget de l'Etat-membre qui y a recours. Je vois Franz Fischler qui sourit car il se souvient mieux que moi - Je n'y étais pas - que c'est le fruit d'une longue nuit de négociation, la dernière à Berlin. Mais cela serait, dans la situation de crise généralisée que nous connaissons, radicalement contraire à la règle de solidarité que j'évoquais précédemment. Il est illusoire de penser qu'un petit nombre d'Etats-membres pourraient, à eux seuls, supporter la charge de l'assainissement du marché au bénéfice de tous.
Face à ces réalités et au pragmatisme d'une solution dont l'efficacité a non seulement était prouvée mais qui pourrait immédiatement s'offrir à nous, je ne vois pas d'alternative qui soit à la fois à la hauteur des enjeux et à la portée de notre budget.
En conclusion, je résumerais mon propos en appuyant les deux mesures essentielles proposées par F. FISHLER, à savoir la flexibilité nécessaire à la mise en uvre de l'intervention publique et la poursuite du programme de retrait au-delà de la date du 30 juin prochain en envisageant même son élargissement au broutard ; en revanche, je suis réservé à l'égard du programme spécial d'achat alternatif au retrait et réfute le lot de " mini-mesures " de gestion de l'OCM. Enfin, je demande avec vigueur que la Commission n'exclue pas les possibilités de soutien à l'exportation et engage surtout rapidement la réflexion sur un dispositif de maîtrise de l'offre à moyen terme, à travers la gestion du marché du jeune veau, dans un cadre nécessairement communautaire.
Je voudrais maintenant revenir sur un point que j'avais déjà abordé lors de notre dernier conseil, en insistant avec beaucoup de détermination sur les conséquences que fait porter cette crise sur la situation économique de certains éleveurs. Il est aujourd'hui indispensable de mettre en uvre des aides ciblées, permettant de répondre aux difficultés des éleveurs touchés par les circonstances exceptionnelles qu'ils traversent. Alors que le rôle de l'élevage bovin dans l'aménagement de nos campagnes et pour la valorisation de vastes zones herbagères est reconnu comme un facteur déterminant de l'équilibre de territoires fragiles, il faut tout faire pour empêcher que soit gravement mises en péril les exploitations qui remplissent ces fonctions économiques et sociales. C'est pourquoi, je demande avec force à la Commission de proposer qu'un régime spécifique et extraordinaire d'aide en faveur des éleveurs européens touchés par la crise puisse être très rapidement engagé, sans préjudice d'autres soutiens dans l'hypothèse où la situation de crise perdurerait.
Bien entendu, on m'avancera l'argument budgétaire : ni je le nie, ni je me mésestime. Mais enfin, les caisses ne sont pas vides ! Il reste des marges de manuvre. Au moins pour lancer un signal, donner un signe de solidarité car si on ne le fait pas, que se passera-t-il ? La suppression de milliers d'exploitations ce qui serait un paradoxe car cela concernerait les petites exploitations extensives, celles que l'opinion nous demande de sauvegarder. Ou bien des aides nationales en ordre dispersé, qui ont déjà commencé quand je vois dans quelles conditions ont été vendues à la ville de Moscou d'énormes quantités de viande dont nos diplomates en poste à Moscou nous disent que ça n'a été possible qu'au prix d'importants soutiens publics, je suppose que la commission y est attentive. Ce serait à la fois la renationalisation et l'éclatement de la PAC. Non, il faut harmoniser tout cela, il faut l'encadrer et prendre acte que ces aides étant inéluctable, autant les organiser.
Enfin, après la suspension et bientôt l'interdiction des farines animales, nous avons besoin d'un symbole fort de notre volonté de réduire la dépendance de l'Union européenne en protéines végétales et de mettre en place un plan à la hauteur des besoins accrus que la crise de l'ESB a révélés. La mesure que vous annoncez sur la production biologique me paraît à cet égard très insuffisante et doit être accompagnée de propositions véritablement ambitieuses. Il convient non seulement d'étendre la possibilité de produire sur la jachère l'ensemble des fourrages et des protéagineux, tant que leur mode de culture correspond aux usages, mais également, et au-delà, de revaloriser les aides de base à ces productions. J'ai bien pris note, Franz, de l'assurance que vous m'avez donné quant au fait que notre prochain conseil en serait saisi.
Dernière considération puisque cette crise a ravivé les commentaires sur l'évolution de la PAC, je souhaite rappeler quelques éléments en la matière. Non que je souhaite remettre en cause les décisions prises à Berlin sur les organisations communes de marché : il faut à nos agriculteurs des règles du jeu stables pour leurs activités. En revanche, je suggère que les autres pays de l'Union puissent se saisir des possibilités offertes par la modulation mise en uvre par un nombre limité d'entre nous , ou, mieux encore, de généraliser la dégressivité ou le plafonnement des aides à toute l'Europe. Les montants financiers à redéployer bénéficieront au développement rural, c'est à dire à une agriculture plus extensive, mais pourraient aussi alimenter un fonds de gestion de crises, destiné à venir en aide aux agriculteurs les plus en difficulté, dans le cas de crises de marché.
Il faut un signe politique fort disent certains, montrant que nous tirons collectivement, les leçons de cette crise. J'en conviens le signe est possible et souhaitable et je ne vois pas quel autre signe nous pourrions donner que celui-là : la réorientation d'une partie des aides de marché vers le développement rural. Mais en aurons-nous le courage ?
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 1 mars 2001)
Monsieur Le Commissaire
La crise de la vache folle constitue un élément supplémentaire qui nous invite à poursuivre le mouvement engagé pour une évolution de la PAC, mais la crise doit d'abord, et avant tout, être traitée pour ce qu'elle est. Cela appelle au réalisme et au pragmatisme, sans perdre de temps.
En préalable, il me semble utile de garder à l'esprit que cette crise n'est pas la conséquence d'une surproduction de viande bovine à l'échelle de l'Union européenne, mais le résultat d'une baisse majeure de la consommation dans nombre d'Etats-membres. Il est donc central de continuer d'uvrer pour rétablir la confiance des consommateurs. Au-delà des mesures sanitaires que nous prenons, toute initiative en ce sens serait bienvenue de la part de la Commission.
Mais, notre action ne peut aujourd'hui se limiter à cela. Résoudre cette crise nécessite que des actions énergiques soient engagées maintenant pour gommer des quantités de viande qui, actuellement et sans doute encore demain, ne sauraient trouver de débouchés sur un marché européen déprimé et dont les possibilités d'exportation sont redevenues plus réduites. A cet égard, je partage globalement les analyses de la Commission sur les volumes excédentaires, même si ces projections sont inévitablement entachées d'incertitudes liées aux hypothèses d'évolution de la consommation.
Jusqu'au mois de novembre dernier, le marché européen de la viande bovine présentait un équilibre très satisfaisant. Rien ne justifie donc une remise en cause, ni explicite, ni implicitement, des conclusions de l'Agenda 2000. Nous sommes ici dans un cas de figure de même nature qu'en 1996, où nous avions décidé un paquet de mesures conjoncturelles. Nous devons nous appuyer sur cette expérience.
Cette gestion de la crise bovine doit reposer sur deux maîtres-mots : efficacité et solidarité, associés à une préoccupation : préserver les systèmes de production allaitants et herbagers qui sont ceux qui répondent aux attentes des consommateurs.
L'efficacité commande, en premier lieu, de mettre pleinement en uvre les dispositifs opportunément activés par la Commission en décembre dernier. Il s'agit, d'une part, de poursuivre l'intervention publique en déplafonnant sa contrainte de volume et, d'autre part de prolonger le programme de retrait d'animaux de plus de 30 mois, comme le propose la Commission.
Dans cet esprit, la destruction de broutards serait particulièrement utile du fait de ses effets de maîtrise de la production à très court terme et de soulagement d'un marché qui a perdu, pour cette année, l'essentiel de ses débouchés.
De même, le dégagement du marché communautaire par l'exportation de jeunes bovins finis doit être encouragée par des restitutions adaptées, dont le coût est toujours bien inférieur à celui de l'intervention publique.
Je note cependant avec amertume que le programme de retrait, pourtant lancé à l'unanimité en décembre dernier, n'est aujourd'hui mis en uvre que par une petite minorité d'Etats-membres, qui affrontent avec ténacité les dépenses et les difficultés inhérentes à ce dispositif. Nous avons ensemble décidé ce programme : soyons aujourd'hui solidaires dans sa mise en oeuvre car, chacun le sait ici, c'est une des conditions indispensable pour contribuer à atteindre l'objectif d'équilibrage du marché.
L'Europe agricole est un marché unique ; il est nécessaire que tous les Etats-membres jouent le jeu.
L'efficacité consiste aussi à ne pas nous disperser dans des " faux-semblants " de solution, laissant au choix des Etats-membres des mesures dont les effets sont difficilement conciliables. Je fais ici référence au programme spécial d'achat proposé. En effet, si des dispositions complémentaires à l'intervention doivent effectivement être prises pour absorber les excédents, je ne peux qu'être réservé à l'égard d'une mesure qui aboutirait à maintenir en stock des quantités qui pèseront à terme sur le marché et poseront donc les mêmes problèmes d'écoulement que les stocks d'intervention. Offrir aux Etats-membres le choix entre le retrait et le stockage risque d'aboutir à affaiblir l'efficacité du programme de retrait et à prolonger la crise.
Enfin, cette proposition d'achat ne serait pas acceptable si elle débouchait sur une forme de cofinancement d'un mécanisme d'intervention publique, tout à fait novatrice.
Je crois, en revanche, que l'efficacité qui doit nous guider passe inévitablement par des mesures énergiques et radicales, à prendre dès à présent, pour éviter le déséquilibre de nos marchés dans un ou deux ans. Les nouvelles mesures évoquées par la Commission ne correspondent nullement à cet objectif. En outre, alors même qu'elle n'ont pas d'effet tangible sur la production selon les propres estimations de la Commission, elles conduisent à remettre en cause certains aspects de l'Agenda 2000, à complexifier encore davantage la gestion de la PAC et à faire paradoxalement porter de nouvelles contraintes ciblées sur le cheptel allaitant. Ceci n'est pas acceptable et contraire à l'objectif de préservation de notre production herbagère de qualité.
Peut être, la Commission recherche-t-elle un effet budgétaire ; outre mes doutes à ce sujet, je constate que ces éventuelles économies budgétaires n'auraient d'effet qu'au terme de 3 ou 4 ans.
En réalité, au delà des mesures d'équilibrage à court terme du marché qui justifient la généralisation et la poursuite de notre programme de retrait, il faut donner clairement la priorité à la maîtrise de l'offre en agissant par la destruction de veaux, et ce de manière solidaire au plan communautaire.
En 1996, la mesure énergique qui avait été prise à l'égard de cette catégorie d'animaux avait constitué le principal moteur de la sortie de crise. Pour un coût budgétaire particulièrement limité, c'est près d'un million de tonnes que le marché n'avait pas eu à écouler. Pour chaque 100 000 tonnes de viande rouge non produite, un budget limité à 30 meuros seulement est nécessaire. La prime à la transformation des veaux, dans sa forme de 1996, coûte 16 fois moins cher que l'intervention, outre l'intérêt de ne pas accumuler des stocks dont l'avenir est incertain. Voilà de vraies économies en puissance !
Certains estiment que la destruction de jeunes veaux serait choquante par principe, mais n'est-il pas plus choquant de laisser produire une viande qui ne trouvera pas de débouchés tant que le marché sera perturbé ? Doit-on aussi se cacher que, puisque la production annuelle d'un veau est une donnée inéluctable de la production laitière d'une vache, nombre de nos partenaires dans le monde se sont résolus à l'élimination de jeunes veaux que le marché ne peut absorber.
Certains diront aussi que cette mesure peut relever d'un choix national et être financée par le budget de l'Etat-membre qui y a recours. Je vois Franz Fischler qui sourit car il se souvient mieux que moi - Je n'y étais pas - que c'est le fruit d'une longue nuit de négociation, la dernière à Berlin. Mais cela serait, dans la situation de crise généralisée que nous connaissons, radicalement contraire à la règle de solidarité que j'évoquais précédemment. Il est illusoire de penser qu'un petit nombre d'Etats-membres pourraient, à eux seuls, supporter la charge de l'assainissement du marché au bénéfice de tous.
Face à ces réalités et au pragmatisme d'une solution dont l'efficacité a non seulement était prouvée mais qui pourrait immédiatement s'offrir à nous, je ne vois pas d'alternative qui soit à la fois à la hauteur des enjeux et à la portée de notre budget.
En conclusion, je résumerais mon propos en appuyant les deux mesures essentielles proposées par F. FISHLER, à savoir la flexibilité nécessaire à la mise en uvre de l'intervention publique et la poursuite du programme de retrait au-delà de la date du 30 juin prochain en envisageant même son élargissement au broutard ; en revanche, je suis réservé à l'égard du programme spécial d'achat alternatif au retrait et réfute le lot de " mini-mesures " de gestion de l'OCM. Enfin, je demande avec vigueur que la Commission n'exclue pas les possibilités de soutien à l'exportation et engage surtout rapidement la réflexion sur un dispositif de maîtrise de l'offre à moyen terme, à travers la gestion du marché du jeune veau, dans un cadre nécessairement communautaire.
Je voudrais maintenant revenir sur un point que j'avais déjà abordé lors de notre dernier conseil, en insistant avec beaucoup de détermination sur les conséquences que fait porter cette crise sur la situation économique de certains éleveurs. Il est aujourd'hui indispensable de mettre en uvre des aides ciblées, permettant de répondre aux difficultés des éleveurs touchés par les circonstances exceptionnelles qu'ils traversent. Alors que le rôle de l'élevage bovin dans l'aménagement de nos campagnes et pour la valorisation de vastes zones herbagères est reconnu comme un facteur déterminant de l'équilibre de territoires fragiles, il faut tout faire pour empêcher que soit gravement mises en péril les exploitations qui remplissent ces fonctions économiques et sociales. C'est pourquoi, je demande avec force à la Commission de proposer qu'un régime spécifique et extraordinaire d'aide en faveur des éleveurs européens touchés par la crise puisse être très rapidement engagé, sans préjudice d'autres soutiens dans l'hypothèse où la situation de crise perdurerait.
Bien entendu, on m'avancera l'argument budgétaire : ni je le nie, ni je me mésestime. Mais enfin, les caisses ne sont pas vides ! Il reste des marges de manuvre. Au moins pour lancer un signal, donner un signe de solidarité car si on ne le fait pas, que se passera-t-il ? La suppression de milliers d'exploitations ce qui serait un paradoxe car cela concernerait les petites exploitations extensives, celles que l'opinion nous demande de sauvegarder. Ou bien des aides nationales en ordre dispersé, qui ont déjà commencé quand je vois dans quelles conditions ont été vendues à la ville de Moscou d'énormes quantités de viande dont nos diplomates en poste à Moscou nous disent que ça n'a été possible qu'au prix d'importants soutiens publics, je suppose que la commission y est attentive. Ce serait à la fois la renationalisation et l'éclatement de la PAC. Non, il faut harmoniser tout cela, il faut l'encadrer et prendre acte que ces aides étant inéluctable, autant les organiser.
Enfin, après la suspension et bientôt l'interdiction des farines animales, nous avons besoin d'un symbole fort de notre volonté de réduire la dépendance de l'Union européenne en protéines végétales et de mettre en place un plan à la hauteur des besoins accrus que la crise de l'ESB a révélés. La mesure que vous annoncez sur la production biologique me paraît à cet égard très insuffisante et doit être accompagnée de propositions véritablement ambitieuses. Il convient non seulement d'étendre la possibilité de produire sur la jachère l'ensemble des fourrages et des protéagineux, tant que leur mode de culture correspond aux usages, mais également, et au-delà, de revaloriser les aides de base à ces productions. J'ai bien pris note, Franz, de l'assurance que vous m'avez donné quant au fait que notre prochain conseil en serait saisi.
Dernière considération puisque cette crise a ravivé les commentaires sur l'évolution de la PAC, je souhaite rappeler quelques éléments en la matière. Non que je souhaite remettre en cause les décisions prises à Berlin sur les organisations communes de marché : il faut à nos agriculteurs des règles du jeu stables pour leurs activités. En revanche, je suggère que les autres pays de l'Union puissent se saisir des possibilités offertes par la modulation mise en uvre par un nombre limité d'entre nous , ou, mieux encore, de généraliser la dégressivité ou le plafonnement des aides à toute l'Europe. Les montants financiers à redéployer bénéficieront au développement rural, c'est à dire à une agriculture plus extensive, mais pourraient aussi alimenter un fonds de gestion de crises, destiné à venir en aide aux agriculteurs les plus en difficulté, dans le cas de crises de marché.
Il faut un signe politique fort disent certains, montrant que nous tirons collectivement, les leçons de cette crise. J'en conviens le signe est possible et souhaitable et je ne vois pas quel autre signe nous pourrions donner que celui-là : la réorientation d'une partie des aides de marché vers le développement rural. Mais en aurons-nous le courage ?
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 1 mars 2001)