Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin, C. Lagarde, ministre de l'Economie, des finances et de l'emploi. Bonjour. Merci d'être avec nous. C. Lagarde, on va recevoir - nous allons recevoir durant cette demi-heure les chiffres de l'emploi pour le mois de juillet. Comment sont-ils ? Vous avez quelques indications ?
R.- C'est sous embargo jusqu'à 8h40, donc on va attendre un petit peu. Ce qui m'intéresse moi, c'est le chiffre du semestre globalisé parce qu'on avait eu un premier trimestre qui était absolument énorme et je pense qu'on devrait avoir un correctif à la baisse considérable au deuxième trimestre, parce que ce n'est pas possible qu'on fonctionne à plus de 100.000 emplois par trimestre. Donc je m'attends à un chiffre beaucoup plus bas.
Q.- Nous aurons les chiffres tout à l'heure. C. Lagarde, plusieurs sujets. Alors on va commencer avec le Conseil constitutionnel qui a dit : "Pas de crédit d'impôt sur les prêts immobiliers pour tous ceux qui ont acheté leur résidence principale depuis 5 ans. La loi ne doit pas être rétroactive ". Vous avez vu cela. Vous avez été surprise ?
R.- J'ai été très agréablement surprise que le Conseil constitutionnel valide sur tous les autres, parce que vous savez que le Parti socialiste avait saisi le conseil constitutionnel sur un certain nombre de dispositions, en particulier sur les heures supplémentaires, sur l'affectation d'une partie donc de l'ISF à des entreprises comme le prévoit le projet et sur tous ces points-là, le conseil constitutionnel a dit : "C'est bon. C'est conforme à la Constitution". Sur un point, le conseil constitutionnel lui-même s'est saisi et a examiné la validité de la déductibilité des intérêts d'emprunts souscrits pour l'acquisition de résidence principale pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi et là, il a dit : "Rupture d'égalité devant l'impôt puisqu'il y a ceux qui ont acheté leur résidence principale avant et puis ceux qui peut-être auraient pu y penser".
Q.- Bien sûr. Cela peut se comprendre, franchement.
R.- Cela s'analyse surtout d'ailleurs sur un plan économique, plus encore peut-être que sur un plan juridique, mais leur analyse est parfaitement légitime. Ce que nous allons - pour autant...
Q.- Oui, le Conseil constitutionnel dit : "Cela coûte quand même un peu plus de 7 milliards d'euros".
R.- Non, non, non. Le coût correspondant à la rétroactivité, si on peut l'analyser comme cela, mais c'est plutôt la notion d'application au stock des emprunts ; le coût correspondant, c'est entre 1 et 1,4 milliard d'euros en année pleine. Donc c'est vrai que cela constitue une solide économie mais nous allons réexaminer et F. Fillon me l'a demandé hier après-midi, nous allons réexaminer avec les services la manière dont on peut conformément à la Constitution mettre en place un mécanisme qui permette au moins à tous ceux qui ont signé des promesses d'achat ou commencé à souscrire des emprunts depuis l'élection du président de la République, de quelle manière on peut leur permettre de déduire les intérêts d'emprunts.
Q.- Depuis l'élection du président de la République ?
R.- Cela, c'est la première étape. Et puis on va voir ensuite si on peut l'appliquer au stock des moins de 5 ans.
Q.- Des moins de 5 ans, oui. On va être très concret. J'ai acheté une résidence principale il y a 3 ans, j'ai emprunté pour cela. Est-ce que j'aurai des déductions d'impôt ? Oui ou non ?
R.- En l'état aujourd'hui, compte tenu de la décision du conseil, non. Ce que nous allons regarder avec nos services, c'est comment on peut mettre en place un mécanisme qui permette de répondre à votre question "oui".
Q.- D'accord, j'ai compris. Deuxième chose : j'ai effectivement signé une promesse de vente ou d'achat. J'ai l'intention d'acheter un appartement ou une maison en résidence principale. Je vais bénéficier du crédit d'impôt comme le dit la loi.
R.- Oui.
Q.- A partir de quand ? A partir de l'élection du président de la République ou à partir du moment où la loi sera promulguée ?
R.- Alors d'abord, la loi va être promulguée dans des délais très rapides puisque maintenant nous avons la décision du Conseil constitutionnel.
Q.- Quand ?
R.- Il faut que cela soit signé par tous les ministres appropriés. Je pense que c'est une question de quelques jours maintenant. Donc ensuite, 24 heures après la publication au Journal Officiel, le texte devient applicable. Un certain nombre des dispositions d'ailleurs ne s'appliqueront qu'à compter du 1er octobre. Vous savez par exemple que sur les heures supplémentaires, on a prévu spécifiquement que ce serait applicable au 1er octobre pour permettre aux services du personnel et aux experts-comptables de mettre en place les logiciels.
Q.- Mais là, je parle de la déduction des intérêts.
R.- Pour la déduction des intérêts d'emprunts, ce sera à compter de l'entrée en vigueur de la loi qu'en l'état de la décision du Conseil constitutionnel aujourd'hui que les intérêts seront déductibles. Voilà.
Q.- Donc là, vous ne pouvez rien faire contre le Conseil constitutionnel ?
R.- Non, non. C'est le gardien de la constitutionnalité des textes et il a fait son travail. Christian, cadre dans une compagnie aérienne : J'avais la question que tout le monde s'est posée en entendant la radio ce matin, c'était donc le fait que les mesures proposées - quelles allaient être les mesures proposées pour pallier à la censure du Conseil constitutionnel sur les intérêts d'emprunts. Alors, on a commencé à travailler depuis hier après-midi. C'est une question sur laquelle évidemment il faut quand même qu'on soit solide et qu'on fasse des propositions qui soient agrées par le Premier ministre. La mission qu'il m'a donnée hier, c'est : 'Réfléchissez aux mécanismes légaux, constitutionnels, qui permettront de tenir les promesses du président de la République'. Je crois que nous avons trouvé, et je ne vais pas vous en dire plus à ce stade parce que...
Q.- Vous avez trouvé, C. Lagarde ?
R.- Je crois que nous avons trouvé un mécanisme qui permette d'appliquer la déductibilité des intérêts d'emprunts aux emprunts souscrits depuis l'élection du président de la République.
Q.- Depuis l'élection du président de la République, donc depuis le 6 mai ?
R.- Puisqu'il s'agit donc de promesses qui ont été contenues dans un projet électoral validé par le suffrage universel, je le rappelle, avec les 54 % d'électeurs qui se sont prononcés pour le président de la République.
Q.- Alors, depuis le 6 mai, pas au-delà. On ne va pas plus en arrière ?
R.- Au stade exact de notre réflexion, c'est le mécanisme dont nous pensons...
Q.- Oui, mais vous comprenez que j'ai envie de savoir parce que les auditeurs ont envie de savoir.
R.- Bien sûr, mais on a tous envie de savoir. Moi aussi j'ai envie de trouver un mécanisme, avec mes services qui permette de tenir les engagements présidentiels. Aujourd'hui je crois que le mécanisme est à peu près en place pour les intérêts d'emprunts souscrits depuis l'élection du président de la République.
Q.- Depuis le 6 mai. Ce sera plus difficile avant, si j'ai bien compris.
R.- Avant, on va regarder ce qui est disponible et évidemment on devra fournir des propositions qui soient conformes à la Constitution.
Q.- Oui. Voilà, ce sera plus difficile avant.
R.- Il faudra respecter le principe d'égalité devant l'impôt, bien sûr.
Q.- Oui, il fallait peut-être y penser avant, non ?
R.- Mais je crois qu'on y a un petit peu réfléchi. On s'est penché sur la question. On a de surcroît consulté le conseil d'État qui est un guide et un sage extrêmement utile quand on fait un peu d'innovation et de créativité dans ce domaine. Le conseil d'État avait validé l'ensemble de notre projet sur cette petite disposition importante, bien sûr, pour tous nos concitoyens. Le Conseil constitutionnel a considéré que c'était en contradiction avec le principe de l'égalité devant l'impôt.
Q.- C. Lagarde, vous êtes rentrée de vacances en urgence ou il était prévu que vous soyez au travail ce vendredi ?
R.- Il était parfaitement prévu que je sois à mon bureau hier matin. Donc, je suis là aussi ce matin, vendredi. J'irai récupérer un de mes fils ce week-end qui est, lui, encore sur son lieu de vacances et je serai à nouveau à mon bureau lundi matin. Et dans l'intervalle, rassurez-vous, je serai et au téléphone et en liaison avec mes services puisque l'économie française ne s'arrête pas au mois d'août.
Q.- Donc vous n'êtes pas rentrée, vous n'êtes pas revenue à Paris en urgence à cause de la crise financière, on est bien d'accord ?
R.- De toute façon, en vacances ou pas en vacances, je suis restée en permanence extrêmement attentive à tout ce qui se passe sur les marchés financiers et à tout ce qui concerne l'économie.
Q.- Alors cette crise sur les marchés financiers, cette crise boursière - on l'appellera comme on voudra, peu importe - franchement est-ce que vous avez les moyens d'agir, vous gouvernement ? Je parle du gouvernement français, mais tous les gouvernements, est-ce que vous avez les moyens d'agir ?
R.- Point numéro 1, vous avez raison de dire que c'est une crise de nature financière et qui agite les marchés boursiers. Ce n'est pas en train de remettre en cause les fondamentaux de l'économie mondiale, ni de l'économie française. L'économie mondiale croît à un rythme d'à peu près 5,2 % ; l'économie française se porte bien et a de bons fondamentaux.
Q.- Oui, mais elle croît moins vite en rythme.
R.- Bien sûr, bien sûr. On n'est pas dans les pays émergents qui augmentent à des taux de 10 %.
Q.- Oui, on n'est même pas [comme la] Grande Bretagne, qui va annoncer des chiffres de croissance tout à fait exceptionnels, vous le savez, les meilleurs du G7.
R.- Non, mais on est tout à fait en ligne avec l'Allemagne, avec l'Espagne, avec l'Italie, avec les Pays Bas, donc on n'est pas les derniers de la classe non plus. On est tout à fait en ligne avec nos voisins européens et on était en plus en période préélectorale où classiquement, dans l'incertitude, les acteurs économiques ne s'engagent pas et n'investissent pas. Cela me paraît tout à fait clair.
Q.- Des activités réduites.
R.- Mais vous avez raison : crise boursière et financière, pas une crise économique. Cela, c'est le premier point. Deuxième point, c'est une crise dont le centre était les Etats Unis et dont l'origine était ce très délicat marché du crédit immobilier à risque - on peut l'appeler comme cela, tout le monde parle du subprime mais ce que c'est, c'est que c'est du crédit immobilier consenti de manière agressive à des débiteurs dont la solvabilité est douteuse, lesquels produits sont ensuite repackagés, titrisés et recirculent ensuite et viennent donc constituer certains actifs de fonds auxquels souscrivent des opérateurs boursiers et financiers. Cette crise-là s'est propagée à l'ensemble des places financières mondiales tout simplement parce que la finance est totalement mondialisée. Je viens à votre question. Je viens à votre question. Elle est mondialisée et dans ces conditions-là, il est évident que les réponses, elles, doivent être de nature mondiale et elles doivent impliquer d'abord les acteurs de place, les autorités de marché, les banques centrales qui ont pour mission d'assurer la liquidité de la monnaie dans les places financières mondiales et elle concerne évidemment les opérateurs - enfin les grands acteurs politiques et les gouvernements en particulier, qui doivent, de manière concertée, assurer l'intérêt général. Et c'est exactement la dynamique engagée par le président de la République N. Sarkozy lorsqu'il saisit la Chancelière allemande A. Merkel, qui est actuellement présidente du G7, pour lui dire : "Madame Merkel, il faut qu'ensemble nous réfléchissions aux moyens d'assurer plus de transparence et une meilleure régulation mondiale. A cet effet, ne devrions-nous pas charger les ministres des Finances de nos 7 pays membres du G7 de nous fournir un certain nombre de propositions ?" Et je crois que d'ailleurs cela a été constaté par R. Prodi encore hier, il a tout à fait raison de demander cette mission au niveau du G7, parce que ce n'est pas dans un cadre national qu'on peut régler ce genre de question. La finance est trop mondialisée pour qu'on apporte des réponses d'ordre strictement national. C'est au niveau du G7 que cela peut se produire et je pense que cette mission qui nous est donnée d'apporter plus de clarté, plus de transparence et une meilleure régulation est une bonne mission.
[2ème partie : 8h50]
Q.- Nous avons les chiffres de l'emploi et ils sont bons. Enfin "bons", cela stagne un petit peu : l'emploi salarié dans le secteur concurrentiel est resté stable au deuxième trimestre, il a augmenté de 1,3 % sur un an mais il est resté stable. Vos commentaires, rapides ?
R.- Le premier trimestre, je vous le disais tout à l'heure, a été extrêmement fort. Le deuxième trimestre...
Q.- Un peu moins ?
R.- ...Est un peu moins fort, mais on a un total quand même de 130.500 créations d'emplois dans le secteur marchand, ce qui est plus du double de ce qu'on avait eu pendant la période équivalente en 2006. Donc je crois que le rythme sur lequel on est et la tendance sur laquelle nous sommes de créations nettes d'emplois marchands sont bons, encourageant, et nous laisse penser que le chiffre de créations d'emplois sur l'année 2007 sera très satisfaisant.
Q.- Ce qui est moins bon, c'est le commerce extérieur qui est, passez-moi l'expression, "à la ramasse". La croissance, 0,3 %, c'est faible franchement !
R.- Si vous me donnez 45 secondes, je voudrais juste développer.
Q.- Allez-y, allez-y.
R.- Plusieurs points. D'abord, les exportations continuent à progresser. Elles progressent moins que nos importations. Comme nous avons un moteur de la consommation qui aujourd'hui fonctionne à plein, les consommateurs, vous et moi, nous achetons volontiers des produits d'importation, et notamment dans les produits, non pas bas de gamme, mais...
Q.- Il faut les taxer ?
R.- C'est une autre question.
Je vous poserai la question après.
R.- Exportations en progression mais les importations progressent encore plus vite, ce qui nous amène à un solde négatif d'environ 15 milliards d'euros sur le premier semestre. Cela, c'est un premier point. Mais cela ne veut pas dire à mon avis que la situation des entreprises françaises en soi est mauvaise et les rend non compétitives. Pourquoi ? Parce que d'une part de nombreuses françaises, en particulier dans nos grandes championnes du CAC 40, sont largement investies hors de France, produisent localement sur les marchés où elles sont en train de prendre des parts et vendent des produits locaux. Donc ces produits-là ne passent pas les frontières, ne rentrent pas dans le solde de nos exportations.
Q.- Oui, mais vous savez bien que la force de l'Allemagne, ce ne sont pas les très grandes entreprises, ce sont les entreprises moyennes par exemple.
R.- Oui, vous avez tout à fait raison et j'y viens, c'est mon troisième point. Deuxième point, le commerce extérieur ne mesure aujourd'hui que les produits, c'est-à-dire les flux de produits qui passent les frontières. Cela ne mesure pas les échanges de services, et notamment les chiffres du tourisme ne se retrouvent pas dans la balance du commerce extérieur, ce qui est quand même un peu aberrant quand on sait que la France est le quatrième exportateur de services. Troisième point, il y a des phénomènes de nature structurelle qu'évidemment nous devons attaquer de front, et c'est ce que mon secrétaire d'État au Commerce extérieur et aux Entreprises, H. Novelli, va s'attacher à faire avec un plan qu'il a appelé "Force 5", qui me paraît tout à fait approprié pour mettre les entreprises françaises en mesure de rivaliser avec les entreprises allemandes. Alors qu'est-ce qu'on doit faire ? On doit leur permettre de croître en taille. La taille moyenne de l'entreprise allemande exportatrice, elle est deux fois supérieure à la taille moyenne de l'entreprise française exportatrice. On le sait : plus on est gros, plus on exporte. Donc il faut impérativement, c'est le sens de la lettre de mission que m'ont confiée le Premier ministre et le président de la République, c'est de faire passer 2.000 PME à plus de 500 salariés. C'est vraiment un objectif que nous devons poursuivre, parce que plus on est gros, plus on exporte et si les entreprises françaises sont en mesure de concurrencer les entreprises allemandes, clairement, nos exportations se porteront mieux.
Q.- Alors, croissance dérisoire...
R.- Non !
Q.- Non ?
R.- Je ne suis pas d'accord avec vous.
Q.- Mauvais chiffres ou pas ? Franchement, C. Lagarde ?
R.- On a une croissance molle au deuxième trimestre 2007.
Q.- Oui, au deuxième trimestre. J'ai lu dans la presse que vous maintenez votre chiffre pour la fin de l'année, 2,5-2,7 %...
R.- Nous maintenons ; 2,25, c'est 2,25 le prévisionnel de croissance sur l'année 2007.
Q.- Oui, entre 2,25 et 2,5.
R.- 2,25 sur 2007 et 2,5 sur 2008. On maintient le prévisionnel pour les besoins de notre budget et pour la prévision de notre déficit budgétaire et de notre endettement. Donc, ces chiffres-là, on les tient et ce n'est pas dans la semaine de la publication d'un chiffre trimestriel qu'on va réviser soudainement tous nos chiffres. Mais je dis "croissance molle" pour le deuxième trimestre et qui s'explique. Elle s'explique dans deux domaines. D'abord parce que l'ensemble des pays européens, à l'exception de la Grande Bretagne, je vous l'accorde, a aussi en ce moment une croissance plutôt ramollie. Deuxièmement, comme cela s'est passé en 2002, comme cela s'est passé en 1995, comme cela s'est passé en 1988, le deuxième trimestre d'une année d'élection présidentielle est toujours plus mou que la prévision. Pourquoi ? Tout simplement parce que les acteurs économiques sont dans l'attente de ce qui va se passer, qui sera le Président, quel sera le Parlement en l'espèce, puisqu'on avait à la fois présidentielle et parlementaires. Cela amène les acteurs économiques à différer leurs décisions d'investissement et souvent leurs décisions d'achat et d'embauche. Je pense qu'on aura un troisième et un quatrième trimestres qui seront beaucoup plus solides, beaucoup plus forts que le deuxième trimestre 2007.
Q.- Je vous repose la question que je voulais vous poser tout à l'heure : faut-il taxer les produits importés ?
R.- Ce sont des mesures qu'on ne peut prendre que dans un cadre européen et conformément aux dispositions de l'Organisation mondiale du commerce. Donc une mesure qui viserait exclusivement à taxer les produits importés, on ne peut pas, dans le cadre national, la prendre.
Q.- Il y a des questions qui sont posées par les auditeurs, bien évidemment... [...] Bernard qui est dans le Var, dit : "Est-ce que les objectifs que vous maintenez ne sont pas irréalisables ?".
R.- Ils sont très ambitieux et je crois qu'on doit tout mettre en oeuvre pour les atteindre. Je crois que cette croissance, telle qu'elle est aujourd'hui, molle comme je l'ai dit, justifie pleinement les mesures que nous avons prises dans le cadre du projet de loi travail, emploi, pouvoir d'achat, pour redonner de l'air aux entreprises, pour leur permettre d'être plus productives et pour redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs français. Je crois que cela justifie amplement les mesures que nous prendrons dans le cadre de la modernisation de l'économie française que moi j'appelle "le desserrement des freins à la croissance" qu'on constate aujourd'hui dans de nombreux domaines. Il faut impérativement mettre la France en état de concurrence avec les grands acteurs du commerce international.
Q.- L'État doit faire des économies, vous êtes d'accord avec moi ?
R.- Oui, bien sûr.
Q.- Absolument. Y a-t-il trop de fonctionnaires dans ce pays ?
R.- Les mesures qui ont été préconisées par le président de la République dans le cadre de sa campagne et que nous commençons à mettre en oeuvre dans le cadre du budget 2008 vont exactement dans ce sens.
Q.- Donc il y a trop de fonctionnaires ?
R.- Rendre un meilleur service avec moins de personnes, c'est possible aujourd'hui tout simplement parce qu'on a des moyens technologiques différents, parce qu'on a des capacités d'organisation différentes et parce qu'on a tous la volonté politique de rendre aux Français le service qu'ils méritent à un moindre coût. C'est ce que font toutes les entreprises.
Q.- Est-ce que vous auriez aimé qu'on aille plus loin que les chiffres annoncés ? Qu'on fasse un effort supplémentaire sur les dépenses de l'État ?
R.- Je respecte les décisions qui ont été prises par les uns et par les autres. Le Premier ministre nous a tous engagés à la rigueur, nous a tous engagés à la réduction de nos effectifs chaque fois que c'était possible dans le cadre du maintien d'un bon service public aux Français. C'est ce qu'il souhaite d'ailleurs. Donc les décisions qui ont été prises sont ce qu'il fallait faire.
Q.- Dans votre administration, combien de départs à la retraite non remplacés ?
R.- Nous sommes dans des bons chiffres puisque nous remplissons les engagements présidentiels.
Q.- C'est-à-dire ?
R.- Je n'ai pas le chiffre précis à l'unité près, parce que vous savez qu'on travaille en équivalent temps plein. Il y a un certain nombre de fonctionnaires qui travaillent soit à temps plein, soit à temps partiel et en équivalent temps plein, c'est très certainement les engagements présidentiels qui sont tenus, donc un départ sur deux qui n'est pas remplacé.
Q.- Tiens, Christophe qui a une question de base [...].
Christophe : J'aurai voulu savoir qu'est-ce que vous comptiez faire pour que moi, jeune, 25 ans aujourd'hui, qu'est-ce que vous comptiez faire pour que je puisse devenir propriétaire avec 1.000-1.100 euros par mois, sachant que je suis célibataire. Si c'est pour avoir un crédit sur 40 ou 50 ans, je ne pense pas que ce soit la solution.
R.- Il y a deux directions dans lesquelles on travaille. Premièrement, il y a un certain nombre de logements en accès à la propriété qui sont mis sur le marché de manière intensive, et ce depuis environ deux ans. On va poursuivre cet effort-là pour permettre justement à des salariés à revenus modestes d'accéder à la propriété, parce qu'on considère que la propriété c'est un moyen, un, d'être un peu titulaire d'une partie du sol de France et puis, deux, d'être sous son toit et d'être propriétaire de sa maison. Cela, c'est la première direction, donc des logements qui sont à des prix raisonnables et en accès à la propriété. Deuxième direction : le président de la République, et j'ai emboîté le pas dès que j'ai été nommée, a demandé à l'ensemble des grandes banques de réfléchir aux moyens selon lesquels on peut consentir du crédit, en particulier du crédit hypothécaire, à des futurs propriétaires aux revenus modestes, parce qu'il n'est pas juste de ne prêter qu'aux riches. C'était exactement le sens de la campagne du président de la République. Donc les grandes banques, aujourd'hui, sont en train de réfléchir à la façon dont on peut faire des crédits à des personnes qui ont, soit des revenus modestes, soit des revenus irréguliers. Il y a aussi le cas des gens qui gagnent de l'argent pendant une certaine période, par exemple qui ont des contrats d'intérim pendant six mois, qui ont un CDD et qui ensuite ont des périodes de non-emploi. Donc c'est dans ces deux directions que nous réfléchissons actuellement, y compris d'ailleurs avec des durées d'endettement qui peuvent être longues. Je crois qu'il faut, et les banques vont le faire sans aucun doute, nous faire des propositions sur des...
Q.- Il va falloir les bousculer un peu les banques, C. Lagarde, parce que...
R.- Oui, croyez-moi nous le faisons. Je les revois à la rentrée, je les ai vues au mois de juillet en leur demandant de travailler à fond sur ces questions-là et elles vont le faire. C'est vraiment un impératif mais il faut faire attention aussi. La crise de l'immobilier américain que l'on constate aujourd'hui, c'est exactement l'excès du mécanisme que nous ne voulons pas appliquer, c'est-à-dire ce mécanisme qui consiste à mettre en place des prêts sur des débiteurs à risques, à les repackager, à leur redonner une bonne façade et puis ensuite à les faire circuler dans l'économie. Donc il faut qu'on soit à la fois très attentif au besoin que vous exprimez, Christophe, c'est-à-dire celui d'être propriétaire de votre maison, et en même temps, il ne faut pas qu'on s'amuse à financiariser ces produits de manière trop spéculative. Donc voilà les deux directions dans lesquelles on travaille et j'espère très vivement que vous pourrez en bénéficier.