Interview de M. André Santini, secrétaire d'Etat à la fonction publique, à "LCI" le 6 septembre 2007, sur la gestion rigoureuse de la fonction publique en termes d'effectifs ou de pouvoir d'achat, sur le dialogue avec les syndicats et la question de la réforme des retraites pour les régimes spéciaux.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- A. Santini, bonjour.1,8% de croissance en 2007 selon l'OCDE et non 2,2%. Est-ce qu'il ne faut pas passer d'urgence à la rigueur ?

R.- La gestion doit être rigoureuse, mais la rigueur n'est pas d'actualité. C'est un petit mot qui a fait florès, et que tout le monde a bien précisé. Vous allez me dire : alors, les fonctionnaires, s'il y a la rigueur, non, il n'y a pas de plan de rigueur, on vous l'a dit, il y a une gestion rigoureuse.

Q.- Alors, la gestion rigoureuse, N. Sarkozy dit aujourd'hui, "pour que la croissance revienne, eh bien, il faut aller la chercher. Je vais aller la chercher en accélérant les réformes". Est-ce qu'accélérer les réformes, c'est être encore plus rigoureux sur la gestion, c'est-à-dire, quand même, serrer le robinet à argent ?

R.- Il est incontestable que notre endettement est considérable, 1.200 milliards d'euros, que nous avons un déficit qui va être réduit, grâce à l'action de mon ami E. Woerth. Mais évidemment, la dépense et la masse salariale en cause des fonctionnaires fait partie de ce déficit. Mais ce n'est pas sur le dos des fonctionnaires qu'on va combler le déficit. Il faut...

Q.- Alors, il y a un bon moyen de réduire cette masse salariale, c'est de ne pas remplacer les fonctionnaires qui partent à la retraite. Un sur deux ne sera pas remplacé, avait dit le candidat Sarkozy, et puis, finalement, avec 22.700 suppressions de postes, c'est un sur trois. Vous avez reculé. Il faut remonter à 30, 35.000 postes non remplacés. Qu'est-ce que vous allez faire ?

R.- Quelle est la raison de ce un sur deux seulement ? Eh bien, c'est simplement l'opportunité démographique, nous avons - c'est vrai - beaucoup de fonctionnaires en France, nous en avons - vous parlez de l'OCDE - nous en avons plus que les pays de l'OCDE...

Q.- Alors vous avez dit 24% de la population active, ce n'est pas tout à fait vrai, vous avez noirci le tableau, c'est moins ?

R.- Cela dépend de la définition de la population active, puisque dans la population active, il y a les salariés et les non salariés, alors, vous voyez. Ce sera d'ailleurs un des premiers points que nous aurons pour la discussion avec les syndicats, que l'on ait au moins des éléments de langage communs. Par exemple, pour la discussion du pouvoir d'achat, il a baissé ou il n'a pas baissé, eh bien, on essaiera de trouver les points communs pour discuter ; ce qui se fait dans le privé.

Q.- Alors vous discutez avec les syndicats. J.-C. Mailly, mardi, B. Thibault, aujourd'hui, et d'autres. Dans quel état d'esprit...

R.- Et monsieur Chérèque également. Nous avons vu monsieur Chérèque. Tout à l'heure, je vois B. Thibault avec E. Woerth, oui.

Q.- Dans quel état d'esprit les trouvez-vous ? Ils cherchent le conflit ?

R.- Je n'ai pas le sentiment qu'ils cherchent le conflit, moi, je découvre, pour la plupart, parce que dans mes fonctions précédentes, je n'avais pas le contact, je découvre des gens intelligents, responsables, et qui, je pense, veulent un véritable dialogue. Je rencontre, bien sûr, tous les syndicats de la Fonction publique, et il y a huit grandes organisations syndicales, qui sont attachées à la défense de leurs mandants. Et pour les grandes réunions que nous allons organiser, nous aurons en outre la présence des grands responsables de confédérations. Je suis très heureux des contacts avec eux. Nous pouvons dialoguer franchement, et je suis persuadé que nous allons avancer.

Q.- Alors N. Sarkozy prononce un grand discours, mercredi prochain, sur la Fonction publique. Est-ce qu'il reprendra l'expression et l'idée de plan de rigueur ou de gestion rigoureuse ?

R.- Il parlera avec ses mots, mais il y a aussi des contraintes dans la gestion de la Fonction publique. Son rôle, ce n'est pas d'être le Père fouettard. Il veut, au contraire, que l'on revalorise la Fonction publique. Pour la première fois, nous avons un chef d'Etat qui s'intéresse réellement à la Fonction publique. Il m'a dit : "on ne pourra pas modifier la gouvernance de la France sans modifier la Fonction publique". Et il veut faire des choses pour les fonctionnaires. Il a déjà annoncé la revalorisation de leur statut, le problème des heures supplémentaires, et surtout, établir des idées, comme la mobilité, permettre à nos fonctionnaires de changer de catégorie, le regroupement des corps ; tout cela, c'est autant d'éléments négatifs (sic) pour la gestion de la Fonction publique.

Q.- Alors pour revaloriser, eh bien, il y a un bon moyen, on augmente les salaires. Allez-vous ouvrir des négociations salariales, notamment sur le point d'indice, J.-C. Mailly dit : "oui, on m'a promis que ça allait s'ouvrir". B. Thibault dit : je n'ai rien entendu de tel". Qu'en est-il vraiment ?

R.- E. Woerth - j'étais présent quand il a rencontré monsieur Mailly - a dit :" je ne suis pas contre une ouverture, mais vous connaissez la situation financière". E. Woerth est quelqu'un de rigoureux, alors là, vous n'allez pas me faire enlever le mot rigueur.

Q.- Je vous l'accorde.

R.- Il faut avancer selon les marges. Une des marges attendues, c'était le non remplacement des fonctionnaires qui générait quelques dizaines de millions d'euros, qu'on allait affecter, pour moitié, à la revalorisation de la Fonction publique, et l'autre, pour désendetter l'Etat. Donc, nous n'avons pas de grande marge de manoeuvre. Et E. Woerth, actuellement, regarde, bien sûr, sous le contrôle du Premier ministre...

Q.- Donc les salaires n'augmenteront pas beaucoup ? Il n'y a pas d'argent pour augmenter les salaires ?

R.- Les salaires de la Fonction publique augmentent, malgré tout, régulièrement. Nous avons un autre point, c'est le fameux point d'indice, auquel les syndicats sont très attachés. Il ne représente que 25% de l'augmentation du pouvoir d'achat. Nous voulons, là aussi, qu'on aille plus loin, vers le mérite, qu'il n'y ait pas que des événements automatiques ; bientôt, on va être gouverné à l'échelon ancienneté, donc ça, ce n'est pas très tonique.

Q.- Alors, le pouvoir d'achat a baissé de 6%, disent les syndicats de fonctionnaires - vous contestez ce chiffre - depuis 2000 ?

R.- Vous avez bien fait d'ajouter depuis 2000 ; nous contestons quand même ce chiffre. Nous pensons même que l'an dernier, il a augmenté, pas beaucoup. Là encore, il faudra qu'on ait un élément statistique, qu'on arrête cette bataille de polochons.

Q.- Alors la conférence sur la cohésion sociale, qui va parler de la Fonction publique, s'ouvrira en octobre. Qui seront les rapporteurs ? Qui allez-vous désigner pour piloter cette conférence ?

R.- Les noms ne sont pas arrêtés, nous en sommes au casting, ce seront des fonctionnaires, il y aura... dans ces conférences, il y aura d'abord les grandes confédérations syndicales, qui seront présentes ; il y aura nos organisations syndicales, parce que conférences, cela veut dire "ateliers" ; ce n'est pas une grand messe, et puis, ce sera pendant des semaine, Nous irons, avec E. Woerth, en province pour animer différents ateliers. Il y aura les employeurs, pour la première fois, c'est-à- dire l'Association des Maires de France, des présidents de conseils généraux, des présidents de conseils régionaux, la Fédération hospitalière, parce que jusqu'à maintenant, ces deux fonctions territoriales et hospitalières recevaient l'oukase, "on augmentait de ça". Vous vous rendez compte que depuis 1998, il n'y a pas eu d'accord salarial signé ; on parle du dialogue social, ce n'est pas vrai. Donc, il faut qu'on remette tout à plat. Mais encore une fois, ce qui est important, c'est ce climat de confiance et de respect qui est en train de se mettre en place.

Q.- Alors, pour accroître encore la confiance, est-ce que vous promettez aujourd'hui aux syndicats de ne pas réformer les régimes spéciaux de retraite par décret, ils craignent beaucoup le décret ?

R.- Je crois que cela n'a jamais été évoqué, par décret, les régimes spéciaux. C'est une affaire qui a été tranchée par le corps électoral.

Q.- On va les réformer ?

R.- Le président de la République s'y est engagé, la forme, eh bien, c'est lui qui décidera.

Q.- Alors, tout de même, les salariés du privé, on calcule leur retraite sur les vingt-cinq dernières années, et les fonctionnaires, sur les six meilleurs mois de leurs émoluments. Vous allez mettre un terme à cette injustice ?

R.- Je ne crois pas que, dans l'immédiat, il y ait modification.

Q.- Vous supprimez le régime spécial de retraite des parlementaires dans la réforme ?

R.- Je ne vois pas comment on y échapperait. Ce n'est pas facile, mais nous sommes bien conscients, et je suis sûr que le président de la République insistera. Ce ne sera pas très populaire chez mes collègues.

Q.- Et à GDF, qui va fusionner avec Suez, on va perdre aussi le régime spécial ?

R.- Je ne connais pas le statut de GDF, mais si GDF est rattaché à d'autres régimes spéciaux, il y aura uniformité.

Q.- Crise, plan social dans le fret, contestation du service minimum, est-ce que la SNCF va basculer dans le conflit ?

R.- Je ne sais pas. La SNCF est une grande organisation. Madame Idrac est une grande présidente. C'est vrai que le fret, quand même, quand on voit les chiffres, ce n'est pas facile. Et on a promis qu'il n'y aurait pas de suppression de poste, n'est-ce pas. Donc...

Q.- Plan social tout de même ?

R.- Je ne sais pas, je ne m'aventure pas.

Q.- R. Dati est contestée par les magistrats, sept membres de son cabinet ont quitté leur poste. Est-ce qu'elle est le maillon faible du gouvernement ?

R.- Mais il n'y a pas de maillon faible dans le gouvernement, chacun est un maillon faible. Nous sommes choisis par le président de la République sur proposition du Premier ministre, donc il n'y a pas des supers ministres, des starlettes, et puis, des gens nettement en dessous...

R.- Il y a des vieux politiques expérimentés, blanchis sous le harnais comme vous, et puis, il y a des jeunes femmes un peu tendres peut-être, qu'on a mises à des postes trop durs pour elles ?

R.- Eh oui, mais ces jeunes femmes tendres, comme vous dites, elles représentent quelque chose : issue vraiment de l'immigration, douze enfants, des études, un respect reconnu, c'est quand même formidable, la gauche n'a jamais osé faire ça. Alors qu'aujourd'hui, certains journaleux s'attaquent à Rachida... Depuis ce matin, on ne parle que d'elle à propos de son cabinet, ce n'est pas normal quand même. Je ne demande pas la pitié pour elle, elle n'a besoin de rien, c'est une femme énergique, qui s'est fait toute seule, et qui a du ressort, mais on ne peut pas s'occuper un peu de la Coupe du monde de rugby.

Q.- Au printemps, vous étiez venu ici, vous aviez dit : "moi, je n'aspire qu'au ministère des fruits confits" ; alors, vous êtes à la Fonction publique, c'est un peu plus sérieux, mais finalement, est-ce que ce n'est pas la même chose, parce que de toute façon, Sarkozy s'occupe de tout ?

R.- Mais, ce n'est pas ça. Moi, j'ai la chance, encore une fois, que N. Sarkozy s'occupe vraiment de ce secteur. Donc je ne me sens absolument pas minoré quand il donne des conseils ou des instructions. Le Premier ministre est un très bon chef de patrouille, je l'ai vu encore hier, pour d'autres sujets. Il y a vraiment un très bon climat. Vous savez, en politique, il faut apprendre la souplesse, l'écoute, le respect de l'autre, c'est comme ça qu'on finit par faire avancer les dossiers. Moi, je suis un vieux, un vieux crabe, comme vous dites, donc j'ai accepté cette fonction parce que je pense que j'allais essayer de faire avancer les dossiers.

R.- Est-ce que l'administration doit cesser d'utiliser des numéros Verts surtaxés pour l'usager ?

R.- Je suis plutôt favorable effectivement à cette suppression, ce n'est pas normal.

Q.- A. Santini, merci. Bonne journée.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 6 septembre 2007