Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur la nécessité de construire 120 000 logements sociaux ainsi que sur son attachement au financemenrt du logement social par le livret A, Lyon le 19 septembre 2007.

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Circonstance : Coctail offert par de la Caisse des Dépôts et Consignations à Lyon le 19 septembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Cher Président, (Michel DELEBARRE)
Monsieur le Directeur général, (Augustin de ROMANET)
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse de vous retrouver cet après-midi et je tiens à remercier chaleureusement, à la fois le Président Michel DELEBARRE qui nous accueille tous avec son brio habituel au Centre des Congrès, et le Directeur Général de « LA Caisse », Augustin de ROMANET.
Depuis lundi, mon ministère est installé place Bellecour, à quelques mètres de la statue de Louis XIV qui trône en son milieu. Louis le Grand est vraisemblablement de nos monarques, celui qui donna la plus grande impulsion pour bâtir une France centralisée. Il fit valoir pour s'en justifier, qu'il pourrait mieux gouverner la France si lui, sa cour, les hauts dignitaires du royaume se trouvaient réunis à Versailles dans son vaste château.
Trois bons siècles plus tard, la décentralisation a beau être devenue, la grande affaire de la nation, Paris concentre toujours sur ses 100 Km2, tous les ministères, l'essentiel des sièges sociaux des grandes entreprises et une part écrasante du pouvoir médiatique.
Lorsque j'ai appris que 3 grands évènements touchant au secteur du logement allaient se tenir à peu près à la même période à Lyon: le congrès de l'USH, celui des notaires et celui de la fédération des Promoteurs -Constructeurs, j'ai eu l'idée de transporter mon ministère, ici, sur la plus grande place piétonne d'Europe.
J'ai tenu en effet à montrer à tous la capacité d'un ministre à bousculer ses habitudes. Mon voeu étant d'obtenir de toutes les composantes du monde du logement qu'elles acceptent d'en faire autant.
Il y a plus d'un siècle, votre institution consentait ses premiers crédits au logement social. Peu après, avec la Loi Loucheur en 1928, elle est devenue le n°1 du financement du logement social en France.
Au lendemain de la Première guerre mondiale, le même Louis Loucheur, déplorant que la Caisse des dépôts n'ait consenti que 5 millions et demi de prêts pour la construction, déposa avec un élu lyonnais, Laurent Bonnevay, un projet de loi visant à engager les Pouvoirs publics sur un programme de construction de 500 000 logements sur 10 ans. Le projet fut rejeté.
500 000, c'est exactement, le nombre de logements que nous voulons construire non plus en 10 ans mais chaque année. Et parmi ces 500 000, 120 000 seront des logements sociaux. C'est un défi gigantesque; mais, c'est un défi que nous devons relever parce qu'il est à la hauteur des besoins. De nombreux Français n'ont pas accès au logement, ou bien dans des conditions de confort et de coût qui sont inacceptables. Voilà la situation à laquelle nous sommes confrontés et à laquelle il faut apporter remède. Cela suppose, pendant plusieurs années, de combler le déficit actuel de logements et donc de construire, longtemps, beaucoup, là où les besoins sont les plus forts, et dans tous les maillons de la chaîne du logement.
Le Groupe Caisse des dépôts et consignations est naturellement une pièce maîtresse du grand Chantier national que je viens lancer ici et j'ai aujourd'hui une ou deux choses que je souhaiterais vous dire. J'aimerais avant tout réaffirmer au nom de l'Etat français notre attachement au « circuit du Livret A pour le financement du logement social », comme vous venez de le rappeler pour la Caisse des Dépôts et consignations et l'Union Sociale pour l'Habitat et comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier soir aux invités des Caisses d'Epargne.
Tout le monde sait que la distribution actuelle du Livret A est remise en cause par une décision du 10 mai 2007 de la Commission européenne. Je ne m'étendrai pas sur le sujet car chacun sait également que parallèlement aux contentieux nationaux en cours au Conseil d'Etat sur la même question, l'Etat français a déposé un recours devant la Commission. De plus, nous attendons dans le courant de cet automne les fruits imminents de la réflexion de la mission CAMDESSUS.
Vous pouvez être certains que j'examinerai très attentivement et avec une vigilance à la hauteur des enjeux colossaux pour les 46 millions de Français attachés au Livret A, toute évolution qui aurait pour conséquence le moindre déséquilibre du financement du logement social. Vous savez parfaitement combien je demeurerai attentive aux conditions de bancarisation des populations défavorisées, puisque le livret A et le livret Bleu sont utilisés comme unique compte bancaire par environ 660 000 de nos concitoyens. Le contraire annihilerait une partie de mes efforts en faveur du développement et de l'amélioration du parc locatif social. Mais revenons à la convention signée aujourd'hui avec le soutien franc et massif du gouvernement. Qu'il s'agisse de concertation accrue entre les institutionnels du logement social, de mise en place d'un dispositif permanent de recueil des attentes améliorant in fine la production de logements locatifs sociaux, de promotion du développement durable avec le lancement de toute une série d'initiatives exemplaires, de renforcement de la qualité urbaine des projets, d'augmentation de l'effort pédagogique par la création, après la première école de la rénovation urbaine, d'une seconde école de l'Accession Sociale à la Propriété (ASP) cofinancée par la CDC et la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social (CGLLS) ou d'un institut de formation de la maîtrise d'ouvrage de la ville, d'innovations en termes de formules de dissociation du foncier et du bâti ou de co-portage foncier, d'accession sociale, de satisfaction des besoins de services à la personne et par conséquent le plus souvent de qualité de service rendu par les organismes aux habitants. Tout cela concourt à l'évidence au bien commun et à la réalisation des objectifs ambitieux fixés par le Président et le Premier Ministre.
Pour les années à venir, l'ensemble des Organismes de Logement Social (OLS) se trouvent confrontés à de nouveaux enjeux dont l'ampleur et l'accumulation sont inédites : le développement de l'accession sociale à la propriété dans le neuf et dans l'ancien, la satisfaction des demandes de logements locatifs sociaux dans des délais raisonnables, la mise en oeuvre concrète des projets de renouvellement urbain dans les quartiers prioritaires de l'ANRU...
Par ailleurs, il est certain que la prise en compte dans l'habitat des objectifs nationaux en matière de développement durable devra faire l'objet de démarches systématiques et volontaristes de la part des organismes HLM. Nous approfondirons tout cela dans le cadre du Grenelle de l'environnement que prépare activement Jean-louis BORLOO. Je suis soucieuse de baisser la facture énergétique des locataires et des propriétaires et je tiens aussi à veiller à ce que les plus modestes d'entre nous, ne soient pas laissés sur le bord du chemin. Il ne faudrait pas créer dans notre pays, une nouvelle fracture ; cette fois-ci , énergétique.
Ces rendez-vous multiples et essentiels imposent à tous les acteurs du logement social et, d'abord, à l'Union Sociale pour l'Habitat (USH) et à l'ensemble des OLS qu'elle représente un effort de productivité et de solidarité sans précédent.
De quoi s'agit-il en effet ? Il s'agit, en adaptant l'action aux besoins locaux, de construire de nouveaux logements, de réhabiliter les logements anciens et de vendre progressivement aux locataires une partie du parc existant, sans oublier d'améliorer la qualité du service rendu quotidiennement aux locataires HLM.
Quel doit être l'ordre de grandeur de cet effort ? Construire 120 000 logements locatifs sociaux par an représente une production annuelle de l'ordre de 3% du parc existant ; réhabiliter les logements tous les vingt-cinq ans équivaut à traiter, chaque année, 4% du parc ; vendre 40 000 logements, c'est vendre 1% des logements anciens.
Le réalisme commande que soient prises en compte les contraintes pratiques d'une accélération du rythme de construction, de réhabilitation et de vente.
Il implique également d'adapter l'effort aux besoins locaux : ici, la priorité ira à la construction ; là, à la réhabilitation ; ailleurs, à l'accession... Mais il est indéniable que certains territoires et, donc, certains organismes HLM seront davantage sollicités que d'autres : ceux pour lesquels l'agrégation de ces trois démarches portera, par exemple, sur plus de 3, de 4 ou de 5 % de leur patrimoine de logements. Il faut aussi que les organismes se soucient d'améliorer la qualité du service rendu aux locataires.
Il ne s'agit pas ici de distinguer les meilleurs des autres, de distribuer des « bons points » : il s'agit de prendre la mesure de la réalité du terrain et de distinguer des priorités pour concentrer les efforts sur ces priorités.
C'est la raison pour laquelle, l'Etat pourrait proposer à bref délai à l'USH et à la Caisse des dépôts de mettre au point un projet de charte d'utilité sociale à laquelle les OLS qui le souhaitent pourraient librement adhérer.
Elle comporterait, d'une part, des engagements portant sur le développement et la respiration du patrimoine social, au travers d'indicateurs synthétiques de construction, réhabilitation et vente, d'autre part, des engagements de qualité de service, simples et lisibles, que l'organisme HLM s'engagerait à respecter. Ceci pourrait s'inscrire dans le cadre des conventions globales de patrimoine qui vont par ailleurs se développer au cours des prochaines années.
En regard des engagements de renouvellement de patrimoine et de qualité de service qui sont volontairement assumés par les OLS signataires, cette charte d'utilité sociale devrait prévoir les mesures d'accompagnement que l'Etat déciderait de mobiliser à leur profit, qu'il s'agisse de possibilités de financement par les fonds d'épargne de la CDC dans des conditions spécifiquement améliorées ou de dispositions particulières, par exemple en matière d'accès au foncier public ou d'exonération fiscale (TFPB...) qu'il serait envisageable d'adopter. Tout ceci naturellement reste à étudier, à formaliser et à arbitrer.
Enfin, la préparation de cette charte d'utilité sociale pourrait utilement être assortie d'une réflexion sur les dispositifs de solidarité qui pourraient permettre aux organismes HLM dont le patrimoine et l'environnement local ne justifient pas l'engagement d'un effort exceptionnel, alors que leurs moyens financiers le rendraient possible, de soutenir les organismes les plus sollicités. Cet appui pourrait prendre la forme, par exemple, d'un soutien en fonds propres à travers l'alimentation d'un fonds de péréquation ou la mise en place de prêts participatifs à remboursement différé. Là aussi tout reste à étudier, à formaliser et à arbitrer.
Voilà donc des pistes riches de potentialité et de dynamisme, sur lesquelles je souhaite que nous avancions rapidement et efficacement. Il y en a sûrement d'autres. Je remercie par avance tous les acteurs qui voudront bien faire preuve de créativité et consentir des efforts en ce sens, c'est à dire des efforts pour tous nos concitoyens.
Et dès maintenant, je vous laisse procéder à la signature de la convention, en vous donnant rendez-vous à la conclusion du congrès de l'Union jeudi et en vous remerciant de votre attention.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 20 septembre 2007